l'Algérie aux mains des D.A.F. ?
(déserteurs algériens de l'armée française)
présentation du livre de Lounis Aggoun
Maurice FAIVRE
Lounis Aggoun, La colonie française en Algérie. 200 ans d’inavouable. Rapines et péculats, éd. Demi-Lune, 2010, 603 pages, 23 €.
Le journaliste indépendant Lounis Aggoun, militant des droits de l’homme, complète son livre de 2004 sur la Françalgérie, crimes et mensonges d’État, en nous livrant une thèse révisionniste sur la nouvelle colonisation de l’Algérie par le clan des déserteurs de l’armée française (DAF).
Son ouvrage ne cache aucune des horreurs de la conquête et de la guerre d’Algérie, la guerre totale visant à l’extermination (partielle) de la population par le criminel de guerre Bugeaud et l’abominable Yussuf, la paix des cimetières qui a suivi la révolte de Mokrani, l’armée barbare de Foccart et le commando du sinistre Georges, un ramassis de dégénérés (sic). L’auteur reconnaît cependant l’humanisme des Bureaux arabes, dont il observe les successeurs parmi les porteurs de valises, auxquels il assimile Alleg, Teitgen, Bollardière, et Mauriac .
La prévarication de l’État français sur les richesses de l’Algérie dure depuis 200 ans. Elle commence en 1830 en faisant main basse sur le trésor de la casbah ; tel est le but du débarquement, qui va permettre à la famille Schneider d’implanter la sidérurgie au Creusot. La spoliation se poursuit par la razzia des terres et des troupeaux, par la mainmise des colons sur l’économie algérienne, par le développement de complexes industriels ruineux à Annaba et Arzew, par le contrôle des banques, l’exploitation du pétrole et de l’eau (CGE).
De Gaulle en Algérie en 1959
Ce néocolonialisme a pour origine une manœuvre machiavélique du général de Gaulle, qui aurait encouragé la désertion de 500 officiers et sous-officiers, lesquels ont noyauté l’État algérien dès qu’il fut indépendant. Parallèlement, on apprend que la DST contrôle la Fédération de France du FLN, et qu’il s’établit une connivence dans l’Aurès entre l’armée française et l’ALN. Cette politique expliquerait l’échec de l’affaire Salah, le soutien accordé par l’ambassadeur Jeanneney à Ben Bella (dénonciateur de ses complices en 1951, d’une médiocrité affligeante), la poursuite dans le secret des expériences nucléaires.
L’aide au régime autoritaire algérien fut poursuivie par tous les gouvernements français : Chevènement, l'intrigant Pasqua, l’aventurier Mitterrand, Balladur et Sarkozy, avec la complicité des intellectuels bien pensants (BHL, Glucksmann, Sifaoui) et les commentaires mensongers de TF1 et Antenne 2.
La montée en puissance des canailles du DAF (Déserteurs de l'Armée française) commence par la visite de Bouteflika au prisonnier Ben Bella, instrumentalisée par Larbi Belkheir (et Hervé Bourges) dans le but de confisquer la révolution algérienne. Les DAF organisent ensuite le coup d'État de Boumediene (le serpent) en 1965 et sont majoritaires dans le Conseil de la Révolution. La classe moyenne est prolétarisée, les femmes asservies, la presse étatisée. Larbi Belkheir manipule Chadli en 1975, puis Bouteflika en 1999.
La corruption se généralise dans les années 1970, le crime (1) politique dans les années 1980, l’éradication dans les années 1990. La Sécurité militaire est devenue une école à tuer avant de se transformer en Département du renseignement et de la sécurité (DRS) sous la direction des généraux Mohamed Mediene (alias Toufik) et Smaïl Lamari. Contrôlant le GIA, le DRS est responsable du massacre de Benthala ; les terroristes d’AQMI au Sahara sont sous sa coupe.
Cette évolution mafieuse est cependant contrariée par des retours de manivelle : la sidérurgie prise en main par les Indiens de Mittal, le pétrole par les compagnies américaines, l’infrastructure et le commerce par les Chinois. Après la mort de Belkheir et Lamari, le criminel de guerre Mediene est devenu le cerveau du régime et joue la carte américaine.
La vérité historique revendiquée par Lounis Aggoun s’appuie sur des témoignages innombrables (dont le mien). Elle semble ignorer cependant des historiens qui permettraient de la nuancer : J. Marseille et D. Lefeuvre, G. Pervillé, J. Frémeaux, B. Stora et J.-P. Brunet .
Maurice Faivre
le 26 décembre 2010
1 - La criminalité de l’État algérien a des antécédants : la purge de la bleuïte par la wilaya 3, l’élimination d’Amirouche par Boumediene, l’exécution des officiers disssidents par des colonels fascistes et analphabètes. Elle se poursuit par l’épuration des élites à partir de 1962, la disparition du colonel Chabou, l’assassinat de Krim Belkacem et Mohamed Khider, de Boudiaf, de l’avocat Mecili et du chef de la police Ali Tounsi, des moines de Tibehirine… etc... etc.
______________________________________________
Lounis Aggoun
L’AUTEUR (présentation de l'éditeur)
Ardent défenseur de la vérité, Lounis AGGOUN est avant tout un militant des droits de l’homme. Journaliste indépendant, fin connaisseur des relations entre la France et l’Algérie, il a coécrit, FRANÇALGÉRIE, Crimes et mensonges d'États, (La Découverte, 2004), un livre majeur qui révèle les dessous de la «sale guerre». Le présent ouvrage jette un regard novateur sur quelques-uns des épisodes les plus sombres de l’histoire commune de ces deux pays, de la conquête coloniale jusqu’à aujourd’hui.
RENVERSANT (présentation de l'éditeur)
Une longue et tumultueuse histoire commune unit la France et l’Algérie en des relations fusionnelles. Se basant sur les travaux de nombreux historiens, de journalistes et de témoins, cet ouvrage apporte une grille de lecture radicalement nouvelle en allant jusqu’au bout de la logique. Faisant fi de la langue de bois, l’auteur développe un ensemble de thèses proprement explosives.
En 1962, une nouvelle forme de colonisation a commencé en Algérie, qui conserve les aspects les plus sombres de la précédente. La révolution est à peine née que débute l’élimination des dirigeants de valeur, compétents et intègres. Une petite clique d’officiers s’appuie alors sur une frange des révolutionnaires pour s’emparer graduellement du pouvoir. D’éliminations politiques en assassinats, se concentre au sommet de l’État ce que le pays nourrit de plus néfaste. L’Algérie devient un État terroriste. Aux deux bouts de la chaîne, en amont et en aval de la spoliation à grande échelle, se trouvait un homme, Larbi Belkheir, l’un des architectes de la confiscation du pouvoir en 1962 et le promoteur en 1999 du régime présidé par Bouteflika.
Larbi Belkheir en 1968
En décidant d’envahir l’Algérie, la France a-t-elle apporté Les Lumières ou l’incendie ? La colonisation a-t-elle eu un caractère positif ou génocidaire ? De Gaulle a-t-il offert l’Indépendance ou bien a-t-il plongé le pays dans un cauchemar dont celui-ci n’arrive pas à sortir ? Les Algériens ont-ils réellement accédé à l’Indépendance ou furent-il dès le départ piégés par les aventuriers entourant le général ?
Boumediene a-t-il succombé à une mort naturelle ou fut-il empoisonné par les DAF, ces déserteurs de l’armée française dont il bridait les ambitions ? Le pouvoir qui lui succéda était-il souverain ou contrôlé en sous-main par un clan d’agents de la France (Hizb França) derrière Chadli ? L’assassinat d’Ali Mécili par la Sécurité Militaire algérienne s’est-il accompli en dépit des forces de l’ordre dirigées par Charles Pasqua ou bien ce dernier a-t-il participé à l’élimination d’un des principaux opposants algériens ?
Quel rôle la France a-t-elle joué lors de la descente aux enfers de l’Algérie au cours de la décennie 1990 ? Le terrorisme islamiste est-il, comme le présentent les médias, un fléau contre lequel les services algériens et français ont combattu pour sauver l’Algérie de la talibanisation et la France de la contagion ? Ou est-ce une aubaine pour justifier le maintien du peuple algérien sous le joug, de sorte à légitimer le pillage des ressources ? Al-Qaïda au Maghreb islamiste est-il une «franchise» du couple infernal ben Laden/Zawahiri, ou ses commanditaires sont-ils installés au Club des Pins ? Qui sont les véritables maîtres de l’Algérie ?
Voilà quelques-unes des nombreuses questions auxquelles l’auteur tente de répondre, sans peur de briser les tabous, en dévoilant certains des aspects les plus noirs de la relation entre les deux pays. Au fil des pages, les mythes ne cessent d’imploser !
Larbi Belkheir et le général Nezzar
De Napoléon à Sarkozy, de Talleyrand à Pasqua, du dey d’Alger à Larbi Belkheir, dans de fascinants et vertigineux allers-retours entre hier et aujourd’hui, ce livre retrace près de deux siècles d’une histoire aussi complexe que tumultueuse. En revisitant l’histoire récente de manière factuelle et très documentée, il ambitionne d’apporter, avec beaucoup de courage, une parcelle de vérité dans un océan de mensonges et de désinformation. Il est temps de faire la lumière sur les «pages glorieuses de la colonisation française», sur les drames de la guerre d’Algérie, tout comme sur la situation économique actuelle d’un pays tout entier dévoré par la prévarication.
- Lounis Aggoun présente son livre (vidéos)
______________________________________________
Algérie, 1962 © Marc Riboud
Rania Saoudi
Interview Lounis Aggoun, La colonie française en Algérie. 200 ans d'inavoubale.
Lounis Aggoun est militant des droits de l’Homme et journaliste indépendant co-auteur de Françalgérie, Crimes et mensonges d'États (La Découverte, 2004) et auteur de La colonie française en Algérie. 200 ans d’inavouable. Il répond ici aux questions que chaque algérien est en droit de se poser. Il nous explique quelles sont les véritables relations entre la France et l'Algérie depuis "l'indépendance" jusqu'à aujourd'hui.
Q - Pouvez-vous nous expliquer quel est votre parcours ? Pourquoi avoir écrit ce livre ?
R - J’ai participé, avec Jean-Baptiste Rivoire, un confrère travaillant sur Canal+, à la réalisation de documentaires sur les événements récents en Algérie. Nous avons par exemple enquêté sur l’assassinat du chanteur kabyle Lounès Matoub, attribué un peu trop vite aux islamistes, alors que tout le monde dans la région savait qu’il s’agissait d’une élimination politique à laquelle ont participé des notables locaux. Nous avons constaté que l’impact d’un film, aussi important soit-il, dépasse rarement les semaines de sa diffusion ; il est ensuite vite oublié.
De là nous est venue l’idée d’écrire un livre pour réunir et graver dans le dur des vérités éparses ; donner quelques repères solides pour ceux qui souhaitent comprendre l’Algérie. Il s’agissait aussi de neutraliser l’argument facile selon lequel si la vérité n’est pas dite, c’est que personne ne la connaît. Or, la vérité, le monde politico-médiatique la connaissait, et c’est pourtant le mensonge officiel qui s’imposait chaque fois. Françalgérie, crimes et mensonges d’États, comme tous les ouvrages dérangeants, a subi une omerta totale. Tout ce que nous avions écrit était pourtant vrai, jamais démenti. Sur de nombreux sujets, il reste une référence, comme l’assassinat des moines de Tibhérine, les événements d’octobre 1988, la création des commandos terroristes, les attentats à Paris, etc.
Pour épais qu’il était, l’ouvrage laissait plusieurs questions en suspens. Dans 200 ans d’inavouable, je me suis efforcé de combler certaines lacunes et proposer une grille de lecture des événements depuis 1962 qui permet de mieux comprendre le malheur du peuple algérien. On ne peut rien construire sur le mensonge et l’occultation. L’un des non-dits qui bloquent toute connaissance sur ce pays et toute compréhension des enchaînements des événements porte sur la transition de 1962. Le tabou absolu, à l’aune duquel on sacrifie le peuple algérien et, de fil en aiguille, le peuple français aussi. La vérité est que le peuple algérien n’a jamais véritablement acquis son indépendance. Si l’on admet cela, alors tout devient clair. Si on refuse de façon intégriste cette réalité pourtant aveuglante, on fait le lit de toutes les aliénations qui minent le devenir des deux pays depuis demi-siècle.
En 1962, une colonisation brune (dans tous les sens du terme) s’est substituée à une colonisation blanche, qui reproduit à l’identique, parfois en pire (l’ancienne avait l’ambition de bâtir quand la nouvelle n’a eu de projet que de détruire), les pratiques coloniales. Cette vérité s’est dissimulée derrière l’éclat trompeur d’un tournant décolonisateur qui se résume au déracinement d’un million d’Européens d’Algérie, le rapatriement de l’armée française, avec les drames qui accompagnent de tels exodes, notamment pour les harkis et les pieds-noirs dans l’Oranais. Mais les Algériens eux, hormis de servir d’alibi magnifique, n’ont jamais acquis leur indépendance. Le seul vote, depuis 200 ans, où ils ont exprimé dans des conditions satisfaisantes leur opinion, a eu lieu le 3 juillet 1962.
Algérie, 1962
Q - Pourquoi la France n’a-t-elle pas donné son indépendance à l’Algérie comme elle l’a fait pour le Maroc ou la Tunisie ? Vous nous expliquez pourtant que dès 1947, le Général De Gaulle veut se débarrasser du «boulet algérien».
R - D’abord rien ne se donne. L’indépendance, la liberté, la souveraineté, le droit à la parole, cela s’arrache. Cela étant dit, l’Algérie était une colonie de peuplement. Ce n’était pas le cas au Maroc et en Tunisie. Après près d’un siècle et demi de présence française, plusieurs générations d’Européens d’Algérie ne connaissaient de la Métropole que de lointains échos dans la presse. L’Algérie était leur pays. Et puis il y avait les Juifs d’Algérie, qui étaient là depuis des millénaires, qui étaient des autochtones. Tous ces hommes et ces femmes ne pouvaient pas comprendre qu’il leur faille abandonner leur pays, leur terre, leur histoire, leur vie.
Imaginez les Français d’origine algérienne aujourd’hui ? Leur présence en France date d’un demi-siècle pour une grande majorité. Il serait inconcevable, eux qui sont nés en France, dont les parents sont parfois nés en France, qui n’ont pour certains aucune attache en Algérie, qu’un parti politique nationaliste et xénophobe qui accéderait au pouvoir crée les conditions de leur exode forcé, en quelques mois. C’est exactement ce qui s’est produit en 1962, sans que personne n’y trouvât à redire. La chose s’est déroulée en ces termes sans que le moindre débat n’ait eu lieu, au seul motif que c’était un «courant de l’histoire» auquel nul ne pouvait résister, «la décolonisation». Qui peut dire quel sera le mouvement de l’histoire demain ? En d’autres mots, la vérité sur ces questions s’impose non pas seulement comme un devoir d’histoire, mais comme un impératif d’actualité, pour éviter que les mêmes erreurs se reproduisent, que les mêmes inconséquences conduisent aux mêmes drames.
explosion de la première bombe atomique française dans le désert algérien,
le 13 février 1960
Quant à De Gaulle, son désir n’était nullement de renouveler le bail de l’aliénation des Algériens. Il voulait simplement s’assurer que l’Algérie indépendante s’associe à la France et que ne soient pas fondamentalement contrariés les axes vitaux de sa politique (les expérimentations nucléaires et l’approvisionnement de la France en pétrole). C’était légitime. Le drame, c’est que les dispositions qu’il a prises pour s’assurer de cette forme de docilité de l’État algérien a été à la base de toutes les spoliations depuis. C’était le péché originel, sur lequel se sont greffés tous les autres. Une sorte d’engrenage démoniaque dont ni l’Algérie ni la France ne parviennent depuis à s’émanciper. Y avait-il d’autres solutions plus justes que celle qui s’est finalement imposée ? Une solution qui aurait permis à toutes les composantes de la nation algérienne de l’époque de gagner au change ? Certainement. Mais on ne refait pas l’histoire...
Le troisième volet de sa politique, outre le nucléaire et le pétrole, c’était donc l’indépendance algérienne, garante à rebours de la cohésion nationale française. Il a lancé diverses initiatives (militaires, politiques et, pour certaines, hélas, inavouables, via les services secrets). Mais, isolé, à la merci d’un putsch, menacé de mort par l’OAS, avec une opinion qui risquait de virer rapidement en sa défaveur, de Gaulle a été conduit à penser qu’il fallait parer au plus pressé, à procéder au «dégagement». De toutes les initiatives, c’est la démarche de l’ombre qui l’a finalement emporté, de surcroît dans la précipitation. Et tant pis alors pour les victimes !
L’ennui, c’est qu’il n’y a finalement eu que des victimes, hormis une poignée d’individus sans foi ni loi, sans scrupules, vouant une haine intarissable aux Algériens, et déterminés à les maintenir en servitude permanente. Ce sont les fameux DAF, les déserteurs de l’armée française.
Quelques noms ? Larbi Belkheir, Khaled Nezzar, Mohamed Lamari, Mohamed Touati, Abbas Gheziel, Abdelmalek Guenaïzia, Kamal Abderrahmane. Ils ont eu le renfort d’officiers formés par le KGB, la promotion «Tapis rouge», parmi lesquels figurent Yazid Zerhouni, Mohamed Mediene, dit Toufik. Vous avez là les principaux acteurs du pouvoir algérien dans toute sa splendeur…
Ben Bella et Boumediene
Q - Comment s’est déroulée la transition du pouvoir en 1962 ? Qui sont les déserteurs ?
R - Pour s’assurer une emprise sur le pouvoir algérien naissant, de Gaulle s’est appuyé sur un ambitieux, Ahmed Ben Bella, propulsé leader de la Révolution lui qui en était la fêlure, et, à l’échelon subalterne, sur un encadrement constitué des DAF. Il y avait au sein de l’armée française des sous-officiers et des officiers qui, l’indépendance approchant, devenaient encombrants. Quoi de mieux que d’en délester les effectifs tout en les missionnant de servir les intérêts de la France au sein des institutions algériennes indépendantes ?
Je fais la démonstration irréfutable, exemples à l’appui, que ce projet existait, qu’il a été exécuté et que, concernant les objectifs vitaux tels que les concevait de Gaulle, nucléaire et pétrole, il a réussi. Le fait qu’il ait eu les suites déplorables que l’on sait ne l’en rend pas moins réel et le refus obstiné d’ouvrir les archives, le mutisme religieux qui frappe les premiers concernés dès qu’il s’agit de parler de cette question prouve que la guerre d’Algérie ne s’est pas terminée en 1962. J
e dirais même que la colonisation se prolonge dans les têtes de certaines élites françaises, les «banlieues» étant les nouveaux djebels et les immigrés de seconde et troisième générations offrant un prolongement à la politique de l’Indigénat. Que bien des acteurs politiques rêvent de déchoir de leur citoyenneté française et de refouler hors de l’Hexagone…
Bref, ce sont ces mêmes agents de l’armée française (promus rapidement officiers avant leur désertion) qui ont infiltré l’armée des frontières et qui se sont mis à la solde de l’ambitieux Boumediene pour ses coups d’États successifs, en pleine Révolution, puis en 1962 et enfin en 1965. Ces DAF (que certains ont appelés des DPA, pour "déserteurs par avion", selon Gilbert Meynier) ont peu à peu accaparé tous les leviers du pouvoir.
Ce sont eux qui ont d’abord pillé le Trésor public jusqu’en 1990, puis martyrisé le peuple durant la décennie suivante et qui, aujourd’hui, livrent leur sous-sol à tous les prédateurs de la planète. Mais si ces déserteurs ont eu tant de facilité à manœuvrer, c’est qu’ils pouvaient compter sur des cadres de la Révolution qui n’étaient en vérité que des traîtres à leur pays, mais que l’opinion considérait encore comme des patriotes. Ali Haroun, Rédha Malek, Bachir Boumaza, voilà, parmi mille, quelques noms d’individus encore actifs qui ont favorisé le dépouillement de l’Algérie et l’aliénation de leur peuple.
En 1962, il y avait une résistance à ce coup d’État. Mais les Algériens étaient fatigués. Ils scandaient «Sept ans de guerre, ça suffit», quand six mois de plus leurs auraient permis de concrétiser leur indépendance. De 1988 à 1991, ils avaient les conditions de se mobiliser pour reprendre le dessus. Chaque fois, ils ont échoué, victimes d’un manque de solidarité, de calculs étroits, d’opportunisme, d’une forme de régionalisme que le régime à beau jeu d’exacerber et, bien sûr, des manipulations d’un pouvoir dont le seul programme est de les anéantir. Les fléaux sont nombreux. Et les moyens de débat pour les prévenir inexistants.
De tous les pays d’Afrique, l’Algérie, peut-être forte de la plus grande communauté émigrée instruite, ne dispose d’aucune diaspora organisée. Il n’y a plus d’opposition autrement que fragmentée et tous les relais médiatiques à l’étranger ont été subornés par le DRS, radios communautaires, associations, etc.
Q - Parlez-nous du coup d’État qui a renversé Ben Bella le 19 Juin 1965 et d’Aït Ahmed? Boumediene est vu par les algériens comme un héros, qui était-il vraiment ?
R - Ben Bella, l’opportuniste absolu : «Du moment qu’il était arrêté, rien ne devait subsister après lui. C’est un ambitieux sans courage. Pour parvenir à ses fins, il passera sur le corps de ses amis. Il est sans scrupule» , disait de lui Abane Ramdane. Cela lui a coûté la vie. Jugement prémonitoire en tout cas puisque Ben Bella a livré à l’ennemi le pays et son peuple pour son seul intérêt égoïste. La vie et le destin de neuf millions d’êtres lui importait en aucune manière. Cet homme n’a jamais commis le moindre acte révolutionnaire digne d’être consacré par une page d’histoire. Sa biographie officielle est une imposture totale. Le seul acte digne d’être cité à sa gloire est d’avoir pu déposséder le peuple algérien de sa dignité, de sa liberté, de son indépendance. Ayant dit cela de Ben Bella, Boumediene, c’est pire…
Comment se perpétue une légende usurpée ? Le mensonge qui se substitue à la vérité ; c’est même le ressort principal de toute tyrannie. Il ne faut pas oublier que les trois quarts des Algériens sortent à peine de l’adolescence et que pour toute instruction, ils ont subi le matraquage idéologique. C’est un miracle qu’ils parviennent encore à résister à la propagande. Quiconque a vécu sous Ben Bella ou Boumediene sait ce que dictature veut dire et, à moins de compter parmi les myopes et les rentiers, nul ne peut considérer ces hommes comme des héros.
Si la responsabilité de la débâcle est partagée, ces deux hommes, avec Bouteflika, occupent une place primordiale au panthéon des traîtres à leur patrie. Ils sont les destructeurs en chefs de l’Algérie. Partant de là, ceux qui leur ont succédé ont plongé le pays dans un tel état de barbarie qu’avec le recul eux-mêmes apparaissent en comparaison comme de doux humanistes. Même Chadli et Zeroual pourraient prétendre au titre de héros une fois déchus, et vus au travers du filtre déformant de 200 000 victimes innocentes.
La réalité est que chaque despote qui arrive voit autour de lui se déliter le pays et en vient à considérer, sans avoir renoncé en rien à ses penchants initiaux, qu’il ne peut plus aller au-delà de certaines limites. Or, la mécanique du régime impose que chaque lendemain génère des crimes plus graves que ceux de la veille. Il est alors renversé par plus grand despote que lui. À criminel, criminel et demi, en quelque sorte. Cela ne s’est jamais démenti : Ben Bella, Boumediene, Chadli, Zeroual, Bouteflika. La chronique d’une descente aux enfers pour le peuple algérien.
Houari Boumediene
Seul Boudiaf est venu avec une ambition positive. Il a tenu 5 mois, avant d’être abattu froidement, face caméra. La seule ligne directrice de cette litanie morbide, l’œuvre des DAF, pilotée par Larbi Belkheir depuis 1979. Il procèdera en dix ans à l’élimination de tous ceux qui se sont mis en travers de son chemin. N’ayant pas réussi par la méthode «douce», il plonge ensuite le pays dans la barbarie dix ans encore, avant d’entamer un bail de dix nouvelles années de débauche absolue : débauche économique, prévarication financière sans égale dans l’histoire de l’humanité, débauche de la société, destruction de l’intégralité des structures et des institutions du pays… Et ce n’est pas fini.
Q - Le gouvernement français a-t-il participé à l’assassinat d’Ali Mecili en 1987 ? Quel rôle a-t-il joué dans les élections de 1991 ?
R - Quand on parle de la France, il faut faire le distinguo entre ce qui relève du peuple et ce dont sont responsables les dirigeants du pays. J’insiste pour dire que peuples algérien et français ont tout pour travailler ensemble et pour le bien et l’essor communs. C’est au niveau des élites que se pose le problème. Ce régime des DAF, pur produit des services secrets français, qui a éclos dans l’ombre, le détournement, la corruption, l’assassinat, le terrorisme, l’antithèse de l’humanité, s’est hélas forgé avec l’appui des autorités françaises, avec le soutien du chef de l’État quand cela est possible, à son insu ou contre son gré quand cela s’impose.
Larbi Belkheir, bon élève de l’armée française, n’a pas pu fomenter seul un plan d’une telle envergure ; un plan que l’on découvre, après coup, d’une diabolique minutie. Et depuis l’avènement de son pouvoir, derrière la façade Chadli, l’armée, les services secrets et les plus hauts dirigeants français (PS, RPR, UMP, etc.) ne lui ont jamais contesté leur aide jusqu’à sa mort en 2008. Aide financière, politique, militaire, médiatique, sécuritaire. Et les scellés mis sur les archives n’ont qu’un objectif : protéger les DAF, et leurs complices français.
Ali Mecili, avocat assassiné sur le sol français
Concernant Ali Mécili, je fais la démonstration qu’il a servi de monnaie d’échange dans un deal entre l’État français et la SM algérienne (ancêtre du DRS actuel) pour que cessent les attentats qui ont terrorisé la France au milieu de la décennie 1980. Le maître d’œuvre de cette élimination est la SM, certes ; mais la SM avait reçu la garantie qu’elle pouvait opérer en toute quiétude, et qu’elle bénéficierait de l’impunité pour l’éternité. Charles Pasqua a joué dans ce crime monstrueux un rôle prépondérant, mais Chirac et Mitterrand ne sont pas totalement blancs dans l’affaire.
Mais, incontestablement, celui qui tire avantage de ce crime d’État qui inaugure les rapports de symbiose entre services secrets algériens et français, c’est Charles Pasqua, connu jusque-là comme le voyou de la République et qui, au sortir de cet épisode, a gagné ses brevets d’honorabilité et une place de choix dans la diplomatie française en Algérie, conçu par lui comme le prolongement de son ministère français de l’Intérieur. Le slogan était qu’il allait terroriser les terroristes.
La réalité, c’est qu’il a permis aux terroristes d’avoir un ascendant définitif sur la diplomatie française, dont la "parole est contrainte" depuis. Deux tabous donc, sur lesquels repose les destins indissociables des deux pays : L’indépendance piégée et l’assassinat de Mécili. Voilà pourquoi le verrouillage des médias est une nécessité absolue. Il n’y a pas que le peuple algérien qui en paie le prix…
Au sortir de cet épisode, toute l’administration française s’est retrouvée sous l’emprise des services secrets algériens, soumise au chantage et obligée de s’aplatir y compris lorsque ceux-ci font exploser des bombes sur le sol français ou qu’ils assassinent ses ressortissants. Depuis, ce sont les services algériens qui décident de la quiétude ou non du peuple français. C’est un peu comme si la SM (et le DRS depuis) avait les clés de place Beauvau et de rue Nélaton (siège de la DST). Et lorsque les généraux algériens ont besoin de soutien, Charles Pasqua se transforme quasiment en exécuteur de leurs basses œuvres en France, et en Algérie où il leur fournit tout le matériel qu’ils réclament, au mépris de tous les embargos.
Robert Pandraud et Charles Pasqua
Q - On voit très peu de journalistes ou écrivains avec votre discours à la télévision, le traitement médiatique des évènements algériens semble à la faveur des généraux. Des gens comme Olivier Roy ou encore Anne Dissez ne sont pas invités, on n’entend que Mohamed Sifaoui et Yasmina Khadra.
R - La condition faite au peuple algérien par les élites françaises n’a rien à envier à celle qui prévalait du temps de la colonisation. Je répète, si l’on considère simplement ces deux épisodes déterminants pour les Algériens (et, par voie de conséquence, pour le peuple français), l’indépendance frelatée de 1962 et l’assassinat de Mécili, le séisme que provoquerait la divulgation de la vérité à grande échelle est inouïe ! Cela seul justifie que les archives algériennes ne soient jamais ouvertes.
C’est pour cela que le système médiatique et totalement verrouillé et que l’on s’acharne à museler quiconque éprouve quelque scrupule à mentir de façon éhontée. Il faut écarter les importuns, et combler le vide avec des escrocs intellectuels comme Sifaoui et Khadra. Les deux pays doivent un jour fonctionner de concert, mais il faudra consentir ce petit sacrifice de briser le tabou. Il y aura des victimes, bien sûr : un demi-siècle de personnel véreux. Mais il y en aura incomparablement plus si l’on perpétue le mensonge : les générations futures… La question peut se résumer ainsi, faut-il sacrifier le mythe d’hier, ou les peuples français et algérien de demain ?
Q - Dans votre livre, vous évoquez des agents d’influence, qui «ont milité pour empêcher la mobilisation de s’organiser pour freiner les bourreaux». Quels sont les intérêts de personnalités comme BHL ?
R - L’Algérie a beaucoup d’argent, consacré quasi exclusivement à la préservation d’un système mafieux en comparaison duquel la Tunisie de Ben Ali ou l’Egypte de Moubarak sont des havres de démocratie et d’équité. Contre grasse rémunération, les régimes les plus pourris n’ont aucune difficulté à se trouver des avocats. Au-delà de la pure prévarication, les raisons de préserver la «stabilité» de ce régime sont innombrables. Chantage financier, chantage à la fermeture du robinet de gaz, chantage au terrorisme, chantage à la révélation de corruptions auxquelles ont cédé hommes politiques, personnalités médiatiques, élites de tous ordres, etc.
Et puis la légende veut que le régime assure, en bon supplétif des intérêts étrangers, le maintien des Algériens sur leur sol, geôlier gardien de la quiétude des plages méditerranéennes de l’Europe ? Sans compter qu’il sert de rempart contre la mobilisation supposée des solidarités «des peuples arabes» pour la cause palestinienne ? L’Algérie est au carrefour de toutes les prédations, de toutes les manipulations. Il n’est dès lors pas étonnant que se coalisent tous les prédateurs, tous les manipulateurs…
Des hommes et des dieux, film de Xavier Beauvois, septembre 2010
Q - Un film aujourd’hui fait beaucoup de bruit en France. Il relate l’histoire des moines de Tibhérine. En quoi la DRS est impliquée dans l’assassinat de ces moines ?
R - Les moines habitaient dans un monastère de la région de Médéa, en surplomb de la Mitidja, une zone stratégique où se concentraient tous les maquis du GIA, quasi intégralement contrôlés par le DRS. La hiérarchie militaire algérienne a tout fait pour les inciter à quitter le lieu. Ils ont refusé. Or, leur position géographique et leurs liens avec les populations locales les plaçaient en situation de comprendre les réalités de ce que le monde entier présentait comme une guerre civile menée par des islamistes contre le peuple algérien.
L’intention de départ n’était sans doute pas de les assassiner, mais simplement de les forcer à partir. Et puis, deux raisons valant mieux qu’une, de peser sur les luttes intestines au sein du pouvoir français, entre Alain Juppé et Charles Pasqua (avec Jean-Charles Marchiani comme missi dominici). La guerre entre le Quai d’Orsay et l’Intérieur se solde par des démarches contraires dans le dossier des moines de Tibhérine, ce qui conduit le DRS à donner une leçon de détermination aux autorités françaises (n’oublions pas que quoi que fassent les généraux algériens, l’État français est «contraint» au silence).
Les Français ayant trop tergiversé et l’affaire ayant trop duré, les moines ont eu sans doute le temps de comprendre que leurs ravisseurs n’étaient pas ceux qu’ils prétendaient. Le DRS pouvait-il remettre en liberté des hommes de parole et de vérité, amoureux de l’Algérie, qui n’auraient pas manqué de mettre au jour les inavouables vérités de la lutte antiterroriste, côté algérien et côté français ?
Tout concourait donc à leur élimination. Il suffisait de mettre cela sur le dos des GIA, de l’abominable Djamal Zitouni. Dix ans après, la vérité commence à être révélée. Le DRS a mitraillé les moines depuis un hélicoptère, l’un de ceux-là mêmes que Charles Pasqua a livrés aux généraux en guise de reconnaissance pour avoir fait de lui l’homme d’Etat qu’il est… Pour toutes ces raisons, je le répète, l’assassinat des moines, qui sont, rappelons-le des Algériens, est avant tout une affaire franco-française.
Q - Qui sont les véritables maîtres de l’Algérie ? Existe-t-il une relève ? Où va véritablement l’argent des algériens ?
R - J’ai cité quelques noms de généraux. Mais le régime repose sur des soutiens qui vont au-delà de ce premier cercle. Quiconque est prêt à tuer, à voler sans compter, à participer au musellement de ses semblables, à manipuler, à dilapider les ressources du pays, à débaucher son voisinage, à mentir sans sourciller, quiconque consent à faire partie de la lie de l’humanité, est bienvenu dans ce régime.
Et des individus prêts à oublier leurs devoirs pour être comblés de biens, toute société en sécrète à proportion de quelque 10 % de ses effectifs. C’est sur ce vivier que repose le régime, piloté ensuite au sommet par une caste d’officiers supérieurs, auxquels prêtent leur concours des ministres prêts à toutes les prévarications (Chakib Khelil, Barkat, Temmar, Ouyahia, Bouteflika frères, etc.).
Il y a ensuite les institutions du pays, dévoyées par un second rideau de rentiers, des députés, des sénateurs, des élus de tous ordres, la police, les douanes, les administrations, les hauts responsables des entreprises publiques, des acteurs économiques privés, les médias, les chancelleries à l’étranger, etc. Tout ce monde, qui brasse bon gré mal gré quelque 2 millions d’individus, tous secteurs confondus, forme le système politique algérien. Le dénominateur commun, l’avidité d’avoir et de pouvoir. En un mot, ce qui détient le pouvoir en Algérie, c’est «la corruption».
Q - Quelle est la véritable relation de l’Algérie avec les USA ? Qu’en est-il de l’AQMI ?
R - Dans ce régime, sévissent diverses factions (on dit «clans») qui, toutes, partagent cette volonté d’avoir et de pouvoir et qui, pour rien au monde, ne consentiraient à laisser le peuple recouvrer la maîtrise de son destin. Mais celui qui a accès au robinet des finances, du pétrole, de la signature de contrats, est favorisé par rapports aux clans adverses. Ils se battent donc tous solidairement contre le peuple, mais s’opposent les uns aux autres pour avoir prise directe sur les robinets.
Et pour gagner cette position dominante, ils s’allient avec quiconque veut bien les aider. Avec les Français traditionnellement, et de plus en plus avec tous les prédateurs économiques de la planète, dont les USA, la Chine… L’Aqmi aide les USA, aide les Chinois, aide les Français, aide les Italiens, aide les Espagnols, aide les Hollandais, aide les Allemands, aide les Anglais, aide les Norvégiens, aide le monde entier à siphonner les ressources du Sahel au détriment des peuples de la région.
Il y a des centaines de milliers de kilomètres de pipelines dans une région censée être sous l’emprise totale de cette organisation terroriste. Il n’y a jamais eu le moindre sabotage d’aucune sorte depuis vingt ans de spoliations. Et nul ne trouve cela curieux ! C’est dire à quel point les médias ont atteint un stade terminal de compromission concernant l’Algérie…
Q - L’Algérie ne reconnait pas Israël. On a pourtant pu assister en 1999 à une chaleureuse poignée de main entre Bouteflika et Barak. Cependant, en juillet 2000, lorsqu’une délégation de sept journalistes algériens s’est rendue à Tel-Aviv, le président algérien a tenu des propos très durs à leur encontre ("outrage", "trahison des Libanais", "coup de poignard dans le dos des Syriens", "mépris des Palestiniens"). L’Algérie fait-elle encore partie des pays non alignés ? Quel est son positionnement sur la scène internationale ?
R - L’Algérie a toujours, sous couvert de non-alignement, été alignée sur toutes les puissances. Est et Ouest, URSS et USA en même temps. Il y a la position officielle. Et puis il y a les réalités contraires d’un pouvoir de l’ombre. Le pouvoir algérien joue ce jeu de façon admirable, il faut l’admettre. Prétendre combattre la politique sioniste, et s’en faire le supplétif en sous-main. Il faut être naïf pour croire que des journalistes algériens puissent se rendre en Israël, depuis l’Algérie, sans qu’ils en aient été dûment missionnés.
Et la polémique qui s’ensuit est un acte de la monumentale pièce de théâtre qui se joue au détriment du peuple algérien. Le régime autorise la mission, ce qui prouve sa bonne volonté envers Israël et les USA ; «l’opinion» se déchaîne, ce qui montre que le peuple algérien est barbare et inapte à la démocratie, justifiant son maintien sous le joug.
On invite Enrico Macias, ce qui démontre la volonté d’ouverture ; puis on déclenche une monstrueuse polémique, ce qui démontre la vitalité des forces rétrogrades. Et l’on affiche ensuite l’accolade chaleureuse d’Enrico Macias avec Sifaoui. Une comédie bien ficelée, à condition d’oublier les victimes, deux peuples. Dans tout ce processus, les Algériens n’ont jamais eu leur mot à dire. Le régime, Bouteflika et généraux en tête, ne sont ni pour Israël ni contre lui, ni pour la France ou les USA ni contre, ils sont contre le peuple algérien, et quiconque peut les seconder dans leur entreprise de démolition de leur pays et les aider à se maintenir au pouvoir est leur ami, sans distinction de race ou de religion.
Q - Au vu des évènements actuels, pensez-vous qu’il puisse y avoir une véritable révolution en Algérie ? Quelle est la véritable opposition ? Qui est Said Saadi (dont on a pu voir récemment les relations privilégiées avec BHL ? Aujourd’hui, quel est selon vous le parti le plus porteur d’espoir pour le peuple algérien ?
R - La révolution en Algérie est inéluctable. On pourra la bloquer un temps, mais ce ne sera que partie remise. On pourra jouer au jeu malsain de la manipulation, mais la vérité s’imposera un jour. Aux dernières nouvelles, certains généraux soldent leurs biens en Algérie, et préparent leur exil. La fin est plus proche, même si les solidarités dont bénéficie le pouvoir algérien sont importantes.
Quant aux scènes qui se jouent à Alger depuis le 12 février, ce sont les mêmes acteurs du CNSA (Conseil national pour la sauvegarde de l’Algérie), dont faisait partie Saïd Sadi, qui ont perverti une manifestation hostile au pouvoir en janvier 1992 pour la mettre, avec la complicité d’agents d’influence en France, au service du régime des généraux.
Ce sont ceux-là mêmes qui diffusent les unes de presse stigmatisant le pro-«sionisme» de Saïd Sadi, qui lui ouvrent ensuite les canaux médiatiques français pour le brandir comme avant-garde de la révolte, de la révolution, sachant que sa seule apparition va écœurer l’ensemble des vrais révoltés et les démobiliser.
Mais il ne peut y avoir de manipulateur que s’il y a assez de gens pour accepter de se faire manipuler. Faute d’avoir tiré toutes les leçons de ce qui s’est passé il y a 20 ans, ce sont les mêmes scénarios qui sont mis en œuvre à l’heure actuelle. Le seul objectif est de torpiller la révolution algérienne et empêcher que la contagion tunisienne gagne. Le pari est que la fièvre va durer quelques mois et que tout rentrera ensuite dans l’ordre. L’ordre des baïonnettes, l’ordre de la corruption, l’ordre de la débauche intellectuelle et sociale, l’ordre du viol, de la torture, du mensonge, le contraire de l’humanité.
La véritable opposition, vous ne la verrez pas de sitôt à la télévision française. C’est le peuple algérien, des révoltés de toutes les régions de tous les villages, de l’est à l’ouest du pays, ce sont ces malheureux, jeunes et moins jeunes, qui acceptent de jouer, dans une traversée improbable, sur un rafiot en décomposition, leur vie en misant «pile», avec une pièce qui a deux «faces». L’opposition, ce sont des jeunes qui abandonnent tout et qui s’aventurent où le vent les emportera, persuadés que la mort quasi certaine qu’ils risquent de rencontrer vaut mieux que la vie misérable qui leur est imposée dans un pays qui appartient au monde entier sauf à eux, ce pays qui est pourtant le leur. Il n’y a aucun parti connu à ce jour porteur d’avenir. Tout doit être réinventé. Par la jeunesse. Et la révolte viendra, des fins fonds de l’Algérie profonde, qui viendra un jour submerger le pays de sa fureur.
Q - Ne subissez-vous pas de menaces ou de pressions depuis la parution de vos livres ?
R - Non ! L’omerta suffit…
Rania Saoudi pour Algerienetwork
dimanche, 20 Novembre 2011 15:25
source
Rania Saoudi
- retour à l'accueil