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études-coloniales
17 janvier 2012

un numéro des Temps Modernes sur les harkis

 9782070136469FS

 

 

un événement : le numéro des Temps Modernes

sur les harkis

général Maurice FAIVRE

 

 Les Temps Modernes, n°666, "Harkis. 1962-2012. Les mythes et les faits".
Sodis-revues. Novembre-décembre 2011, 290 pages, 19,5 €.

Préambule

La parution de ce numéro est un événement. A.-G. Slama le juge étonnant, alors que le directeur de revue Claude Lanzmann l’estimait hautement improbable jusqu’à ce jour. 22 auteurs et quelques témoins ont été sollicités pour démontrer que les faits contredisent les mythes. On pourrait penser à l’inverse que l’idéologie connue de la plupart des contributeurs ne confirme pas cette prétention. Une recension attentive devrait démontrer qu’ils exposent  davantage de mythes que de faits. Plusieurs articles abordent des problèmes juridiques ou sociologiques qui appellent une analyse approfondie de la part de spécialistes avertis. Je fais donc appel à mes amis historiens, sociologues et témoins de la réalité des faits pour apporter leur contribution. Je me contente ici d’une première impression sur les faits que je connais.

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Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir

Le témoignage de Claude Lanzmann, limité à deux pages, rappelle qu’il considérait les harkis de Paris, comme les chiens de l’humaniste Papon (et de Patin), et qu’il les accusait de se livrer aux basses besognes dans les caves de la Goutte d’Or. Lanzmann ignore cependant qui est Maurice Patin, éminent magistrat de la cour de Cassation et de la Commission de Sauvegarde du droit, dont les rapports reconnaissent quelques actions illégales des harkis de la FPA, mais les exonérent de tout acte de torture.

Ce témoignage doit être complèté par sa biographie, Le lièvre de Patagonie, un chef d’oeuvre littéraire selon BHL. En 1954 et auparavant, Lanzmann avait pris parti pour l’insurrection communiste au Vietnam, au point de sabler le champagne à l’annonce de la chute de Dien Bien Phu (sic).

Pendant la guerre d’Algérie, Lanzmann confirme que Les Temps modernes fondés par Sartre comptaient dans leur comité des personnages célèbres tels que les porteurs de valises Francis Jeanson et Marcel Péju, et que ce dernier était l’homme du FLN ; c’est lui qui avait rédigé la fausse lettre de Sartre au Tribunal.

La signature du manifeste des 121 pour l’insoumission a conduit Lanzmann devant ce tribunal, où l’avocat Roland Dumas était appelé le harki (sic) des défenseurs. Lanzmann s’est ensuite rendu à Ghardimaou, le PC de l’ALN, où il a  sympathisé avec Boumediene et Bouteflika, avant de vivre une semaine exaltante dans un poste de l’ALN à la frontière tunisienne. Il adopte donc les thèses mensongères du FLN sur les incendies de mechtas et le ravage des campagnes (sic) par l’armée française.

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L’adhésion des sartriens aux thèses antifrançaises de l’anticolonialisme est encore attestée par leur admiration du psychiatre Frantz Fanon, rencontré à Rome par Sartre et Simone de Beauvoir, où il les a convaincus de la nécessité du terrorisme contre les colons (1). Le racisme de Fanon l’amènera ensuite à être horrifié de recevoir des perfusions de sang blanc dans un hôpital américain.

Les relations d’amitié avec les Algériens du FLN ont connu cependant  une baisse de ferveur au moment de l’indépendance. Péju a été exclu du Comité, et Simone de Beauvoir a condamné l’institution de la polygamie. Lanzmann lui-même a rompu avec Ben Bella quand ce dernier a envisagé d’intervenir militairement contre l’État d’Israel ; les colons israêliens semblent avoir eu sa préférence par rapport aux colons français ; il ne fallait pas les tuer.

Lanzmann regrette sa posture partisane d’autrefois, et parfois son aveuglement. Il estime aujourd’hui nécessaire de faire connaître le sort tragique des harkis, en se référant à son ami André Wormser qui s’est dévoué pour améliorer les conditions d’existence des harkis rapatriés. Mieux vaut tard que jamais.

 Historiographie

La reproduction des messages du 12 mai 1962 de Louis Joxe et P. Messmer, et du rapport du sous-préfet d’Akbou, introduisent le débat pour les lecteurs qui ignoreraient ces documents implacables. S’appuyant sur des témoignages qui restent à confirmer (voir additif  de François Meyer), Fatima Besnaci-Lancou insiste sur la cruauté de l’armée dans la guerre d’Algérie, comparable à celle du FLN. Puis la cruauté française se poursuit par la relégation dans les camps, qui aurait duré des décennies.

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Fatima Besnaci-Lancou

Or les camps de transit ont été fermés en 1964 et les centres d’accueil en 1975 ; il reste alors moins de 3% des rapatriés dans quelques hameaux forestiers. Madame Besnaci se rallie enfin au combat anticolonialiste des Temps Modernes ; c’est son droit de citoyenne. Mais sa volonté d’éviter tout manichéisme paraît illusoire : peut-on persuader les harkis que le FLN n’était pas leur ennemi ? Les recensions des ouvrages de l’AHDH dans la Bibliographie militaire et dans les Études coloniales ne sont pas totalement favorables à ses thèses.

On est surpris par la modération de Benjamin Stora et de  FX. Hautreux sur l’engagement des harkis ; Stora reconnaît que c’est par souci de sécurité que des paysans indigènes illettrés (sans nationalité selon lui) se sont engagés en marge de l’armée, et qu’ils ont bénéficié de promotion sociale.

Il reconnaît le rôle initiateur de Jean Servier, et souligne que la terreur pratiquée par le FLN à Melouza entraîne une contre-terreur, tandis que l’ALN extérieure est soumise à une idéologie politique. Sacrifiés par peur de l’OAS - ce qui reste à prouver, - les harkis ont été écrasés par les Algériens en 1962. Une élite culturelle des enfants de harkis se dégage dans les années 1970 ; elle intervient dans le débat historique. Le problème des harkis lui semble relever relève d’un passif franco-algérien.

Examinant les raisons de l’engagement, Hautreux retient d’abord l’autorité des élites tribales et les pressions de l’armée. Les motivations patriotique et alimentaire lui paraissent secondaires. Pour finir, les harkis se sont engagés parce qu’on les a recrutés, explication un peu courte. Hautreux ne reprend pas ses thèses sur la méfiance des officiers et la non-combativité des harkis. Il se réfère à Ageron, dont les articles sur les harkis sont très mal documentés, et qui exonère le gouvernement de toute responsabilité dans la politique d’abandon.

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cavalier harki

Ni l’un ni l’autre cependant ne traite de l’efficacité au combat des harkis, reconnue par Bouderbala, chef de zone dans le Constantinois, interrogé par l’historien Daho Djerbal : «Avec le temps, nous dûmes faire face aux harkas qui  connaissaient nos moeurs et notre mentalité. Ils arrivaient à démonter nos réseaux  de soutien… Ils montaient même des embuscades contre nous. C’étaient des harkas recrutées sur place. Elles connaissaient le terrain aussi bien que nous…».

Le chapitre de Manceron sur «un abandon et un massacre aux responsabilités multiples» n’évite pas un grand nombre d’erreurs factuelles (2) et de jugements orientés. L’histoire des harkis, longtemps privilégiée par les colonialistes, serait heureusement réinterprétée par certains enfants de harkis ouverts aux droits de l’homme (mais pas tous).

 La référence aux harkas du bachaga Boualem et à la Force de police auxiliaire (l’adversaire de son ami Péju) ne serait pas pertinente ; en fait, Manceron ne comprend pas qu’il n’y a pas un modèle unique de harka : l’objectif commun est la lutte contre le FLN, mais chaque responsable de harka s’adapte à la situation locale ; les bleus de Léger, les gendarmes auxiliaires et les membres de la FPA sont aussi des supplétifs.

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combattants harkis

Penser que l’on aurait dû recruter des conscrits et non des supplétifs ne tient pas compte du fait que les harkas avaient un recrutement et une action locale, et que les appelés ont également été abandonnés en 1962. Notre anticolonialiste estime enfin que la guerre à outrance de Salan et Challe a favorisé leur recrutement, ils seraient donc responsables (sic) de leur massacre. Cet antimilitarisme outrancier ne le conduit pas cependant à nier les horribles supplices perpétrés en 1962 par l’ALN et les marsiens. Il est vrai qu’il y a alors non-assistance de la France à personnes menacées.

L’affirmation de Manceron sur la généralisation du sentiment national dans la population algérienne est heureusement rectifiée par le texte de l’historien du FLN. Mohamed Harbi confirme que dans des régions rurales, l’identité du lignage ou de la confrérie était beaucoup plus forte que l’identité nationale.

Niant toute comparaison entre la rébellion algérienne et la résistance française de 1944, il estime que la brutalité de certains chefs de maquis, et l’imposition du critère religieux, ont pu favoriser l’engagement des supplétifs, en particulier dans les regroupements de population. Certains harkis qu’il a rencontrés à la prison de Lambèse avaient été retournés. Il faut donc éviter de traiter les harkis de traîtres et collabos.

Problèmes d’intégration.

Quatre auteurs traitent des difficultés de l’intégration dues aux lenteurs du gouvernement, à l’inconfort de l’installation dans des camps de transit, puis des centres d’accueil et des hameaux forestiers. L’impréparation des camps en 1962 est certaine et entraîne des problèmes de santé et de formation des jeunes. Les menaces des militants FLN imposent des mesures de sécurité et d’isolement, tandis que le Parti communiste manifeste son opposition à Rivesaltes (Moumen).

La loi Boulin de décembre 1961 privilégie les rapatriés européens, et l’ordonnance du 21 juillet 1962 remet en cause la nationalité acquise, contrairement aux accords d’Evian (Scoldio Zûrcher)

Les difficultés d’accès à l’emploi entraînent des mouvements de protestation, des grèves et des violences parfois fomentées de l’extérieur, de 1975 à 1997 (Pierret). L’ONASEF est critiquée, la résorption des hameaux forestiers est lente à mettre en œuvre. La loi Romani de 1994  s’efforce de résoudre les problèmes les plus urgents (Sung Choi).

Ces chapitres, qui ne font que répéter des questions connues, appellent quelques réserves. L’impréparation des camps est due à une décision tardive du gouvernement, mais les conditions s’améliorent en 1963-1964 ; une formation professionnelle, ménagère et scolaire est dispensée par des formateurs et des monitrices (3) d’un grand dévouement ;

– les logements de la Sonacotra sont des HLM plus confortables que les baraquements militaires ;

– les centres de formation créés par madame Massu  en région paloise ne sont pas des maisons de redressement – la loi Mauroy-Ibrahimi de 1983  concerne les immigrés, et non les enfants de harkis ;

– il n’y a pas 90.000 supplétifs rapatriés, mais 66.000 avec les familles ;

– les rapports de Servier  de 1972 et 1975, et la thèse de Anne Heinis semblent ignorés, de même que le jugement de Maurice Benassayag, qui fut délégué aux Rapatriés de 1988 à 1991.

Celui-ci estime que le problème des Harkis a été négligé jusqu’en 1977, en raison de la collusion entre gaullistes et   communistes. Le premier hommage aux harkis a été rendu aux Invalides le 9 décembre 1989 par le Secrétaire d’État socialiste Gérard Renon, en même temps que Claude Evin inaugurait le timbre Harkis-Soldats de France, et que Charles Hernu mettait en place 300 appelés comme éducateurs des enfants de harkis.

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Problèmes de mémoire et d’association

Trois chapitres sont consacrés aux problèmes de mémoire des harkis et des femmes, et aux associations. Bien qu’elles reconnaissent un mieux-être de leur situation, certaines femmes se sentent rejetées, alors que les hommes critiquent l’état sordide des camps d’accueil (Ali Benali). Certains enfants ne comprennent pas pourquoi leurs pères étaient opposés à l’indépendance de l’Algérie. Ils considèrent que leur histoire a été tronquée (Crapanzano). Les portes-parole de la communauté ont permis une prise de conscience des problèmes à résoudre, mais les associations constituent une mouvement hétérogène où se disputent des enjeux identitaires (Moumen).

Les témoignages recueillis sont intéressants, mais ils ne reflètent pas le point de vue de ceux qui ont réussi. Secrétaires d’État, Conseillers économiques, maires et adjoints, professeurs, docteurs et ingénieurs, ils se déclarent fiers de leurs pères, ils sont reconnaissants aux moniteurs qui les ont accueillis dans les camps et les hameaux.

Il est certain que les mères de famille venant du bled algérien se sont adaptées difficilement, certaines ne parlent pas français, les parents illettrés n’ont pas toujours compris la nécessité d’encourager l’éducation des enfants. Parfois il a suffit qu’un frère réussisse pour que toute la famille progresse. Il est exact enfin que les associations sont trop nombreuses et ne coopérent pas ; certaines d’ailleurs n’ont pratiquement pas d’adhérents.

L’anthropologue Khemisti Bouneb donne un avis qui semble ignoré des sociologues de la revue : «Pour avoir vécu avec mes parents harkis dans différents camps, je pense qu’il y a eu une très grande exagération à propos de ces milieux fermés. Les chefs et les monitrices n’étaient pas des monstres et des sadiques comme le prétendent certains ! … Parmi les dirigeants de ces camps, souvent d’anciens militaires pieds-noirs ou Français de souche, il y avait des gens formidables et dévoués qui ont eu envers les harkis et leurs familles des conduites tout à fait admirables».

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harkis massacrés en 1962 en Algérie

 

Problèmes d’enseignement de l’histoire.

Le professeur Benoît Falaise note que les programmes scolaires n’ont pas parlé des harkis avant 1983. Quelques progrès ont été accomplis, mais les enseignants ont tendance à présenter la colonisation comme contraire aux valeurs de la République. Les harkis seraient alors des anti-héros, considérés comme traîtres et honteux en France, traîtres et coupables en Algérie, alors que les héros seraient de Gaulle et le FLN (sic). Un histoire scolaire apaisée lui paraît nécessaire.

Lydia Aît Saadi Bouras montre que l’enseignement de l’histoire relève en Algérie du ministère des moudjahidines. Les harkis n’ont pas de place dans cette histoire fondée sur trois mythes : - l’oubli du passé – le peuple uni derrière le FLN – une armée de paysans. On parle cependant de 500.000 traîtres et de 125.000 informateurs de l’ennemi. Les massacres de 1962 sont ignorés.

Ces exposés se suffisent. Tout commentaire serait superflu.

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Problèmes juridiques

Quatre contributions (Todd Shepard, A.David, FD. Sebah, Geouffre de la Pradelle) abordent les problèmes juridiques de la nationalité des harkis dans la République, et de la notion de crime contre l’humanité. Faute de compétence juridique, ces problèmes sont laissés à l’analyse des spécialistes.

 

Hommage à André Wormser

Le sociologue Mohand Hamoumou dialogue avec Gérard, neveu d’André Wormser, lequel a servi un an au commando Georges, a succédé à Parodi à la tête du Comité national pour les musulmans français, a écrit «en quête d’une patrie» dans Les Temps Modernes de 1984, est décédé en avril 2008. Son livre Pour l’honneur des harkis, 1  an de combat, 45 années de luttes est paru en 2009.

Accueillant les harkis en métropole, André Wormser s’est employé  à favoriser leur installation. Il a constaté qu’ils étaient menacés, que les enfants étaient désorientés et que les survivants étaient mis au ban de la société en Algérie. Victimes de la raison d’État, «ils ont des droits sur nous», écrit-il en reprenant la formule de Clemenceau.

Contre la gauche anticoloniale, et en liaison avec des officiers SAS dévoués (4), il obtient que le pouvoir reconnaisse les droits civiques d’une communauté de destin et s’emploie à résoudre les problèmes de la 2ème génération.

Une enquête effectuée en 1992 dans le Puy-de-Dôme montre que les familles de harkis ont atteint un niveau d’intégration équivalent aux autres communautés. La déclaration de Chirac en 2001 «la France n’a pas su sauver ses enfants» et l’institution d’une journée d’hommage tous les 25 septembre constituent une première reconnaissance.

Hamoumou rappelle les premiers travaux historiques (5)  qui ont montré que les harkis n’étaient pas opposés à l’indépendance de l’Algérie. Des historiens de gauche ont compris alors que le régime de parti unique et la réécriture de l’histoire en Algérie trahissaient les idéaux de la révolution algérienne. Les harkis n’étaient pas les collaborateurs du colonialisme. Il fallait donc lever les tabous d’une histoire tronquée (6) en France  et occultée en Algérie.

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unité harki à l'instruction

 

Annexes.

La revue est complètée par : - des repères chronologiques de 1515 à 2012 - un lexique - une carte des camps en France - une bibliographie, qui mériterait d’être complètée et amendée.

 

Conclusion

L’observation des faits conduit l’historien à formuler des idées simples,  en se gardant de la mythologie :

-  l’histoire des harkis ne commence pas en 1962 ; ils étaient opposés au terrorisme FLN, mais non à l’indépendance de l’Algérie ; les drames de 1962 en ont fait une communauté solidaire ;
-  les témoignages enrichissent l’histoire à condition d’être recoupés ou vérifiés par des documents ; le combat politique n’est pas celui de l’historien ;
-  le rejet du manichéisme ne doit pas conduire à réhabiliter le terrorisme ou la torture, les enfants des harkis sont donc fiers de leur pères ;
-  les premiers soutiens des harkis n’étaient pas des extrémistes cherchant à instrumentaliser leur histoire, mais des officiers attachés à la population musulmane et partisans d’une Algérie nouvelle associée à la France (7) ;
-  la relégation dans des camps a été réelle, mais exagérée pour la majorité des familles, et limitée dans le temps ; la responsabilité est gouvernementale.

Le texte de Mohammed Harbi et l’hommage à André Wormser corrigent dans une large mesure les approximations historiques des prestations initiales. Il faut donc remercier Les Temps Modernes de les avoir publiés.

Maurice Faivre
le 14 janvier 2012

 

notes

1 - Fanon, Les Damnés de la terre, 1961 : «la vie ne peut surgir que du cadavre décomposé d’un colon ». Préface de Sartre : «il faut tuer : abattre un Européen…c’est supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé. Restent un homme mort et un homme libre». «Quel démoniaque égarement» écrit Jean Daniel (La blessure, 1992), Réf. AG Slama, Histoire d’une déchirure. Gallimard, 1996, p.147.
2 -  Voici quelques exemples :
- il n’y a pas eu 60.000 appelés FSNA, mais 170.000 en effectifs cumulés – ce  n’est pas l’armée qui a recruté les premiers supplétifs, mais l’ethnologue Servier, le directeur de la Sureté Vaujour et le gouverneur Soustelle – le promoteur des harkas est Lorillot et non Salan ;
– l’auto-défense armée par Servier à Arris est devenue en six mois une harka de 120 hommes ;
– l’affaire de l’Oiseau bleu décrite par Lacoste-Dujardin est contredite par Servier, les historiens Frémeaux, Vincent Joly et moi-même – les AASSES ne sont créés qu’en 1960 ;
– les effectifs des supplétifs ne sont pas secrets, ils  sont diffusés chaque mois par le 1er Bureau, et des courbes récapitulatives ont été reproduites par la RHCC en 2002 ;
– l’accusation par Buis du double jeu des harkis a été démentie par son successeur Crémière – l’obligation d’enchaîner les armes concernait toutes les unités régulières et supplétives, elle était rarement appliquée ;
– l’obligation de doubler les sentinelles est une légende ;
– il n’y eut pas de refus d’engager les membres du commando Georges, ils ont été invités à rejoindre le 8°RIM – Challe n’est plus en Algérie en septembre 1960 – les 60 à 90.000 fellaghas décomptés en 1958 n’étaient pas tous des combattants, ils ne disposaient que de 20.000 armes de guerre ;
– le général de Gaulle ne s’est pas opposé au recrutement des supplétifs ; il accepte 33.000 harkis en 1958 et 60.000 en 1959 ; en revanche,  l’ordre de confier à des illettrés des tâches administratives, évoqué par son gendre,  est une idée «originale» ;
– en mars 1962, l’effectif des harkis n’était pas de 60.000, mais de 42.000 – les harkis des commandos de chasse ne sont pas des PIM ;
– de Gaulle a approuvé le plan Challe lors de sa visite au PC de Jumelles – il est exact que Servier n’approuvait pas les organisations retenues pour les harkas et les SAS ; il aurait fallu préciser que son opinion était fondée sur sa connaissance approfondie de la culture berbère – lapalissade ou sophisme : si on n’avait pas engagé de harkis, ils n’auraient pas été massacrés.
3 - L’assistante sociale du CADA de Bias est appelée la Samaritaine de la Casbah par la revue Ancrage de Villeneuve sur Lot. – Camel Bechikh universitaire fondateur du Club Fils de France, est admiratif de la cohésion de la communauté harki de Dreux, due aux efforts des maires, des associations et des assistantes sociales.
4 - Yvan Durand, Nicolas d’Andoque, aux cotés de Anne Heinis, du colonel Schoen et du général de Segonzac
5 - Il se réfère à M. Faivre et A. Moumen, puis à F. Meyer, Lucette Valensi et Dominique Schnapper.
6 - On regrettera une appréciation contestable de la FPA.
7 -  On peut se référer au général Ely, au commandant de Saint-Marc, et à Claude Paillat qui les décrit comme «des enfants de la Révolution française : on apporte la liberté, on va régénérer les gens… on va refaire une autre société que ces colonies un peu pourries».
 
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additif

Témoignage de Daniel X qui a convoyé des harkis vers l’Algérie en 1962

Cette histoire me semble, hélas, vraisemblable. Elle est scandaleuse, mais elle correspond tout à fait à la situation et à l’atmosphère que j’ai bien connues en 1962.

Le Comité des Affaires Algériennes ayant décidé (et P. Messmer, en exécution, comme ministre) :

1/  que le vote sur la politique et les accords d’Évian ne serait le fait que des Français en France (les Européens en Algérie ont fortement protesté d’être ainsi écartés d’un vote qui les concernait plus que tout) ;

2/  Que le vote d’autodétermination-Indépendance du 1er juillet serait le fait de tous les citoyens français (de droit civil commun ou de droit civil local) en Algérie même.

C’est bien à cause de cela que malgré ma demande officielle de transfert en France de mes harkis de Géryville – dits «harkis de Bou Alam» - j’ai dû attendre trois mois et protéger sur place autour de mon poste d’Aïn El Orak ces futurs rapatriés. Il n’était pas question de commencer de rapatrier des musulmans en France avant le vote d’autodétermination du 1er juillet 62.

Ce n’est qu’en raison des premiers massacres de harkis (15-20 avril, harkis de Bou Alam et Cdos Georges).

En raison de la révélation dans la presse  du message du 12 mai de Louis Joxe (par le journaliste Jacques Lethiec de Combat, ancien sous-lieutenant à la SAS de Bou Alam).

En raison aussi de la pression de l’opinion (débat à l’Assemblée nationale),  Le Figaro, Le Monde, 23 mai 1962,

Que le Plan de Rapatriement va être rapidement mis en place  (26 mai, mise à disposition du camp du Larzac  montages des tentes etc… et 13 juin, premiers bateaux d’Oran, d’Alger…

En France, avant le vote de l’Autodétermination, il n’avait pas été question de toucher aux «musulmans engagés» dans leurs régiments,

Les «appelés» en revanche, étant alors renvoyés en Algérie et libérés ou versés dans les unités de la Force Locale créée pour servir au Gouvernement Exécutif Provisoire. Ils déserteront dès les premiers jours de l’Indépendance et apporteront leurs armes aux katibas de l’intérieur qui se reconstituaient au plus tôt.  

 

SI L’ON CONSIDERE LE CAS DES HARKIS :

Outre les harkis de Paris qui seront protégés et engagés par la Préfecture de Police, il existait bien aussi quelques harkis en France. Souvent ramenés par des filières individuelles ou des régiment rentrant d’Algérie dès 1961, et qui, poursuivant vers l’Allemagne, laissaient leurs quelques protégés dans des compagnies d’entretient des camps de l’Est, Mailly, Mourmelon etc… où l’emploi était abondant et le logement assuré.

Que ces compagnies de camp aient – sur ordre du commandement ou du cabinet du ministre – renvoyé en Algérie leurs harkis pour qu’ils puissent voter dans le cadre de l’autodétermination le 1er juillet ne m’étonne pas. C’est bien le signe du peu de connaissance, d’intérêt et de considération dont bénéficiaient les harkis en dehors de leur proche environnement. C’était déjà le cas en Algérie. Je m’en suis hélas bien souvent rendu compte.

J’ai par ailleurs déjà entendu parler du témoignage de Daniel X  paru sur Internet il y a deux ans. Il serait vérifiable, comme quelques autres du même genre, à partir des journaux de marche des compagnies de camp de Mailly, Mourmelon etc…

Pour Fatima Besnaci, qui a l’âme algérienne, (mais peut-on lui en vouloir ?), la repentance de la France – quant au non accueil des harkis en France, et aux massacres de 1962 -  constitue le combat de sa vie. Elle relaie largement la Ligue des Droits de l’Homme. Malheureusement, tous ces défenseurs du point de vue des Algériens en France n’appuient généralement leurs accusations que sur des témoignages, ou quand il s’agit de la télévision, sur des fictions.

Général (2S) François MEYER

 

 

Commentaire

Je note que c'est en avril que Joxe a prescrit le maintien des harkis en Algérie, il fait confiance aux promesses du FLN  et ne sait pas encore que des massacres ont commencé.

Son message d'interdiction date du 12 mai, et les premiers bateaux partent le 12  juin.

Je n'ai pas trouvé dans les archives privées de Messmer un ordre de refoulement des harkis de Mailly et autres lieux, et la thèse de Chantal Morelle sur «Louis Joxe diplomate», bien documentée, n'en fait pas état.

D'autre part, je suis réservé sur le nombre de 4 à 500 harkis refoulés.

Il se peut qu'il y ait parmi eux des appelés démobilisés en métropole (ils sont 17.000 en mars 1962), dont certains éléments douteux sont affectés dans des unités de pionniers (Mende et autres lieux).

Les questions posées aux chercheurs sont les suivantes :

- de quel régiment relevaient ces harkis ? à quelle date sont-ils arrivés en France ?

- d’où venaient ceux qui ont rejoint à Marseille ?

- étaient-ils en tenue militaire ?

- par qui étaient-ils accueillis à Alger ?

- avaient-ils reçu un pécule ou un bon de chemin de fer pour rejoindre leur village ?

Selon son habitude, Fatima Besnaci s'est emparée de ce témoignage sans le vérifier dans les archives.

Général (2S) Maurice  Faivre

 
 
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11 janvier 2012

Faculté des Lettres à Tunis : offensive salafiste

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nouvelles de la Faculté des Lettres

de la Manouba

(Tunisie) : offensive salafiste

Rachida Tlili SELLAOUTI, professeur

 

La Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de l’université de la Manouba (FLAHM) est, au moment où j’écris et depuis le 28 novembre 2011, occupée par un groupuscule d’étudiants à la mode «salafiste». Il  exige le port du niqab par les étudiantes «qui le désirent» pendants les cours, au nom des  libertés individuelles.

Dans la virulence de leurs revendications, ils ont agressé physiquement le doyen, l’historien Habib Kazdaghli ainsi que un collègue syndicaliste, M. Habib Mellakh. Des collègues femmes ont été agressées verbalement… tandis que les autorités tardent à intervenir.

Les faits

En fait, la question du niqab commence à être agitée dans l’enceinte de la faculté depuis la fin du mois d’octobre (calendrier électoral aidant) au moment où une étudiante refuse de dévoiler son visage en cours.

Le 2 novembre, le doyen réunit les membres élus du conseil scientifique, représentants aussi bien les étudiants que les professeurs. Le règlement intérieur qui est alors adopté interdit le niqab dans les salles de cours et lors des examens pour des raisons strictement pédagogiques et sécuritaires (la Révolution ayant permis de  «dégager» la police des enceintes des universités), mais permet de le porter dans tous les autres espaces de la faculté.

L’Université propose par ailleurs de mettre à disposition des étudiants, à une très courte distance de la faculté, un espace de prière décent (deuxième revendication du groupuscule des étudiants avec le niqab) commun au campus universitaire de la Manouba, réunissant 30 000 étudiants. Rien n’y fait, les évènements s’enchaînent et la situation se dégrade :

- 28 novembre, un groupe d’une centaine de personnes – pour la plupart non inscrites à la faculté – interrompt bruyamment les cours et empêche la tenue des examens.

- 29 novembre, des personnes étrangères à la faculté à qui l’on tente d’interdire l’entrée forcent le passage et bousculent le doyen. Les enseignants décident, alors, de protester contre la violence des attaques par une grève.

- 6 décembre, les «sit-inneurs», déjà bien installés dans les bureaux de l’administration, décident cette fois-ci d’interdire au doyen l’accès à son bureau. Une fois de plus c’est l’option de la violence qui est choisie : bousculade, menace verbale et physique… Un enseignant sera même transporté à l’hôpital. Le conseil scientifique élargi décide de fermer la faculté et de demander, alors qu’il s’y était toujours refusé jusque là, l’intervention des forces de sécurité publique afin d’évacuer les intrus.

Le gouvernement sortant est resté sourd et indifférent à cet appel. Depuis le 6 décembre, les cours sont interrompus et les locaux administratifs occupés. Le doyen, le personnel administratif, les enseignants et les 8.000 étudiants attendent en vain. Tandis que le groupuscule d’étudiants soutenu par un renfort continu de personnes totalement étrangères à la faculté, au mode vestimentaire «salafiste» occupent la faculté et saturent l’espace à coups de décibels (haut-parleurs ) diffusant prêches et prières. Ils rejettent toute décision du Conseil Scientifique remettant en cause sa légitimité en tant que instance élue, comme ils rejettent toute justification pédagogie, éthique, sécuritaire… que pose le port du niqab dans les salles de cours, et ne retiennent que leurs seules allégations à savoir que les étudiantes sont «souillées» par le regard des professeurs.

 

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la Manouba, un symbole à abattre

En fait, pour plusieurs raisons, la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de l’Université de la Manouba est avant tout le symbole à abattre. Très tôt, de nombreux partis politiques ainsi que l’Union générale des travailleurs tunisiens (Ugtt, centrale syndicale la plus importante du pays) manifestent leur inquiétude et leur solidarité. En face, les autorités et instances de tutelles confondues affichent une fin de non recevoir.

Situation actuelle Suite aux dernières médiations : une commission ad hoc créée par le conseil de l’université de la Manouba a engagé des discussions par l’intermédiaire de certains professeurs avec les sit-ineurs, des démarches entreprises par l’autorité de tutelle pour amener les personnes étrangères à lever le sit-in.

Le ministre avait promis aux membres du conseil scientifique et aux représentants des  différents syndicats de l’institution (UGTT pour les enseignants, ouvriers, fonctionnaires, UGET pour les étudiants) qu’il avait reçus samedi dernier, d’œuvrer en vue du retrait des sit-ineurs étrangers à la faculté de son enceinte et de convaincre les étudiants de la FLAHM de transférer le sit-in des bureaux du doyen à un autre endroit de sorte qu’ils n’entravent pas le déroulement des cours et le fonctionnement normal de l’administration, étant donné, considère-t-il,  que le sit-in et la manifestation sont un droit sacré.

Le 2 janvier 2012, les rapports des différents médiateurs, ceux des membres du personnel administratif dépêchés à la faculté ont fait état de l’irruption massive de nouveaux sit-ineurs en soutien à leurs camarades. Constatant cet état de fait, l’assemblée générale réunie successivement les 2 et 3 janvier dans les locaux de l’Université, convaincue de l’absence des conditions pour une reprise normale des cours, en raison du renforcement du sit-in, a recommandé au conseil scientifique de maintenir la fermeture de l’institution jusqu’au retour à la normale et a décidé un rassemblement au ministère de l’enseignement supérieur à partir du mercredi 4 janvier 2012 pour inciter les autorités à obliger les sit-ineurs à se retirer de la faculté.

Rachida Tlili Sellaouti
Professeur d’histoire
FLAHM Le 4 janvier 2012 – 8 h du matin (heure locale)


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10 janvier 2012

pas de génocide en Algérie

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Riad el Fath, le momument aux martyrs à Alger

 

pas de génocide en Algérie coloniale

Roger VÉTILLARD

 

Commentaires sur un épisode franco-algéro-turc récent.

Une séquence remarquée a certainement interpellé les historiens :

- le 22 décembre 2011 le Parlement français vote une loi criminalisant la négation du génocide arménien de 1915.

- la Turquie réagit dès avant le vote, rappelle son ambassadeur le 23 décembre et accuse par la voix de son premier ministre Recep Tayyip Erdogan la France d'avoir réalisé en Algérie entre 1945 et 1962 un génocide en Algérie en éliminant 15% de la population algérienne.

- le 25 décembre Mohamed El Korso membre du Conseil de la Nation (2e chambre du Parlement algérien), nommé par le président, ancien président de la Fondation du 8 mai et accessoirement enseignant d'Histoire saisit le prétexte au bond dans El Watan pour appeler à la criminalisation du fait colonial.

À ces faits, il faut apporter les remarques suivantes :

-  Les historiens sont quasiment unanimes pour dire avec le collectif "Liberté pour l'Histoire" et avec les juristes de l'Appel contre les lois mémorielles du 23 novembre 2006 que l'Histoire ne s'écrit pas sur les bancs du Parlement. D'autant plus que comme le dit Robert Badinter ces lois sont très probablement inconstitutionnelles. Et il n'appartient pas au Parlement de dire l'histoire. Celle-ci est une science qui doit progresser avec les historiens dont la démarche ne doit pas être entravée par des arrêtés souvent purement électoralistes et compassionnels.

- La Turquie s'est beaucoup agitée. On peut la comprendre : que dirait la France si le parlement turc votait par exemple une loi criminalisant le génocide vendéen et sa négation ? Mais parions sur le fait que cette agitation n'est qu'une tempête dans un verre d'eau. La Turquie ayant beaucoup à perdre dans un bras de fer diplomatique.

 

pas d'attitude génocidaire

- Ce n'est pas en répétant que la France a eu une attitude génocidaire en Algérie avec de faux-arguments que la réflexion historique pourra avancer. Il n'y a pas eu, tous les historiens seront d'accord avec moi, 1 300 000 morts en Algérie de 1945 à 1962.

Toutes victimes algériennes confondues (celles de mai 1945, celles de la guerre d'Algérie, celles du FLN, du MNA sans compter les harkis) il est difficile d'arriver à plus de 350 000. Le ministère algérien des anciens moudjahidin fixe même le nombre des moudjahidin tués à 152 863.

Quant aux événements de mai 1945 dans l'Est algérien le consensus des historiens sérieux établit le bilan à moins de 10 000 morts comme je l'ai montré dans mes ouvrages sur le sujet. Et parler comme le fait El Korso des fours crématoires de Guelma au pluriel c'est affabuler. Il y a eu tout au plus un four à chaux qui a servi à incinérer quelques cadavres et l'édifice qui est montré de nos jours dans cette région n'est selon Yasmina Adi qu'une cartoucherie.

- Comme le premier ministre algérien Ahmed Ouyahia l'a suggéré le 6 janvier 2012, conseillons à la Turquie de cesser de faire de la colonisation française en Algérie un "fonds de commerce". Les Ottomans ont occupé le pays durant trois siècles et ils ne peuvent pas être très fiers de leur œuvre.

Faut-il rappeler les agissements de certain commandant des janissaires qui n'hésitait pas à écarteler un enfant de 5 ans qui avait mangé une cuisse de poulet sans son accord, ou les méfaits de ce bey de Constantine du nom de Tchaker au XVIIIe siècle qui exigeait de ses subordonnés que chaque matin en sortant de son palais il puisse voir sur son passage une vingtaine de tête d'hommes plantées sur des piquets ?

Et plus récemment, doit-on se souvenir que la Turquie n'a pas été du côté des indépendantistes algériens au moment de la guerre d'Algérie, qu'elle a même refusé de reconnaitre l'indépendance du pays jusqu'en 1969 car elle soutenait qu'elle avait un droit de souveraineté à exercer. Une mission diplomatique n'est arrivée à Alger que le 30 juin 1963 soit un an après l'indépendance. Et ce n'est que depuis 1970 qu'il y a entre la Turquie et l'Algérie des échanges d'ambassadeurs.

Mais le calme va revenir …

Roger Vétillard

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8 janvier 2012

un canon historique : de Brest à Alger en 2012 ?

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la Consulaire, canon pris à Alger en 1830

 

"le Baba Merzoug" canon historique

Jean-François PAYA

 

Etes-vous au courant de "l'affaire du Baba Merzoug" ce canon légendaire qui aurait été fondu à Alger en 1542 par un fondeur vénitien ? C’est un canon unique dans son genre au XVIe siècle, sorti des ateliers de fabrication eà Alger. Il résume trois siècles de la présence Ottomane en Algérie.

Un comité d'historiens, de militaires, de politiques algériens demande le retour de ce trésor de "leur patrimoine"... Le "Baba Merzoug", un canon de bronze de douze tonnes, de sept mètres de long et d’une portée de près de 5 kilomètres, a défendu Alger pendant plus de deux cent ans, avant d’être pris par les Français en 1830.

Les Français l’ont rebaptisé «la Consulaire» pour avoir déchiqueté deux consuls français : le père missionnaire lazariste Jean Le Vacher, consul d'Alger, qui a été attaché à la bouche du canon et déchiqueté en juillet 1683, en représailles au bombardement d'Alger par l'amiral Duquesne qui réclamait la libération de tous les esclaves chrétiens. Et le consul André Piolle en 1688, lors d'une attaque similaire conduite par le maréchal Jean d'Estrées contre  Alger.

Pour les Algériens, ce canon est plus qu’un symbole, c’était le plus puissant de la Méditerranée, Il a défendu la capitale de la Régence pendant deux siècles. Il doit retrouver sa place à Alger d'ici le 5 juillet 2012 après 182 ans d'absence. Selon Belkacem Babaci, spécialiste de l'Histoire d'Alger, l’Algérie a reçu une promesse claire de l’Élysée pour que Baba Merzoug soit restitué à l’occasion de cinquantième anniversaire de l'Indépendance.

Or dans un livre édité en 1840 De l'Algérie relatant la prise d'Alger, par le père Dorigez aumônier de l'armée d'Afrique il est écrit que : "Ce canon proviendrait de la prise de guerre de Charles Quint lors de la victoire sur François 1er à Pavie, en 1525. Charles Quint qui était allé bombarder Alger quelques années après, en 1541, avait dû fuir devant une épouvantable tempête, et abandonner toute son artillerie ; près de trois siècles après, la victoire devait restituer cette pièce à l'armée française".

Selon certains avis, à voir les inscriptions gravées sur ce canon, si celui-ci avait été fondu pour des musulmans on devrait y voir des textes en langue arabe comme sur certaines pièces déposées dans la cour des Invalides à Paris. En effet, dans les galeries extérieures de l'Hôtel des Invalides, on peut observer plusieurs canons en bronze fondus sous le règne de François 1er, et récupérés à Alger en 1830.

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Ce canon, "La Consulaire", est aujourd'hui érigé en monument sur une place de, l'Arsenal de Brest propriété de la Marine Nationale Française. Certains avancent aussi que ce canon fut fondu avec le bronze des nombreuses pièces d'artillerie abandonnées par les Espagnols en 1541 lors de l'échec de la prise d'Alger par Charles Quint parmi lesquelles de nombreux canons pris aux Français.

Cette énorme pièce datant donc de la fin des travaux de fortification de la ville d'Alger (vers 1542) aurait été conçue par un fondeur vénitien à la suite d'une commande du pacha Hassan. D'une portée exceptionnelle, de 4 872 mètres, ce canon fut baptisé Baba Marzoug (Père Fortuné). Il interdisait à tout navire ennemi l'accès à la rade d’Alger. Mais les Français, arrivés sur Alger par la terre en 1830, avaient débarqué à Sidi-Ferruch !

Jean François Paya

- livre, cf. p. 172-173 sur Gallica

 

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7 janvier 2012

l'OAS à Blida

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le parcours d'un sous-officier de l’armée de l’Air,

opposé à l’indépendance de l’Algérie

général Maurice FAIVRE

 

Henri Mazzarino, Les oranges amères de Blida, Ed. Atlantis, 2011, 103 pages, 17 €.

Opposé à l’indépendance de l’Algérie, ce sous-officier de l’armée de l’Air raconte son parcours au jour le jour, de 1958 à 1964. Marié et père de deux enfants, il vit à Blida, une ville florissante. Enthousiasmé par les fraternisations de mai 1958, il a applaudi le général de Gaulle, puis s’est rendu compte que ce dernier bradait l’Algérie sans consulter ceux qui voulaient rester Français. Il organise alors la résistance à Blida, fomente des attentats à l’explosif et rejoint l’OAS ; il déserte en 1961 et échappe à toutes les poursuites.

Ses relations avec ses collègues insurgés et avec les dirigeants du mouvement montrent avec précision leur état d’esprit, leurs difficultés et leur échec final. Ce sont des révoltés, et non des colonialistes, ni des extrémistes anti-républicains

Ils adhèrent totalement au jugement de Maurice Allais sur «le crime commis au nom de la France à l’égard de la communauté française et musulmane». Réfugié  en Espagne, il est accueilli par Serrano Suner, ancien ministre de Franco. Un commissaire de police français l’invite à rejoindre Paris où le Tribunal militaire régularise sa situation et lui propose même de réintégrer l’armée.

Décrivant l’OAS vue de l’intérieur, ce témoignage est intéressant pour l’historien.

Maurice Faivre
le 5 janvier 2012

 

 Blida 1956
Blida, carte postale postée en 1956

 
www.editionatlantis.de

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présentation de l'éditeur

Henri Mazzarino
Les oranges amères de Blida
À travers mon histoire, c’est l’histoire de beaucoup de mes camarades de combat civils ou militaires qui, dans l’ombre, ont essayé de sauver l’Algérie française.
Certains y ont laissé leur vie, d’autres ont fait de la prison et d’autres, chanceux, sont passés au travers de tout.
C’est à eux tous que je veux rendre hommage.

«Jusqu’à présent, je ne suis jamais arrivé à raconter cette histoire jusqu’au bout, tellement l’émotion me prend à la gorge. Et là de nouveau tout surgit devant moi, la guerre, les trahisons, l’insécurité permanente, le risque de se faire enlever, de se faire arrêter et toute cette atmosphère de débandade générale, les tas d’ordures qui brûlent sur les trottoirs, une ville qui se meurt, les avions et les bateaux au compte-goutte, les amis qui sont morts, ceux qui ont été enlevés… Comment peut-on pardonner ?…»

À partir d’octobre 1960, le sous-officier de l'Armée de l'Air Henri Mazzarino organise la résistance à Blida. Quelques mois plus tard, «Mazza» rejoint l’OAS avec son groupe. En octobre 1961, il déserte et passe dans la clandestinité. Blida sera la "seule ville où l’OAS prend un caractère représentatif" (Pierre Montagnon, La Guerre d’Algérie).

Dans ce livre, il décrit son parcours entre 1958 et 1964, un parcours qui fut très dangereux, parfois rocambolesque, souvent émouvant.

Collection France-Algérie 32
ISBN 978-3-932711-32-9
Prix : 17 €



source

 www.editionatlantis.de

 

 Blida csm 1964
Blida, carte postale ayant circulée en 1964

 

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5 janvier 2012

8 mai 1945 à Chevreul (Beni Aziz)

48

 

une enquête du cinéaste Jean-Pierre Lledo

général Maurice FAIVRE

 

Jean-Pierre Lledo, Grand-père a tué deux colons. Le 8 mai commence avec le massacre des innocents,  Ed. Atlantis, 2011, 232 pages, quelques photos et un DVD, 29 €.

Le cinéaste fait une enquête à Chevreul (Beni Aziz aujourd’hui) avec son ami Ahmed Zir, qui cherche à confirmer la responsabilité de son grand-père dans un assassinat de colons. L’enquête confirme que 9 Français ont été tués le 9 mai à Chevreul, mais que le grand-père d’Ahmed n’est pas coupable.

Il est évident cependant que l’insurrection, préparée depuis plusieurs mois, a été une action de  guerre sainte pour la cause de Dieu, une véritable épuration ethnique. Lledo souligne les non-dits de cette histoire et montre que les témoignages des Français et des Musulmans se recoupent et ne confirment pas ce que certains historiens appellent  la guerre des mémoires.

Cet ouvrage s’emploie ensuite à réfuter les thèses du film Hors-la-loi, en faisant appel aux  témoignages de quelques survivants et aux écrits de Maurice Villard, Roger Vétillard, Redouane Tabet et Ferhat Abbas. Le testament de ce dernier condamne les chiens enragés et les énergumènes tarés qui ont déclenché le soulèvement. Vétillard récapitule toutes les évaluations des victimes de la répression, qui vont de 1.500 à 100.000 tués ; il confirme que des milices ont été constituées dans 5 localités (Guelma, Bône, Djdjelli, Saint Arnaud et Fedj-Mzala) ; il montre qu’en 2005, Stora a produit trois estimations différentes (8.000, 15.000 et 20.000). Plus objective paraît l’estimation du général Tulard (3 à 4.000).

En conclusion de cet ouvrage, qui précise nombre de faits historiques, Wolf Albes revient sur la vision totalitaire et stalinienne des insurgés et cite Boualem Sansal, pour qui «les grands criminels font de leurs victimes des coupables qui méritent le châtiment».

 Maurice Faivre

- lien vers le site de l'éditeur

- le livre peut être commander directement sur le site des éditions Atlantis :

www.editionatlantis.de

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présentation de l'éditeur

8 mai 1945 : de nouvelles histoires à ne pas dire…

Dans Algérie, histoires à ne pas dire, pour la première fois au cinéma, des Algériens musulmans racontaient les massacres qu’ils ont commis à l’encontre de civils européens pendant la guerre d’Algérie (1954-1962).

Le livre-DVD Grand-Père a tué deux "colons" révèle de nouvelles "histoires à ne pas dire" qui se situent pendant l’insurrection manquée du 8 mai 1945 dans la région de Chevreul (Béni-Aziz). Ahmed Zir, le protagoniste de ces séquences, part à la recherche de l’histoire de son grand-père : celui-ci a-t-il vraiment tué deux colons avant d’être exécuté à son tour par l’armée française ?

Plusieurs témoins musulmans évoquent avec gêne le sort déshonorant que les insurgés réservaient à leurs victimes européennes dans ce véritable Djihad. Un chef local avoue aussi avoir été sauvé in extremis de l’exécution par son employeur pied-noir, lors d’une action de riposte de l’armée française.

En faisant voler en éclats l’histoire officielle algérienne de mai 1945, ce livre-DVD est un hommage à toutes les victimes innocentes – celles de l’insurrection musulmane, tout comme celles de la répression par l’armée française.


Dans ce livre, vous trouverez :

- un DVD de Jean-Pierre Lledo (58 minutes) ;

- le scénario complet du DVD avec 50 photos ;

- plusieurs documents, analyses et commentaires sur l'insurrection du 8 mai 1945 à Chevreul (Béni-Aziz) et à Sétif de Jean-Pierre Lledo, Roger Vétillard et Maurice Villard ;

- des extraits de Mon testament de Ferhat Abbas concernant l'insurrection de mai 1945 ;

- une analyse de Wolf Albes du film Hors-la-loi de Rachid Bouchareb (50 pages) ;

Livre-DVD : 230 pages, 50 photos

ISBN 978-3-932711-34-3

Prix : 29 €

Sortie le 9 décembre 2011.

www.editionatlantis.de



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rappel

 

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30 décembre 2011

Philippeville, 1955

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L'Écho d'Alger, 21-22 août 1955

 

Philippeville et l’après 20 août 1955

Contribution à l’histoire

de la fin de l’Algérie française

Michel MATHIOT

 

Ce texte préfigure un ouvrage à paraître. Il annonce les questions principales posées aux archives, aux témoignages, et qui seront développées dans une monographie micro-historique de Philippeville, ses quartiers, ses banlieues et ses habitants au moment du 20 août 1955.

Plus de quatre-cent-cinquante récits individuels d’époque ou actuels, plus de 12 000 feuillets d’archives sont utilisés. Certains présentent un caractère unique. Partir du terrain et d’une analyse fine des archives et des témoignages pour en déduire une histoire locale, c’est introduire le genre micro-historique dans l’histoire de la guerre d’Algérie. Il s’agit d’établir des faits, ce qui n’a pas été effectué sauf de manière partielle ou globale.

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enfants "européens", victimes des massacres du FLN

Au moyen d’informations longtemps demeurées secrètes ou non élaborées, il s’agit de compléter l’étude de Claire Mauss-Copeaux dans ses deux ouvrages et de montrer la logique politico-militaire qui, à un moment donné dans le creuset philippevillois, a permis que les événements se déroulent de cette manière, de poser la question des responsabilités de centaines de morts à Philippeville, mais également de l’évolution catastrophique du conflit. À cet effet nous ne ferons pas l’économie d’une étude historique de Philippeville en perspective sur l’année 1955.

Dans la nuit du 1er novembre 1954, les «événements» d’Algérie émettent leurs premiers soubresauts. L’Algérie commence une guerre avec d’un côté des armes de civils : police, gendarmerie, justice, juste ce qu’il faut de militaires en temps de paix, et quelques maquisards de l’autre. Elle a connu différents régimes politiques pour le compte d’une intelligentsia travailleuse et fière de ses racines, d’un petit peuple non moins laborieux et d’une volumineuse population indigène qui s’en remet à ses choix. Cet ensemble en équilibre instable avait survécu à divers soulèvements en cent-vingt-quatre ans. Depuis le 1er novembre, la rébellion dure tant bien que mal.

Philipeville panorama

Entre le massif de l’Edough au levant et celui de Collo au couchant, voici Philippeville, commune de près de 70 000 habitants sur la côte où Français musulmans et Européens se répartissent à égalité, à dominante européenne en ville. Bâtie sur les flancs d’un ravin nord/sud, la ville débouche sur l’étendue fertile de la plaine du Saf‑Saf. De part et d’autre se font face le Skikda, avec l’hôpital à l’Est, le Bou Yala avec la porte des Aures à l’Ouest, qui communique avec un autre ravin : le Beni-Melek où se blottissent des villas et, plus au fond, des fermes et des mechta.

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Philipeville, allées Barrot

 

Vers le sud, une route prolongeant la rue Clemenceau conduit au stade municipal par les allées Barrot, une autre traverse en oblique le faubourg de L’Espérance et le Montplaisant vers Constantine. Un peu plus loin, le djebel Soubouyou forme un V entre les routes de Valée et de Saint‑Antoine, avec le cimetière musulman abandonné de Zef-Zef, la mechta des «Carrières Romaines» et des fermes européennes du même nom.

Philipeville rue Clemenceau

Vers l’Est, La plage de Jeanne-d’Arc s’étend sur plusieurs kilomètres jusqu’à la mine de fer d’El‑Alia où les ouvriers besognent dans un isolement total.

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Philippevile, le ravin des Beni-Melek

 

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cliquer sur l'image pour l'agrandir

Des événements graves sont en gestation, et vont se dérouler dans ce chef-lieu d’arrondissement dont le calme est largement perturbé depuis le début de l’année. De quels événements s’agit-il ? Des massacres, il va y en avoir. Oui, mais lesquels ? Quels ont été les ressorts de ces massacres ? Quels drames les habitants de Philippeville et de ses banlieues vont-ils vivre dans les rues, les maisons, les fermes et les mechta, dans leurs biens et dans leur chair ?

Plus que des faits qu’il faut établir dans toute leur dureté, ce sont des sentiments de peur, de revanche et de violence qu’il faut ne pas oublier, dans toute leur cruauté. Entre la «loi d’urgence» du 3 avril 1955 et le départ du gouverneur général Jacques Soustelle le 9 février 1956, "l’après 20 août" à Philippeville sert de catalyseur à la guerre et fournit, en quelque sorte, un passeport pour l’exode.

 

L’attaque

Le 20 août en début de matinée un barrage de feu est déclenché à proximité des «Carrières Romaines» par une patrouille de police, dépêchée sur renseignement au-devant de colonnes de «hors-la-loi» se dirigeant vers la ville avec armes et fûts d’essence. À la mi-journée, le restant de ces colonnes populaires pénètre dans la ville, venant de Valée, des «Carrières Romaines», et du Beni‑Melek par la porte des Aures et le Montplaisant.

Cette foule vient grossir les insurgés dissimulés dans des caves et précédemment infiltrés. Environ six-cent personnes munies de serpes, de couteaux, bâtons et divers instruments tranchants avancent, canalisés par des hommes du FLN en armes et en nombre plus restreint. La caserne Mangin aux portes de la ville et le bâtiment du commandant d’Armes, les commissariats de la police d’État et des Renseignements Généraux sont harcelés.

caserne Mangin 1956caserne Mangin en 1956, à Philippeville

La gendarmerie du Faubourg est attaquée, ainsi que les petites rues du quartier des Aures sur les hauteurs vers la vieille enceinte fortifiée. Des maisons sont assaillies, des voitures incendiées, des magasins pillés. Des dizaines de plaintes instruites en sous-préfecture permettent de reconstituer l’ambiance de cet après-midi. Les Européens surpris se jettent dans des abris, ou sont pris à partie, battus, blessés, voire tués dans la rue. L’armée, déjà alertée, mais dont les effectifs étaient ce jour-là réduits, riposte assez rapidement dès le début de l’après-midi, et fait feu dans un discernement relatif. En revanche, pour le passant ignorant la réalité la surprise est totale. La presse et les archives font état d’une progression des «actes de terrorisme» depuis le début de l’année. Mais entre les «accrochages» dans le djebel ou le harcèlement de fermes isolées, et l’attaque surprise d’une petite ville européenne, il y a – pour le commun des mortels - un fossé à imaginer.

Les foules musulmanes qui ne se sont pas échappées finissent par être stoppées, puis rassemblées. Pour d’autres, c’est un combat sans merci qui se livre jusqu’à ce que mort s’ensuive.

Il est de coutume de se livrer au dénombrement de victimes. Se battre sur des chiffres, les uns faibles et précis, les autres vagues et volumineux, n’est pas le but de cet article où nous les évoquerons en quantité relative. Nous traiterons ultérieurement cet aspect qui prendra en compte les victimes recensées de toute origine et statut social. Quelques morts dus aux attaques et à la riposte immédiate sont comptés parmi les Européens et les forces de l’ordre, plus d’une centaine chez les Français musulmans. L’hôpital recueille des victimes de toute origine, pris en charge par le personnel médical présent à Philippeville ce jour-là.

À la même heure plusieurs troupes FLN d’une quarantaine d’hommes prennent El‑Alia en tenaille, rejointes par des mineurs et villageois, formant une foule d’environ 500 personnes. Les Européens sont attaqués à l’arme blanche. Il y a des femmes et des enfants dans la rue et les maisons. Certains se réfugient, se barricadent, se terrent immobiles dans des remises, des buissons. Des enfants se font liquider sur place. Les destructions sont massives. Ici aussi, la population civile est attaquée par surprise. Des hommes affolés, ayant conservé par‑devers eux quelques armes, tirent et déclenchent une spirale infernale déjà bien engagée car, face à cette maigre défense, les assaillants ripostent en redoublant de sauvagerie, se livrent à des atrocités.

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atrocités commises par le FLN contre des enfants

Des femmes sont poignardées dans le dos, des hommes sortis de leur cache également. Les photos montrant des corps mutilés - particulièrement des enfants alignés sur la terre battue - prouvent la violence employée par les insurgés. Entre temps la troupe est intervenue grâce au directeur de la mine, "marathonien miraculé" arrivé au pas de course à travers bois et dunes au camp Pehau, centre d’instruction militaire à dix kilomètres sur la plage. Aidée de l’aviation, elle riposte en anéantissant les insurgés attardés sur le terrain, abandonnés par les maquisards en fuite. Le beau livre de témoignage de Louis Arti (1) restitue l’atmosphère et les sentiments des humains assiégés et terrorisés, ayant perdu trente-cinq de leurs proches.

Les pertes officielles et publiées pour le Nord‑Constantinois sont de soixante-et-onze Européens civils, vingt-et-un Français musulmans, trente-et-un des forces de l’ordre, et il serait intéressant de brosser un tableau de l’insurrection dans son ensemble car d’autres localités sont attaquées, et l’événement va affecter le destin de l’Algérie toute entière. Nous choisissons d’en décrire l’épicentre philippevillois, archétype des modes de violence outrancière, et d’essayer de les expliquer.

Roger Vétillard prépare la publication d’un livre faisant le tour de la question (2). Nous disposons à ce jour des informations fournies sur le Nord-Constantinois par l’enquête pionnière du journaliste Yves Courrières (3) et l’article fondateur de l’historien Charles-Robert Ageron (4) tous deux décédés, ainsi que de l’ouvrage novateur de Claire Mauss-Copeaux (5). Les autres auteurs n’ayant fait – sauf exception - que se recopier les uns les autres.

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cimetière de Philippeville

 

Les origines

Il est possible que les Français ne partagent pas avec leurs anciens compatriotes algériens le même système de décodage des événements, les mêmes valeurs de référence. L’indigène observe ses conditions de vie à travers le prisme de la richesse, de la justice et de la reconnaissance, et se repose sur ses élites et ses élus. Et c’est dans un précaire équilibre que vogue ce vaste vaisseau de ligne des Français musulmans – "une majorité rurale qui n’était pas en contact avec les Français" (6) - jusqu’à ce que certains, déçus de la politique, se mettent à la barre dans l’intention de donner, en ultime recours et dans la violence, un brutal coup de gouvernail.

Mais, la petite corvette des Européens n’est pas non plus épargnée par les alea de la politique. Le petit peuple pied-noir aussi se repose sur ses élites et ses élus. Il a ses problèmes et n’a la force de s’occuper de la «misère du monde». Tacitement, il consent - comme l’ont fait avant lui ses ancêtres - à cette Société où il vit. "L’Algérie, dans son fonctionnement quotidien, était faite pour [lui]" (7). Des écarts de niveau de vie et d’instruction, de responsabilité ou de justice, il en vit lui aussi. Il ne choisit pas un modèle de Société qui pourrait être différent.

16"Européens" d'Algérie (Oran)

Le Statut de l’Algérie a huit ans d’existence. Aux yeux des élites françaises musulmanes il reste "gangrenée" par l’injustice du «double collège» électoral : une voix européenne valait neuf voix indigènes. Depuis le début de l’année les «actes de terrorisme» ne cessent pas. Le législateur invente «l’état d’urgence» pour le constantinois. Pour être à même d’opposer à ces «actes de terrorisme» une riposte efficace, la loi donne pouvoir à la police et à l’armée pour régler rapidement des situations ordinairement examinées par des juges. D’autre part, aux «hors-la-loi» n’est pas reconnu le statut de combattant lorsqu’ils sont faits prisonniers. Enfin, la récente directive militaire sur la «responsabilité collective» entraîne inévitablement des injustices, en condamnant des populations innocentes de crimes, seraient-elles néanmoins sympathisantes du FLN.

En ce printemps 1955 la «rébellion» totalise quelques centaines d’hommes dans la Zone II de Constantine (future wilaya II), traqués par les paras de Ducourneau. La logistique des maquis n’est pas celle de l’armée française. Les fellagha sont sans bases ni nourriture, sans ressources ni armes et sans liaisons. C’est une caricature, mais il y a beaucoup de vrai.

La «révolution» s’essouffle. En face, le gouverneur Soustelle annonce des réformes. Des élites musulmanes dites modérées vont se voir proposer des discussions, danger majeur aux yeux des chefs FLN dont le but de guerre est l’indépendance. Les efforts déployés par ceux qui ont déclenché le 1er novembre ne sont pas reconnus internationalement. Et surtout manque l’adhésion du peuple indigène qui se montre indécis, effrayé et au mieux attentiste, et qui ne fournit pas le moteur essentiel à une guerre de maquis.

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Zighoud Youssef

C’est au chef de la Zone II, Zighoud Youssef, que revient l’élaboration de la stratégie : grossir les rangs en mobilisant le peuple, trouver gîte et nourriture, capter les ressources des paysans, chercher de l’armement, effrayer les «modérés», se donner un statut dans le concert des nations. Et avant tout, se mouvoir dans le bled "comme un poisson dans l’eau", en enrôlant une population à l’existence précaire et pouvant tout attendre de ceux qui se présentent comme ses sauveurs.

L’idée de base est qu’une bonne stratégie est une stratégie gagnante à long terme, devrait-elle imposer à court terme d’importants dégâts dans les deux camps : Provoquer une levée en masse aux yeux de tous en relançant un conflit qui se meurt, pour passer de «l’acte de terrorisme» à la «guerre de libération». Pour parachever son dessein politique, Zighoud fait coïncider les attaques avec le deuxième anniversaire de la déposition du Sultan du Maroc (20 août 1953). Enfin, il a peut-être répondu à un appel à l’aide des chefs de l’Aures pour détourner vers d’autres cibles les pilonnages de l’armée française, pilonnages constituant en eux-mêmes un appel à la violence.

Mais qu’est-ce que le 20 août ? Des «massacres» seulement ? Claire Mauss‑Copeaux défend la thèse de l’insurrection primant sur «les massacres». Aucun des papiers saisis dans la sacoche de Zighoud Youssef le jour de sa mort en septembre 1956, et dont nous avons consulté une traduction retrouvée dans les archives, ne vient accuser ce dernier de massacres prémédités à finalité politique.

En attaquant non plus des fermes isolées, mais une ville européenne, l’A.L.N. de Zighoud Youssef a voulu montrer au monde qu’elle existait. Mais cette question de l’origine des massacres des Européens mérite de rester en discussion car a contrario dès le mois de juin 1955, alors que le chaudron commençait à bouillir, un rapport des RG de Constantine accrédite la thèse de la préméditation. Pour autant les autorités françaises, aveuglées, manipulés ou non par le FLN, vont reproduire de manière contre‑productive des erreurs déjà commises dix ans plus tôt.

 

Les ripostes

Il faut revenir à Philippeville, car «le 20 août», ce n’est pas le 20 seulement. Ce n’est pas non plus El-Alia seulement. Le «20 août» n’est pas terminé. Celui de Zighoud Youssef est fini. Celui des Français commence.

La riposte a consisté - on l’a vu - à essayer d’étouffer l’attaque en début de matinée : la mechta des «Carrières Romaines» a été neutralisée dès les premiers quarts d’heures. Puis dans les rues tous les efforts se sont portés sur les tireurs et les foules qui ne se s’étaient pas échappées. La caserne Mangin, le stade Cuttoli (le stade municipal), se remplissent sous surveillance militaire. Selon des témoignages des GMC chargés de prisonniers sillonnent les rues. Dans le stade municipal sont alignés les cadavres d’hommes tombés dans les combats de rue. Des camions transportent des prisonniers en direction du djebel Soubouyou qui domine le stade municipal.

À deux kilomètres de la route de Saint‑Antoine, un chemin mène au cimetière de Zef-Zef. Les hommes sont poussés le long des fosses creusées par le bulldozer de l’Ecole d’Agriculture et de Viticulture. À la vue des armes automatiques dirigées vers eux, ils meurent - eux aussi - dans des hurlements de terreur, semblables - dans le même malheur - aux victimes d’El‑Alia. La vulgate mémorielle conserve le stade municipal comme lieu emblématique d’exécutions sommaires et de charnier. Est-ce la réalité ? Aucune source ne le mentionne, contrairement à Zef-Zef. Paul Aussaresses ne valide d’exécutions ni sur le stade ni à Zef-Zef, mais reconnaît la création de la fosse.

À part ses confessions il n’est jusqu’à présent fait mention d’aucune archive détaillant les pertes. Des sources d’époque restées secrètes permettent d’approcher la réalité, de se mettre dans la peau des hauts décideurs de l’époque. Pour l’ensemble du Nord‑Constantinois les historiens se contentent avec dépit d’une "fourchette" de mille-deux-cent soixante-treize (chiffre officiel) à douze mille (chiffre du FLN). Il y eut à Philippeville et sa banlieue cinq cent tués en tout, avec des femmes et des enfants. La description de la mechta martyre faite par le reporter du MONDE, qui a fait l’objet d’une polémique sur laquelle nous ferons la clarté, est aussi éloquente que celle des rescapés d’El-Alia. Elle a le mérite d’exister et d’avoir provoqué le lever d’un voile. Pour autant, les faits révélés grâce à sa présence ainsi que celle de l’envoyé spécial de l’Humanité n’ont pas été retenus par la postérité. Le nombre, la qualité des victimes de la mechta et les circonstances de sa destruction ne sont pas publiés, mais ils seront approchés à l’aide de l’extraordinaire capacité d’archivage de l’administration française.

Au Beni-Melek, la mechta de la Prise d’eau est détruite le 23 et tous les hommes sont enlevés sans espoir de retour. À la Cité Indigène au Faubourg, des dizaines d’habitations sont incendiées. Avec les «Carrières Romaines», ce sont les lieux authentiques de la répression touchant les habitations, leur contenu et leurs occupants : des baraques en dur, des gourbis avec le mobilier, les effets et objets personnels, l’argent et les papiers, ainsi que les réserves alimentaires sont détruits.

Des plaintes évoquent des fusillades mortelles et des enlèvements. Notre monographie s’attachera à entrer pour la première fois dans le détail de cette micro-histoire qui a touché plusieurs dizaines de familles nommément désignées, soit plusieurs centaines de personnes. Entre-temps, c’est dans une atmosphère délétère, mélange de désespoir, de terreur, de ressentiment et de menace que se déroulent le 23 les obsèques européennes devant le cimetière de Philippeville. On n’a pas retrouvé à ce jour et à notre connaissance de récit faisant état d’enterrement des morts indigènes du 20 août.

Du côté d’El-Alia, les reporters de presse n’ont pas laissé de trace. Le gendarme de la brigade des recherches de Philippeville a immortalisé les corps massacrés dans des photos universellement connues. Hormis ces photos les archives sont pour le moment muettes et les sources jusqu’alors utilisées sont exclusivement orales. Mais des rapports inexploités et des archives privées vont permettre de compléter les analyses de Claire Mauss-Copeaux. La découverte de charniers à Filfila et les allusions de l’ancien commandant Aussaresses tendent à attester le scénario de représailles, officiellement autorisées - il faut le rappeler - par l’état d’urgence. Il y eut à El-Alia de deux-cent à trois-cent tués (dont une soixantaine de prisonniers exécutés dans la foulée et une centaine quelques jours plus tard).

Philippeville en 1950
Philippeville en 1950

La poursuite du «nettoyage» n’est pas terminée dans la région. Les opérations de répression dans le Nord‑Constantinois, liées aux événements du 20 août, sont supposées prendre fin vers le 28, si l’on se réfère à une directive sibylline du général Lavaud en date du 26 : «[…] toute action de représailles y compris aérienne risquant mettre en cause vie femmes et enfants sera soumise à décision personnelle général commandant division» (9). Avant cette date les militaires avaient les mains libres. Nous appuyant sur des sources restées secrètes, nous réfléchissons au déroulement du processus de décision dans l’esprit du gouverneur général Soustelle et des généraux de l’état-major entre le 20 et le 26 août. Nous aboutirons à une répartition plus juste des responsabilités que celle ayant habituellement cours dans les écrits sur le 20 août.

Poser des chiffres disponibles et mettre à plat les responsabilités, c’est permettre une petite avancée de l’Histoire, une fin de deuil pour les familles des victimes innocentes et oubliées, et tous les exilés de cette guerre. Plus qu’une journée, le 20 août c’est une semaine. Plus qu’une mine, c’est une ville. Plus qu’un mort, c’est dix morts. Le 20 août est un marqueur essentiel de la guerre en Algérie. On ne peut évoquer les enfants et les femmes égorgés d’El-Alia sans connaître les femmes et les enfants exécutés des «Carrières Romaines» ; les mineurs abattus sans les paysans fusillés de Zef‑ZEF ni les hommes disparus de la Prise d’eau, dont les familles attendent toujours l’acte de décès.

Car si les égorgés ont droit à notre compassion, les fusillés ont droit à la vérité. Les balles des FM français, pas plus que les autres, ne savent faire de différence entre les innocents et les autres. La presse a rendu compte en février et mars 1958 de quinze condamnations à mort sur quarante-quatre prévenus par le tribunal militaire. Le rapport du légiste reconnu erroné, et, plaidant les aveux obtenus sous la torture, les avocats obtinrent le renvoi en cassation. Le jugement du 1er décembre 1958 a maintenu deux condamnations, commuées plus tard en réclusion. Aux yeux de la justice, les «tueurs d’El-Alia» n’en étaient pas.

La semaine du 20 août, ce sont des massacres à analyser ensemble, en perspective historique. Celui d’El-Alia, les fellagha n’ont pas su l’éviter. Celui de Philippeville les Français non plus. La violence est toujours idiote. L’Algérie n’a-t-elle été «soldée» par les Français eux-mêmes ? Les uns depuis des décennies par égoïsme et négligence, les autres depuis cette semaine du 20 août par absence de maturité politique ? L’envoi du contingent et l’élargissement de l’état d’urgence firent le reste. En septembre, les élus du deuxième Collège quittèrent la séance à l’Assemblée Algérienne, estimant ne plus être en mesure de représenter la République aux yeux de leurs mandataires. La violence politique s’empare désormais de la partie la plus massive de la population d’Algérie. Dans la «motion des 61» - soixante-et-uns élus indigènes protestataires - est inscrit «l’exode» de 1962. Dans l’intervalle, tout fut péripétie, sanglante, coûteuse et inutile.

Michel MATHIOT
20 août 2011

 

1 - Louis Arti, EL HALIA, Comp’act, 1997.
2 - Roger Vétillars, Le 20 août 1955, D’El Halia à Aïn Abid, Constantine et Philippeville : un tournant dans la guerre d’Algérie, ouvrage à paraître en 2012 aux éditions Riveneuve
3 - Yves Courrières, La Guerre d’Algérie, T2, Le temps des léopards, 1969.
4 - Ch.-Robert Ageron, « L’insurrection du 20 août 1955 dans le Nord-Constantinois. De la résistance armée à la guerre du peuple », in La guerre d’Algérie des Algérien, 1954-1962, A. Colin, 1997.
5 - Claire Mauss-Copeaux, Algérie, 20 août 1955, Insurrection, répression, massacres, Payot, 2011. Voir également notre critique dans Etudes Coloniales du 4 août 2011.
6 - Mohammed Harbi, El Watan, 26 mai 2011, cité dans LDH Toulon, Les deux rives de la Méditerranée, 30 mai 2011.
7 - M. HARBI, op. cit.
8 - « […] les séparatistes espèrent qu’une répression ‘’sévère et aveugle’’ s’ensuivra et qu’ils pourront, grâce à la complicité du Parti Communiste et d’une certaine presse métropolitaine ‘’monter l’affaire en épingle’’ sur le plan international […] » (ANOM, Préfecture de Constantine, 93 5Q/228, Police des Renseignement Généraux, Constantine, 8 juin 1955).
9 - ANOM 93/424, 93/177, ainsi que Cl. Mauss-Copeaux, Appelés en Algérie, La parole confisquée, Paris, Hachette, 1998, p. 175.

 

 Philippeville quartier arabe
Philippeville, quartier arabe, carte postale ancienne postée en 1905

 

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27 décembre 2011

génocide en Algérie : la Turquie devrait faire son mea culpa

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Kheir Din Baba Arroudj (Barbe Rousse)

 

Algérie :

la Turquie a la mémoire courte 

 Bernard LUGAN

 

Les déclarations du Premier ministre turc, Monsieur Erdogan, à propos du «génocide» que la France aurait commis en Algérie, relèvent à la fois de l’hystérie verbale et de la plus grotesque manipulation historique. De plus, Monsieur Erdogan est bien mal placé pour parler de «génocide» en Algérie, région qui fut durant trois siècles une colonie ottomane sous le nom de Régence d’Alger (Wilayat el-Djezair en arabe et Gezayir-i Garp en turc), et dans laquelle les janissaires turcs s’illustrèrent par leurs méthodes particulièrement brutales et expéditives.

En 1520, Sidi Ahmed ou el Kadhi fut le premier résistant kabyle à la colonisation turque, réussissant même à s’emparer d’Alger et forçant le chef de bande Khar ad-Din Barberos à se replier à Djidjelli.
En 1609, les Kabyles vinrent battre les murs d’Alger puis, entre 1758 et 1770, ce fut toute la Kabylie qui se souleva. Au début du XIX° siècle, plusieurs autres insurrections se produisirent, notamment entre 1805 et 1813, puis en 1816 et enfin en 1823.

Il en fut de même dans l'Aurès où les Chaouias réussirent à interdire toute présence effective du pouvoir ottoman. Constantine fut un cas à part car les Ottomans y avaient de solides alliés avec la tribu des Zemoul, ce qui n’empêcha pas les autres tribus kabyles de se soulever régulièrement.

Tous ces mouvements furent noyés dans le sang, à l’image de ce qui fut la règle en Libye : «La force est employée à la turque : les colonnes de réguliers, Turcs et Couloughlis, usent du sabre, du fusil et du canon, brûlent récoltes et villages, s’emparent d’otages, empalent et décapitent, exposant par dizaines les têtes coupées. L’usage de la force démontre la résolution du maître et l’irréversibilité de la situation» (1).

violence ottomane
Dans la Régence d’Alger, les Turcs pratiquèrent une ségrégation institutionnalisée, la politique de l’élite dirigeante militaro administrative ottomane étant d’éviter de se dissoudre par mariage dans la masse de la population. La violence ottomane ne s’exerça pas uniquement contre les populations locales. Quelques exemples :

- Le 27 mai 1529, après un siège de trois semaines, les 25 survivants de la garnison espagnole qui défendait le fort construit dans la baie d’Alger capitulèrent contre la promesse qu’ils auraient la vie sauve ; or, leur chef, le comte Martin de Vargas, grièvement blessé, fut massacré à coups de bâton par les soldats turcs.
- Le 20 juillet 1535 Khayr ad-Din Barbaros lança un raid sur l’île de Minorque, aux Baléares, enlevant plusieurs centaines de captifs, hommes, femmes et enfants qui furent vendus sur le marché aux esclaves d’Alger.
- En 1682, après que le Dey eut déclaré la guerre à la France, l’amiral Duquesne se présenta devant Alger où les Turcs massacrèrent le père Jean Le Vacher, consul de France, en l’attachant à la bouche d’un canon (2).
- En 1688, pour lutter contre les pirates, le maréchal d’Estrées bombarda Alger et plusieurs captifs français furent également attachés à des canons.

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1683 : captifs chrétiens massacrés par les obus
 
La piraterie constitua jusqu’au début du XIXe siècle le cœur de la vie politique et économique de la Régence turque d’Alger. Il s’agissait bien de piraterie et non de Course puisque les raïs, les capitaines, n’obéissaient pas aux règles strictes caractérisant cette dernière. La recherche historique a en effet montré que son but n’était pas de s’attaquer, avec l’aval des autorités, à des navires ennemis en temps de guerre, mais que son seul objectif était le butin.
À l’exception du raïs Hamidou, tous les acteurs de cette piraterie étaient des Turcs, de naissance ou renégats, aucun n’était d’origine algérienne.

Ceci étant, deux choses doivent être claires :
1) Les lois mémorielles (loi Gayssot, loi Taubira et autres) interdisent et assassinent la recherche historique et c’est pourquoi tout historien sérieux doit exiger leur abrogation.
2) Les politiques n’ont pas à encadrer l’Histoire ; quant aux députés, au lieu de voter des lois mémorielles électoralistes, ils feraient mieux de se préoccuper du sort des Français qui les ont élus. Mais, comme le disait Charles Maurras : « À quoi songe un élu ? À être réélu ».
Bernard Lugan
23 décembre 2011

 

1 -  Martel, A., «Souveraineté et autorité ottomane : la Province de Tripoli du Couchant (1835-1918)». Université Paul Valéry. Montpellier, en ligne.
 2 - En 1830, après la prise d’Alger, le canon surnommé la «Consulaire», fut envoyé à Brest où il se trouve actuellement.

 

- source : blog de Bernard Lugan

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25 décembre 2011

cartes de l'Afrique du Nord en 1956

 

 cartographie du Maghreb colonial

 

Editions Gandini

19 octobre 2011
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Nouveau : Cartes de l'Afrique du Nord à grande échelle (1/250 000) de 1956

 

Les cartes détaillées anciennes de l'Afrique du Nord, de l'Algérie en particulier, sont excessivement rares et quasiment introuvables dans leurs éditions originales. Images et Cadres, enseigne du groupe Serre Éditeur, propose des retirages en couleurs de ces superbes documents, tous antérieurs à l'indépendance.

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L'Algérie en 45 feuilles 55 x 70 cm

 

La Carte de l'Afrique du Nord au 1/250 000 a été dressée au début des années 50 par l'armée américaine (Army Map Service) à partir de diverses sources, telles les cartes de l'armée espagnole pour le Maroc espagnol, ou de l'IGN et du SGA pour les zones sous administration française. Composée de 378 feuilles, elle couvre la quasi-totalité du Maroc (33 feuilles), de l'Algérie (45 feuilles, Sahara non compris), de la Tunisie (21 feuilles), de la Libye et de l'Égypte, plus Madère, les Canaries et Malte. Dans l'immense majorité des cas, en AFN, ce sont les noms français qui ont été reportés. D'une échelle confortable (10 cm pour 25 km), parfaitement lisible, elle inclut bien sûr la totalité des communes, mais aussi les hameaux et un grand nombre de domaines, fermes et établissements agricoles. Destinée à un usage avant tout militaire, elle fait aussi une large place aux édifices défensifs, forts, borjs et autres fortifications mis en place par l'armée française dès les débuts de la colonisation.
En savoir plus >>>

 

 - cliquer ici pour voir toutes cartes en détail

 

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24 décembre 2011

pas de génocide français en Algérie

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Guerre en Algérie :

"dure mais pas d'idée génocidaire"

Yves LACOSTE

 

Yves Lacoste, "père" de la géopolitique française et historien revient sur les accusations de génocides en Algérie portée par Recep Tayyip Erdogan (source)

 

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Yves Lacoste

 

D’ailleurs, le FLN au pouvoir n’a jamais parlé de génocide...

Le nouveau gouvernement algérien de l’indépendance aurait pu en effet porter plainte aux Nations Unis et dénoncer un génocide de fait. Il ne l’a pas fait tout en menaçant périodiquement de porter de telles accusations, notamment lorsqu’il y eu des crises pour la nationalisation du pétrole. Le gouvernement français n’a pas été mis en accusation et le FLN a toujours veillé à pas se laisser déborder par ça. Cela s’explique par le fait que le gouvernement algérien a tenu dès l’indépendance à renouer des liens avec la France.

Et lors de la conquête de l’Algérie par la France à partir de 1830 ?

Dans la partie occidentale de l’Algérie, la conquête a été extrêmement dure, à la différence de la partie orientale. Là-bas, les militaires français se sont dans l’ensemble entendus avec les chefs de tribu mise à part lors des combats pour la prise de Constantine. Dans la partie occidentale, Abdelkader, homme remarquable, a eu affaire à des militaires français laissés sans ordre depuis Paris. Certains généraux français, dans les années 1833-37 ont signé ses accords et livrés à Abdelkader un grand stock d’armes. On aurait pu s’orienter vers une entente avec lui.

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cavalier arabe à l'époque d'Abd el-Kader

Mais...

Malheureusement, certains généraux arrivés par la suite, notamment Bugeaud, ont démenti leur prédécesseurs. Le territoire reconnu à AbdelKader a été envahi, celui-ci a donc considéré que c’était une violation des accords et a repris la guerre.

Et donc, que s’est-il passé ?

Le maréchal Bugeaud a mené une politique de la terre brulée qui a pris des formes de génocide dans l’ouest de l’Algérie.
En 1830, la population de l’Algérie était sans doute aux alentours de 3 millions d’habitants. En 1870, on en dénombre 2,5 millions. Les famines, dont certaines sont causés par l’incendie des terres, ainsi que les épidémies expliquent cette chute démographique, ainsi que les opérations de Bugeaud...

Pensez-vous que la loi votée hier au parlement soit une bonne chose ?

Je déplore que des députés de droite et de gauche pour se faire bien voir de l’opinion et des Arméniens dont les descendants sont nombreux en France votent une telle loi. Ils auraient mieux fait de décider la création en France d’un centre de recherche sur ce qui s’est passé dans l’empire ottoman et particulièrement en Arménie.

Quand les politiques veulent imposer une vision de l’Histoire, les historiens le déplorent. Les historiens juifs dont les familles ont été victimes d’un génocide voulu par les nazis disent aussi qu’il ne faut pas s’embarquer dans une législation qui interdise les proclamations antisémites. C’est aux intellectuels d'empêcher la négation des génocides, pas à la loi. Si on commence à dire que la loi décide du déroulement de l’Histoire passée, on arrive à des régimes dictatoriaux.

Yves Lacoste

 

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