Le «décolonialisme», une stratégie hégémonique
Le «décolonialisme»,
une stratégie hégémonique
appel de 80 intellectuels
C'est au rythme de plusieurs événements universitaires et culturels par mois que se multiplient les initiatives militantes portées par le mouvement «décolonial» et ses relais associatifs (1). Ces différents groupes sont accueillis dans les plus prestigieux établissements universitaires (2), salles de spectacle et musées (3). Ainsi en est-il, par exemple, du séminaire «Genre, nation et laïcité» accueilli par la Maison des sciences de l'homme début octobre, dont la présentation regorge de références racialistes : «colonialité du genre», «féminisme blanc», «racisation», «pouvoir racial genré» (comprendre : le pouvoir exercé par les «Blancs», de manière systématiquement et volontairement préjudiciable aux individus qu'ils appellent «racisés»).
Or, tout en se présentant comme progressistes (antiracistes, décolonisateurs, féministes…), ces mouvances se livrent depuis plusieurs années à un détournement des combats pour l'émancipation individuelle et la liberté, au profit d'objectifs qui leur sont opposés et qui attaquent frontalement l'universalisme républicain : racialisme, différentialisme, ségrégationnisme (selon la couleur de la peau, le sexe, la pratique religieuse). Ils vont ainsi jusqu'à invoquer le féminisme pour légitimer le port du voile, la laïcité pour légitimer leurs revendications religieuses et l'universalisme pour légitimer le communautarisme. Enfin, ils dénoncent, contre toute évidence, le «racisme d'État» qui sévirait en France : un État auquel ils demandent en même temps - et dont d'ailleurs ils obtiennent - bienveillance et soutien financier par le biais de subventions publiques.
La stratégie des militants combattants «décoloniaux» et de leurs relais complaisants consiste à faire passer leur idéologie pour vérité scientifique et à discréditer leurs opposants en les taxant de racisme et d'islamophobie. D'où leur refus fréquent de tout débat contradictoire, et même sa diabolisation. D'où, également, l'utilisation de méthodes relevant d'un terrorisme intellectuel qui rappelle ce que le stalinisme avait naguère fait subir aux intellectuels européens les plus clairvoyants.
tentatives d'ostracisation
C'est ainsi qu'après les tentatives d'ostracisation d'historiens (Olivier Pétré-Grenouilleau, Virginie Chaillou-Atrous, Sylvain Gouguenheim, Georges Bensoussan), de philosophes (Marcel Gauchet, Pïerre-André Taguieff), de politistes (Laurent Bouvet, Josepha Laroche), de sociologues (Nathalie Heinich, Stéphane Dorin), d'économistes (Jérôme Maucourant), de géographes et démographes (Michèle Tribalat, Christophe Guilluy), d'écrivains et essayistes (Kamel Daoud, Pascal Bruckner, Mohamed Louizi), ce sont à présent les spécialistes de littérature et de théâtre Alexandre Gefen et Isabelle Barbéris qui font l'objet de cabales visant à les discréditer. Dans le domaine culturel, l'acharnement se reporte sur des artistes parmi les plus reconnus pour les punir d'avoir tenu un discours universaliste critiquant le différentialisme et le racialisme.
La méthode est éprouvée : ces intellectuels «non conformes» sont mis sous surveillance par des ennemis du débat qui guettent le moindre prétexte pour les isoler et les discréditer. Leurs idées sont noyées dans des polémiques diffamatoires, des propos sont sortis de leur contexte, des cibles infamantes (association à l'extrême droite, «phobies» en tout genre) sont collées sur leur dos par voie de pétitions, parfois relayées dans les médias pour dresser leur procès en racisme… Parallèlement au harcèlement sur les réseaux sociaux, utilisés pour diffuser la calomnie, ces «anti-Lumières» encombrent de leurs vindictes les tribunaux de la République.
miner les principes de liberté d'expression et d'universalité
Nos institutions culturelles, universitaires, scientifiques (sans compter nos collèges et lycées, fortement touchés) sont désormais ciblées par des attaques qui, sous couvert de dénoncer les discriminations d'origine «coloniale», cherchent à miner les principes de liberté d'expression et d'universalité hérités des Lumières. Colloques, expositions, spectacles, films, livres «décoloniaux» réactivant l'idée de «race» ne cessent d'exploiter la culpabilité des uns et d'exacerber le ressentiment des autres, nourrissant les haines interethniques et les divisions. C'est dans cette perspective que s'inscrit la stratégie d'entrisme des militants décolonialistes dans l'enseignement supérieur (universités ; écoles supérieures du professorat et de l'éducation ; écoles nationales de journalisme) et dans la culture.
La situation est alarmante. Le pluralisme intellectuel que les chantres du «décolonialisme» cherchent à neutraliser est une condition essentielle au bon fonctionnement de notre démocratie. De surcroît, l'accueil de cette idéologie à l'université s'est fait au prix d'un renoncement à l'exigence pluriséculaire de qualité qui lui valait son prestige.
les débats doivent être contradictoires
Nous appelons les autorités publiques, les responsables d'institutions culturelles, universitaires, scientifiques et de recherche, mais aussi la magistrature, au ressaisissement. Les critères élémentaires de scientificité doivent être respectés. Les débats doivent être contradictoires. Les autorités et les institutions dont ils sont responsables ne doivent plus être utilisées contre la République. Il leur appartient, à tous et à chacun, de faire en sorte que cesse définitivement le détournement indigne des valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité qui fondent notre démocratie.
1 - Par exemple : Parti des Indigènes de la République, Collectif contre l'islamophobie en France, Marche des femmes pour la dignité, Marches de la dignité, Camp décolonial, Conseil représentatif des associations noires, Conseil représentatif des Français d'outre-mer, Brigade antinégrophobie, Décoloniser les arts, Les Indivisibles (Rokhaya Diallo), Front de mères, collectif MWASI, collectif Non MiXte.s racisé.e.s, Boycott désinvestissement sanctions, Coordination contre le racisme et l'islamophobie, Mamans toutes égales, Cercle des enseignant.e.s laïques, Les Irrécupérables, Réseau classe/genre/race.
2 - Par exemple : Collège de France, Institut d'études politiques, Ecole normale supérieure, CNRS, EHESS, université Paris-VIII Vincennes-Saint-Denis, université Paris-VII-Diderot, université Panthéon-Sorbonne Paris-I, université Lumière-Lyon-II, université Toulouse-Jean-Jaurès.
3 - Par exemple : Philharmonie de Paris, Musée du Louvre, Centre dramatique national de Rouen, Mémorial de l'abolition de l'esclavage, Philharmonie de Paris, musée du Louvre, musée national Eugène-Delacroix, scène nationale de l'Aquarium.
Les signataires
Waleed Al-Husseini, essayiste
Jean-Claude Allard, ancien directeur de recherche à l'Iris
Pierre Avril, professeur émérite de l'université Panthéon-Assas
Vida Azimi, directrice de recherche au CNRS
Elisabeth Badinter, philosophe
Clément Bénech, romancier
Michel Blay, historien et philosophe des sciences
Françoise Bonardel, philosophe
Stéphane Breton, ethnologue et cinéaste
Virgil Brill, photographe
Jean-Marie Brohm, sociologue
Marie-Laure Brossier, élue de Bagnolet
Sarah Cattan, journaliste
Philippe de Lara, philosophe
Maxime Decout, maître de conférences et essayiste
Bernard de La Villardière, journaliste
Jacques de Saint-Victor, professeur des universités et critique littéraire
Aurore Després, maître de conférences
Christophe de Voogd, historien et essayiste
Philippe d'Iribarne, directeur de recherche au CNRS
Arthur Dreyfus, écrivain, enseignant en cinéma
David Duquesne, infirmier
Zineb El Rhazaoui, journaliste
Patrice Franceschi, aventurier et écrivain
Jean-Louis Fabiani, sociologue
Alain Finkielkraut, philosophe et académicien
Renée Fregosi, philosophe et politologue
Jasmine Getz, universitaire
Jacques Gilbert, professeur des universités
Marc Goldschmit, philosophe
Philippe Gumplowicz, professeur des universités
Claude Habib, professeure des universités et essayiste
Noémie Halioua, journaliste
Marc Hersant, professeur des universités
Marie Ibn Arabi, professeur d’anglais
Pierre Jourde, écrivain
Gaston Kelman, écrivain
Alexandra Lavastine, philosophe
Françoise Lavocat, professeur de littérature comparée
Barbara Lefebvre, enseignante et essayiste
Jean-Pierre Le Goff, sociologue -Damien Le Guay, philosophe
Noëlle Lenoir, avocate au barreau de Paris
Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit public
Laurent Loty, chercheur au CNRS -Catherine Louveau, professeur émérite
Yves Mamou, journaliste
Laurence Marchand-Taillade, présidente de forces laïques
Jean-Claude Michéa, philosophe
Isabelle Mity, professeur agrégée
Yves Michaud, philosophe
Franck Neveu, professeur des universités en linguistique
Pierre Nora, historien et académicien
Fabien Ollier, directeur des éditions QS ?
Mona Ozouf, historienne et philosophe
Patrick Pelloux, médecin
René Pommier, universitaire et essayiste
Céline Pina, essayiste
Monique Plaza, docteure en psychologie
Michaël Prazan, cinéaste, écrivain
Charles Ramond, professeur des universités et philosophe
Philippe Raynaud, professeur des universités et politologue
Dany Robert-Dufour, professeur des universités, philosophe
Robert Redeker, philosophe
Anne Richardot, maître de conférences des universités
Pierre Rigoulot, essayiste
Jean-Pierre Sakoun, président du Comité Laïcité République
Philippe San Marco, essayiste
Boualem Sansal, écrivain
Jean-Paul Sermain, professeur des universités en littérature française
Dominique Schnapper, politologue
Jean-Eric Schoettl, juriste
Patrick Sommier, homme de théâtre
Véronique Taquin, professeure et écrivaine
Jacques Tarnero, chercheur et essayiste
Carine Trévisan, professeur des universités en littérature
Michèle Tribalat, chercheuse démographe
Caroline Valentin, avocate et éditorialiste
André Versaille, écrivain et éditeur
Ibn Warraq, écrivain
Aude Weill Raynal, avocate
Yves Charles Zarka, professeur des universités en philosophie
la "Ligue de défense noire africaine" contre le théâtre d'Eschyle, 25 mars 2019, Sorbonne