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études-coloniales

16 avril 2007

"la faute de l'ancienne puissance occupante" (Eric Hobsbawm)

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à droite, école à Brazzaville (Congo) en 1945 (source : base Ulysee, Caom)

 

chez les décolonisés dont la situation

se dégrade, il y a une tendance à dire que

c'est la faute de l'ancienne puissance

occupante

Eric HOBSBAWM (extraits)

 

La «manie de l'histoire» atteint-elle d'autres pays que les vieux pays industrialisés ?
- La décolonisation a vu la création de nouveaux États dépourvus d'histoire, ou bien avec une histoire qu'ils ne veulent pas accepter. Plus récemment, la fin de la guerre froide a provoqué une espèce de dégel de l'histoire telle qu'elle avait été établie à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il y a des révisions historiques un peu partout qui s'imposent – ou que l'on tente d'imposer. Tout cela a ouvert un espace extraordinaire pour une réinvention de l'histoire, largement mythologique, parce que ces histoires-là ne sont pas écrites par les historiens, mais par les gouvernements, les mouvements, les organisations, les groupes de pression.

Il arrive aussi que cet emballement historique soit le fait de groupes ethniques.
- En Grande-Bretagne, il n'existait pratiquement pas de mouvements nationalistes écossais et gallois avant la fin des années 60. De la même façon, en France, sous la IIIe République, des groupes littéraires voulaient sauver le provençal, mais sans aller jusqu'à former un mouvement politique. À l'intérieur des anciennes nations homogènes, des groupes d'identité partielle se sont progressivement détachés. Aux États-Unis, ce fut la redécouverte de l'ethnicité : l'idée qu'être américain ce n'est pas simplement devenir américain, mais c'est aussi souligner sa judéité, son italianité, son irlandisme, etc. Une tendance qu'on retrouve elle aussi partout, à des degrés divers. Aux États-Unis et en France, la centralité de l'État n'est pas mise en question ; histoire_franceen Espagne, en Belgique et même en Grande-Bretagne, si.
Une nation n'existe que par sa relation au passé. Même des nations nouvelles comme l'Australie tentent de se construire des racines. Bien sûr, pour les États-Unis et l'Australie, le passé disponible est beaucoup plus court que le nôtre. Il est d'autant plus court que ces pays ne sont pas en état d'utiliser l'histoire indigène. En revanche, en Amérique latine, les colons ont réussi à accaparer la tradition aztèque et inca contre les Espagnols. Dès lors, il n'est pas étonnant qu'un groupe ethnique ou prétendument ethnique qui tente d'établir son identité se mette à inventer son histoire. Jusqu'au cas ridicule de la soi-disant Padanie qui voudrait se séparer de l'Italie, au nom d'une histoire entièrement inventée.

Jusqu'à quel point de telles entreprises peuvent réussir ?
- Cela dépend de la gravité de la crise des grands États. On peut noter en tout cas que l'Union européenne, en encourageant l'autonomie des régions, a contribué au développement des identités locales. Les nationalistes écossais, qui voulaient l'indépendance, ont constaté que cela ne marchait pas et demandent désormais l'autonomie de la région à l'intérieur de l'Europe. À Bruxelles, de telles revendications ne sont pas vues d'un mauvais oeil, car l'Europe des régions est plus maniable qu'une Europe des nations.
(...)

Comment jugez-vous la tentative d'inscrire dans la loi française les «bienfaits» de la colonisation ?
- Si on regarde l'affaire du point de vue des anciens pays colonisés, on voit que ceux qui se sentent bien dans le monde d'aujourd'hui, par exemple l'Inde ou le Vietnam, examinent leur colonisation avec une certaine sérénité. En Inde, il n'y a pas de mouvement antianglais, pas plus qu'il n'y a de mouvement antiaméricain au Vietnam – après tout, les Vietnamiens ont battu les Américains. En revanche, chez les décolonisés dont la situation se dégrade, il y a une tendance à dire que c'est la faute de l'ancienne puissance occupante. Néanmoins, à mon sens, c'est pour les anciens empires que la difficulté d'écrire une histoire équilibrée est la plus grande, et je pense qu'ils devraient s'abstenir. À cet égard, la France est l'un des rares pays qui ait cherché à passer une loi sur sa colonisation pour indiquer l'orthodoxie.

Un débat comparable au débat français a-t-il lieu en Grande-Bretagne ?
- Non, ce n'est pas une affaire brûlante. Notre empire a toujours été en dehors de l'unité nationale et a joué un rôle moindre dans l'opinion publique ouvrière, alors qu'en France une partie de l'empire, l'Algérie par498861_609859 exemple, a été partie intégrante du territoire national, ce qui pose le problème postimpérial. Mais il reste chez nous le problème de certaines minorités, chez lesquelles on trouve la tentation de juger l'empire. C'est le cas des Pakistanais islamistes, pour qui c'est une façon de signifier leur refus de s'assimiler aux Anglais. Pour une partie de l'islam, l'impéralisme n'est pas mort. Au reste, la décolonisation a été, et de loin, plus problématique au Pakistan et au Bangladesh qu'aux Indes, et l'immigration indienne est plus à l'aise avec sa présence en Angleterre.
(...)

Les jeunes Français issus de l'immigration ont-ils raison de juger que l'enseignement de l'histoire ne donne pas assez de place à leur histoire ?
- Il est légitime de critiquer les programmes scolaires et universitaires, parce que l'histoire y est en grande partie nationale et ne tient pas assez compte du fait que la population de la France ou de l'Angleterre est multiculturelle. Mais cela ne veut pas dire que n'importe quel épisode qui intéresse tel ou tel groupe doit être enseigné avec la même importance. Ces groupes sont libres de développer leur propre littérature, leurs propres institutions, etc. L'important est de réfléchir aux épisodes historiques qui, en dehors de la nation, doivent malgré tout faire partie de l'acquis d'un citoyen. En ce sens, évidemment il faudra réviser certains globalizationaspects de l'histoire nationale et rééquilibrer le rôle du pays dans le monde. Les programmes nationaux doivent s'insérer dans le contexte de l'histoire mondiale. Je ne dis pas qu'il faille substituer l'une à l'autre : après tout, les États nationaux continuent d'exister, et il est normal et légitime que les citoyens de ces pays reçoivent une éducation historique axée sur cette réalité. Mais, même si c'est difficile, il faut parvenir à trouver cet équilibre, surtout dans le contexte d'une globalisation. Là est à mon avis l'une des grandes tâches qui attend les responsables des systèmes éducatifs. Dans cette tâche, les historiens peuvent aider.

propos recueillis par Éric Aeschimann,
Libération, 14 avril 2007

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Eric Hobsbawm est né en 1917

 

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L'âge des extrêmes :
le court vingtième siècle, 1914-1991

(éd. Complexe, 2003)

 

Eric_Hobsbawm
Franc-Tireur. Autobiographie
(2005)

 

 

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15 avril 2007

archives de l'armée française sur le Maroc

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archives de l'armée française

sur le Maroc

demande d'information, par "Cheaziz"

 

recherche

Je cherche les archives de l'armée française sur le Maroc pour la période de 1930-1935. Si vous pouvez me dire l'organisme et l'adresse pour y aller faire des recherches. Merci à vous

Posté par cheaziz, jeudi 12 avril 2007 à 14:54

 

campagne_du_Maroc__1_
carte postale ancienne : campagne du Maroc, 1914 - colonne de Taza,
le général Lyautey félicitant les blessés du combat du 13 mai

 

réponse

L'organisme principal détenant des archives sur l'armée française au Maroc est le Service historique de la Défense (SHD). Et d'abord les fonds de l'Armée de Terre. Au sein de ces fonds, c'est la sous-série 3 H qui vous intéressera. Voici la présentation de cette sous-série sur le site du SHD :

 

Ce fonds comprend :

A. Des archives en provenance du 2e bureau et de la section d’Afrique du ministère de la guerre depuis l’envoi de la première mission d’instruction en 1877 jusqu’à la fin  des opérations de pacification en 1934.
B. Des archives en provenance du Maroc parvenues en deux versements : l’un vers 1935, l’autre en 1956 après l’indépendance ; elles ont été classées et regroupées par organisme.

Les journaux des marches et opérations, quand ils existent, ont été classés en tête. Puis on trouve successivement les collections de minutiers du courrier expédié et de bulletins de renseignements périodiques, ainsi que les dossiers d’affaires de chaque bureau. Des dossiers traitant des mêmes affaires existent à chacun des niveaux de décision, mais Lyautey puis Noguès ayant cumulé les fonctions de résident général et de commandant en chef, les attributions du cabinet et de l’état-major se recoupent pendant leur commandement.
Les archives des bureaux des affaires indigènes sont classées à part et font l’objet d’un inventaire particulier en cours de rédaction. Elles sont très importantes en raison des attributions politiques accordées aux régions. De nombreuses et importantes études envoyées par ces services aux 2e et 3e bureaux des états-majors de Rabat ou des régions restent classées dans les dossiers de ceux-ci et peuvent être en déficit dans le bureau d’origine.

Instrument de recherche              

Le répertoire numérique détaillé est partiellement publié :
- Répertoire des archives du Maroc, série 3 H, 1877-1960 par le chef d’escadrons Arnaud de MENDITTE et Jean NICOT, Vincennes, fasc. 1, 1982 ; fasc. 2, dactylographié.
- Guide des sources de l’histoire du Maroc au Service historique de l’armée de Terre, par Thierry SARMANT et Michel ROUCAUD, Vincennes, 2000.

Plan de classement

La sous-série 3 H comprend quatorze subdivisions :

3 H 1-153 : Section d’Afrique, puis section d’études du 2e bureau de l’état-major de l’armée, 1877-1934 : ces dossiers traitent notamment des relations avec le Maroc avant le Protectorat
(3 H 1), des frontières et des relations avec le Maroc espagnol
3 H 154-313 : Cabinet militaire de la Résidence, 1910-1958
3 H 314-752 : Commandement supérieur des troupes du Maroc
3 H 314-331 : Journaux des marches et opérations, 1907-1960
3 H 332-339: Cabinet, 1933-1961
3 H 340-384: 1er bureau, 1912-1962
3 H 385-496 : 2e bureau, 1911-1960
3 H 497-732 : 3e bureau, 1907-1960
3 H 733-752 : 4e bureau, 1947-1961
3 H 753-802 : Commandements et directions des armes et des services
3 H 803-1175 : Régions et territoires de 1912 à 1935 : Fez, confins algéro-marocains, Meknès, Marrakech, Taza, Oujda ; s’y trouvent les archives des grandes unités formées pendant la campagne du Rif
3 H 1176-1362 : Divisions territoriales de 1935 à 1956 : Fez, Meknès, Casablanca, Agadir, confins
3 H 1363-1399 : Divisions d’infanterie de 1956 à 1958
3 H 1400-1410 : Journaux des marches et opérations des petites unités pour l’ensemble de la période

Lyautey_oued_Ifran
carte postale ancienne : campagne du Maroc, 1914 - colonne de Kenifra,
le général Lyautey passe ses troupes en revue à l'oued Ifran

 

incontournable

- Guide des sources de l'histoire du Maroc au Service histoire de l'Armée de Terre, de Thierry Sarmant et Michel Roucaud, 2000.

 

On peut aussi lancer une requête "Maroc" sur le moteur de recherche interne du site du SHD et on obtient des dizaines de résultats très divers.

L'enceinte du Château de Vincennes abrite les fonds d'archives du Département de l'Armée de Terre (anciennement S.H.A.T.). L'adresse est :

Château de Vincennes
Avenue de Paris
94300 Vincennes
Tél : 01 41 93 20 95
Télécopie : 01 41 93 20 03

Métro : Château de Vincennes

Diapositive1

Diapositive1

 

* Les archives du ministère des Affaires étrangères (MAE) comportent des fonds importants sur le protectorat français du Maroc puisque ce ministère exerçait la tutelle. L'état des fonds "Protectorat Maroc, 1912-1956" est disponible sous format pdf. Ces fonds sont consultables au centre de Nantes des archives du MAE.

réponse : Michel Renard

 

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carte postale ancienne : le général Lyautey donnant des ordres

 

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14 avril 2007

Une histoire française : Dictionnaire de la colonisation (L'Express)

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1946, Brazzaville, transport d'ivoire ; wagons de la compagnie
de Chemin de Fer Congo-Océan
(source Caom)

 

Une histoire française :

le Dictionnaire de la colonisation française

par Jean-Sébastien STEHLI

 

D'horizons très divers, des historiens ont entrepris une relecture de cette période controversée. Le résultat de ce travail très attendu, présenté sous la forme d'un dictionnaire, est magistral.

On croyait bien en avoir fini avec la colonisation et, au contraire, elle n'a 12090153jamais été si présente depuis la fin de l'aventure coloniale française, il y a plus de quarante ans : vote de la loi de 2001 condamnant l'esclavage comme crime contre l'humanité, journée de commémoration du 10 mai, controverse autour du «rôle positif» de la présence française outre-mer, polémique autour de la définition de la colonisation dans le dictionnaire Le Petit Robert, souvenir soudain de la révolte des Malgaches, en mars 1947, ouverture du musée consacré aux arts premiers, à Paris, et triomphe du film Indigènes, primé à Cannes. Le passé colonial s'immisce jusque dans le débat actuel sur l'identité française qui agite la campagne présidentielle.

Ce débat - passionné, houleux, parfois strident - sur notre histoire outre-mer, ne cesse de prendre de l'ampleur. Mais, jusqu'à présent, il a surtout opposé deux camps : celui qui exigeait que l'État français fît acte de repentance en réparation des crimes de la colonisation et celui qui, au contraire, voulait que les côtés «positifs» de celle-ci fussent célébrés. Curieusement, le travail historique sérieux sur cette épopée est pauvre. Des pans entiers de l'histoire coloniale restent inexplorés. Rien, par exemple, sur la colonisation vue par les conscrits envoyés au-delà des mers depuis 1830. Pas de chiffres sur le nombre de Français ayant participé à la colonisation. Même le brillant ouvrage de Pierre Nora, Les Lieux de mémoire (Gallimard), ne lui consacre qu'un chapitre.

Le remarquable Dictionnaire de la colonisation française, rédigé sous la direction de Claude Liauzu - lui-même enfant de la colonisation, né à Casablanca en 1940 - tente de mettre un peu d'ordre dans ce gourbi. «La passion autour de cette question, explique l'historien, prouve que la colonisation n'appartient pas à un passé mort.» Avec 70 auteurs, dont des historiens éminents, tel Benjamin Stora, mais aussi des sociologues et des linguistes, au fil de 700 entrées, ce dictionnaire explore tous les aspects de notre passé colonial, en mettant en garde: «Les historiens ne sont pas les détenteurs de la vérité absolue.» Ils doiventFatou_Ciss_ aider les lecteurs à comprendre le passé.

Mais Liauzu ne s'est pas cantonné au débat franco-français. Il a fait appel à des chercheurs «nés après le désenchantement qui a suivi les fêtes de l'indépendance», ainsi qu'à des historiens des DOM-TOM et des anciennes colonies - Maghreb, Madagascar, Vietnam, Afrique. «Les problèmes qui se posent en France se posent de l'autre côté, explique Liauzu. Les historiens n'y sont pas plus à l'aise

Surtout, l'ouvrage contourne l'écueil du politiquement correct. «Il faut éviter la tentation de l'anachronisme, qui consiste à juger hier avec les critères d'aujourd'hui», affirme Claude Liauzu. Les opposants à la colonisation sont très minoritaires tout au long du XIXe siècle et dans la première moitié du XXe. En dehors des intérêts économiques qui sous-tendent les conquêtes, la grande majorité des intellectuels européens, de Jules Ferry à Karl Marx, veut propager les idéaux des Lumières. D'ailleurs, nombre de leaders des guerres d'indépendance sont les enfants de l'école républicaine. Il faut se méfier également des cycles de l'Histoire, qui veulent que celle-ci soit d'abord racontée par le colonisateur, puis qu'elle adopte le point de vue des vainqueurs des guerres d'indépendance. Depuis une petite dizaine d'années, «le balancier est revenu vers la France, qui redécouvre un passé enfoui». Ce dictionnaire démontre avec limpidité que le pays colonisateur, tout autant que les colonisés, est transformé par l'expérience coloniale.

L'originalité de ce pavé, qui se dévore comme un roman d'aventure, est de nous entraîner, de Hanoi à Tahiti et de Tombouctou à la casbah d'Alger, dans un récit qui présente le positif et le négatif, l'histoire avec une majuscule et la petite histoire, sans romantisme mais sans jugements moraux non plus. On croise Tintin et les Pieds Nickelés, Zidane, fils d'un Kabyle, Banania et son slogan «Y'a bon», et encore tous les mots venus des pays lointains ou les plats qui sont arrivés sur notre table. Le dictionnaire fourmille de sujets passionnants et inattendus, sur le corps, les femmes (et aussi sur les Européennes qui ont épousé des chefs de la rébellion), la place de l'outre-mer dans l'inspiration des artistes, les statues et les monuments aux morts des colonies.
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Mais ce Dictionnaire de la colonisation française est un véritable livre d'histoire. Pour les sujets importants - l'esclavage, l'école, la guerre d'Algérie, le gouvernement colonial, la guerre d'Indochine - Liauzu et son équipe prennent le temps d'explorer toute la complexité de la question. L'histoire de la colonisation est également une histoire d'hommes et l'ouvrage les met en scène : Abd el-Kader - en prenant soin de nous donner toutes les facettes de ce personnage complexe - Savorgnan de Brazza, Hô Chi Minh, Gambetta, Faidherbe, Malraux, Dumont d'Urville ou encore Elisée Reclus [photo ci-contre]. 220 biographies au total. On ressort de la lecture de ce livre - dans lequel il faut se laisser entraîner d'une entrée à une autre, sans but - avec des odeurs, des saveurs et des sons qui résonnent dans notre imaginaire, mais surtout des idées plus claires sur ce qu'a été l'aventure coloniale afin de ne plus en être prisonnier.

L'Express du 12 avril 2007

Dictionnaire de la colonisation française
Collectif, éd. LAROUSSE
sous la direction de Claude Liauzu.
648 pages, 26 € (170,55 FF)

 

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Moundou (Tchad), 1er avril 1959, marchand de poissons
auteur : Lancereaux (Paul), ingénieur agricole du ministère
de la  France d'outre-mer
(source : Caom)

 

 

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13 avril 2007

Les conquêtes de la France (E. Lavisse, 1929)

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Les conquêtes de la France

chap. 22 de l'Histoire de France de E. Lavisse (1929)

cours élémentaire

 

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Avant 1870, nous possédions déjà l'Algérie. La conquête avait commencé en 1830 par la prise d'Alger. Elle n'a été terminée que beaucoup d'années après. Des faits de cette guerre sont restés célèbres. La ville fut prise. Ensuite il fallut conquérir l'Algérie. La guerre dura pendant tout le règne de Louis-Philippe.

 

1 - Le combat de Mazagran
Pendant cette guerre, il y eut bien des batailles. L'Algérie est habitée par des Arabes qui sont des soldats très braves. Une des plus célèbres batailles fut celle de Mazagran. Cent vingt-trois français occupèrent un fort qui portait ce nom. Ils y furent attaqués par les Arabes. L'image vous montre des Arabes qui arrivent au grand galop de leurs chevaux. Ils sont vêtus d'un manteau blanc, qu'on appelle burnous. Vous en voyez qui tirent des coups de fusil vers le haut du mur. Nos soldats répondent. Derrière les Arabes que vous voyez, d'autres arrivèrent. Ils furent bientôt douze mille.

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Attaque par les Arabes du fort de Mazagran (p. 164)

Pendant trois jours, ils demeurèrent autour de Mazagran. Ils essayèrent de grimper à des échelles pour atteindre le haut du mur. Mais nos soldats les repoussaient à coups de crosse. Les douze mille Arabes virent qu'ils ne viendraient jamais à bout des cent vingt-trois Français, et ils s'en allèrent.
Dans toute la France, on parla du combat de Mazagran. Tout le monde fut fier de la vaillance de nos soldats.

2 - Une école en Algérie
Aujourd'hui, toute l'Algérie est soumise à la France. Cinq cent mille Français habitent en Algérie. les villes anciennes se sont tant embellies qu'on ne les reconnaît plus. Il y a des villes nouvelles et surtout des villages nouveaux en très grand nombre.

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une école de petits Français et de petits Arabes en Algérie (p. 165)

L'image vous représente une école en Algérie. Parmi les élèves, vous en voyez qui sont habillés comme vous. Ce sont de petits Français. Les autres sont vêtus du burnous blanc. Ce sont de petits Arabes. L'instituteur et l'institutrice sont des Français. Ils enseignent aux petits Français et aux petits Arabes tout ce que vous apprenez à l'école. Les Arabes sont de bons petits écoliers. Ils apprennent aussi bien que les petits Français. Ils font d'aussi bons devoirs.
La France veut que les petits Arabes soient aussi bien instruits que les petits Français. Cela prouve que notre France est bonne et généreuse pour les peuples qu'elle a soumis.

3 - La bonté de la France
Vous avez vu des marchés, où l'on vend des chevaux, des vaches et d'autres animaux. Dans beaucoup de pays d'Afrique habités par les nègres, il y a des marchés où l'on vend des hommes. Celui qui les achète les attache deux par deux, l'un derrière l'autre. Ils ont le cou serré dans un collier ; leurs jambes sont liées l'une à l'autre par une corde. Ils peuvent marcher, mais ils ne peuvent pas courir pour se sauver. Ces malheureux s'appellent des esclaves. Un esclave appartient à l'homme qui l'a acheté, comme une bête appartient à son maître.
L'esclavage est donc une chose abominable. Aussi la France ne veut pas qu'il y ait des esclaves dans les pays qu'elle possède.

Regardez l'image. Vous y voyez un homme debout près d'un drapeau. Cet homme est un Français qui s'appelle Brazza. Il porte des vêtements tout blancs et un chapeau en liège, recouvert de toile blanche. Deux autres Français sont vêtus de la même façon. C'est à cause de la grande chaleur qu'ils sont ainsi habillés.
Brazza fut un homme admirable. Il voyagea dans un grand pays d'Afrique appelé le Congo. Il ne fit pas de mal aux habitants. Il leur parlait doucement, et leur demandait d'obéir à la France. Quand ils avaient promis, il plantait par terre une grande perche, en haut de laquelle on hissait le drapeau français. Cela voulait dire que ce pays-là appartenait à la France.
Un jour où le drapeau fut hissé près d'un village du Congo, une troupe d'esclaves passa. Brazza la fit arrêter et il dit : "Partout où est le drapeau de la France, il ne doit pas y avoir d'esclaves".

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Brazza délivre des esclaves (p. 167)

Et vous voyez que l'on enlève aux esclaves les colliers qui emprisonnent leurs cous et les cordes qui lient leurs jambes. Deux de ces pauvres gens qui viennent d'être délivrés sont si joyeux qu'ils font des cabrioles.
Cela prouve encore que la France est bonne et généreuse pour les peuples qu'elle a soumis.

4 - Les propriétés de la France
La France possède aujourd'hui hors de l'Europe un grand nombre de pays. D'un côté de l'Algérie, nous avons la Tunisie, et de l'autre côté, le Maroc.
Dans d'autres parties de l'Afrique, nous possédons encore de grands territoires.
En Asie, nous avons aussi de vastes possessions dans un pays que l'on appelle l'Indo-Chine.
Une grande partie de ces conquêtes ont été faites par la République après la malheureuse guerre de 1870. Les pays que nous possédons sont vingt fois plus vastes que la France. Ils sont habités par cinquante millions d'hommes. Des hommes blancs comme nous dans l'Afrique du nord, des hommes noirs dans d'autres parties de l'Afrique, des hommes jaunes en Indo-Chine. Partout la France enseigne le travail. Elle crée des écoles, des routes, des chemins de fer, des lignes télégraphiques.
La France a le droit d'être fière de ces conquêtes. Elle est reconnaissante envers ses marins et ses soldats, dont beaucoup sont morts en combattant dans ces pays lointains.

Résumé

1. En 1830, les Français ont pris Alger. Ensuite ils firent la conquête de l'Algérie. Il y eut beaucoup de batailles. À Mazagran, cent vingt-trois Français ont été vainqueurs de douze mille Arabes.

2. Les Français ont créé en Algérie des écoles où les petits Arabes sont instruits avec les petits Français.

3. Un Français, Brazza, a conquis sans batailles de grands territoires au Congo. Il a délivré des esclaves et fait beaucoup de bien dans le pays.

4. La France possède aujourd'hui, en Afrique, l'Algérie, la Tunisie, le Maroc, et d'autres territoires encore. Elle possède en Asie une grande partie de l'Indo-Chine.

 

Questionnaire

- Regardez l'image de la page 164. Comment sont habillés des Arabes ? Que font-ils ?
- Regardez l'image de la page 165. Expliquez ce que vous voyez. Pourquoi la France fait-elle instruire les petits Arabes ?
- Regardez l'image de la page 167. Qui est l'homme debout auprès du drapeau ? Pourquoi est-il habillé de blanc ? Que portent autour du cou les nègres que vous voyez ? Qu'a dit Brazza en voyant arriver une troupe d'esclaves ?
- Dites quels sont les pays que la France possède en Afrique et en Asie.

 

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"Les conquêtes de la France"
chap. 22 de l'Histoire de France de Lavisse (1929)
cours élémentaires, classes de 10e et 9e des lycées et collèges
(garçons et jeunes filles), p. 163-169

 

* voir aussi : Ernest Lavisse (1942), "l'oeuvre coloniale de la Troisième République"

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Commentaire - Il est remarquable que, dans ce texte - à visée édifiante -, les mots "colonie", "colonial" ou "colonisation" ne soient jamais mentionnés. On parle de "conquêtes", de "territoires", de "propriétés", de "possessions". L'homme qui personnifie l'oeuvre coloniale de la France est Brazza, seul nom cité. La colonisation décline trois de ses facettes : la confrontation militaire ("vaillance"), l'oeuvre scolaire ("générosité") et l'émancipation des esclaves ("bonté").

Sur ce dernier point, il faut noter des associations linguistiques surprenantes : la France soumet des pays dont elle émancipe la population servile. Aujourd'hui, les champs lexicaux de la "soumission" et de "l'émancipation" auraient plutôt tendance à s'exclure... À l'époque ils sont complémentaires. Mais il est vrai que c'est la colonisation qui a aboli l'esclavage.

Michel Renard




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12 avril 2007

toute histoire coloniale peut être relue et commentée... (Pierre Joxe)

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toute histoire coloniale

peut être relue et commentée...

Pierre JOXE

 

interview de Pierre Joxe, président de l'association France-Algérie

(...)

- Pour construire l’avenir, pour mieux asseoir une coopération dense, la jeunesse a besoin de connaître l’histoire, de savoir ce qui s’est passé entre les deux pays. Qu’est-ce qui empêche l’Etat français de reconnaître les méfaits de son passé colonial en Algérie, comme cela a été le cas par exemple pour Madagascar ?
Pierre Joxe - Vous nommez Madagascar, vous avez raison. La guerre était à peine pierre_joxefinie, j’avais 12 ans, quand on a appris les massacres de Madagascar. On était horrifiés. Madagascar a été une crise horrible qui a duré quelques mois, mais qui, malheureusement, a été étouffée. La décolonisation à Madagascar et en Afrique noire a été ensuite accélérée par les lois-cadres Deferre de 1956. Au même moment, en Algérie, en 1944, 45, 46, 47 il y a eu ce qu’on a appelé des troubles, un début de guerre d’indépendance, mais la fiction que l’Algérie était composée de trois départements français a fait que pendant longtemps ce «droit-là» dominait. La décolonisation de l’Afrique noire a été beaucoup plus rapide, pacifique, que celle du Maghreb. Je ne parle pas de l’Indochine, c’est Dien Bien Phu qui a amené au pouvoir Mendès France, lequel a signé les accords de Carthage pour l’indépendance de la Tunisie, a engagé les discussions au Maroc et, lorsqu’en 1956 les élections ont amené la victoire du Front républicain, nous pensions tous que l’indépendance de l’Algérie allait suivre. Malheureusement, on s’est trompés.

Pourquoi est-ce qu’on a tellement dissimulé la réalité coloniale de la France en Algérie ? Je pense, en partie, parce que les forces politiques et économiques colonialistes, car il ne faut pas oublier qu’il y avait des intérêts économiques très puissants derrière la colonisation, ont tellement engagé la France et le peuple français, – puisqu’il y a eu pendant plusieurs années de guerre jusqu’à 500 000 garçons du contingent en Algérie – que cela a rendu difficile l’élucidation. Ceux qui avaient été les anticolonialistes des années 50, comme moi, étaient considérés comme «l’anti-France». Quand j’étais étudiant, je me souviens qu’on était injuriés, les rares professeurs à la Sorbonne ou à la faculté de droit qui prenaient position contre la guerre d’Algérie, et encore plus contre la torture, contre les camps de regroupement, étaient raillés et traités de mauvais Français. Il a fallu attendre 30 ans pour que commencent à apparaître de plus en plus de films, de livres et même récemment un dictionnaire de la colonisation française qui a été publié par un certain nombre d’universitaires.


- Lors d’une récente conférence de presse sur France Algérie, vous avez dit que les accords de Nouméa sont transposables. Le sont-ils pour le cas algérien comme le préconisent des historiens spécialistes de la colonisation ?
Ce ne sont pas les accords de Nouméa qui sont transposables, c’est le texte de préambule qui les accompagne qui peut l’être, c’est ce que j’ai dit. Quand on lit dans ce préambule que «les Kanaks ont été repoussés aux marges géographiques, économiques et politiques de leur propre pays, ce qui ne pouvait chez un peuple que provoquer une révolte», c’était une façon de dire que la révolte était légitime. Dire que la colonisation a porté atteinte à la dignité du peuple kanak, peut être dit pour le peuple algérien. Je pense que toute histoire coloniale peut être relue et commentée à la lumière de ce genre d’approche, et à ce moment-là personne ne perd son honneur. Les commémorations qui se préparent autour du personnage de Abdelkader – un personnage assez peu connu en France – seront une occasion de revisiter l’histoire de la colonisation de l’Algérie.

- Revient-il au législateur et au politique de dire comment l’histoire doit être enseignée ?
Aussitôt la loi du 23 février 2005 adoptée, l’association France Algérie a pris une position, signée de son président de l’époque Bernard Stasi, dont je rappelle qu’il a été lui-même ministre des DOM-TOM, et en Algérie en 1959, en même temps que moi, condamnant absolument son article 4, sur les «bienfaits de la colonisation». Depuis, les idées ont évolué, puisque le gouvernement, qui aurait pu s’opposer à ce texte à l’Assemblée, ne l’a pas fait, le président de la République, qui aurait pu demander une deuxième délibération, ne l’a pas fait, il a demandé quand même au Conseil constitutionnel de déclasser le texte, plus précisément un alinéa de l’article 4, celui qui, à certains égards, est offensant pour la vérité, ce que nous avons fait. Nous n’étions interrogés que sur cet alinéa. À partir du moment où ce n’était plus du domaine législatif, le gouvernement l’a abrogé. Il a été effacé juridiquement. Politiquement, nous savons bien qu’il y a des gens qui pensent toujours la même chose. L’association France Algérie est pour une histoire libre. La filière de Lyon de France Algérie, présidée par Mme Zohra Perret, a été un des organisateurs du colloque sur ce sujet, qui a eu lieu à l’École normale de Lyon l’année dernière. La recherche historique repose sur des documents, des analyses, sur la liberté des chercheurs, pas sur des injonctions législatives.


- Les lois d’amnistie n’ont-elles pas constitué un frein à la reconnaissance de crimes commis pendant la guerre de libération de l’Algérie ?
Vous touchez un point sensible, j’étais contre les lois d’amnistie, j’ai eu aussi un différend avec François Mitterrand lorsqu’il y a eu un projet de loi de réhabilitation des généraux fascistes, factieux, de l’OAS. Cela a été une crise assez forte à tel point que la loi n’a jamais été mise au vote, Mitterrand l’a fait passer par un système dit du 49-3. L’article 49, paragraphe 3 de la Constitution, permet de considérer une loi comme votée s’il n’y a pas une motion de censure contre le gouvernement. Je considérais que dire qu’on réhabilitait des généraux qui avaient tourné les armes et qui avaient cherché à tourner les hommes contre la République parce qu’ils n’étaient pas d’accord avec la politique du général de Gaulle, c’était inacceptable.
(...)

Pierre Joxe (extraits),
propos recueillis par Nadjia Bouzeghane
El Watan (Alger), 10 avril 2007



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Atar (Mauritanie), une maison de ville - source : base Ulysse Caom

 

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11 avril 2007

Boukri Boualem (né en 1899) : recherche

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recherche de renseignements sur

Boukri Boualem né en 1889



renseignements

voila je cherche mon grand-père Boukri Boualem il été un goumier à la guerre 14/18 France /Allemagne ; il nous ont dit qu'il été tué (?) à Cayenne et transferé à l'hôpital à Arras : il est né en 1889.

Posté par boukri djemaa, dimanche 8 avril 2007 à 19:51

 

 

contact : Boukri Djemaa 


______________________________________________

 

L'interrogation de la base "Mémoire des hommes", Les morts pour la France de la guerre 1914−1918, ne fournit de renseignements que pour d'autres Boukri :

 

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SrvImg

 

Il faut donc chercher ailleurs : Service historique de l'armée de Terre (SHAT, à Vincennes), Centre des Archices d'Outre Mer (Caom à Aix-en-Provence).

association "Études Coloniales"

 

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goumier marocain

 

 

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10 avril 2007

Enjeux publics et fonction sociale de l’histoire

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"guerre des mémoires"

Enjeux publics et fonction sociale

de l’histoire



10773428

Université de Nanterre,
Salle des colloques, bâtiment K

en partenariat avec la BDIC et la revue Sciences Humaines :
mercredi 9 mai 2007, de 14h à 18h


Table ronde autour
- de Matériaux pour l’histoire de notre temps, coordonné par Régis Meyran («Les usages publics de l’Histoire en France»),
- du Dictionnaire de la colonisation française, sous la direction de Claude Liauzu, Larousse, 2007,
- de Comment sortir des guerres de mémoires ? de Thierry Leclère et Benjamin Stora, éd. de l’Aube, 2007.

1094

On a assisté depuis peu en France à un retour en force de la vieille opposition entre histoire et mémoire. Le passé envahit le présent, les descendants s’identifient aux acteurs de ce passé et les guerres de mémoires traversent la société française, au point que certains parlent de « tyrannie des mémoires. C’est la leçon qu’il faut tirer de la multiplication des lois «mémorielles» prétendant imposer une vérité de telle ou telle famille politique, de tel ou tel groupe de pression sur le passé, ou des nombreuses initiatives qui vont dans le même sens.

Se pose du coup la question des usages publics de l’histoire. Peut-on, pour comprendre la situation, la remettre dans son contexte à la fois historique et sociologique ? Trois publications tentent de faire le point, et insistent sur l’importance de la vulgarisation de l’Histoire, qui offre peut-être un moyen de pacifier la «guerre des mémoires».

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la "mémoire" est parfois requise par la rigueur historienne...
source : base Ulysse


Présidence : Geneviève Dreyfus-Armand, directrice de la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC)

Régis Meyran : Enjeux actuels de l’instrumentalisation du passé en France

Claude Liauzu : Pourquoi un dictionnaire de la colonisation ?

Hélène Almeida-Topor : Le point de vue de la Société française d’histoire d’outre-mer (SFHOM )myriam_cottias02_125

Myriam Cottias (photo ci-contre) : La question noire

Thierry Leclère et Benjamin Stora : Comment sortir des guerres de mémoires ?

Sophie Ernst : Généalogie de l’enseignement de la colonisation

Entrée libre - La durée des interventions sera limitée pour permettre un large débat Contact : Régis Meyran (01 40 37 26 65), meyranr@yahoo.fr

à l'université de Nanterre

mercredi 9 mai 2007, de 14h à 18h


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8 avril 2007

«La vérité sur le passé est indispensable» (Claude Liauzu)

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«La vérité sur le passé est indispensable»

Claude LIAUZU

 

Claude Liauzu (Professeur à l’Université de Paris VII et spécialiste de la colonisation)
«La vérité sur le passé est indispensable»

70 auteurs français et étrangers ont contribué à la rédaction du Dictionnaire de la colonisation française, un ouvrage de référence, sous la direction de Claude Liauzu, spécialiste de la colonisation, professeur émérite à l’université de Paris VII et d’un conseil scientifique composé d’Hélène d’Almeida-Topor, Pierre Brocheux, Myriam Cottias et Jean-Marc Regnault. Le dictionnaire compte 700 notices qui permettent de rechercher directement une information, de passer d’un thème à un autre, en fonction de la multiplicité des facettes du fait colonial. Des dossiers synthétiques sur des questions générales font le point des connaissances et des débats. Une journée de débats se tiendra le 4 avril à l’Ecole des hautes études en sciences sociales de Paris, à la faveur de la sortie du Dictionnaire de la colonisation autour de Claude Liauzu et des membres du comité scientifique de l’ouvrage avec la participation de quelques-uns des auteurs du dictionnaire.

El Watan

10773428

 

Sous votre direction un Dictionnaire de l’histoire de la colonisation vient d’être publié par les éditions Larousse. Pourquoi un tel ouvrage ?
9857925 Le temps est venu de faire un point sur les grands débats de l’histoire de la colonisation qui s’étendent sur un demi-siècle, de présenter les acquis, d’insister sur les nouvelles orientations.

Cet ouvrage répond-il aux débats controversés qui ont traversé la société française classe politique, intellectuels, société civile pendant des moissuite au vote de la loi du 23 février 2005 ?
Pour moi et pour beaucoup d’auteurs, ce dictionnaire est une suite à notre lutte contre la loi du 23 février 2005, qui voulait imposer l’enseignement du rôle «positif» de la colonisation. Il reste de cette loi d’ailleurs un article très inquiétant pour la recherche, puisqu’il prévoit la création d’une fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie. Fondation inquiétante, d’autant plus que depuis un an un rapport sur sa mise en application a été rédigé pour le ministère des Anciens combattants, mais n’a pas été rendu public.

Nous avons tout lieu de craindre le parti pris d’un ministre qui traite les historiens critiquant sa loi de «pseudo-historiens» et celui d’un lobby des nostalgiques de l’Algérie française. À n’en pas douter, si la droite l’emporte aux présidentielles, cette fondation sera mise en place. Si l’on ajoute que c’est la mairie de Marseille qui a le contrôle du Mémorial de la France d’outre-mer, deux lieux de mémoire importants mettront en cause la liberté de la recherche. C’est aussi nos relations avec les chercheurs d’Algérie et des pays anciennement colonisés qui seraient mises en question par l’application de la loi.

À qui s’adresse le Dictionnaire de l’histoire de la colonisation ?
Une des réponses à ces dangers est l’élaboration d’un ouvrage respectant toutes les règles scientifiques et déontologiques des études historiques, ouvrage destiné à un large public. Le livre concerne bien sûr les enseignants auxquels il fournira des moyens pour préparer leurs cours, mais aussi à un public de militants associatifs préoccupés par le passé colonial et son héritage. Nous avons aussi tenu à associer des chercheurs étrangers, africains et asiatiques ainsi que des Dom-Tom (comme on dit), car le livre devrait aussi concerner les pays indépendants qui éprouvent un grand besoin d’histoire. De manière plus générale, tous ceux qui cherchent à comprendre certains aspects du monde actuel pourront trouver des repères.

Avec plusieurs historiens vous vous êtes élevés contre la proposition de Nicolas Sarkozy de créer un Immigresministère de «l’Identité nationale et de l’Immigration» (appel publié par Libération le 13 mars). Qu’est-ce qui vous choque dans cette proposition ? Que comporte-t-elle de nouveau ?
Ce qui est inacceptable, c’est le lien fait entre une crise de l’identité nationale et l’immigration présentée comme une menace. Cette attitude revient de manière classique lors de chaque grande crise de la société française où «l’étrange étranger» (juif, Italien ou Polonais, Arabe ou musulman...) devient le bouc émissaire, cause de tous nos malheurs. On en arrive aujourd’hui à voir à la télévision des chasses au faciès au sortir des écoles maternelles pour arrêter des clandestins. Cela nous rappelle les pires moments du passé colonial ou de Vichy.

La pétition sur ce point est une réponse importante. Elle a un grand succès et il faut la faire connaître à l’étranger. Elle continue à circuler et à recueillir des signatures et les intellectuels étrangers sont les bienvenus dans cette campagne. Ce qui est nouveau (et grotesque mais inquiétant) est de lier dans un même ministère les problèmes de l’identité nationale et une réalité qui a constitué la France depuis un siècle, l’entrée des étrangers qui représentent aujourd’hui un bon tiers de la population française.

Le concept d’identité nationale fait débat. Des notions, telles que le patriotisme, la patrie, l’exaltation de la Marseillaise, la cohésion nationale sont développées par les différents candidats à l’élection présidentielle. Comment analysez-vous ce débat ?
Il y a un réel problème de l’identité nationale par la conjugaison d’un ensemble de facteurs auxquels aucune réponse n’a pu être apportée jusqu’ici : ce qu’on appelle la mondialisation économique, la constitution de grands réseaux capitalistes transnationaux, les transformations du marché du travail à l’échelle de la planète, un chômage structurel sans précédent dans certains pays, et dans tout cela les immigrés - comme on dit - n’ont rien à voir.

De manière plus profonde, une culture mondiale dominante, imposée par la prépondérance américaine, détruit les anciens repères identitaires. Il suffit de regarder les programmes des chaînes de télévision pour le comprendre. Face à toutes ces transformations, c’est une révolution culturelle qui serait nécessaire, mais une majorité d’intellectuels médiatiques ont choisi de présenter les migrations, le Tiers Monde comme le danger principal. Une majorité aussi de la classe politique se situe dans la même logique.

Pourquoi la reconnaissance du passé colonial et la repentance divisent-elles tant la classe politique et la société françaises ?
C’est une question complexe à laquelle le dictionnaire essaie de répondre. En quelques mots, il faut rappelerFRCAOM08_9FI_00036R_P que «la plus grande France» s’écroule sous le coup de deux défaites contre les Vietnamiens et les Algériens, avec l’humiliation de Suez qui suit la défaite de 1940 et la Collaboration. La France a vécu entre 1940 et 1962, 22 ans de guerre où elle a perdu son statut de grande puissance mondiale. Sur tout cela, l’histoire officielle a menti ou gardé le silence pendant très longtemps (sur le génocide antisémite et la complicité de Vichy, sur les crimes coloniaux...), et les minorités impliquées ont réagi en affirmant leurs mémoires. Les juifs ont imposé la reconnaissance de la responsabilité française dans les persécutions et le génocide, et ce modèle a été repris par toutes les autres populations se considérant comme victimes. C’est le cas pour les pieds-noirs qui réclamaient repentance de la part de l’État français, c’est le cas pour les enfants d’immigrés qui ont lutté pour la reconnaissance des crimes du 17 octobre 1961, des descendants d’esclaves, mais aussi du contingent.

Il y a donc des guerres de mémoires qui entraînent une spirale ascendante des revendications. Dans un meeting à Toulon, Nicolas Sarkozy a fustigé «les professionnels de la repentance » en déclarant : «On doit désapprouver la colonisation et le système injuste, mais il ne faut pas confondre le système et les hommes». Dans Mon combat pour la France (un des deux volumes de recueils de ses discours et déclarations publiés par les éditions Odile Jacob), le président Chirac exclut toute «idée de repentance» : «Cette notion, je la récuse absolument, car nul ne peut être rendu comptable des actes commis par ses aïeux. Mais nous devons comprendre et reconnaître les erreurs passées, pour ne pas les répéter». Le parti socialiste y est favorable, Jack Lang l’a affirmé à Alger. Il est indispensable, comme l’ont déclaré 12 personnalités anticolonialistes dont des historiens comme Madeleine Rebérioux et Pierre Vidal-Naquet, Germaine Tillion, Alban Liechti (qui a refusé de combattre en Algérie)... que l’État français reconnaisse la réalité des crimes dus à la colonisation. À mon sens, le meilleur texte politique concernant ce problème colonial est le préambule des accords de Nouméa qui a débloqué la situation en Nouvelle-Calédonie.

La commémoration du 19 mars 1962, - date de la signature des accords d’Evian et du cessez-le-feu en Algérie - est passée sous silence en France, n’étant pas reconnue par la France officielle. On reste dans l’occultation et l’effacement de faits historiques marquants ?
En effet, la date retenue est absolument ridicule puisqu’elle ne correspond à aucun fait réel. Certains groupes de pression défendent le 19 mars (en particulier la FNACA, association majoritaire du contingent), d’autres la refusent (associations de rapatriés et de harkis) parce qu’elles considèrent qu’elles ont été victimes des suites du 19 mars. On paye toujours le gâchis politique de la FRCAOM08_9FI_00576R_Pguerre d’Algérie : il a fallu attendre 1999 pour qu’une loi utilise le terme guerre d’Algérie, auparavant «guerre sans nom».

Instrumentalisée, l’histoire n’est-elle pas en train d’échapper aux historiens et autres chercheurs en sciences sociales ?
Oui, c’est un danger réel, et le dictionnaire, justement, est une des réponses, car il rappelle que la vérité sur le passé est indispensable et possible. Il s’adresse directement aussi aux jeunes qui sont entrés dans le monde créé par leurs pères, et qui ont le leur à construire. Un de nos espoirs est que ce dictionnaire soit suivi, par exemple, d’un manuel franco-algérien. L’idée fait son chemin.

Comment baliser le champ de la recherche des interférences politiques ?
Il n’y a pas de muraille de Chine protégeant notre corporation. Certains historiens choisissent de s’enfermer dans une tour d’ivoire au dessus de la société. C’est impossible, l’histoire est une science de la société, elle est dans la société. Nous devons prendre nos distances par rapport aux tentatives d’instrumentalisation, de simplification mais aussi apporter des réponses à des besoins. Sans les avancées du mouvement ouvrier aux XIXe et XXe siècles et l’influence qu’elles ont eues sur les intellectuel, sans les luttes des femmes et des immigrés qui ont influencé les historiens, il n’y aurait pas eu autant de progrès des études historiques. Une des raisons de combattre pour la liberté de l’histoire, c’est l’arrivée de jeunes chercheurs d’origine métropolitaine ou descendants d’immigrés de la colonisation : ils prendront la suite en posant leurs questions et ils n’auront pas la même dépendance que notre génération qui a vécu les décolonisations. Ils n’auront pas le même regard ni d’un côté ni de l’autre de la Méditerranée.

Propos recueillis par Bouzeghrane Nadjia
El Watan (Alger), 31 mars 2007

 

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source :
base Ulysse, Caom



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30 mars 2007

du 1er au 7 avril 2007 : relâche

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source : Caom, base Ulysse



du 1er au 7 avril 2007 : relâche

sur le blog d'Études Coloniales


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source : Caom, base Ulysse


Du samedi 1er avril au samedi 7 avril 2007 :

- le calendrier ne sera pas mis à jour

- aucun message ne sera publié

Merci de votre confiance et de vos visites.

La rédaction d'Études Coloniales


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source : Caom, base Ulysse



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source : Caom, base Ulysse


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source : Caom, base Ulysse



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29 mars 2007

"Les identités corporelles au Vietnam", programme définitif du colloque

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«Les identités corporelles au Vietnam,

d’hier à aujourd’hui :

métamorphoses et diversités»


14 et 15 mai 2007 à Lyon

programme définitif du colloque



Le 3 janvier dernier, nous avons édité la présentation du colloque : "Les identités corporelles au Vietnam, d'hier à aujourd'hui".

Voici maintenant le programme définitif.


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