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études-coloniales
30 novembre 2006

Hommage à un résistant bordelais : Mohamed Taleb (Daniel Lefeuvre)

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une plaque de prisonnier au Frontsalag (en haut à gauche), Buchenwald (en bas)



Hommage à un résistant bordelais :

Mohamed Taleb

Daniel LEFEUVRE

 

En consultant des archives relatives à l’Algérie, au Centre des Archives d’Outre-Mer d’Aix-en-Provence, j’ai été attiré par une information concernant un Bordelais, M. Mohamed Taleb, dont une note émanant du ministre de l’Intérieur du 15 octobre 1945 (conservée au Caom) souligne en ces termes les mérites :

Ex maréchal des logis au 2e Spahis algérien, Mohamed Taleb qui habitait Bordeaux : "au cours des années 1941 et 1942, durant l’occupation, a créé dans cette ville une officine secrète grâce à laquelle les évadés nord-africains et français des fronstalags et du Sud-Ouest de la France purent trouver asile, nourriture et tous moyens de passer de zone occupée en zone libre. Ce ne fut qu’après avoir réussi à contribuer à la libération de plusieurs centaines de prisonniers que Taleb fut arrêté par la Gestapo allemande.

Torturé, menacé de mort dans le but de le faire parler et de dénoncer ceux qui l’avaient aidé dans la dangereuse mission qu’il s’était donnée, Taleb eut le courage et l’énergie de ne trahir aucun de ceux [qui] de près ou de loin secondaient son action.

Déporté en Allemagne en juin 1943, il séjourna [sic!] aux camps de Buchenwald et de Dora dont il vient de rentrer. Son état physique indique les souffrances cruelles qu’il eut à endurer. De plus, de son commerce à Bordeaux, de ses économies, il ne reste rien. Taleb est entièrement ruiné et démuni de tout. "

Le ministre de l’Intérieur invitait en conséquence, le Gouverneur général de l’Algérie à contribuer à la souscription ouverte par les Amitiés africaines pour venir en aide à ce héros.

Je ne sais rien de plus sur M. Mohamed Taleb. Mais, j’ai adressé un courrier dans ce sens à M. Juppé, redevenu, depuis, Maire de Bordeaux, afin de lui proposer de poursuivre l’enquête pour que la ville, en toute connaissance de cause, honore ce résistant exemplaire.

Daniel Lefeuvre, professeur
à l'université Paris VIII/Saint-Denis

 

319_1_musee_national_de_la_resistance_de_bordeaux
musée national de la Résistance à Bordeaux

 

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- Répertoire des historien(ne)s du temps colonial

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29 novembre 2006

la France face à ses ex-colonies (forum avec Daniel Lefeuvre)

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Après la sortie du film "Indigènes",

la France face à ses ex-colonies

un forum avec Daniel LEFEUVRE

 

NouvelObs.com - mercredi 25 octobre 2006
de 09h50 à 11h45
avec Daniel Lefeuvre, professeur d'histoire contemporaine à l'université Paris VIII - Saint-Denis, auteur de Pour en finir avec la repentance coloniale (Flammarion, sept. 2006)

Question de : qsfdqs
La guerre en Côte d'Ivoire est-elle plus ou moins pilotée par la France ? Quels sont les enjeux de cette guerre pour la France ?
Réponse : Je ne suis spécialiste ni des relations internationales, ni de la politique étrangère de la France, ni de la politique ivoirienne. Mais, ce qui m'apparaît dans cette crise, c'est qu'elle conduit à la liquidation des intérêts français - et même de la présence française - dans ce pays. Je ne vois donc pas ce que la France gagnerait à entretenir une crise qui dessert ses intérêts et nuit à ses ressortissants installés sur place.

Question de : juba
bonjour un simple merci de la nation pour les indigènes qui ont fait la guerre pendant que l'armée des Francaise était dans les camps de prisonniers (mon grand-père a fait la guerre de 39-40 et ensuite celle de 1942 à 1945). À propos avez-vous entendu parler de la bataille des ponts de la Loire de juin 1940 ? Mon aieul qui était spahi a combattu avec l'énergie du désespoir pendant que les bons soldats metropolitains fuyaient comme des lapins ; certains n'ont même pas tiré une cartouche ! Mon grand-père, de cavalier est devenu artilleur parce que les Francais qui devaient couvrir les indigènes en première ligne qui résistaient face aux Allemands avaient fuit. Résultat : de très grosses pertes pour les Algériens : vraiment l'armée francaise en 40, elle était belle !
Réponse : Vous avez raison de rappeler ce que la France doit à ses combattants venus des colonies, non seulement au cours des années 1943-1945, mais également lors de la première bataille de France, en 1940. Il n'est pas juste, cependant, d´opposer le courage des uns - les "indigènes" - à la lâcheté des autres - les "métropolitains". Contrairement à un état-major gagné par le défaitisme dès les premiers jours des combats, la plupart des soldats et des officiers subalternes ont fait face avec courage et détermination. Ils n'ont pas fuit comme des lapins, mais se sont battus, l'ampleur des pertes qu´ils ont subies comme les pertes qu´ils ont infligées aux troupes allemandes témoignent de ce comportement exemplaire.

Question de : paul
Bonjour, Pourquoi accuser les occidentaux d'être les principaux responsables de l'esclavage ? Les Arabes sont les principaux responsables de l'esclavage. 40% de l'esclavage concerne les pays arabes (17 millions d´esclaves) 30% les pays africains (traite interafricaine 14 millions) 26% pour les pays occidentaux (11 millions). (Olivier Pétré-Grenouilleau : "Quelques vérités gênantes sur la traite des Noirs"). Il faut ajouter la traite des blancs. Par exemple Cervantes est resté esclave 8 ans en Algérie et la Grande Mosquée de Cordoue (lorsque cette ville d'Espagne était occupée par les Arabes au Xe siècle) a été construite par des esclaves blancs. L'esclavage se poursuit aujourd'hui avec 800 000 esclaves au Niger (lexpress.fr)
Réponse : Je partage totalement l'analyse d'Olivier Pétré-Grenouilleau qui a rappelé que la traite négrière européenne s'était greffée sur des courants antérieurs (internes à l'Afrique noire et traite arabe) et qui se sont prolongés bien longtemps après l'interdiction de la traite puis de l'esclavage décidée par les puissances européennes. Et vous avez pleinement raison de rappeler qu'aujourd'hui encore cette pratique scandaleuse n'a pas disparu. On pourrait d'ailleurs ajouter que, dès le début des années 1840, dans les parties du territoire algérien qu'elle contrôle, la France s´est attachée à interdire l'acheminement et la vente publique d'esclaves ainsi que la possession et le commerce d'esclaves - du moins aux Européens et aux Juifs. Après 1848, la France s'est efforcée, avec plus ou moins de rigueur et de succès, compte tenu du poids des traditions locales, d'interdire l'esclavage dans ses colonies.

Autrement dit, à partir des années 1840, la colonisation a été l'une des voies qui a contribué à lutter contre l'esclavagisme. Pourquoi ne s'intéresser qu´à la traite européenne ? La réponse n'est pas d'ordre historique : depuis des décennies les historiens ont fait leur travail comme la somme publiée par O. Pétré-Grenouilleau l´atteste. La réponse est d'ordre politique. Il s´agit pour certains d'assigner les Noirs de France dans une identité de "descendants d'esclaves". On construit donc, de manière artificielle une "mémoire victimaire" : - se dire "descendants d'esclave, c'est-à-dire choisir dans son ascendance est un choix ; - tandis qu'il est par ailleurs évident que parmi les Africains de France, certains descendent de peuples qui ont pratiqué l'esclavagisme ou participé aux traites -négrières.

Au total, l'objectif de cette campagne est, en premier lieu, de justifier l'existence d'une créance - morale et matérielle - que la République aurait à l'égard de ces "descendants" d'esclaves. En second lieu, elle vise à expliquer que le racisme dont des Noirs - comme les Arabes - sont aujourd'hui souvent victimes - discrimination à l'embauche, au logement... - trouverait ses origines et son explication dans une pseudo "fracture coloniale" que la France serait incapable de réduire. Ainsi, on évacue la dimension sociale de ces manifestations : importance du chômage qui frappe toutes les couches populaires ; absence d'une politique ambitieuse du logement social ; relégation des couches populaires, etc.

Question de : paul
Bonjour, La Corée a été colonisée par le Japon : la colonisation la plus brutale de l'histoire. 2 millions de Coréens ont connu l'esclavage. Puis ce fut la guerre de Corée avec 2 millions de morts. En 1960 la Corée du Sud avait le même PNB par habitant que les pays d'Afrique. Pourquoi la Corée du Sud est-elle une grande puissance malgré l'état de guerre avec la Corée du Nord alors que les pays d'Afrique sont toujours aussi pauvres?
Réponse : De nombreux facteurs expliquent le destin divergent de la Corée et des pays africains. Au début des années 1960, les conjoncturistes pariaient plus volontiers sur l'Afrique que sur l'Asie. Le continent noir disposait d'importantes ressources naturelles, d'une faible densité de population, alors que la Corée, privée des premières était perçue comme surpeuplée. C'est cette dernière, pourtant, qui a réussi son décollage et son développement, alors que l'Afrique, dont il ne faut pas nier les dynamismes, est à la peine. Pourquoi ? Quelques pistes : - on pourra certes évoquer l'importance des investissements étrangers (japonais et américains) - mais il faut souligner aussi que la Corée du Sud est l'un des pays au monde qui a fourni le plus gros effort d'investissement dans le secteur de l'éducation et de la formation - le niveau très élevé de productivité de la main-d'oeuvre locale, reposant sur un haut niveau de formation et de compétence. - le choix de l'ouverture internationale et du développement à partir des industries légères (textiles) relayées, ensuite, par le développement des industries lourdes ou mécaniques.

Question de : sdfqs
Finir avec la repentance coloniale ? OUI mais d´abord faudrait qu'elle ait commencé ! La colonisation a été totalement passée sous silence et justice sera rendue qd elle prendra toute la place qu´elle doit occuper au même titre que les autres thèmes de l'histoire de France ! Qu'en pensez-vous ?
Réponse : Contrairement à ce que vous avancez, la colonisation n´a pas été "totalement passée sous silence". Cette histoire est étudiée depuis le XIXe siècle, y compris de manière critique (je vous renvoie au très beau livre d´un des plus grands historiens de l´Algérie coloniale, Charles-Robert AGERON : L'Anticolonisalisme en France de 1871 à 1914, PUF, dossier Clio, 1971). Même de manière insuffisante, elle a pris place dans les programmes scolaires au collège et au lycée. Elle est fortement présente à l'Université. Des revues "grand public" comme L'Histoire ou Historia lui ont consacré de très nombreux articles, voire des numéros spéciaux. De nombreuses oeuvres de fiction (romans, films,... en ont traité. Il n´y a donc eu ni silence ni, encore moins, complot du silence autour du passé colonial de la France. Quant à se "repentir", de ce passé, cela n'a aucun sens. L'histoire est faite pour connaître et comprendre, pas pour juger ni engager une démarche pénitentielle.

Question de : aezer
Finir la repentance ne veut pas dire ne pas reconnaitre ses torts et travers, mais surtout accorder à la colonisation toute la place qu'elle a dans notre histoire et laisser place à la justice. Et que proposez-vous à ce sujet
Réponse : Sur le premier volet de votre question, je redis à nouveau, que "reconnaître ses torts" n'a, historiquement, aucun sens. À quoi se réfère "ses" torts ? Les torts de qui ? On ne juge pas le passé, on s'attache à le connaître et à le comprendre. "Laisser place à la justice" ? Pour juger qui ? Selon quelle procédure ? Juger les esclavagistes du XVIIe ou du XVIIIe siècle ? Juger Pélissier ou Saint-Arnaud pour les enfumades qu'ils ont perpétrés lors de la conquête de l'Algérie ? Je pense que cela les indiffère.

Ce qui me semble grave, dans cette demande de justice c'est d'abord qu'elle tend à se substituer à la demande de connaissance, de savoir. C'est d'autre part qu'elle tend à substituer à la complexité des faits, à leur évolution, une vision manichéenne où s'opposeraient les bons et et les méchants, le bien et le mal, les victimes et les bourreaux. Dès lors, c'est qu'on puisse exiger des historiens qu'ils se conforment à cette façon d'appréhender le passé et que leurs travaux ne disent plus le "vrai", mais le bien, ou plus exactement ce que la société ou la justice considèrent, à un moment donné, comme ce qu'il convient de dire. Pour prolonger cette discussion, je vous renvoie aux articles que deux grands historiens - par ailleurs anticolonialistes de la première heure - Madeleine Rébérioux et Pierre Vidal-Naquet, ont publié à propos de la loi Gayssot et plus généralement des qualifications juridiques du passé.

Question de : Internaute
Le film fait l'impasse sur la présence de soldats noirs dans les troupes coloniales. On les plaçait sur l'avant du front moins pour leur valeur militaire que pour leur effet destabilisateur sur le moral d'en face, où leur réputation de pratiquer des mutilations cruelles sur les prisonniers répandait la terreur
Réponse : Je pense que vous faites allusion au film Indigènes. Une première remarque, les soldats noirs ne sont pas absents du film, on les voit participer à la campagne d'Italie puis à celle de France, jusqu'à l'arrivée dans les Vosges. S'ils disparaissent du film à ce moment, c'est que la campagne des Vosges commence à l'hiver 1944 et que, expérience de la Première Guerre mondiale aidant, l'état-major retire du front ces soldats mal préparés à affronter les hivers rigoureux (c´est ce qu'on appelait, lors de la Première Guerre, l'hivernage).

Il n'est pas exact d´affirmer que ces soldats ont été systématiquement placés aux premiers rangs lors des assauts. Là encore, l'expérience des premiers mois de la Grande Guerre a convaincu l'état-major que l'efficacité de ces combattants imposait d'intégrer leurs régiments dans des unités où ils côtoyaient des combattants métropolitains ou d'Afrique du Nord. On ne trouve pas, d'ailleurs, ni lors de la Première Guerre mondiale ni lors de la Seconde, de sur-mortalité parmi ses soldats. S'ils avaient été engagés les premiers, leurs pertes auraient été supérieures à celles des autres combattants, et, je le répète, ce n´est pas le cas. Enfin, concernant la réputation de cruauté ou de sauvagerie des soldats noirs, c'est une légende forgée lors de la Première Guerre par la propagande allemande (la Honte noire) et qui a justifié, lors de la Sesconde Guerre mondiale les crimes de guerre perpétrés par les armées allemandes contre nombre d'entre eux, après qu'ils se soient rendus, et le traitement souvent inhumain qui leur a été réservé dans les camps de prisonniers. Pour plus de détail sur les soldats africains pendant la Première Guerre mondiale : Marc Michel, L'Appel à l'Afrique (rééd. Karthala, 2005).

Question de : dfsdfsdf
Apres le vote sur le génocide arménien à quand le vote de la loi sur la pénalisation liée à la colonisation qui concerne énormément notre pays !
Réponse : J'espère que l'Assemblée nationale reviendra sur le vote de cette nouvelle loi mémorielle et, il est permis de rêver, qu'elle aura même le courage d´abroger TOUTES les lois de ce type : la loi Gayssot et la loi Taubira.

Question de : kiki
J'ai lu une excellente chronique sur les émeutes de l'année dernière, signée par le grand écrivain Gabriel Matzneff. Lui-même fils d'immigrés, Matzneff rappelle que le fait d'être d'origine étrangère ne l'a pas empêché d'aimer La Fontaine et Alexandre Dumas, Marcel Carné et de Jean Renoir, le Louvre et le Palais de la Découverte. Il se pose une question :

  • "pourquoi, contrairement aux adolescents d'origine italienne, ou russe, ou arménienne, ou grecque (pour ne rien dire des émigrations plus récentes, l'espagnole, la portugaise, l'asiatique), ces garçons d'origine africaine traînent-ils toute la journée, ne s'intéressent-ils à rien, s'ennuient-ils, semblent-ils n'avoir aucune curiosité intellectuelle, aucune soif d'apprendre, de s'instruire, de lire de beaux livres ?

    " (source : matzneff.com) Qu'avez-vous à lui répondre ?

Réponse : Les raccourcis sont toujours dangereux. L'intégration dans la société - et la culture - françaises des immigrés venus d'Europe s'est réalisée beaucoup plus difficilement et beaucoup plus lentement qu'on ne l'imagine aujourd´hui. Inversement, et enseignant à l'Université Paris VIII, à Saint-Denis (dans le 93), je constate que parmi les étudiants de cette université, beaucoup sont d'origine africaine et que, malgré des conditions sociales souvent défavorables - un très grand nombre travaille parallèlement à leurs études - ils manifestent une volonté de réussir tout à fait remarquable.

Ce qui m'inquiète beaucoup plus c'est qu'on a privé l'école d'une bonne partie des outils qui en faisait un formidable instrument d'intégration et de promotion culturelles et sociales. Ainsi, le nombre d'heures d'enseignement du français a-t-il été considérablement réduit au cours de ces trente dernières années. L'enseignement de l'histoire et de la géographie, des langues vivantes a été également réduit, tandis qu'on a pratiquement fait disparaître des établissement des quartiers populaires l'enseignement du latin et du grec. Bref, par mépris ou bêtise, on a estimé que les jeunes de ces quartiers, quelle que soit leur origine, étaient incapables d'accéder à la culture dite - non sans mépris - "classique". Bref, l'école a été transformée en bonne part, et malgré les enseignants, en lieu de vie ou en lieu d'occupation, mais, de moins en moins en lieu d'apprentissage. Tous les gouvernements qui se sont succédés au pouvoir depuis le début des années 1970 sont responsables de cette politique qu'il conviendrait d'inverser radicalement.

Je voudrais remercier toutes celles et tous ceux qui m'ont fait l'amitié de poser des questions. Le temps qui m'était imparti ne m'a permis de répondre à tous. Mais je propose de prolonger ce débat sur mon blog et sur celui de l'association Études Coloniales.

source
(orthographe des questionneurs corrigée)

 

 

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28 novembre 2006

Auteurs publiés sur le blog "Études Coloniales"

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Auteurs publiés

sur le blog "Études Coloniales"

année 2006

 

 

(en cours d'édition)

 

- Jacques Berque (L'intérieur du Maghreb)

- Pierre Brocheux

 

- Condorcet, (Esquisse d'un tableau des progrès de l'esprit humain)

 

 

- Jean Fremigacci

- Jean de la Guérivière

- Hông Nga et Sébastien (Le Courrier du Vietnam)

- juristes (appel contre les lois mémorielles)

 

- Yves Lacoste (revue Hérodote)

 

- Claude Malon

- Jean-Louis Marçot

- Gilbert Meynier : 1 - 2 - 3

- Mélica Ouennoughi

- Jean-Louis Planche

 

- Michel Renard : 1 - 2 - 3

- Jacqueline Sorel (Rfi)

- Pierre Vidal-Naquet

 

- Michel Wieviorka (Libération)



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23 novembre 2006

Ouvrir l’espace public au passé colonial

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Ouvrir l’espace public au passé colonial


Bogimil_Jewsuewicki   
Samedi, 9 décembre 2006, 105 boulevard Raspail

9h00 Ouverture de la journée
Bogumil Jewsiewicki
titulaire de la Chaire de recherche du Canada
en histoire comparée de la Mémoire


9h15h - 12h30
A. Ouvrir le musée à la colonisation et à la traite des esclaves

9h15 - 10h00
Le Musée royal de l’Afrique centrale : de la présence belge au Congo à l’histoire et à la mémoire de la société congolaise, de Tervuren à Kinshasa
Présentation power point
Sabine Cornelis

10h00 - 10h30
Musée national Nasr Eddin Dinet de Bou-Saâda (Algérie), un lieu de mémoire
Barkahoum Ferhati             - Musée Dinet à Bou Saâda
10h30 - 10h45
Commentaire : François Pouillon
Daghesu, coll. Mus�e d'Abomey
11h00 – 11h30
Palais royal d'Abomey, un lieu de l'actualisation de la mémoire  du traumatisme collectif       - site du Musée historique d'Abomey
Anna Seiderer
11h30 - 11h45
Commentaire : Gaëlle Beaujean-Baltzer

11h45 - 12h15
Discussion


ph_bowane

13h30 - 16h30
B. Temps colonial en patrimoine : faire sienne la modernité attribuée à l’Autre

13h30 - 14h00
Musique congolaise «moderne» des années 1950, quel patrimoine ?
Projet Ndule ya kala au MRAC
Vincent Kenis et Césarine Sinatu Bolya

14h00 – 16h00
Patrimoines mises en image et travail de mémoire ?
Introduction : Donatien Dibwe dia Mwembu et Bogumil Jewsiewicki

Expositions virtuelles :
- Kushiripa, l'art de peindre chez les femmes lamba, réalisée par le Vicanos Club et la Halle de l'Etoile, l’Espace Francophone de Lubumbashi (Ambassade de France en RDC), avec le soutien de l'UNICEF Katanga.
- Paysannes peintres et peintures, photographies de Sammy Baloji et de Gulda El Magambo, montage Vicanos Club avec le soutien de l'Espace Culturel Francophone, (Ambassade de France en RDC) et de l'UNICEF Katanga.

Films :
kushiripa1- Kushiripa, un art féminin, réalisation Douglas Masamuna, production du Vicanos Club avec le soutien de l'Espace Culturel Francophone de Lubumbashi (Ambassade de France en RDC) et de l'UNICEF Katanga,
- Mémoires, réalisation Sammy Baloji (collection privé monsieur et madame George Forrest).
- Violence de la mémoire, mémoire de la violence, Ve édition des “Mémoires de Lubumbashi”, réalisation David Nadeau-Bernatchez

16h00 - 16h30DesFriches
Discussion

16h30
Clôture de la journée
Jean-Paul Colleyn et Eloi Ficquet

Une exposition «Des friches pour mémoire, Katanga industriel» se tiendra du 1er au 8 décembre au 54, bd Raspail, 75006 Paris.


*** Le 8 décembre, au CEVIPOF, 98 rue de l’Université, 75007 Paris, salle Georges Laveau, Donatien Dibwe et Bogumil Jewsiewicki aborderont «Le passé colonial belgo-congolais, patrimoine commun toujours impartageable», une introduction à la seconde partie de la présente journée.



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musée de l'Afrique à Tervuren (Belgique) - site


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musée de l'Afrique à Tervuren (Belgique)


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musée de l'Afrique à Tervuren (Belgique)


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musée de l'Afrique à Tervuren (Belgique)


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22 novembre 2006

1947 : l'insurrection à Madagascar (Jean Fremigacci)

guerrier_fahavalo

 

1947 : L'insurrection à Madagascar

Jean FREMIGACCI


Ignorance, exagération, contre-vérités... Ce drame, qui fit près de 8 000 morts, fut vécu, des deux côtés, sur le mode du fantasme et de l'horreur. Un enchaînement où réalité et mensonge ont joué une partition perverse.

L'insurrection malgache de 1947 illustre à la perfection la mécanique de la sortie coloniale dans la France d'après guerre. Elle donne surtout la tonalité d'ensemble d'une crise puis d'une décolonisation placées sous le sceau de l'ignorance. Ignorance des événements qui laisse le champ libre aux rumeurs ; ignorance des enjeux réels, autant en métropole qu'au sein des partis politique locaux, le Parti des déshérités de Madagascar (Padesm) et le Mouvement démocratique de la rénovation malgache (MDRM) ; ignorance de l'ampleur exacte de la répression, ce qui conduit à proférer des énormités historiques, à l'exemple de Claude Simon s'autorisant sans doute de son prix Nobel de littérature pour écrire dans le Monde du 19 septembre 1997 : «Madagascar, dont on a longtemps caché qu'on y a tué, en 1947, 100000 indigènes en trois jours...» Il est temps de mettre les choses dans l'ordre.

Dès le départ, l'insurrection du 29 mars 1947 fut vécue et mémorisée sur le mode du fantasme et de l'horreur, tant du côté français que du côté malgache. Après ce coup de tonnerre, la société coloniale, hantée par le complot antieuropéen tout en l'estimant inimaginable, se laissa contaminer par des récits d'atrocités rebelles effroyables : on évoqua un chef de poste français dépecé vivant par un médecin, affabulation à l'origine d'un procès qui se conclut par l'acquittement du médecin, en juillet 1948. Mais le mal était fait : en décembre 1997, à l'occasion de la célébration du cinquantenaire des événements à l'Académie des sciences d'outre-mer, un «témoin» reprit la fable avec de nouveaux détails imaginaires, confortant les vieux stéréotypes coloniaux sur la fourberie merina. Le nombre de victimes civiles européennes fut en réalité très réduit : 140 en tout, sur 35000 résidents. Sauf exceptions, les insurgés épargnèrent les femmes et les enfants.

On exagéra aussi énormément le nombre des Malgaches victimes des insurgés. En 1949, on parlait encore de 5 000 membres du Padesm mis à mort. En fait, les décomptes de 1950-1952 aboutirent à un total de 1600 à 1900 Malgaches assassinés, dont une minorité appartenant au Padesm. Le mouvement ne toucha guère les villes. Même dans les centres côtiers encerclés, la population ne prêta pas main-forte aux assaillants venus de la brousse. Cependant, la société malgache tout entière se retrouva plongée dans un climat de peur sociale.

La terreur irraisonnée du tirailleur sénégalais - analysée par le psychanalyste Octave Mannoni, alors professeur à Tananarive - s'installa, résurgence de figures terrifiantes du passé, comme celle des Zoulous du corps d'invasion britannique de 1942. Le tsaho (la rumeur) leur prêta des atrocités allant bien au-delà des violences et des exactions qu'ils commirent. Les bruits les plus fous, colportés par les Européens eux-mêmes, cherchant à se rassurer et à apaiser leurs propres peurs, circulèrent sur les massacres perpétrés à Moramanga en réponse à l'attaque du 29 mars. Or, l'enquête historique révèle que les Sénégalais déchaînés, au matin du 30 mars, n'étaient qu'une douzaine dans la petite ville évacuée dans la nuit par sa population.

 

madagascar_fort_merina
"À Foulpointe on trouve également le Fort «Manda», Fort Merina édifié
par Radama 1er entre 1826 et 1831. (...)
Abandonné durant la colonisation,
il servit de refuge aux enfants, aux femmes  et aux vieillards pendant l'insurrection de 1947"

(source)

 

Les représailles firent néanmoins plusieurs dizaines de morts. Mais l'amplification qui suivit fut telle que le Parti communiste put s'en emparer comme thème de campagne. Ses ministres ayant quitté le gouvernement le 5 mai 1947, au plus fort de la crise malgache, le Parti dut rattraper le temps perdu et faire oublier sa tiédeur antérieure vis-à-vis des nationalistes coloniaux. «Moramanga, l'Oradour malgache» est le titre, dans la Nouvelle Critique de janvier 1954, d'un article falsificateur de Pierre Boiteau, l'homme du Parti à Madagascar entre 1944 et 1947. Le même genre d'inepties furent colportées tout au long des années 50 et resurgissent dans certains hebdomadaires à l'occasion du cinquantenaire.

Que penser alors de cette répression toujours qualifiée de «féroce» ? D'abord, que des crimes de guerre ont bien été commis, presque tous, et tous les plus graves, dans les six semaines qui vont du 30 mars au 10 mai 1947. Après juin 1947, ils devinrent exceptionnels. Ces crimes, qui pourraient avoir fait entre 1000 et 2 000 morts, concernaient l'exécution de prisonniers, sur le terrain, et surtout dans les prisons où l'on jeta massivement les membres du MDRM au début d'avril 1947, sans disposer des bâtiments, de l'intendance et des moyens de surveillance nécessaires.

Dans les centres côtiers attaqués par les insurgés, une série de massacres, déclenchés par une panique pour les uns, froidement exécutés comme mesure de terreur pour les autres, se produisent à Farafangana, Manakara (deux fois), Mananjary, Mahanoro... et aussi à Moramanga, où l'épisode du train sanglant, le 6 mai, est lié à ce genre de situation. Le commandant de la place, tout comme à Mananjary, saisit l'occasion d'une attaque pour mitrailler dans leurs wagons-prisons les cadres du MDRM d'un district. C'est au drame de Mananjary que se rattache l'affaire des prisonniers (de quatre à six) jetés d'avion par une tête brûlée qui, le soir même, s'en vantait dans une boîte de nuit de Tananarive. Moins d'une semaine plus tard, le 15 mai 1947, l'affaire des «bombes vivantes» était à la une de journaux parisiens. Le forfait resta d'ailleurs de nombreuses années impuni, et «le Baron», son auteur, devait devenir une figure légendaire, un héros décoré de l'aviation en Indochine, où tout le monde connaissait ses antécédents. Là encore, campagne de presse aidant, un crime d'exception en arriva à passer pour la norme de la répression.

Madagascar_miliciens

 

Après la période de défensive terroriste des deux premiers mois, et avec l'arrivée de nouvelles troupes, la répression militaire allait se faire beaucoup plus mesurée. Les Français, le gouverneur général Coppet en tête, comprirent que le vrai problème n'était pas l'élimination de bandes insurgées trop pauvrement armées pour représenter un réel danger.

Des combats, il n'y en eut plus que très peu après juillet 1947. Ayant réalisé la vanité de leurs pratiques magiques, les insurgés adoptèrent une stratégie d'évitement et un comportement de dissidence plus que de guérilla offensive, en s'efforçant de maintenir les populations de la zone forestière sous leur contrôle. L'enjeu véritable était donc le retour dans leurs villages des populations qui avaient fui sous l'emprise de rumeurs terrifiantes, ou sous la contrainte des insurgés. Et ce n'était pas par la violence aveugle que l'objectif pouvait être atteint. Un manque persistant de moyens rendit la tâche très longue. Le terme de «pacification» peut sembler colonialiste et provocateur. Il correspond pourtant au souvenir que les témoins survivants ont gardé dans les hauts lieux de l'insurrection comme Vohilava.

Ailleurs, on relève des témoignages de fraternisation entre tirailleurs algériens et populations. Cela aurait dû inquiéter les Français. Ou un taux élevé de désertion chez les Sénégalais, préférant prendre femme. Ces troupes coloniales, malgré la présence d'un bataillon de la Légion étrangère - dans laquelle s'enrôlèrent des Allemands dans l'après-guerre -, n'étaient pas constituées de SS. La faiblesse des pertes militaires (242 morts, dont plus de la moitié d'accident ou de maladie) explique aussi l'absence de peur, donc de haine, face aux Marosalohy, les «Porteurs de sagaie». Rien de comparable, à Madagascar, à ce que l'on observa en Indochine et plus tard en Algérie, face au «viet» ou au fellaga.

Malheureusement, il y eut aussi la répression policière : c'est sa brutalité injustifiable qui fut la véritable origine de la mémoire d'effroi qu'a laissée le drame de 1947 à Madagascar. Il convient au préalable de faire une bonne fois justice de la thèse qui voit dans l'insurrection le résultat d'un complot de la sûreté coloniale. À Madagascar, elle est perçue comme injurieuse pour des hommes qui ont donné leur vie pour leur patrie. S'il y eut complot policier, il était ailleurs.

Alors que les pouvoirs civils, début avril 1947, s'approchaient de la vérité - à savoir que le MDRM légaliste s'était fait déborder par les extrémistes des sociétés secrètes liés au député Raseta-, la sûreté sous le sinistre commissaire Baron s'acharna à extorquer par la violence (le supplice de la baignoire) des «preuves» permettant d'abattre le chef charismatique du mouvement national, Joseph Ravoahangy, qui n'était pour rien dans l'affaire. Le terme du processus fut le fameux «procès des parlementaires» qui polarisa l'attention en 1948. La condamnation à mort de Ravoahangy (mais aussi in fine sa grâce...) était en fait acquise d'avance dans ce qui n'était qu'un procès politique. Il fallait montrer que la France allait rester à Madagascar !

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D'autant que le libéral Marcel de Coppet avait entre-temps laissé la place à l'intransigeant Pierre de Chevigné. À la faveur de l'espoir insensé du nouveau pouvoir d'éradiquer le nationalisme malgache, même modéré, la menace policière s'étendit à l'ensemble de la société civile dans les villes qui n'avaient pas bougé. Et en zone insurgée l'instruction des procès des «rebelles» fut souvent menée par des auxiliaires maniant le nerf-de-boeuf entouré d'un fil de fer barbelé. Après plus d'un demi-siècle, les survivants montrent des cicatrices accusatrices. Une ambiance étouffante de peur fut enfin entretenue par la longueur même des procédures judiciaires, qui s'étalèrent jusqu'en 1954, une fois de plus faute de moyens.

Pourtant, là encore, malgré le nombre et la lourdeur des condamnations, un réel souci d'apaisement se fit jour, quoi qu'ait prétendu la propagande communiste. Sur les 44 condamnations à mort prononcées par les tribunaux militaires, 8 seulement furent exécutées. Et 16 seulement sur les quelque 160 peines capitales des cours criminelles. Dès 1954, des mesures d'amnistie étaient prises, et en 1957 la totalité des condamnés de l'insurrection étaient libres.

Reste le bilan de l'insurrection. Ici, un point essentiel est à marquer fortement : l'estimation de 80000 à 100 000 morts qui est généralement avancée ne repose sur rien. Faute de la moindre preuve, le PC s'est retranché derrière l'argument des chiffres officiels. Saluons donc des marxistes qui, pour une fois, ont cru leurs adversaires sur parole ! Or, l'historien n'a aucun mal à démontrer que les évaluations des militaires étaient fantaisistes. Quant à Pierre de Chevigné, il a bien parlé en 1949 de 80 000 morts... mais ce fut aussitôt pour en mettre 75 000 à la charge des insurgés. Il fallait bien, entre autres raisons, qu'il rentre en France en gonflant le succès qu'il avait remporté.

Inversement, il n'est pas douteux que le recensement de 1950, en décomptant 11342 victimes, a abouti à une sous-évaluation.
Il convient, pour approcher une valeur fiable, de distinguer deux groupes. Le premier, qu'on peut cerner approximativement, est celui des morts violentes : 2 000 Malgaches victimes des insurgés, de 5 000 à 6 000 de ces derniers tués par les forces coloniales, le total n'atteint pas 10 000 morts. Le second groupe est celui des «morts de misère physiologique» - de malnutrition et de maladie - dans les zones refuges. Cette surmortalité reste encore très difficile à évaluer, l'hypothèse la plus vraisemblable tournant autour de 20 000 à 30 000 morts.

Faut-il considérer tous ces morts comme victimes de «massacres colonialistes» ? À l'évidence, non. Pas plus que d'Oradour il n'y a eu de «génocide oublié» à Madagascar. Mais la question peut être posée autrement : ces morts pouvaient-ils être évités ? Et là la réponse est oui. Seulement, ce n'est plus du côté des militaires et à Madagascar qu'il faut chercher des responsables, mais à Paris, du côté des politiques incapables de négocier, et qui ont détourné l'attention en laissant faire le procès de la Grande Muette, quitte à faciliter l'extraordinaire succès d'une propagande qui domine encore la vision de l'événement majeur de l'histoire de Madagascar au XXe siècle.

Jean Fremigacci
maître de conférence à l'université Paris-I Sorbonne.
Marianne, n° 401, du 25 au 31 décembre 2004

 

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http://nah296.free.fr/images/mada1947.JPG
source

 

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voir aussi : Réponse à J.-P. Renaud sur Madagascer, Jean Fremigacci [lire]

 

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21 novembre 2006

Une mer au Sahara (Jean-Louis Marçot)

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Une mer au Sahara

mirages de la colonisation, 1869-1887

Jean-Louis MARÇOT

 

J’étais sur la piste (j’y suis toujours) de Charles de Foucauld, "l’ermite du Sahara" lorsque, en lisant une revue de géographie de 1883, je découvrais qu’un obscur officier creusois, Elie Roudaire, avait eu l’intention de noyer une partie du plus grand désert sous les flots de la Méditerranée.

Cette idée me parut folle, au plan technique comme au plan humain ; elle attentait au Sahara et à ses habitants, pour lesquels je professe le plus profond respect. Mais c’est en définitive la curiosité qui m’a poussé dans une enquête à laquelle j’ai sacrifié près de cinq années.

J’ai mené celle-ci dans le seul désir de comprendre, quitte à remonter aux plus lointaines origines, comment le projet de mer intérieure africaine a pu surgir et mobiliser tant d’énergie dans les milieux scientifiques et politiques des années 1870, 1880. Au-delà, il m’importait de caractériser ce "progressisme" dans lequel j’ai été moi-même élevé.

À l’est de l’Algérie, au sud de la Tunisie, se déploie un chapelet de chotts – cuvettes salées le plus souvent à sec. Plusieurs se situent sous le niveau de la mer, dont un isthme d’une vingtaine de kilomètres de largeur les sépare. Roudaire voyait dans ces chotts les restes d’un immense bras de mer évaporé. Pour le restaurer, affirmait l’officier, il suffirait de percer le cordon littoral. Ainsi assurerait-on contre le désert, l’aridité et la stérilité de ces régions, une victoire décisive.

Son projet, activement soutenu par Ferdinand de Lesseps, trahit, en même temps que l’ignorance du colonisateur face à une terre qu’il ne s’est pas encore appropriée, l’espoir d’améliorer le monde. Il constitue, avec les multiples missions qu’il a suscitées, les rêves et les luttes qu’il a levés, une belle aventure.

Jean-Louis Marçot



GRAVURE D'ORIGINE
cliquer sur l'image pour lire la légende de l'illustration

 

Noyer une partie du Sahara sous les flots de la Méditerranée, tel fut le très sérieux projet que conçut un certain Élie Roudaire, officier originaire de la Creuse, dans les années 1870. L’idée enthousiasma les savants les plus éminents, les politiciens les plus responsables, les affairistes les plus retors de l’époque. Ferdinand de Lesseps, qui la fit sienne, ne manquait jamais, lors des multiples mondanités auxquelles l’entraînait sa gloire récemment acquise à Suez, de demander à Roudaire chaque fois qu’il le croisait : "Et votre mer, monsieur Roudaire, comment va-t-elle ?".

L’affaire occupa la France durant deux décennies, suscita des débats, des enquêtes, des expertises, des plans et des essais dont Jean-Louis Marçot nous retrace l’histoire mouvementée. Les chotts, ces formations géologiques singulières, à l’est de l’Algérie et au sud de la Tunisie, aux confins du Sahara, en constituent le décor. L’inondation par la Méditerranée de ce concentré de désert, grâce au percement d’une bande de terre dans le golfe de Gabès, inspira aussi le dernier roman de Jules Verne.
En ouvrant ce dossier aujourd’hui oublié de la "mer intérieure", Jean-Louis Marçot dresse un tableau des mentalités à travers les différentes phases de la colonisation de l’Algérie et nous entraîne dans une passionnante étude du Sahara, de ses mythes, de son histoire, de sa géographie et de ses mirages.

 

- présentation du livre par l'auteur, dans laquelle on trouve notamment :

- sommaire du livre
- introduction (début)
- errata et compléments
- revue de presse
- documents inédits, journal de recherche...

- COMMANDER LE LIVRE : Une mer au Sahara de Jean-Louis Marçot

- éditions La Différence

Jean-Louis Marçot  

Jean-Louis Marçot

 

Jean-Louis Marçot est chercheur indépendant, né en Algérie le 10 avril 1950, formé à la philosophie (enseignement de Vladimir Jankélévitch). Une mer au Sahara est la première étude d’une série qu’il consacre au passé colonial de la France. Auteur du Sable des Racines – carnet de route d’Alger et Tamanrasset (L’Harmattan 1992).

fiche auteur aux éditions La Différence

contact :  Jean-Louis Marçot

 

 

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cliquer sur l'image pour l'agrandir

 

- liens

"Remontée des eaux dans la vallée du Souf - du mythe de l'Atlantide à la prophétie d'une mer au Sahara", Saâd Lounès, El Watan, 22 décembre 2004

"Le colonel Roudaire et son projet de mer saharienne", Gérard Dubost, Études creusoises, XVI.

 

 

  • De 1874 à sa mort, le Guérétois Élie Roudaire (1836-1885) a rêvé de fertiliser la région des chotts algéro-tunisiens en l'immergeant par une amenée d'eau du golfe de Gabès. Après avoir retenu l'attention des pouvoirs publics, son projet, pourtant soutenu par Ferdinand de Lesseps, sera finalement abandonné. Mais on s'y intéresse aujourd'hui encore.

    La présente biographie, fondée sur une précieuse correspondance détenue par l'auteur (plus de 150 lettres !), est la première qui ait été consacrée à cette figure creusoise hors du commun.

 

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Chott-el-Djerid, Tunisie (source)

 

QUATRIEME DE COUVERTURE
cliquer sur l'image pour lire la quatrième de couverture



 

 

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20 novembre 2006

Présences et réactualisations du passé colonial (8 décembre)

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Postcolonie : travail de mémoire, témoignage et impératif de reconnaissance 


Centre d'études européennes des Sciences-po, EHESS,

CRC Histoire comparée de la mémoire Université Laval, Québec

Mémoires historiques d'ici et d'ailleurs : regards croisés, 2006-2007

 


CEVIPOF, 98 rue de l'Université, 75007 Paris, salle Georges Lavau

Journée du 8 décembre 2006


Présences et réactualisations

du passé colonial

en France, en Afrique et ailleurs


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10h00 - 11h30

Catherine Coquery-Vidrovitch
Le passé colonial (français) entre histoire, mémoire et politique.

Donatien Dibwe dia Mwembu et Bogumil Jewsiewicki
Le passé colonial belgo-congolais, patrimoine commun mais difficile à partager.

11h30-12h00
Discussion

13h30 - 15h00

Françoise Raison
Intégrer mémoire et modes d'action anticoloniaux dans le présent : len 1971 le rejet dans le Sud malgache révolté de la mémoire de 1947.

Janine Ramamonjisoa
Mémoires de la colonisation dans un jeu de passages entre un présent mal maîtrisé et un passé ignoré dont la lecture est instrumentalisée.

15h30 - 16h30
Discussion

16h30 - 17h30
Marie-Claire Lavabre et Philippe JoutardPhilippe_Joutard
Commentaire de la journée

Discussion générale


Contact séminaire - Postcolonie : travail de mémoire, témoignage et impératif de reconnaissance

Philippe Joutard

Contact courriels

pjoutar@hotmail.comphoto_koss

Bogumil.Koss@hst.ulaval.ca

mariec.lavabre@sciences-po.fr



Bogumil Jewsiewicki


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17 novembre 2006

Analyse critique des deux pleines pages de Daniel Leconte (Gilbert Meynier)

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victimes "européennes" du FLN le 20 août 1955 à El-Alia
(Philippeville, aujourd'hui Skikda) (source)

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"charnier découvert à El-Alia juste après l'indépendance"
(source)

 

Analyse critique des deux pleines

pages de Daniel Leconte

Gilbert MEYNIER

 

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Les «bonnes feuilles» du livre de Daniel Leconte ont été publiées dans le numéro 747, du 11 octobre 2006, de Charlie Hebdo. Gilbert Meynier y a répondu le 5 novembre 2006.

Des deux pleines pages que j’ai lues dans Charlie Hebdo de Daniel Leconte [1], je tire entre autres ce qui me paraît être inadmissible : ce qu’il dit sur les massacres de la région de Skikda le 20 août 1955 (El-Alia…) contre des Européens le jour du soulèvement du Constantinois impulsé par Youssef Zighout, à propos de quoi il ne dit pas un mot des milliers de victimes algériennes qui ont suivi le 20 août du fait d’une répression aveugle, qui, en certains point, a pu dépasser la sauvagerie de celle de mai 1945.

Et il faudrait dire quelles sont les raisons pour lesquelles des paysans deviennent violents, raisons qui ne se ramènent évidemment pas à une propension atavique à la violence, comme semble le laisser peut-être sous-entendre Leconte : quand, au début du XVIIIe siècle, des dragons de Villars ou des gens soupçonnés d’être des agents du roi, voire même simplement des catholiques ou des gens soupçonnés d’être catholiques, arrivaient dans le champ des Camisards, leur affaire était vite faite, et sans autre forme de procès.

Leconte expédie en quelques lignes les violences coloniales pour s’attarder pesamment sur les violences algériennes, ou algéro-algériennes, sans dire que les premières furent, pendant la guerre de reconquête coloniale de 1954-1962, des violences industrielles, bien différentes des violences artisanales algériennes. Si l’on prend en compte le bilan des victimes de la guerre de 1954-1962 établi plausiblement par le démographe Kamel Kateb (400 000 morts, et non pas bien sûr le chiffre de 1,5 millions ressassé et asséné par le pouvoir algérien dans la démagogie victimaire héroïsante), l’historien peut estimer que, plausiblement, environ 50 000 Algériens ont été tués par le FLN/ALN, soit, donc, 350 000 par les Français – et sans doute davantage de populations civiles que de maquisards. Les victimes françaises : autour de 5 000 pour les Pieds Noirs, environ 20 000 pour les soldats français du contingent. Désolé pour cette macabre comptabilité, mais elle était nécessaire pour situer les choses, pour ne pas voir le midi victimaire à une seule porte.

Chez Leconte, le «FLN» est présenté comme une entité en soi, quasiment monolithique, alors que le FLN fut divers. Bien sûr qu’il y eut triomphe d’une bureaucratie militarisée et, en grande partie, défaite desharbi_meynier_fln_docs politiques, je crois l’avoir montré dans mon Histoire intérieure du FLN 1954-1962 et dans Le FLN, documents et histoire 1954-1962, réalisé en collaboration avec Mohammed Harbi [2]. Mais cela n’enlève rien au fait qu’il y a chez Leconte, encore qu’il s’en défende, confusion à mon sens volontaire entre d’une part une lutte de libération hautement légitime – et inéluctable, vu les blocages coloniaux – et d’autre part les formes qu’elle a prises et les résultats auxquels elle a abouti.

De toute façon, et même si ce ne fut pas dans les objectifs premiers du FLN de bouleverser la société (il s’agissait au premier chef de se débarrasser de la domination étrangère), la nouveauté et la singularité de l’événement ont tout de même durablement bouleversé la société algérienne. Certes, il y a eu en Algérie indépendante propension à la régression obscurantiste et un bas niveau de l’enseignement, mais cela n’empêche pas que maintenant la quasi-totalité des enfants algériens sont scolarisés : fait décisif, notamment pour les femmes, par rapport à l’obscurantisme par défaut induit par le colonialisme : en 1914, seulement 5 % des enfants algériens étaient scolarisés ; en 1954, guère plus de 10 %.

Et il faut dire fermement que, dans un pays dans lequel la langue de haute culture a été pendant plus d’un millénaire l’arabe, il est pour moi évident qu’il fallait refaire de l’arabe la langue de l’enseignement. Ce n’est donc pas l’arabisation en soi qui a posé problème (j’affirme qu’elle était non seulement légitime, mais hautement souhaitable), mais son ennoiement dans les acceptions du sacré intangible, trop souvent porteur d’obscurantisme. Et si, au début des années 1990, le pouvoir algérien s’est si violemment confronté au FIS, ce n’était pas pour des raisons fondamentales de divergences idéologiques, mais pour des raisons de rivalité de pouvoir : le Code de la Famille algérien de 1984, un des plus réactionnaires du monde islamo-arabe, date de 1984. En d’autres termes, le pouvoir de l’Algérie indépendante a tellement joué avec des allumettes obscurantistes qu’il a fini par se brûler les doigts.

Ce que Daniel Leconte écrit sur Abbane [photo], le dirigeant du FLN cher à son cœur, et dont je crois assez bien7878_9651 connaître l’histoire, relève de l’ignorance manichéenne. Certes, il est vrai qu’Abbane fut un vrai politique – j’ai cru pouvoir le définir à la fois comme «le Lazare Carnot et le Jean Moulin» de la Résistance algérienne. Pour autant il eut aussi des responsabilités dans les violences algéro-algériennes, en particulier en ce qu’il a vigoureusement encouragé à l’éradication violente du messalisme (une de ses directives : «Tout messaliste conscient doit être abattu sans jugement».). Et Abbane n’a jamais été étranglé «lors d’une réunion au sommet des dirigeants de la Révolution» ainsi que le dit fautivement Leconte, mais, attiré par le directoire militaire des «3 B» (Belkacem Krim, Ben Tobbal, Boussouf, et sous la responsabilité assumée de ce dernier) dans un guet-apens, cela dans une ferme isolée dans le nord du Maroc, près de Tetouan, le 27 décembre 1957.

Par ailleurs, lorsque Leconte parle de «révolution», on aimerait savoir ce à quoi ce terme, chez lui, renvoie en ce qui concerne le FLN : en Algérie, on a traduit à mon avis fautivement par «révolution» le terme arabe de thawra, qui renvoie bien davantage à la révolte et à l’insurrection (le thâ’ir, c’est le révolté, l’insurgé, mais aussi le déchaîné, le furibond). Si «révolution» algérienne il y eut, elle fut une révolution anticoloniale, et uniquement anticoloniale, et en aucun cas ce retour sur soi et ce bouleversement de soi qu’implique le terme français de «révolution».

Et il y a d’autres erreurs dans les deux pleines pages de Leconte que Charlie Hebdo a citées comme des «bonnes pages», et l’historien se doit de relever ces erreurs. Il est, par exemple, erroné d’écrire que le FLN a connu de «grandes dérives» à partir du coup d’État de Boumédiène du 19 juin 1965 : la bureaucratie à fondements militarisés avait commencé à surplomber le pouvoir, au sein des organes dirigeants algériens, bien avant, cela au moins dès le CNRA (Conseil national de la révolution algérienne, le parlement de la résistance) du Caire d’août 1957, qui vit les civils marginalisés par les «3 B», un directoire militaire s’imposer de facto et les orientations politiques du congrès de la Soummam d’août 1956 mises de fait aumelouza rancart. Par ailleurs, à propos du massacre de Melouza [photo] (dont la grande citation qui se rapporte à cet événement est produite sans aucune référence, comme d’ailleurs aucune des autres citations produites dans le texte), il y a eu aussi sanglant, et sans doute plus, que Melouza : le massacre qui est passé dans la mémoire sous le nom de la «nuit rouge» du 11 avril 1956, qui a frappé la dechra Tifraten dans la basse Soummam, et qui paraît ignoré.

Ajoutons que c’est aussi une grave erreur historique que de mettre dans le même sac du «terrorisme aveugle» les attentats de la rue de Thèbes et du Milk Bar dans une phrase alambiquée qui les place de manière indifférenciée sous la responsabilité commune du FLN et de l’OAS: l’attentat de la rue de Thèbes (été 1956), qui a été le plus sanglant des attentats commis à Alger en 1956-1957 (plusieurs dizaines de morts), a bien été l’œuvre des seuls ultras de l’Algérie française, et celui du Milk Bar, de la Zone Autonome d’Alger du FLN. Jamais ce ne fut «avec l’OAS» que «certains révolutionnaires algériens» ont «inventé ensemble le terrorisme aveugle». Au surplus, parler de l’OAS, née en 1961, à propos d’événements remontant à 1956-1957, relève de l’erreur anachronique.

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L'Écho d'Alger, 30 septembre/1er octobre 1956
(source) cliquer pour agrandir

Même si l’erreur est de moindre portée, il est tout aussi absurde, sur un autre plan, d’affirmer que Bouteflika a désavoué Abbane, cela pour la bonne raison qu’il n’a pas eu à le désavouer (ou à le soutenir) : au moment où Abbane dirigea de fait le FLN de l’Intérieur (1956), Bouteflika était encore un tout jeune homme, frais émoulu du lycée d’Oujda, et un parfait inconnu, auquel, évidemment, personne, alors, n’a jamais demandé de se prononcer politiquement. Ce n’est que plus d’un an plus tard qu’il commencera à devenir l’enfant chéri de Boumédiène, au sein de son institution de pouvoir militarisée, l'«État-major général».

Encore une fois, je peux écrire ce que j’écris parce que je ne suis en aucun cas suspect d’être bienveillant à l’égard de la bureaucratie à fondements militarisés qui a décisivement pris barre sur le FLN depuis 1957, et qui a longtemps continué à régner sous le parapluie de fragiles fusibles civils. La régression obscurantiste a été, de fait, appelée par le pouvoir, et elle a donné forme aux cris des enfants du peuple paumés et matraqués à partir d’octobre 1988. Mais, là encore, il faut analyser dans la dialectique le phénomène islamiste, lequel n’est plus le même qu’en 1991…

Enfin, j’ai parlé, à plusieurs reprises, dans mes ouvrages, des permanences, entre avant et après l’épisode colonial, de l’autoritarisme qui a marqué la société d’allégeances qu’était – reste encore sous certains703 aspects – l’Algérie. Tout comme mon ami, l’historien algérien Mohammed Harbi, moi, dont la carte d’identité porte que je suis français, je ne crains pas d’écrire l’histoire de l’Algérie : c’est le droit de tout humain libre épris de libre histoire. Quel que soit le jugement politique que l’on puisse porter sur Boumediene ou Bouteflika, quelles que soient les réserves que l’on puisse émettre sur les conditions des deux élections de ce dernier à la présidence de la République ou sur ses conceptions politiques, ce dernier est bien Président de la République algérienne. Et si d’autres illustres personnalités algériennes – je pense par exemple au regretté président Boudiaf – auraient eu une plus consistante épaisseur historique pour demander des comptes à l’État français, de par les fonctions qu’il occupe, il est en droit de le faire [3].

Concernant Sartre [photo], attaqué par Daniel Leconte pour son soutien au FLN, on peut sartrebien sûr ne pas lui donner quitus pour tout ce qu’il a dit ou écrit. Mais, de 1954 à 1962, il s’agissait au premier chef de lutter pour la libération d’un peuple. Et, même si aucune violence ne peut être soutenue en soi, il est historiquement inexact d’affirmer que toutes les violences se valent : celle des dominés était en grande partie réponse à celle des dominants. Pour moi, il est évident que les colonisés ne peuvent être ramenés à leur seul état de victimes : les Algériens ont été colonisés, mais ils n’ont pas été que colonisés, et ils ont donc en partie été les responsables de l’histoire qui leur est advenue. Cela, il y a longtemps que, en historien, je pense l’avoir intégré et exprimé. Même s’il est parfois difficile, voire douloureux, d’écrire l’histoire, sur le plan des principes et de la déontologie, écrire l’histoire de l’Algérie ne me dérange pas, et j’y ai consacré une grande partie de ma vie.

Il faut enfin en finir aussi avec cette antienne qui voudrait que, soit d’un côté, soit de l’autre, il y ait eu des «aspects positifs» et des «aspects négatifs» à la colonisation – comme à tout objet d’histoire. Ce sont des questions que l’historien ne se pose jamais, même s’il est constitué de valeurs et qu’il peut avoir des appréciations sur tels faits au nom de ces valeurs. L’historien se propose d’expliquer, cela en rendant compte de toute l’épaisseur du divers historique, laquelle ne se ramène jamais à des binômesFrancoisFuret2 tranchés et manichéens. Et qu’on puisse porter au pinacle un historien comme François Furet [photo], célèbre pour ses assertions révisionnistes sur la Révolution française, est un choix, mais c’est un choix que l’on n’est pas obligé de partager. Furet n’est pas une bible absolue, et il existe bien des historiens qui le jugent sans concessions. Et, dans Furet, il y a eu aussi des zones d’ombre. Le fait que les condamnations sans appel soient souvent le fait de gens issus de la famille politique ou de l’école de pensée (en l’occurrence la mouvance communiste) contre laquelle on se retourne n’est pas anodin.

J’ai tenu à réagir, aussi, contre cette accusation visant les historiens algériens qui ne seraient pas capables de balayer devant leur porte et de faire une analyse critique de l’histoire de l’Algérie. Bien sûr, il n’est pas facile de faire de l’histoire sereine et distanciée dans le contexte politique algérien, mais, même s’ils écrivent souvent du dehors, ces historiens existent : outre Mohammed Harbi, qui est le plus libre et le plus indépendant des historiens algériens de l’époque contemporaine, Lemnouar Merouche, spécialiste de l’Algérie ottomane, qui n’a pas craint, tranquillement, par exemple, d’analyser dans son dernier livre, le grand pogrom antijuif d’Alger de 1805 ; et la jeune Ryme Sefedjerli, professeure à l’université d’Ottawa, qui a parlé des femmes dans l’ALN d’une manière scientifique dans sa thèse en anglais, bien loin de toute idée de propagande ; et Lahouari Addi a aussi fait œuvre d’historien dans son livre sur la démocratie, et aussi Madjid Bencheikh, qui a analysé «un système politique militarisé»… Et il faut dire toute la capacité du pouvoir à capter et recycler des talents : nombre de talents ont été récupérés par le pouvoir, et ainsi mis au silence.

Cette mise au point me paraissait nécessaire et, pour autant que l’historien ait un rôle social, il se doit de traquer les insuffisances, les erreurs et les dérives idéologiques, cela d’où qu’elles viennent.

Gilbert Meynier

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Notes
[1] J’avais lu en son temps la première édition de ses Pieds noirs, histoire et portrait d’une communauté, qui m’était apparu à l’époque comme un livre honnête. Les « bonnes pages » sont tirées due réédition du livre, précédée d’une première partie, et qui s’intitule Camus si tu savais, suivi de Les Pieds Noirs, Seuil, 2006.
[2] Respectivement Fayard, Paris, 2002, 812 p. et Fayard, Paris, 898 p.
[3] Ceci dit, même si Bouteflika ne fut pas un maquisard de terrain pendant la guerre de 1954, comme, par exemple, l’ancien président Ali Kafi ou le colonel Hassan, il fut chargé pendant quelques mois, en 1957 et 1958, d’une fonction de contrôleur en wilâya 5, ce qui signifie que, du Maroc, il a franchi le barrage électrifié à l’aller et au retour, ce qui n’avait rien d’une promenade et atteste d’un courage certain. Au surplus, la lutte de libération algérienne était multiforme : il y avait, à côté des maquisards, des militants qui, par la politique et l’investissement de la scène internationale, jouèrent un rôle déterminant pour aboutir à la victoire politique du FLN. Cette victoire fut bien politique, même si elle avait été préparée par la commotion des armes.

 

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16 novembre 2006

Bordeaux colonial de 1850 à 1940 (Christelle Lozère)

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Exposition maritime de Bordeaux, le palais des Colonies

 

Bordeaux colonial de 1850 à 1940

Christelle LOZÈRE

Doctorante en Histoire de l'Art à Bordeaux III

 

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Les premières expositions internationales à Bordeaux, 1850, 1854, 1859, 1865
Bordeaux, dont la tradition commerçante de son port avec l’étranger était déjà bien établie, fut en 1850 la première ville de France à prendre l’initiative d’inclure une section coloniale et étrangère dans une exposition officielle. Organisée par la Société Philomathique de Bordeaux, celle-ci ouvrit officiellement le 6 juillet 1850, au premier étage de l’aile droite de l’ancien Palais de Justice (alors sis au 30, allées de Tourny). Artistes et industriels répondirent en grand nombre à la manifestation et les Bordelais purent admirer un  véritable «bazar universel» d’objets d’art et industriels venus de toute la France, mais aussi d’Algérie et des colonies – ces dernières n’étant néanmoins pas autorisées, en raison des réticences locales, à participer aux concours et à recevoir de récompenses. Très vite, ce type de manifestations constitua un lieu privilégié de diffusion des principes coloniaux : Londres organisa sa première grande exposition universelle l’année suivante, Paris en 1855.

 

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Exposition maritime de Bordeaux

 

Situées dorénavant sur la place des Quinconces, les expositions bordelaises de la Société Philomathique, qui suivirent, en 1854, 1859 et 1865 témoignèrent de cet engouement pour les colonies et les sections coloniales s’amplifièrent. En 1854, l’Algérie et la Guadeloupe furent à l’honneur et récompensés. En 1859, la section coloniale grandit en importance et accueillit en nombre des produits de Guadeloupe, de Martinique, de la Réunion, d’Algérie… mais aussi des Landes, région alors considérée comme une «colonie en voie de défrichement».
En 1865, les organisateurs affirmèrent solennellement l’internationalité de la onzième exposition philomathique qui intégra également l’Espagne et le Portugal. Les Quinconces fut en fête pendant trois mois durant lesquels l’exposition, qui s’étendait sur 12 000 m², accueillit pas moins de 300 000 visiteurs. Parmi les nombreux stands de l’industrie française, 51 exposants représentaient les Antilles, quatre l’île de la Réunion, deux la Guyane et 34 l’Algérie. Une exhibition spéciale fut présentée dans la nef latérale sud du Palais d’Exposition, dont l’une des sections fut consacrée aux  Antiquités celtiques et gallo-romaines, notamment issues de la région d’Agen, mais curieusement mises en parallèle avec des instruments de la Nouvelle-Calédonie d’époque récente. Ce type de comparaison, s’inspirant directement du darwinisme, rappelle le rôle alors prépondérant de la science dans l’affirmation d’une hiérarchie des races, préfigurant et légitimant la cristallisation d’un racisme populaire. On retrouvera six ans plus tard de tels rapprochements au Musée Préhistorique du Jardin public qui associa des objets de la préhistoire à des outils contemporains des “sauvages actuels”.

 

Les grandes Expositions Universelles et Coloniales de Bordeaux 1882, 1895 et 1907
Le rendez-vous bordelais de 1882 propagea à son tour les valeurs coloniales, renforcées par les récentes conquêtes des de la IIIe République en Indochine et en Afrique (Afrique noire, Madagascar, Maghreb). La douzième exposition de la Société Philomathique fut déclarée «universelle» pour les vins et «internationale» pour l’agriculture, les beaux-arts et l’industrie. Dans le bâtiment des spiritueux, se côtoyaient des produits d’outre-mer, de Chypre, d’Australie, de Nouvelles Galles du sud, du Chili ou de Ténériffe.

Furent aussi présentées à cette occasion d’étonnantes collections privées d’objets d’art exotiques, revenues des quatre coins du monde dans les bagages de navires de commerce, de missionnaires, de médecins, mais aussi à la demande d’amateurs, bien souvent préhistoriens, dès le début du XIXe siècles : porcelaines du Japon et de Chine, armes turques et indiennes, antiquités égyptiennes et mexicaines... De nombreuses maisons bordelaises, profitant de la position de la ville comme tÍte de ligne du commerce avec les Iles et les Colonies, s’étaient en effet implantées dans les colonies, telles les Maurel et Prom au Sénégal, Buhan et Teisseire à Gorée, Delmas et Cie en Afrique Noire, ou Denis en Indochine…

 

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Exposition de la Société Philomatique, 1895

Mais l’année 1895 marquera véritablement le triomphe de la politique coloniale bordelaise. En effet, la grande Exposition universelle de Paris, en 1889, vint marquer un tournant. Très impressionnées par la section coloniale, les grandes villes de province souhaitèrent dès lors se mesurer à la capitale, Lyon en premier en 1894, suivi de Bordeaux l’année suivante, et Rouen en 1896.
Toujours organisée sur la place des Quinconces par la Société Philomathique, la manifestation bordelaise de 1895 s’étendit sur 10 ha, dont 3 300 m² couverts, et accueillit 10 054 exposants, dont 302 venaient des colonies. Pour l’occasion, le célèbre architecte de l’exposition universelle parisienne, Joseph Albert Tournaire, fut choisi pour la construction des palais et des pavillons. Parmi les nombreuses constructions (Pavillon du Gouvernement, Palais de la Presse…), figuraient un Palais Colonial, un Pavillon de l’Algérie, ainsi que deux villages exotiques. 
Le Palais colonial, situé près de la porte Nord, fut édifié en partie aux frais de la Chambre de Commerce de Bordeaux. A l’intérieur de ce vaste édifice de 624 m² répartis sur deux étages, toutes les colonies étaient représentées : Cochinchine, Cambodge, Annam, Tonkin, Antilles, Tahiti, Réunion et les contrées africaines.

Comme l’Exposition de la Société Philomathique de 1895 remporta un vif succès, marquant l’apogée de la politique culturelle coloniale bordelaise en cette fin de siècle. La ville renforça son image de grand port colonial et, en 1907, fut choisie par la Ligue maritime française de Paris pour accueillir une nouvelle grande Exposition Maritime et Internationale. L’ouverture officielle eut lieu le 27 avril sur les Quinconces. Comme en 1895, le Palais Colonial en constitua l’un des principaux monuments : d’une superficie de 2500 m², il fut construit par l’architecte adjoint de la ville Léo Drouyn (sous les ordres de Tournaire) dans un style arabe, d’inspiration soudanaise, et se développait en arc de cercle.

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Bordeaux, Exposition maritime, palais des Colonies (carte postale ancienne)

 

Les villages ethnographiques, 1895, 1904 et 1907
Comme dans toutes les expositions coloniales depuis celle de Paris en 1889, les villages exotiques constituèrent les principales attractions des manifestations bordelaises. Le phénomène des «zoos humains» sillonna la France et dura jusque dans les années 1930 . Bordeaux organisa par le biais de Ferdinand Gravier (qui déjà avait fourni des objets africains au Musée Préhistorique de Bordeaux, dès 1886) un village nègre et annamite en 1895, et un village nègre, en 1907, à l’occasion de son Exposition Maritime.
«Rien de si drôle, s’extasiait-on dans la Petite Gironde, en 1895, que le mélange de ces Congolais, indolents et superbes et de ces Indochinois, chétifs, remuants, fuyants, et tous, avec leur imberbe visage ridé, semblables à de vieilles femmes».

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Bordeaux, village africain, 1907 (carte postale ancienne)

En 1904, un village tunisien fut improvisé dans les arènes de la Bennatte par un entrepreneur privé. Cette même année, un ordre municipal fut instauré pour empêcher les spectacles de «faux nègres». Des forains s’étaient en effet grimés en «noirs» afin d’attirer la foule lors de la foire des Quinconces, présentant des spectacles comme «les nègres, mangeurs de mous» ou «des nègres, mangeurs de verres».
Mais ces exhibitions ne furent pas du goût de tous les Bordelais. Dès 1895, un des organisateurs de l’exposition bordelaise, publia, de manière anonyme, dans le catalogue d’exposition, un article dénonçant ces pratiques avilissantes.

 

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Bordeaux, village africain, 1907 (carte postale ancienne)

 

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Bordeaux, village africain, 1907 (carte postale ancienne)

 

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Bordeaux, village africain, 1907 (carte postale ancienne)

 

Les musées coloniaux à Bordeaux
Il fut créé à Bordeaux entre 1871 et 1907, cinq musées à caractère colonial. En 1871, une salle des colonies fut ouverte dans le Musée Préhistorique de Bordeaux où des objets préhistoriques étaient comparés à des objets des «sauvages actuels» (objets de la Nouvelle-Calédonie, de l’Océanie ou de Madagascar, par exemple).

En 1877, fut ouvert un Musée de matières premières et de produits fabriqués dans l’École supérieure de Commerce de Bordeaux, rue Saint-Sernin où des objets d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Sud étaient exposés. Malgré de nombreuses tentatives auprès des Ministères, le Musée ne fut jamais reconnu officiellement et disparaîtra en 1903 au profit du Musée Colonial de Bordeaux, crée en 1901, au Jardin Public. 

À partir de 1894, les premières collections du Musée d’Ethnographie et d’Études coloniales furent constituées au sein de la Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux. Ce ne fut qu’en 1900, qu’on parla officiellement de Musée d’Ethnographie et d’Études coloniales de la Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux. L’année 1900 fut en effet particulièrement heureuse pour l’agrandissement des collections accumulées depuis 1894. L’Exposition Universelle Parisienne permit en effet au musée une collecte d’objets, lui donnant des «dimensions» nationales.

En 1901, fut inauguré, sous l’impulsion marseillaise, le Musée Colonial de Bordeaux au Jardin Public. Situé sur les terrasses du Jardin Public de Bordeaux, dans l’immeuble de l’ancienne École de Sculpture, l’établissement exposait les productions des colonies, illustrées par des échantillons, des cartes murales, des photographies, des gravures, et présentait des produits régionaux destinés à l’exportation. Suite à des problèmes financiers, le Musée changea de direction dès 1904 et le Dr Lucien Beille fut nommé à sa tête jusqu‘à sa fermeture dans les années 1936. En complément du musée, s’ajoutaient une bibliothèque et un laboratoire d’expérimentation rattaché aux serres coloniales, tandis qu’un Office de Renseignement (Institut Colonial) était logé place de la Bourse, au sein de la Chambre de Commerce.

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terrasses du Jardin Public de Bordeaux

 

En 1913, l’Institut Colonial inaugura une Exposition temporaire de l’Afrique Équatoriale Française dans un pavillon du Jardin Public. Elle fut inaugurée le 29 juin par le gouverneur général de l’AEF, M. Merlin. Deux des quatre salles étaient consacrées aux œuvres de l’Institut, la troisième aux produits importés des colonies et la dernière aux produits fabriqués dans la métropole, vendus dans les colonies et plus spécialement sur le continent africain.

Enfin fut créé en 1907, le premier Musée colonial normal de France à la Sauve-Majeure (près de Bordeaux) qui avait pour but de favoriser la propagation de l’idée coloniale en France en encourageant les jeunes instituteurs à puiser dès la petite enfance, le goût des vocations coloniales. Dans le but de compléter cet enseignement colonial, des conférences sur le monde colonial furent données aux élèves par le Groupe Colonial Post-scolaire de Bordeaux.
Cette association créée par Godefroy Ratton en 1904, joua un rôle déterminant dans la diffusion de l’enseignement colonial bordelais jusque dans les années 1940. Malheureusement, le Musée colonial normal fut détruit en 1910 dans l’incendie de l’École. Une résolution du Conseil Général de la Gironde projeta sa reconstitution à Saint-André-de-Cubzac dans les nouveaux locaux de l’École Normale, mais le projet n’aboutit pas.

 

L’enseignement colonial à Bordeaux
Dès 1890, les Universités bordelaises prirent conscience de la richesse que pourrait lui apporter l’enseignement colonial. Émile Lappara, dans un rapport sur les travaux des Amis de l‘Université de Bordeaux écrivit en février 1900 :
«Qui oserait prétendre que nous ne sommes pas dans un milieu excellent pour développer les vocations colonisatrices. L’Université de Bordeaux est donc désignée par des penchants héréditaires de la population qui vit d’autour d’elle pour former des colonisateurs».

Alors que la Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux avait déjà créé un diplôme de médecine coloniale et un cours de pathologie exotique, le 23 janvier 1902, la Commission de l’Institut Colonial se réunit pour discuter de l’organisation d’un enseignement colonial qui s’ajouterait aux cours déjà en place. Il fut décidé la création d’un diplôme d’études coloniales correspondant à celui de la Faculté de Médecine et à partir de 1902, l’ouverture d’un cours d’Agriculture coloniale (professé par le Dr Lucien Beille, agrégé à la Faculté de Médecine), d’un cours sur les produits coloniaux (professé par M. Hugot, Dr en Sciences Physiques), d’un cours d’Hygiène Coloniale (par le Professeur Le Dantec) et d’un cours d’Histoire de la Colonisation et de Géographie Coloniale donné par le Professeur Henri Lorin.

À la suite de longs pourparlers au cours desquels l’Institut Colonial de Bordeaux trouva l’appui le plus empressé de la part de l’Université, un arrêté du Ministre de l’Instruction Publique intervint le 28 octobre 1926 autorisant la Faculté de Lettres de l’Université de Bordeaux à délivrer un certificat d’études supérieures portant le titre de certificat d’études coloniales. En 1927, l’Institut Colonial fut rattaché officiellement à l’Université de Lettres.

Voici quelques cours dispensés par la Faculté de Lettres donnant droit au certificat d’études coloniales :
      - Histoire de la Colonisation. 15 leçons.
      - Idées et croyances des sociétés primitives. 4 leçons.
      - Hygiène coloniale. 5 leçons
      - Histoire de l’Art arabe. 6 leçons.
      - Pays Arabes et Notions Ethnographiques et Littéraires.
      - Établissements de l’Océanie : races, mœurs, coutumes, économie politique.   
        4 leçons. 

Outre les musées et l‘enseignement, de nombreuses Institutions de propagande (Office du Maroc, Office général des Antilles et de la Guyane française, la Ligue coloniale maritime de Bordeaux, l’Institut de la France d’Outre-mer, le Groupe Colonial Post-scolaire de Bordeaux etc.) et des Sociétés Intellectuelles furent créées dans le but de promouvoir et diffuser l’idée coloniale à Bordeaux.

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Ligue maritime et coloniale française

 

Les Foires coloniales de Bordeaux 1916 à 1940.
La concurrence étrangère, allemande en particulier, et les bouleversements, notamment économiques, causés par le premier conflit mondial, obligèrent progressivement les autorités locales à modifier leurs objectifs. Il ne suffisait plus de montrer les colonies et de vanter leurs produits, il fallait désormais les vendre et ouvrir de nouveaux marchés. À partir de 1916, Bordeaux organisa ses premières Foires modernes. Installées sur la place des Quinconces, elles accueillirent de nouveau les produits en provenance des colonies. Si quelques particuliers, venus des quatre coins du monde, exposaient de l’artisanat et des objets d’art locaux, les principales productions étaient représentées dans des stands spécialement aménagés par les Offices et les grandes firmes coloniales. Une abondante documentation était mise à la disposition du public, ce qui ne suffit pourtant pas à masquer le racisme ambiant inhérent à ce type de manifestation : “L’Exposition sera donc non seulement universelle, mais quelque peu rastaquouéresque. Ce n’était certainement pas là le but que se proposaient les organisateurs”, put ironiser Mirador, chroniqueur au journal marseillais Le Midi colonial.

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Huilerie franco-coloniale
de Bordeaux

 

À partir de 1923 : Bordeaux, “Première foire coloniale de France”
En concurrence avec la ville de Marseille qui projettait après son Exposition de 1922, la création d’une foire coloniale, Bordeaux devança son adversaire en  se proclamant première foire coloniale de France. De simples stands, les colonies bénéficièrent à partir de 1923 de pavillons démontables “plus dignes”: une pagode pour l’Indochine, un palais arabe pour l’Algérie et la Tunisie, un souk pour le Maroc et un bungalow pour l’AOF. Les Palais coloniaux, expressives allégories des bienfaits répandus par la France sur tous les continents, s’installèrent au milieu de jardins luxuriants et d’attractions en tout genre, assurant un dépaysement total, les panoramas et dioramas vendaient à l’envi de l’illusion, du rêve colonial.

Jusqu’aux années 1940, les plans de l’exposition furent dressés par l’architecte Raoul Perrier, qui composa une harmonie décorative fortement colorée, jouant des contrastes entre la blancheur des pavillons du Maroc ou de la Tunisie et les briques, marrons ou terres ocre d’Afrique. En 1935, l’Allée des Colonies exprima à la perfection l’ambition de toute une nation : véritable allée triomphale, elle proclamait l’avènement d’un empire qui se voulait moderne, qui se pensait invincible. En 1940, la Foire coloniale fut installée, pour la forme, mais n’ouvrit jamais au public car Bordeaux dut faire face à d’autres préoccupations...

 

Conclusion
Durant toutes ces décennies, par ses expositions internationales régulières, ses musées, son enseignement, son commerce avec l’outre-mer, ses industries, l’action de sa Chambre de Commerce, son Institut Colonial, etc., Bordeaux se placera comme une grande ville coloniale, peut-être même “la grande ville coloniale de France” (hormis Paris). Elle servit de modèle à beaucoup d’autres villes de provinces : Rochefort, fit appel aux bordelais, pour son exposition de 1883 ; tout comme Nice, pour son Exposition de 1884 ou encore la délégation rouennaise, déclara, après une visite à l’Exposition bordelaise de 1895, que Bordeaux avait dépassé le niveau des précédentes expositions de France.
 
L’élan colonial ne se sera pas arrêté à une simple propagande : ce fut avant tout une histoire d’hommes souvent passionnés par l’histoire en marche et qui mirent en scène leurs convictions à travers d’ambitieuses démonstrations. Au-delà de motivations strictement mercantiles, et sans sous-estimer le climat évidemment raciste qui dominait à l’époque, il semble qu’un véritable goût de l’exotisme, de la différence, de l’Autre ait aussi inspiré la plupart de ces initiatives – et ce, non dans un unique but d’assimilation mais, sans doute aussi, avec un réel désir d’échange et de partage.

Christelle Lozère

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docks de Bordeaux au cours de la Première Guerre mondiale,
The American Megro in the World War, par Emmet J. Scott (1919) -
source

 

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- Répertoire des historien(ne)s du temps colonial

15 novembre 2006

Pascal Bruckner-Benjamin Stora : contre l'oubli, la mémoire ou l'histoire

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Pascal Bruckner-Benjamin Stora :

contre l'oubli, la mémoire ou l'histoire

Propos recueillis par

MARIE-LAURE GERMON ET STÉPHANE MARCHAND

 

Le philosophe Pascal Bruckner, qui vient de publier La Tyrannie de la pénitence (Grasset) et l'historien Benjamin Stora, professeur à l'Inalco (Langues O.), auteur de La Gangrène et l'oubli, la mémoire de la guerre d'Algérie (La Découverte), débattent de la profusion des lois mémorielles en France. Entretien croisé.

 

LE FIGARO. - Les députés viennent de voter une loi pénalisant la négation du génocide arménien. Pourquoi dites-vous que la France, en creusant sa mémoire, s'adonne à un «dolorisme d'enfant gâté» ?

Pascal BRUCKNER. - En France, pendant plusieurs années, l'État s'est fait le dépositaire de la vérité historique. Il a fallu attendre 1995 pour que Chirac reconnaisse la réalité du gouvernement de Vichy, et 1999 pour que les événements survenus en Afrique du Nord soient appelés «guerre d'Algérie». La loi de 2005 sur les bienfaits supposés de la colonisation, abolie depuis, appartient à ce même mouvement. Les socialistes ont présenté un projet de loi sur le génocide arménien excluant toutes recherches historiques ultérieures. Il y a vraiment un syndrome soviétique en France ! En effet, le Parlement et l'État entendent légiférer sur le domaine historique, qui leur est irréductiblement extérieur. L'État doit se limiter à sa propre sphère de compétence à savoir le présent et l'avenir du pays, il n'a pas à dicter leur travail aux historiens en légiférant de manière autoritaire. Je suis contre le concept de vérité d'État qui commande toutes ces lois mémorielles !

 

Ce monopole de l'État sur la vérité historique est-il l'échec des intellectuels ?

Pascal BRUCKNER. - Pas du tout. J'y vois un héritage de la monarchie. L'État a prolongé cette vieille tradition selon laquelle le roi édictait le vrai et le faux. C'est aussi un symptôme du mal français qui consiste à ne pas regarder la réalité en face.

Benjamin STORA. - Il est incontestable que l'État, longtemps dépositaire de la vérité historique, en perd progressivement le monopole. C'est un point fondamental qui explique en partie la surabondance des revendications mémorielles. Des victimes du stalinisme à celles de l'intégrisme islamique en Algérie, on assiste à une internationalisation du mouvement de victimes, contre le discours officiel. C'est une grande nouveauté dans la situation internationale. Nous ne disposons plus de la parole unique - reçue en héritage au sens stalinien ou jacobin du terme - qui a si longtemps corseté nos sociétés. Cette vague revendicatrice est assez récente en France, elle date de la chute du mur de Berlin. Nous-même, intellectuels français, sommes surpris par ce processus, et avons quelques difficultés à répondre à ces nouvelles interrogations civiles assorties d'exigences de réparation. Cela dit, je ne crois pas que l'État français ait effectivement reconnu sa responsabilité sur tous les grands thèmes historiques, et notamment son rôle dans la guerre d'Algérie. Or, nous ne pouvons pas faire l'économie de comprendre ce moment. Il existe en France pas moins de quatre lois d'amnistie qui interdisent toutes poursuites contre l'auteur d'exactions commises pendant la guerre d'Algérie. L'oubli, organisé par l'État est de plus en plus mal supporté par les jeunes générations.

 

Pratiquement, que donne le travail de mémoire ?

Benjamin STORA. - De part et d'autre de la Méditerranée, les deux sociétés sont touchées par ce phénomène et tentent, chacune à leur manière, d'y répondre. Les auditions récentes au Maroc sur les «années de plomb» des années 1970 constituent d'ailleurs une grande première dans le monde arabe en matière de transparence historique. L'Algérie révise aussi progressivement son histoire. Par exemple, elle ne minore plus le rôle de Messali Hadj, le premier à réclamer l'indépendance de l'Algérie, adversaire du FLN, dans son histoire. La réintroduction progressive de Ferhat Abbas, président du GPRA, considéré comme un «réformiste bourgeois» suit le même processus. En France, des enfants de harkis aux enfants d'immigrés s'expriment des exigences de vérité. Certes, on peut déplorer le morcellement du discours et considérer que toutes les revendications risquent de miner un discours unitaire, de fissurer une légitimité républicaine. Mais on peut aussi comprendre tous ces mouvements, issus des profondeurs de la société et porteurs de témoignages particuliers, pour les intégrer dans un nouveau discours républicain plus conforme à la réalité. Oui, il faut reconstruire nos mémoires nationales, comme nous l'avons fait sur d'autres registres, avec l'esclavage et la période vichyste.

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Charles-Robert Ageron,
France coloniale ou parti colonial ?
Puf, 1978

 

Entre Vichy et la guerre d'Algérie, comment s'organise la mémoire collective ?

Pascal BRUCKNER. - Ce sont deux cas très différents. L'historien Charles Robert Ageron soutenait une thèse intéressante, reprise ensuite par Raoul Girardet : le colonialisme a été le fait non pas d'une majorité de la population mais d'un «parti colonial» apparu après 1870 pour laver l'affront de la défaite contre l'Allemagne et permettre à la France de tenir son rôle de grande puissance. On s'aperçoit que les Français étaient plutôt réticents vis-à-vis du colonialisme, qui est d'ailleurs une idée plutôt de gauche que de droite, cette dernière préférant concentrer ses efforts sur «la Corrèze plutôt que le Zambèze» pour prendre la fameuse formule de Cartier. Les Français ont fait relativement vite le deuil de l'empire. Dès 1962, la métropole, heureuse d'en finir avec un conflit qui nous avait mis au bord de la guerre civile, s'est tournée vers le projet européen, comme pour oublier cet épisode historique peu glorieux et financièrement ruineux. Je soutiens, Benjamin Stora, que la véritable mémoire douloureuse de la France repose sur les deux guerres mondiales. Il n'y a pas une famille française dont l'un des membres n'ait été impliqué dans ces conflits, que ce soit par le biais de la résistance, de la collaboration ou de l'occupation, redoutable corruption morale pour tout un pays dont il est très difficile de se relever. Pour une majorité de Français l'Algérie était une terre et une préoccupation bien lointaines. C'est devenu un épisode latéral de notre histoire !

Benjamin STORA. - Je ne suis pas d'accord ! Comment pouvez-vous qualifier de «latérale» une période qui a vu l'exil d'un million de pieds noirs, la levée d'un million et demi de soldats, la chute d'une République, la migration de 400 000 Algériens et le massacre des harkis après l'été 62 ! Avec la poursuite de l'immigration maghrébine vers la France, de 6 à 7 millions de personnes vivent aujourd'hui en France avec ces souvenirs. C'est dire que les «effets de contamination» mémoriels sont extrêmement puissants ! Les jeunes des banlieues se réfèrent constamment à cet épisode certes souvent fantasmé et déformé, tant par traumatisme que par carence universitaire. Nous sommes bien trop peu de professeurs et d'historiens aptes à transmettre sur un plan critique et scientifique cette histoire.

Pascal BRUCKNER. - Certes, cela prouve simplement que la guerre d'Algérie ne passionne pas les foules, si tragique soit-elle. On peut le déplorer, on ne peut obliger 63 millions de Français à tourner leurs regards vers ce moment de notre passé.

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Benjamin STORA. - C'est une manière de voir... Vous pointez une certaine amnésie française sur la question algérienne. Or, que vous le vouliez ou non, les descendants de l'émigration postcoloniale portent très puissamment cette mémoire. Aujourd'hui, on assiste à la naissance de groupes de chercheurs qui se plongent dans les archives à la recherche de nouvelles pistes.... Un deuxième point : vous avez raison de citer Raoul Girardet. Il professait aussi que la défaite française en 1962 avait ouvert une blessure considérable dans le nationalisme français. Que le parti colonial soit minoritaire dans la société n'obère pas que le nationalisme français se soit construit sur la notion d'empire, tout comme l'armée, d'ailleurs. C'est pourquoi la perte de l'Algérie, considérée comme le joyau de l'empire, en 1962, a laissé des traces aussi profondes. Quand de Gaulle renvoie des centaines officiers supérieurs en 1961 à la suite du putsch, l'impact est considérable. Avons-nous réellement réussi à surmonter cette blessure narcissique du nationalisme ? Je n'en suis pas sûr.

Pascal BRUCKNER. - Mais quelle «blessure narcissique» ? Ce fut un soulagement d'être débarrassé de l'empire ! Envisagée avec nos yeux d'aujourd'hui, la mainmise sur l'Algérie puis la lutte pour la maintenir dans la communauté française semble une aberration d'un autre âge. Qu'allions nous faire dans cette galère ? C'est peu dire que nous désapprouvons, nous sommes passés ailleurs. Une nation est grande non par ses conquêtes territoriales mais par ses avancées spirituelles, scientifiques. La France contemporaine ne rêve plus d'impérialisme. Le non à l'Europe du référendum du 29 mai dernier l'a bien montré : notre pays vit sur un patriotisme de la rétraction. Frileuse, la France rêve de fermer ses frontières. Son vrai mot d'ordre aujourd'hui serait plutôt «à bas le monde extérieur». Bien sûr qu'il faut procéder à un travail approfondi d'historien sur la question, comme vous le faites avec un grand talent Benjamin Stora, mais, de grâce, ne faisons pas à nos contemporains un faux procès.

Benjamin STORA. - Certes, la France a été soulagée, comme vous le dites, mais n'était-ce pas là un lâche soulagement ? Comme de juste, en enfouissant la question, elle a fini par nous exploser à la figure, comme l'a montré la Marche des Beurs de 1983. Nous n'avons pas eu le courage de nous pencher sur le «comportement des pères». Elle revient aujourd'hui, parfois déformée et toujours douloureuse et engendre une culture du soupçon qui exacerbe les identités.

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"Marche pour l'égalité", décembre 1983

La France doit-elle s'excuser auprès de l'Algérie ?

Pascal BRUCKNER. - Pourquoi pas si cela permet de signer un traité d'amitié et d'enterrer les vieilles querelles ? Il faut apurer les comptes une fois pour toutes. À condition toutefois qu'il ne s'agisse pas d'un repentir à sens unique et que le gouvernement algérien balaye ensuite devant sa porte et reconnaisse les pages noires de la lutte pour l'indépendance, la bagarre FLN/MNA par exemple, le massacre des harkis puis l'emprise de l'État FLN sur la nation après 1962, les émeutes de 1988 et enfin la guerre civile. Pour l'instant, qu'entend-on ? Bouteflika soutient que les Français ont commis un génocide comparable à celui des Allemands vis-à-vis des Juifs. Ce qui paraît à tout historien objectif légèrement déraisonnable. Au mois de juin, une délégation du PS, ou vous étiez présent, Benjamin Stora, est allée dire au président Bouteflika qu'elle présentait ses excuses à l'Algérie. Mais que je sache, François Hollande n'a pas demandé des comptes au chef de l'État sur l'usage de la torture dénoncé le même jour par un rapport d'Amnesty international.
C'est l'honneur de l'Europe de reconnaître ses crimes. Elle est l'un des rares continents à avoir su penser sa barbarie et à s'être distancé de ses propres exactions. Mais nous savons aujourd'hui qu'il n'y a pas d'État innocent. Bien des nouvelles nation6écolonisées depuis cinquante ans, ont prouvé leur capacité à commettre, tout comme nous, des abominations. Pour ne pas se remettre en question, elles se drapent toujours dans le manteau de la victime et continuent à accuser l'ancienne puissance coloniale de tous leurs malheurs.

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La «surmémorisation» française n'est-elle pas un risque pour la cohésion nationale ?

Benjamin STORA. - Il faut en effet poser la question de la surabondance mémorielle. Permet-elle de répondre aux défis de l'avenir en nous tirant ainsi vers le passé ? C'est une vraie question, non d'historien, mais de politique. Le problème, c'est que l'État n'a jamais reconnu une quelconque responsabilité dans la conduite des occupations coloniales. Le discours de Jacques Chirac à propos de la répression à Madagascar en 1948 n'a pas été suivi pour l'Algérie. Bien sûr, il n'y a pas eu de génocide, mais tout de même 400 000 morts algériens, ce n'est pas rien, la proportion entre tués français et algériens est de un pour dix. C'est un fait établi, consigné dans les archives...

Pascal BRUCKNER. - Tout comme dans les manuels scolaires ! Aujourd'hui, vous n'en trouvez plus un seul ne condamnant pas clairement l'entreprise coloniale. Mais vous semblez oublier, Benjamin Stora, que la guerre est finie, y compris pour les jeunes générations en Algérie qui ont d'autres soucis en tête ! Il faut distinguer fondamentalement mémoire et histoire. La mémoire est subjective, elle peut être déformée, s'enorgueillir de souffrances qui n'ont pas été directement vécues. Et le contraire de la mémoire n'est pas l'oubli mais l'histoire, c'est-à-dire le rétablissement des faits dans leur complexité. Cinquante ans après la guerre d'Algérie, il est possible d'en avoir une vision impartiale, car nous ne sommes plus concernés qu'indirectement

Benjamin STORA. - Mais la guerre d'Algérie est-elle vraiment finie ? À vrai dire, je n'en suis pas si sûr. Les mémoires continuent de saigner... En contact quotidien avec mes étudiants aux Langues Orientales, je les vois envahis d'une recherche identitaire surpuissante. Y répondre sur le plan de la connaissance historique, c'est notre devoir.

 

La France a-t-elle un devoir envers les peuples qu'elle a colonisés par le passé ?

Pascal BRUCKNER. - Un devoir de reconnaissance en tout cas. Mais il ne suffit pas de se repentir des crimes passés, il faut se sentir aussi responsable des crimes contemporains. Sur ce point, je remarque que l'Europe préfère le confort de la culpabilité aux exigences de la responsabilité vis-à-vis des atrocités contemporaines. Nous sommes, pour reprendre une distinction classique en théologie, dans la «mauvaise conscience paisible» qui conduit à l'inaction. L'Europe ne se connaît plus d'adversaires, que des partenaires. Elle voudrait sortir de l'histoire sur la pointe des pieds. Dans la zone de tempêtes où nous nous situons, un tel comportement est suicidaire. Il faut choisir : la pénitence ou la résistance.

source : Le Figaro, 14 novembre 2006

Diapositive2

 

* voir également : Réponse à la lecture de Benjamin Stora, par Daniel Lefeuvre

* à propos de la multiplication des lois mémorielles : dossier du crdp de Reims

 

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