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études-coloniales
11 janvier 2012

Faculté des Lettres à Tunis : offensive salafiste

mannouba

 

 

nouvelles de la Faculté des Lettres

de la Manouba

(Tunisie) : offensive salafiste

Rachida Tlili SELLAOUTI, professeur

 

La Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de l’université de la Manouba (FLAHM) est, au moment où j’écris et depuis le 28 novembre 2011, occupée par un groupuscule d’étudiants à la mode «salafiste». Il  exige le port du niqab par les étudiantes «qui le désirent» pendants les cours, au nom des  libertés individuelles.

Dans la virulence de leurs revendications, ils ont agressé physiquement le doyen, l’historien Habib Kazdaghli ainsi que un collègue syndicaliste, M. Habib Mellakh. Des collègues femmes ont été agressées verbalement… tandis que les autorités tardent à intervenir.

Les faits

En fait, la question du niqab commence à être agitée dans l’enceinte de la faculté depuis la fin du mois d’octobre (calendrier électoral aidant) au moment où une étudiante refuse de dévoiler son visage en cours.

Le 2 novembre, le doyen réunit les membres élus du conseil scientifique, représentants aussi bien les étudiants que les professeurs. Le règlement intérieur qui est alors adopté interdit le niqab dans les salles de cours et lors des examens pour des raisons strictement pédagogiques et sécuritaires (la Révolution ayant permis de  «dégager» la police des enceintes des universités), mais permet de le porter dans tous les autres espaces de la faculté.

L’Université propose par ailleurs de mettre à disposition des étudiants, à une très courte distance de la faculté, un espace de prière décent (deuxième revendication du groupuscule des étudiants avec le niqab) commun au campus universitaire de la Manouba, réunissant 30 000 étudiants. Rien n’y fait, les évènements s’enchaînent et la situation se dégrade :

- 28 novembre, un groupe d’une centaine de personnes – pour la plupart non inscrites à la faculté – interrompt bruyamment les cours et empêche la tenue des examens.

- 29 novembre, des personnes étrangères à la faculté à qui l’on tente d’interdire l’entrée forcent le passage et bousculent le doyen. Les enseignants décident, alors, de protester contre la violence des attaques par une grève.

- 6 décembre, les «sit-inneurs», déjà bien installés dans les bureaux de l’administration, décident cette fois-ci d’interdire au doyen l’accès à son bureau. Une fois de plus c’est l’option de la violence qui est choisie : bousculade, menace verbale et physique… Un enseignant sera même transporté à l’hôpital. Le conseil scientifique élargi décide de fermer la faculté et de demander, alors qu’il s’y était toujours refusé jusque là, l’intervention des forces de sécurité publique afin d’évacuer les intrus.

Le gouvernement sortant est resté sourd et indifférent à cet appel. Depuis le 6 décembre, les cours sont interrompus et les locaux administratifs occupés. Le doyen, le personnel administratif, les enseignants et les 8.000 étudiants attendent en vain. Tandis que le groupuscule d’étudiants soutenu par un renfort continu de personnes totalement étrangères à la faculté, au mode vestimentaire «salafiste» occupent la faculté et saturent l’espace à coups de décibels (haut-parleurs ) diffusant prêches et prières. Ils rejettent toute décision du Conseil Scientifique remettant en cause sa légitimité en tant que instance élue, comme ils rejettent toute justification pédagogie, éthique, sécuritaire… que pose le port du niqab dans les salles de cours, et ne retiennent que leurs seules allégations à savoir que les étudiantes sont «souillées» par le regard des professeurs.

 

niqab-tunisie

 

la Manouba, un symbole à abattre

En fait, pour plusieurs raisons, la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de l’Université de la Manouba est avant tout le symbole à abattre. Très tôt, de nombreux partis politiques ainsi que l’Union générale des travailleurs tunisiens (Ugtt, centrale syndicale la plus importante du pays) manifestent leur inquiétude et leur solidarité. En face, les autorités et instances de tutelles confondues affichent une fin de non recevoir.

Situation actuelle Suite aux dernières médiations : une commission ad hoc créée par le conseil de l’université de la Manouba a engagé des discussions par l’intermédiaire de certains professeurs avec les sit-ineurs, des démarches entreprises par l’autorité de tutelle pour amener les personnes étrangères à lever le sit-in.

Le ministre avait promis aux membres du conseil scientifique et aux représentants des  différents syndicats de l’institution (UGTT pour les enseignants, ouvriers, fonctionnaires, UGET pour les étudiants) qu’il avait reçus samedi dernier, d’œuvrer en vue du retrait des sit-ineurs étrangers à la faculté de son enceinte et de convaincre les étudiants de la FLAHM de transférer le sit-in des bureaux du doyen à un autre endroit de sorte qu’ils n’entravent pas le déroulement des cours et le fonctionnement normal de l’administration, étant donné, considère-t-il,  que le sit-in et la manifestation sont un droit sacré.

Le 2 janvier 2012, les rapports des différents médiateurs, ceux des membres du personnel administratif dépêchés à la faculté ont fait état de l’irruption massive de nouveaux sit-ineurs en soutien à leurs camarades. Constatant cet état de fait, l’assemblée générale réunie successivement les 2 et 3 janvier dans les locaux de l’Université, convaincue de l’absence des conditions pour une reprise normale des cours, en raison du renforcement du sit-in, a recommandé au conseil scientifique de maintenir la fermeture de l’institution jusqu’au retour à la normale et a décidé un rassemblement au ministère de l’enseignement supérieur à partir du mercredi 4 janvier 2012 pour inciter les autorités à obliger les sit-ineurs à se retirer de la faculté.

Rachida Tlili Sellaouti
Professeur d’histoire
FLAHM Le 4 janvier 2012 – 8 h du matin (heure locale)


29112011_manouba_manif



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