Disparition Audin : débat sur la chaîne LCP
Guerre d'Algérie : l'éternelle déchirure
général Maurice FAIVRE
Ce débat diffusé le 12 février par la chaîne LCP a permis de corriger certaines outrances du documentaire sur la disparition de Maurice Audin. Tout n’a pu être dit, l’animateur Benoît Duquesne ayant donné la parole aux six participants de façon inégale ; les correspondants de Maurice Faivre font état d’une évidente préférence pour les cinq partisans de la version de Vidal-Naquet et des thèses anticolonialistes du FLN.
Le réalisateur Demerliac du documentaire a prétendu avoir fait une recherche historique complète, mais il se référait principalement (comme S. Thénault) aux articles du Monde, de l’Express et de l’Humanité, et à des archives ouvertes de l’Institut d’Études politiques. Les archives de la Commission de Sauvegarde du droit et des libertés, non ouvertes, n’avaient pas été consultées.
Le réalisateur s’est d’autre part référé aux déclarations de madame Audin, dont il a eu raison d’évoquer le courage et la ténacité. On aurait pu rappeler que plus de 2.000 familles françaises éprouvent la même douleur pour leurs disparus en Algérie, jamais retrouvés. Malgré l’admiration de Sylvie Thénault pour la compétence historique de Vidal-Naquet, Maurice Faivre a rappelé que cet historien de la Grèce avait reconnu qu’il n’était pas un historien de l’Algérie, mais un militant politique. Demerliac a finalement confirmé que sa version reposait sur des hypothèses.
Sylvie Thénault, historienne reconnue, compétente sur le maintien de l’ordre public, a réaffirmé sa position sur l’État de droit et condamné l’intervention de l’armée dans la répression des manifestations d’opposition. Elle semble avoir oublié - ou méconnu - que Paul Teitgen, secrétaire général du préfet d’Alger, n’avait pu éliminer le terrorisme qui en 1956-57 faisait des centaines d’attentats (40 à 50 Européens et 300 Musulmans tués chaque mois). Le gouvernement socialiste avait dû faire appel à l’armée pour éradiquer ce terrorisme urbain ; la Cour d’appel d’Aix a admis que Robert Lacoste a choisi de porter secours aux victimes.
Le président Patin contredit la thèse de S. Thénault (1): «la nature du conflit rend très difficile le maintien scrupuleux de la légalité… il serait prématuré de retirer les pouvoirs de police à l’autorité militaire, qui conduit une lutte efficace contre l’organisation militaire clandestine du FLN. La population musulmane a confiance dans l’armée qui la protège». Par la suite, l’unité d’action civilo-militaire s’était révélée seule efficace pour conduire la lutte contre-révolutionnaire. In fine, la rupture de cette unité d’action s’était traduite par une politique de concessions unilatérales. Tout cela n’a pas été dit.
des accusations mensongères rejetées par la Cour d'Appel
S. Thénault a par ailleurs reconnu que le FLN, minoritaire dans la population musulmane, s’était imposé par la violence, absolument nécessaire pour les Algériens selon Malika Rahal (2). C’est ce qu’a confirmé Jacques Julliard : «Incapable de provoquer un soulèvement généralisé, le FLN a eu recours à la terreur et aux atrocités» (Nouvel Obs du 10 mai 2001). Charles Sylvestre a célébré l’appel des douze (3) qui avait suivi la campagne de presse lancée en 2000 par Louisa Ighilariz. En réalité, à l’issue d’une longue bataille judiciaire, les accusations mensongères de Pouillot et d’Ighilariz ont été rejetées par les Cours d’appel de Paris et d’Aix-en-Provence en 2005, confirmées par la Cour de Cassation le 9 janvier 2007.
L’animateur a essayé de faire confirmer par François Pouillot ses aveux d’avoir donné un coup de main (sic) aux tortionnaires de la villa Sesini. Il n’a pas été difficile à Maurice Faivre de démontrer que Pouillot n’avait pu séjourner dans cette villa en 1961, mettant à mal l’ensemble de son témoignage. Jacques Inrep confirme que tous les acteurs de la guerre d’Algérie n’étaient pas des tortionnaires.
S’agissant de la connaissance des généraux Schmitt et Faivre sur l’affaire Audin, elle est uniquement documentaire ; aucun des deux n’était à Alger au moment de sa disparition. L’objectif du débat étant de provoquer une condamnation du gouvernement et de l’armée de 1957, Maurice Faivre a affirmé qu’une repentance éventuelle ne pourrait être que bilatérale. Le professeur Mandouze, qui collabora avec Vidal-Naquet, l’a reconnu dans ses Mémoires d’outre-siècle ; un autre collaborateur, le philosophe Paul Thibaud considère la guerre d’indépendance algérienne comme un événement tragiquement négatif. Dans ce débat inégal, quelques vérités ont cependant pu être dites.
Maurice Faivre
le 15 février 2011
1 - Commission de Sauvegarde. Dossiers 3134, 3161. Réf. Maurice Faivre, Conflits d’autorité durant la guerre d’Algérie, L’Harmattan, 2004, pages 62 et 119.
2 - Faisant la biographie d’Ali Boumendjel, Malika Rahal confirme la thèse d’Aussaresses sur l’assassinat de Boumendjel. Cette thèse a été mise en doute par le professeur Richet de la Commission de Sauvegarde, selon lequel Boumendjel a renouvelé une tentative précédente de suicide.
3 - Les douze avaient alors demandé au ministre de la Défense que le général Faivre soit sanctionné pour ses déclarations sur Henri Alleg.