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études-coloniales
22 juin 2012

prélèvements sanguins forcés en Algérie en 1962

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Une commémoration occultée :

les décès causés par les prélèvements

sanguins forcés

à la fin de la guerre d’Algérie

Grégor MATHIAS

 

Dans le «sang des disparus d’Algérie en mai-juin 1962 – un drame oublié de la guerre d’Algérie» paru dans la revue d’histoired’Outre-mer (1), je faisais état de l’existence d’un document de la sécurité militaire de la Légion étrangère du 13 juillet 1962 n°SP.87.581 (2) relatant l’enlèvement d’un légionnaire le 8 mai dans les environs d’Oran et le prélèvement forcé de son sang à quatre reprises pour les besoins médicaux des hôpitaux du FLN à Oran.

Cette étude était complétée par un second article «Les vampires à Alger, Oran et Tlemcen (avril-juin 1962) : Une rumeur de la guerre d’Algérie ?» paru en 2011 sur le site Études coloniales (3). Cet article faisait un bilan de toutes les mentions sur les prélèvements sanguins et tentait de distinguer les rumeurs des faits avérés sur Alger, Oran et Tlemcen.

Deux publications récentes permettent d’apporter des éléments nouveaux sur les prélèvements sanguins forcés pratiqués par le FLN à la fin de la guerre d’Algérie et complètent ou confirment les deux articles. L’historien Jean-Jacques Jordi a ainsi eu accès à des archives sous dérogation et a pu reproduire ou faire état de documents concernant la fin de la guerre d’Algérie (4).

Jordi couv

Dans le flot des publications sur la commémoration de la fin de la guerre d’Algérie un ouvrage est passé pratiquement inaperçu, il s’agit de la correspondance d’un étudiant pharmacien, appelé du contingent, affecté au laboratoire de Tizi Ouzou de février à juillet 1962 (5). Ces deux ouvrages permettent à la fois de préciser la chronologie, d’élargir le champ d’étude de la pénurie de poches de sang à la Kabylie et de mieux comprendre les enjeux de la banque de sang entre le cessez-le-feu et l’indépendance de l’Algérie.

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La chronologie des prélèvements de sang forcés confirmée

sur Oran (avril 1962) et Alger (mai 1962)

En dehors du document de la Légion étrangère faisant état du prélèvement forcé du sang d’un légionnaire enlevé à partir d’une lettre qu’il a fait parvenir à son frère, trois autres documents officiels viennent confirmer l’existence de prélèvements sanguins forcés.

Le premier document, provenant probablement de la gendarmerie, évoque la découverte le 21 avril 1962 par des gendarmes à Oran de «quatre Européens entièrement dévêtus, la peau collée aux os et complètement vidés de leur sang». Ces personnes n’ont pas été égorgées, mais vidées de leur sang de manière chirurgicale rajoute l’historien J.-J. Jordi en note (6).

Cette découverte macabre se situe la veille du 22 avril, date à laquelle M. de Laparre, prêtre à Oran, évoque les prélèvements sanguins pour la première fois. Il signale ainsi qu’une clinique au quartier Victor Hugo pratiquerait les prélèvements sanguins sur des Européens : «Pour se procurer du sang frais, il [le FLN] a établi des barrages sur les routes du quartier. Les automobilistes sont amenés à l’hôpital où un médecin français, sur une table d’opération les saigne totalement. Puis on va déposer leur cadavre sur la route» (7).

J’avais à l’époque dans un article (8) douté de la véracité d’une telle rumeur, en raison de deux incohérences : la présence d’un médecin européen qui avait été reconnu par sa propre patiente et du fait que le FLN ne cherche pas à dissimuler les corps. Les informations rapportées par J.-J. Jordi ne nous donnent pas avec précision les circonstances de la découverte (découverte au bord de la route ou perquisition d’un bâtiment), mais elles permettent de dire avec certitude que les décès sont dus à des prélèvements sanguins forcés et de préciser la chronologie, c’est-à-dire le mois d’avril 1962. En revanche, le document n’évoque pas la présence d’un médecin européen.

Le deuxième document est un bulletin de renseignements n°360/BR/SC (du 12 mai ?) reproduit à la page 107 qui provient de la gendarmerie d’Arcole à Oran. Il se base sur des renseignements recueillis les 3 et 4 mai 1962 par trois personnes «n’ayant aucun rapport entre elles».

Ce document donne les deux motifs des enlèvements : «vérifier si la personne appartient ou non à l’organisation subversive [OAS] (…) et collecter du sang au profit des hôpitaux du FLN installés dans l’agglomération d’Oran». Ce document avait déjà été signalé par J. Monneret qui signale que le rédacteur précisait que «cette information n’a jamais été recoupée à ce jour» (9). Ce document a d’ailleurs été mentionné dans mon article sur les rumeurs de prélèvements sanguins forcés.

Le troisième document officiel faisant état de prélèvements sanguins concerne Alger. Il daterait de la fin mai (22 mai, date de recueil du renseignement) ou de début juin (le tampon de réception porte la date du 10 juin) (10). Ce document est d’ailleurs reproduit dans l’hebdomadaire Valeurs actuelles du 3 novembre 2011. Il signale que l’adjudant Gagnaire et le sergent Torres du 21e RT portés déserteurs le 20 mai sont détenus dans un hôpital du FLN à la limite du quartier de Belcourt, où «une quarantaine d’Européens seraient séquestrés au même endroit, jouant le rôle de donneurs de sang».

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Valeurs Actuelles, 3 novembre 2011

Il est intéressant de noter la similitude de l’attitude des autorités militaires d’Alger et d’Oran, qui considère les disparitions de ces deux sous-officiers du 21e RT et du légionnaire dans les environs d’Oran comme des désertions et non comme des enlèvements. Les deux enlèvements à Alger ont eu lieu le 20 mai. Nous avions reproduit un témoignage rapporté par Mme Susini évoquant la fuite le 26 mai d’une femme enlevée pour être prélevée de son sang, soit six jours après l’enlèvement des deux sous-officiers. Le quartier de Belcourt est d’ailleurs cité par J. Monneret, comme un des quartiers, où se pratiquent les prélèvements sanguins (11).

Quatre documents officiels (avec celui du légionnaire enlevé) signalent l’enlèvement d’Européens dans le but de pratiquer des prélèvements sanguins forcés. Il nous faut désormais étudier les raisons pour lesquelles le FLN est réduit à utiliser cette méthode barbare.

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hôpital Naegelen à Tizi-Ouzou

 

Comment expliquer la pénurie de banque de sang ?

La raison de la pénurie de sang à Alger et Oran tient au cloisonnement progressif des quartiers européens et musulmans dans un contexte d’insécurité lié aux attentats du FLN et de l’OAS.

Les cliniques et les hôpitaux européens sont progressivement fermés aux Musulmans. Le FLN doit mettre en place des hôpitaux de secours avec peu de moyens médicaux. A. Faucher, étudiant en pharmacie fait son service militaire dans un hôpital à Tizi Ouzou en Kabylie de février à juillet 1962, où il dirige le laboratoire d’analyse médicale et supervise la collecte de sang. A. Faucher nous apporte une autre explication à la pénurie brusque de sang. Il s’agit du retrait du dispositif militaire français lié à l’application du cessez-le-feu. Les unités d’appelés qui donnaient leur sang sont progressivement regroupées et repliées sur la métropole. Les unités restées sur place dispersées ne suffisent plus à remplir le rôle de banque de sang.

A. Faucher nous apporte plusieurs exemples de l’utilisation des militaires du contingent pour servir de donneurs de sang et les conditions de prélèvement. Le 18 février 1962, deux femmes qui préparaient un attentat à la grenade voient le projectile exploser : «c’est une étrange situation ces femmes qui posaient des pièges contre les Français sont soignés par les Français avec du sang de chasseurs alpins !» (12).

Le 26 février, le recensement des donneurs de sang est fait par le moyen de fiches, mais il n’existe aucune inquiétude du côté d’A. Faucher. Cependant, même s’il a constitué des stocks de sang, ceux-ci peuvent rapidement diminuer en raison de cas médicaux graves, comme celui du patient souffrant d’une occlusion intestinale qui nécessite d’utiliser tout le stock de sang A - et de faire appel d’urgence à des donneurs bénévoles pour le compléter (5 mars) (13). La veille du cessez-le-feu, le 18 mars, A. Faucher fait le bilan de sa banque de sang pour la Grande Kabylie : «les frigos sont chargés, j’ai la liste des donneurs dont je dispose pour les urgences». A. Faucher explique que les structures sont prêtes en cas d’urgence : «nous sommes prêts à fournir un gros coup s’il en est besoin» (14).

Mais le 19 mars, A. Faucher laisse percevoir son inquiétude «notre gros souci pour le moment, c’est la question du sang». Il veut établir un service «civil» de donneurs volontaires avec fichier. A. Faucher a-t-il pris conscience qu’avec le cessez-le-feu, les unités de secteur allaient partir et qu’il lui fallait compenser les donneurs militaires par des donneurs civils ?

Les chirurgiens semblent être conscients du problème puisqu’ils l’appellent pour l’avertir du risque de pénurie de sang (15). Le 21 mars, il réussit à mobiliser toutes les unités de Grande Kabylie ce qui lui permet d’inverser la tendance. Il explique cette pénurie conjoncturelle de sang par une mauvaise organisation de la collecte de sang et du service de la banque de sang (erreur de groupe entre donneur et receveur, frigidaire de sang en libre accès, absence de contrôle des poches de sang utilisé), qu’il a pris en charge il y a un mois (16). Cette pénurie temporaire démontre que le système de collecte de sang est entièrement dépendant des militaires de l’armée française.

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«on brûle le matériel des SAS, on laisse rouiller

les appareils de radiologie de plusieurs millions…»

En avril 1962, A. Faucher apprend la suppression du service de chirurgie militaire et l’allègement du service de médecine militaire qui doit être confié aux civils (3 avril). A. Faucher reçoit la visite des médecins de campagne qui travaillaient dans les SAS et qui lui racontent  qu’«on brûle les meubles des SAS, on laisse rouiller les appareils de radiologie de plusieurs millions, tout est abandonné ou détruit» (17). Les unités partent : le 121e est muté le 26 avril, quant aux Chasseurs alpins, ils restent provisoirement en Kabylie avant de partir sur Alger.

A. Faucher prend conscience que le système de collecte dépend uniquement des civils, puisqu’il évoque l’organisation «du don civil de sang» et s’inquiète sur le devenir de son action (18). En quelques jours, la situation se dégrade puisqu’il signale le 15 avril que «la question des donneurs de sang devient cruciale» : «nous mendions du sang» aux visiteurs des patients du dimanche, mais il n’arrive à obtenir  qu’un seul don de sang (19).

L’allègement du dispositif militaire fait que dès le 24 avril, «nous avons de moins en moins de militaires» : il n’y a donc plus de stocks de sang ; il craint de ne plus pouvoir répondre aux urgences médicales (20). À la mi-avril dans une région connaissant une situation calme, on assiste ainsi à une pénurie de poche de sang. À la même période à Oran, touché par la spirale des attentats et des représailles de l’OAS et du FLN, on fait état des premiers enlèvements d’Européens pour compenser le déficit de poches de sang dans les quartiers musulmans.

A. Faucher tente en vain de faire appel à l’assistante sociale pour lui chercher «des donneurs de sang civils», mais il évoque la réticence des Kabyles à donner leur sang, même si un de leurs proches est condamné à mourir. Il arrive pourtant à trouver des donneurs parmi les employés civils de la préfecture (21). Le 6 mai, la pénurie de sang tant de fois redoutée et annoncée touche l’hôpital de Tizi Ouzou. A. Faucher en explique les raisons : les militaires ne veulent plus donner de sang pour les civils et les civils refusent de donner le leur, malgré un appel à la radio.

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Oran, été 1962

Les seuls donneurs qu’A. Faucher arrive à trouver à partir de cette période sont le personnel civil des administrations originaire de métropole et les policiers du commissariat. Du côté des Musulmans, il arrive à convaincre les stagiaires chirurgiens et  les veilleurs de nuit de l’hôpital de donner leur sang, pour ces derniers, le don est qualifié d’«une victoire sur leurs préjugés». La raison religieuse est avancée pour expliquer le refus des Musulmans de donner leur sang. A. Faucher déplore la passivité des autorités civiles et militaires françaises, de l’administration civile des hôpitaux et évoque aussi le refus des Européens d’Algérie de donner leur sang pour les Musulmans (22).

Le 8 mai, A. Faucher signale  pour la première fois la pratique des enlèvements d’Européens par le FLN pour procéder à des prélèvements sanguins forcés. Il reproduit la teneur de la conversation qu’il a eue avec l’assistante sociale : «les autorités FLN se sont préoccupées de la question du sang pour leurs blessés ; pour la trancher, elles ont kidnappé des Européens qui ont été saignés à blanc. À Alger, un hôpital et plusieurs pharmacies ont été pillées» (23). C’est à cette même date que le légionnaire est enlevé dans les environs d’Oran.

 

«Le modèle kabyle» : la collaboration médicale entre l’armée et FLN

Prenant conscience de l’incompétence de l’hôpital civil et du désintérêt de la hiérarchie civile et militaire, le colonel Peillard, directeur de la santé militaire, met à disposition d’A. Faucher des véhicules et du matériel pour la collecte de sang.

Le colonel Peillard se charge de demander des moyens de propagande aux autorités civiles. A. Faucher souhaite même avertir le FLN pour lui demander de convaincre la population musulmane de donner son sang (24). Le 18 mai, A. Faucher apprend que «la section FLN de Tizi a interdit aux Musulmans de donner leur sang, en attendant les instructions de Belkacem, à qui la question a été soumise».

Le 19 mai, le FLN donne son appui à A. Faucher, qui organise le recensement des donneurs (c’est à dire le groupage, la détermination du groupe sanguin) des Musulmans de l’hôpital. Un adjoint du responsable FLN de la Wilaya III incite d’ailleurs officiellement la population des campagnes à donner son sang (25). Le 21 mai, l’approvisionnement de la banque de sang est enfin assuré.

Le 22 mai, une réunion officialise la collaboration entre les autorités militaires et le FLN pour organiser la collecte de sang. Elle réunit A. Faucher, responsable de la banque de sang, un chirurgien de l’hôpital, un des responsables de la Wilaya III et le docteur Mammeri, responsable de la santé du FLN. Lors de cette réunion, 150 noms de donneurs musulmans sont remis par l’adjoint FLN à A. Faucher et il l’assure de son appui pour toutes ses initiatives. Les Musulmans affluent pour le groupage, A. Faucher écrit «nous avons maintenant gagné la victoire» ; «la bataille du sang est donc gagnée» (26).

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A. Faucher, par son énergie et ses initiatives, a réussi à éviter en Kabylie le drame des prélèvements sanguins forcés qui se manifestent par des enlèvements et la mort de donneurs, comme on a pu le voir à Alger, Oran et Tlemcen.

La situation kabyle démontre qu’il existait des alternatives à ces pratiques, mais qu’elles reposaient sur la collaboration entre les autorités médicales, les autorités militaires françaises, le FLN et l’ALN. On peut penser que si la Kabylie est parvenue à cette collaboration, c’est avant tout parce qu’elle n’a pas connu le chaos des attentats de l’OAS et du FLN qui a ravagé les villes d’Oran et d’Alger.

Cette collaboration médicale nécessitait des bonnes volontés et tout indique qu’elles ont manqué dans les «deux camps» à Alger et Oran, alors même qu’A. Faucher écrit «je crois que cette question de sang a contribué à nous rapprocher encore dans de bonnes conditions de la population musulmane de Tizi» (27). Le 15 juin, A. Faucher note qu’à la suite du plastiquage de l’hôpital de Mustapha à Alger, il ne reste plus que deux laboratoires hospitaliers en fonctionnement dans l’Algérois, le sien et celui d’Orléansville situé à 300 km de là (28).

Cette troisième étude sur les prélèvements sanguins forcés permet de faire la lumière sur la situation médicale particulière de la Kabylie. Seule la situation dans le Constantinois n’a pas été étudiée, car nous ne disposons pour l’instant d’aucune information sur l’infrastructure médicale entre le cessez-le-feu et l’indépendance.

Cette étude confirme la pénurie de sang à la fin de la guerre d’Algérie et l’obligation pour le FLN de procéder à des enlèvements d’européens, civils comme militaires, pour répondre à la demande de sang en violation des Accords d’Évian et surtout des Droits de l’homme, alors même que la situation médicale en Kabylie démontre qu’il existait une alternative humaniste à cette pratique barbare.

Gregor MATHIAS

 

__________________________


1 Outre-mers, 2e semestre 2007, n°356-357, p. 265-280
2 - Document que m’a transmis  le traducteur d’espagnol de la sécurité militaire qui l’avait subtilisé de la destruction des archives lors du déménagement de la Légion étrangères de Sidi Bel Abbès à Aubagne.
3 - Site Études coloniales, le 22 mars 2011.
4 - J.-J. JORDI, Un silence d’État - les disparus civils européens de la guerre d’Algérie, Belin Soteca, 2011,  200 p.
5 - E. FAUCHER, Quand les cigognes claquaient du bec dans les eucalyptus, Fayard,  2012, 518 p.
6 - J.-J. JORDI, 2011, p. 106 document du Centre d’histoire des archives nationales (CARAN) de Paris, 5 AG/Sol/788.
7 - M. de LAPARRE, Page après page, 2004, p. 94.
8 - «Les vampires à Alger, Oran et Tlemcen (avril-juin 1962) : Une rumeur de la guerre d’Algérie ?», site en ligne Études coloniales, 22 mars 2011.
9 - J. MONNERET, La tragédie dissimulée. Oran, 5 juillet 1962, Michalon, p. 63. Il en donne la cote précise SHD.1.H.3077
10 - J.-J. JORDI, 2011, p. 107 SHD.1.H.1212.
11 - J. MONNERET, La phase finale de la guerre d’Algérie, Paris IV-Sorbonne, publiée à L’Harmattan, 2001, p. 131 et 134.
12 - E. FAUCHER, 2012,  p. 74.
13 - Ibid., p. 143.
14 - Ibid., p. 208.
15 - Ibid., p. 210.
16 - Ibid., p. 219 et p. 270.
17 - Ibid., p. 271 et p. 287.
18 - Ibid., p. 287.
19 - Ibid., p. 291.
20 - Ibid., p. 313.
21 - Ibid, p. 313
22 - Ibid., p. 352-355, p. 363-365, p. 367, p. 378 et p. 396.
23 - Ibid, p. 361.
24 - Ibid, p. 378-379.
25 - Ibid. p. 381-382, p. 385-386.
26 - Ibid., p. 389-392.
27 - Ibid, p. 397.
28 - Ibid, p. 449.

 

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21 juin 2012

guerre en Kabylie

Yaha

 

les souvenirs de Yaha Abdelhafid

général Maurice FAIVRE

 

- Yaha Abdelhafid, Ma guerre d'Algérie. Au cœur des maquis de Kabylie. 1954-1962, Riveneuve, 2012, 381 pages, 20 euros.

Né en 1933 dans les Ath Illilten au nord du Djurdjura, l'auteur appartient à une famille de cultivateurs, aisés et nationalistes. Scout de tendance MTLD, il a suivi une courte scolarité coranique. À la suite d'un séjour en métropole, il est en désaccord avec Messali Hadj et rejoint le FLN aux côtés de Cheikh Amar, génial organisateur de l'Organisation politico-administrative en Kabylie. Dans un fastidieux bavardage, il livre ses souvenirs de guerre à un pigiste de Ouest-France.

Les années 1955-56 sont consacrées à la prise en main de la population ; la propagande est confortée par une douzaine d'attentats contre les notables. Commissaire politique de la ville de Michelet, il reçoit Krim Belkacem et Ouamrane. Enthousiasmé en 1957 par la montée en puissance de l'armement, il organise des refuges familiaux pour l'accueil des djounoud.

Il condamne la sale besogne de Melouza [28 mai 1957]. Ses fonctions politico-militaires à la 1ère compagnie du Djurdjura le conduisent à monter plusieurs embuscades et à fabriquer des mines artisanales. L'enfer de la bleuïte provoque une mutinerie de cette compagnie, destinée à convaincre Amirouche de mettre fin au massacre de ses subordonnés. Les opérations Jumelles destructurent alors la Wilaya kabyle et déstabilisent la population.

Devenu responsable de la région (nahia) 31, il se montre très combattif et échappe «miraculeusement» à la mort. Il relate ses exploits : des embuscades victorieuses, l'attaque d'un poste militaire, l'enlèvement de la harka d'Aït L'qaid, la pénétration des villages de regroupement, des tirs de provocation en ville de Michelet. Il critique vivement les tortionnaires du 6°BTA, dont il cite les noms. Son père et sept membres de sa famille sont torturés ou tués au combat. Mais d'autres militaires français font preuve d'humanité.

Le 19 mars est pour lui la date emblématique de la victoire. Il minimise le massacre des harkis, dont il organise un centre d'internement à Beni Douala ; quelques harkis participent ensuite à la guerre des sables contre le Maroc, puis à la révolte kabyle contre le gouvernement algérien. Opposé au clan d'Oujda, l'auteur dénonce la prise du pouvoir par des arrivistes qui ont trahi la plateforme de la Soummam. Créateur du Front des Forces Socialistes en 1963, il reprend le maquis avant d'être exilé pendant 24 ans.

Ces souvenirs de guerre relatent bien l'action du FLN-ALN vue de l'intérieur. Mais ce n'est qu'un témoignage dont certaines affirmations devraient être confrontées aux archives et aux anciens du 6° BCA.

Maurice Faivre
le 21 juin 2012 

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Yaha Abdelhafid

 

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présentation de l'éditeur

La vie de Yaha Abdelhafidh est un combat. Un combat pour l’Algérie. Pour elle, il a pris deux fois le maquis et vécu vingt-quatre années d’exil. Au soir d’une existence toute dévouée à la révolution démocratique et sociale, l’ancien dirigeant du Front des forces socialistes (FFS) se remémore, avec le concours du journaliste Hamid Arab et à la façon des hérauts antiques, la geste de la guerre d’Indépendance pleine de batailles, de bruits et de fureur en convoquant la liste des héros tombés, anonymes ou connus, que l’historiographie officielle a pris soin de gommer.

Car c’est là toute la thèse de Yaha Abdelhafidh : la joie de l’Indépendance a été de courte durée et la révolution a très vite été confisquée. Pour Yaha Abdelhafidh, la seule élection véritablement démocratique que l’Algérie aura connue est le référendum de 1962 approuvant les accords d’Évian et la fin de la guerre avec la France.

Dans ce premier livre – un second volume suivra – l’auteur revient sur son premier maquis : son enfance dans les rudes montagnes de Kabylie, sa formation militante très tôt indépendantiste et ses combats contre l’armée française dans la wilaya III. Il décrit aussi les querelles internes qui minent le Gouvernement provisoire de la République algérienne jusqu’à la conférence de Tripoli de mai-juin 1962 où le clan d’Ahmed Ben Bella et du colonel Houari Boumediene – le FLN extérieur – évince la résistance intérieure pour imposer un pouvoir sans partage à la tête du nouveau pays. Un témoignage d’un acteur de premier plan. Un document de première main.

- Yaha Abdelhafidh est né en 1933 à Takhlijt Ath Atsou, un hameau de Kabylie, dans une famille très tôt mobilisée contre la colonisation française en Algérie. Officier de l’Armée de libération nationale (Front de libération nationale) en Kabylie lors de l’indépendance, Si Abdelhafidh a été un des fondateurs du Front des forces socialistes (FFS) et surtout négociateur en chef au nom de ce mouvement avec le régime de Ben Bella, puis les hommes du 19 juin. Fin 1965, il part en exil où il poursuit sa lutte politique. Il rentre en Algérie en 1989.

Hamid Arab est correspondant local au quotidien Ouest France et journaliste pigiste pour le site d’information en ligne www.lematindz.net.

 

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19 juin 2012

Exode des Français d'Algérie

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Commémoration « cinquantenaire de

l’exode des Français d’Algérie »

 

Samedi 23 JUIN 2012

ESPLANADE – ATRIA

5, Bd de Pragues – 30000 NIMES

Samedi 23 juin

9h30 Accueil des personnalités - Square du 11 novembre.

10h Monument aux morts - Cérémonie de commémoration

et dépôt de gerbes - Square du 11 novembre.

ESPLANADE CHARLES DE GAULLE

10h15 Moment de convivialité offert

sur l’Esplanade

11h Inauguration de l’Espace Culturel - Dédicaces de livres.

AUDITORIUM DE L’HÔTEL ATRIA

11h30 Inauguration des expositions photos

présentées par les associations de rapatriés

du Gard et de l’exposition « Les Harkis dans

la colonisation et ses suites ». Salle le Foyer.

Superbe exposition de tableaux en 3D réalisées par Francine PARRA, née CASTANO

• Espace Sainte Perpétue (patio de l’hôtel Atria)

Inauguration de l’exposition de peintures

orientalistes de Josette Spaggia.

Fermeture des expositions à 21 heures

14h « L’agonie de l’Algérie ».

Conférence de Guy Tudury, écrivain.

 

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15h « Il y a 50 ans … l’Exode ».

Conférence de José Castano, écrivain.

 

17h Projection Film « la Valise ou le Cercueil »

de Charly Cassan et Marie Havenel suivie

d’une discussion avec les réalisateurs.

JARDINS DE LA FONTAINE

21h30 Concert d’Alain Rattier et son big Band

qui interprèteront des airs des années 1950 et 1960.

Billetterie : FNAC et points habituels

 

Dimanche 24 Juin

Dimanche 24 juin

10h Cérémonie interreligieuse - Dépôt de gerbes.

Sanctuaire de Santa Cruz.

ESPLANADE CHARLES DE GAULLE

11h30 Séance de dédicaces par les écrivains présents.

Espace Culturel.

AUDITORIUM DE L’HÔTEL ATRIA

11 h 30 Expositions Photos - Salle le Foyer, hôtel Atria.

Exposition de peintures orientalistes

de Josette Spaggia.

Superbe exposition de tableaux en 3D réalisées par Francine PARRA, née CASTANO

Espace Sainte-Perpétue, patio de l’hôtel.

Fermeture des expositions à 21 heures.

14h30 « Fondements du traumatisme identitaire

des rapatriés » - « La construction de la mémoire

des pieds-noirs et sa mise en conflit dans l'espace

public français ».

Conférence de Quentin Lajus, étudiant à l’Institut

d'Etudes Politiques de Bordeaux.

15h30 Projection du film « Le Choix de mon Père »

de Rabah Zanoun.

 

harkis1956

 

17h « Les Harkis, de la guerre d'Algérie à nos jours »

Conférence d’Abderahmen Moumen,

Docteur en Histoire.

18h15 Projection du film « Algérie, Histoires à ne pas dire »

de Jean-Pierre Lledo.

ESPLANADE CHARLES DE GAULLE

19h45 Clôture du 50e anniversaire

 

Renseignements : Magalie DAUDET – Tel. 04.66.27.76.80

e-mail : magalie.daudet@ville-nimes.fr

 

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6ème Salon du « savoir faire Pied-Noir » - Port Barcares – 24, 25, 26 Août 2011

 

Mas de l’Ille – Bd des Rois de Majorque (Sortie 12 de la voie rapide) –

 66420 - PORT BARCARES - Entrée gratuite Entrée pour tous

Renseignements au 04.94.33.68.38 ou 04.68.86.13.62 ou 06.82.22.75.65 ou 06.09.78.58.92

 gabriel.mene@wanadoo.fr

Une magnifique  initiative pour  un  peuple aussi  productif  que  celui des Français D’ALGERIE et surtout, pour que sa mémoire demeure.

rapatries

 

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17 juin 2012

histoire de l'Algérie cette semaine

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activités relatives à l'Algérie et son histoire

Jean MONNERET

 

Chers Amis,

Cette semaine sera celle de beaucoup d'activités relatives à l'Algérie et aux publications sur l'Algérie.

Je vous recommande d'écouter l'émission du mardi 19 juin sur Radio Courtoisie à partir de 18 heures. "Le Journal des Historiens" dirigé par Philippe Conrad présentera le Hors Série N°4 de la Nouvelle Revue d'Histoire consacré à la guerre d'Algérie et à l'histoire de ce pays. Parmi les participants il y aura outre Dominique Venner et votre serviteur, le général Faivre et Roger Vétillard.

Dominique-Vennerportrait2faivre10Roger+VETILLARD

Le samedi 23 à partir de 15 heures, nous nous retrouverons pour une vente-signature à la librairie Notre-Dame de France, 21 rue Monge, Paris 5e. Ces rencontres sont l'occasion de revoir des amis nouveaux et anciens, d'échanger souvenirs et informations dans une atmosphère conviviale. L'achat de livres, s'il est bienvenu, n'est nullement obligatoire. La priorité c'est l'amitié.

C'est elle encore qui présidera, le lendemain 24 juin à l'Espace Champerret, la Fête Annuelle de Radio Courtoisie qui voit défiler chaque année des milliers de personnes pour y rencontrer de trés nombreux écrivains dont beaucoup sont réguliérement boycottés par les médias et le système.Pour ce qui nous concerne, sur le sujet Algérie, Radio Courtoisie a sauvé notre liberté de nous exprimer.

En souhaitant vous y voir nombreux,

Jean Monneret

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16 juin 2012

L’échec de l’Algérie française date de 1870

Perso- Lyautey 1902 colonel- Besanson

 

Lyautey contre Lavigerie et Crémieux

éditorial de Bernard LUGAN à L'Afrique réelle, juin 2012
 
 
L’échec de l’Algérie française date du lendemain de la guerre de 1870 quand le régime civil remplaça le régime militaire. La colonisation de l’Algérie se fit alors au nom de l’universalisme républicain qui prétendait transformer les musulmans en Français grâce à l’ «école de la République».

Dans ce numéro spécial de l’Afrique Réelle, est reproduit un document peu connu. Daté du 1er décembre 1870, au lendemain donc de la défaite française face à la Prusse, ce texte fut écrit de la main de Mgr Lavigerie à l’intention d’Adolphe Isaac Crémieux, alors en charge des affaires algériennes. Le prélat y livre ses intentions résolument jacobines au sujet de l’Algérie, faisant ainsi cause commune avec le farouche républicain qu’était Crémieux.

7431752Isaac Crémieux

Les deux hommes se trouvèrent alliés pour détruire les Bureaux arabes, cette élite de l’armée française qui avait réussi la pacification de l’Algérie avec peu de moyens, pratiquant la politique du prestige, du respect et de la différence, à l’image de ce que feront plus tard les Affaires Indigènes au Maroc sous Lyautey et ses successeurs. Or, Mgr Lavigerie et Adolphe Isaac Crémieux considéraient tous deux, à juste titre d’ailleurs, que les Bureaux arabes  étaient un obstacle à la colonisation, protecteurs qu'ils étaient des indigènes et de leurs biens. Crémieux dénonçait également leur peu de zèle républicain, ce corps d’élite étant effectivement largement monarchiste. Leur disparition signa l’échec de l’Algérie française.

fontaine2lavigerieMonseigneur Lavigerie

À l’opposé de Mgr Lavigerie et de Crémieux, Lyautey ne voulut pas changer l’homme et c’est pourquoi il a réussi au Maroc. Il ne s’était en effet pas fixé pour but de donner aux Marocains d’autres ancêtres que les leurs. Il n’avait pas, comme le déclara avec arrogance le président Sarkozy dans son «discours de Dakar», l’intention de les faire «entrer dans l’Histoire», eux qui en ont une, glorieuse et ancienne.

Lyautey 1915Lyautey au Maroc en 1915, avec le sultan Moulay Youssey


La vision de Lyautey présentait deux caractéristiques principales qui sont l’exact contre-pied de ce que voulaient Crémieux et Mgr Lavigerie :

1) Selon lui, la colonisation n’était pas éternelle car il avait bien vu que les colonies, départements d’Algérie compris, étaient à la France, mais n’étaient pas la France. Transposée aujourd’hui cette idée permettrait de parler d’islam en France et non d’islam de France, ce qui n’est pas la même chose.

2) C’était une forme d’«ethno-différentialisme» avant l’heure car elle n’impliquait ni assimilation, ni intégration, qui sont d’abord des pertes de substance vive pour les uns comme pour les autres. Elle ne débouchait ni sur l’acculturation républicaine, ni sur la christianisation des musulmans. Lyautey était pourtant plus que «bon» catholique, mais, tout comme Charles Maurras, il faisait la part entre le politique et le religieux. Homme de terrain, il avait tout simplement observé que les peuples du Maghreb sont «autres».

L’histoire a donné raison à Lyautey contre Lavigerie et Crémieux. Quant à De Gaulle, s’il voyait juste quand il déclara à Jacques Soustelle que l’intégration était «un danger pour les Blancs, une arnaque pour les autres», la manière dont il s’y prit pour «soulager» la France de ce qu’il nommait «le fardeau algérien» fut à la fois odieuse par son inhumanité, honteuse par sa mise en oeuvre et criminelle par ses conséquences. D’autant plus que la victoire militaire française étant totale dès 1959-1960, des solutions autres que celle de la remise du pouvoir à la clique du FLN étaient envisageables.

Bernard Lugan
source

 

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9 juin 2012

édition mise à jour et augmentée du livre de Jean Monneret sur Oran le 5 juillet 1962

9782841863082

 

La tragédie dissimulée

Oran, 5 juillet 1962 (éd. Michalon)

Édition mise à jour et augmentée

Jean MONNERET

 

«Bientôt les indigènes armés qui sont là vont se jeter sur tous les Européens qu’ils rencontreront dans un mouvement de folie et de meurtre collectif. On se venge sur l’autre, le différent… C’est un règlement de compte ethnique qui se déroule. »Ainsi l’auteur décrit-il cette fatale journée.

À Oran, le 5 juillet 1962, jour choisi pour célébrer dans la liesse l’indépendance de l’Algérie, des centaines d’Européens furent enlevés et tués. Et les troupes françaises, encore présentes dans la ville, sont restées l’arme au pied. Comme le leur avait ordonné le président De Gaulle. Cette journée poussera à l’exil des milliers de gens. Pourtant, pendant des décennies, cet évènement sera occulté soigneusement des deux côtés de la Méditerranée.

S’appuyant sur des archives militaires inédites, des documents internes de la Croix-Rouge et de nombreux récits de survivants, Jean Monneret révèle tous les tenants et les aboutissants de cette tragédie dissimulée.

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Si vous souhaitez recevoir cet ouvrage, merci de nous retourner le bon de commande à l’adresse ci-dessous :

Éditions Michalon

110, rue des Poissonniers

75018 Paris

ainsi que votre règlement exclusivement par chèque

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M. - Mme  - Mlle  ………………………………………………………………

Adresse    …………………………….…………………………………………

.…………………………….……………………………………………………

 

Commande …… exemplaire(s) de l’ouvrage de

Jean Monneret, La tragédie dissimulée – Oran, 5 juillet 1962 (édition mise à jour et augmentée)

Prix unitaire TTC : 18 €  - Frais de port inclus.

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- "la désinformation à propos de l'Algérie française et de la guerre d'Algérie", une conférence de Jean Monneret

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30 mai 2012

un livre de Gregor Mathias sur David Galula

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la politique de la tache d'huile

du capitaine Galula

général Maurice FAIVRE

 

Gregor Mathias, David Galula, combattant, espion, maître à penser de la guerre contre-révolutionnaire, Economica, 2012, collection Guerres et guerriers, 190 pages, 29E.

Après plusieurs travaux sur les SAS en Algérie, Gregor Mathias se livre à une recherche approfondie sur le Lt-colonel Galula, considéré par le général US Petraeus comme le «Clausewitz de la contre-guérilla». L'auteur a eu accès aux archives de la Division Information de l'Etat-Major Ely, au JMO du 45°BIC, aux archives des SAS , au fond Belorgey et aux articles de la revue Contacts.

Nous découvrons ainsi qu'avant d'écrire son ouvrage théorique, Galula a eu des activités qui ont nourri sa réflexion sur les révolutions. St Cyrien de 1939, rayé des cadres en septembre 1941, il joue un rôle d'espion à Tanger avant de réintégrer l'armée pour les campagnes de l'ile d'Elbe, de France et d'Allemagne.

De 1945 à 1948, il est attaché militaire à Pékin ; en 1949-50 il est observateur des Nations -Unies en Grèce, puis Attaché militaire à Hong-Kong de 1951 à 1956. Il commande en 1956-57 la 3ème compagnie du 45°BIC au djebel Aissa Mimoun en Kabylie et de 1958 à 1962, sert à la Division Information du général Ely. Un stage à l'École d'état-major de Norfolk, et sa participation à un Séminaire de la Rand l'incitent à donner sa démission et à publier ses ouvrages aux États-Unis : Pacification in Algeria et Contre-insurrection, théorie et pratique.

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La biographie montre comment le capitaine Galula a appliqué en Kabylie une manœuvre en 8 étapes correspondant à sa doctrine de 1964. Il pratique en particulier la politique de la tache d'huile en occupant plusieurs hameaux, en désignant des délégués locaux et en créant des écoles, une harka et des autodéfenses. Coopérant étroitement avec l'officier SAS, il parvient à rassurer la population et à détruire quelques OPA.

Mais il est muté au bout de 14 mois ; le succès n'est que passager, les harkis, autodéfenses et délégués ne sont pas tous fiables. Une lente détérioration se produit. Il apparaît en outre que ses connaissances de la situation sont parfois incomplètes, en particulier en ce qui concerne l'affaire Oiseau bleu et les résultats des opérations Jumelles (les 20 rebelles de 1956 sont toujours en place en 1960 !). Il devra d'autre part se défendre contre des articles défaitistes du journaliste Belorgey, qui décrit son parcours comme allant «de l'utopie au totalitarisme».

Les activités de Galula à l'EMGFA l'amènent à s'intéresser à la guerre des ondes. Il participe au Comité d'organisation de la radio, qui propose de détruire ou de brouiller tel ou tel poste subversif. Ayant fait la connaissance du colonel Lacheroy, il ne semble pas apprécier l'idéologie de la guerre révolutionnaire, et n'observe pas que les succès de la pacification sont compromis par la politique de l'État.

Cet ouvrage très documenté conduit à s'interroger sur la pertinence de la théorie de Galula et sur ses applications. A-t-elle-été prise en compte en Indochine, et en Irak ? En Afghanistan, la limitation des effectifs militaires ne permet pas de réaliser l'étape n°1 de supériorité des forces, et la pratique des Bases opérationneles avancées (FOB) contredit les étapes 2 et 3 de contrôle des villages par le procédé de la tache d'huile. La leçon reste théorique et demande à être adaptée à chaque situation.

Maurice Faivre
le 30 mai 2012

 

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Résumé

Totalement inconnu en France, cet officier français a pourtant inspiré les méthodes de contre-insurrection de l’armée américaine et de l’OTAN en Irak et en Afghanistan.

Cet ouvrage retrace l’itinéraire de Galula qui a connu les soubresauts de la deuxième moitié du XXe siècle. Jeune officier, renvoyé de l’Armée à la suite des lois antisémites de Vichy, Galula devient espion et combat les forces de l’Axe en Afrique du Nord. Il participe à la libération de l’Europe du joug nazi. Officier de renseignements en Chine, il assiste à la prise de pouvoir de Mao, puis étudie comme observateur de l’ONU la guerre civile en Grèce.

Pendant la guerre d’Algérie, il expérimente une méthode novatrice de guerre contre-révolutionnaire dans son secteur. Cet ouvrage reprend les huit étapes de sa méthode de contre-insurrection expérimentée par le capitaine Galula dans son secteur militaire du Djebel Aïssa Mimoun en Kabylie et confronte ses écrits stratégiques et tactiques aux archives administratives et militaires. Il s’agit de la première étude historique qui fait un bilan objectif du résultat de la méthode de contre-insurrection mise en place par D. Galula.

Repéré pour son dynamisme et son originalité, D. Galula devient un «homme de l’ombre» et travaille pour les services du Premier ministre spécialisés dans le domaine de l’information. Il est un des acteurs du contrôle de l’information radiophonique en Algérie, mais aussi à l’échelle de l’Afrique francophone. Au début des années 60, il part aux États-Unis, où il expose ses réflexions sur la contre-insurrection (D. Galula, Contre-insurrection, théorie et pratique, Praeger, 1964, Economica, 2008). Ses enseignements sont repris par les autorités militaires américaines pour lutter contre la guérilla au Vietnam.

 

L’auteur

Professeur certifié d’histoire-géographie en Alsace, Gregor Mathias est l’auteur des Sections administratives spécialisées (SAS) en Algérie entre idéal et réalité, L’Harmattan, 1998. Spécialiste de la guerre d’Algérie, il a enseigné les relations internationales à l’ENSOA (Ecole nationale des sous-officiers d’active) et a été chercheur associé au SHD (Service historique de la Défense). Il est également enseignant associé aux écoles de Saint-Cyr Coëtquidan.

 

 

 

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28 mai 2012

l'histoire n'est pas une monnaie d'échange entre États

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François Hollande

et les "crimes coloniaux en Algérie"

 

Le nouveau président français François Hollande compte marquer le 50e anniversaire de l’indépendance algérienne et de la fin de la guerre d’Algérie par une décision sans précédent : reconnaître les crimes coloniaux en Algérie. "Il faut que la vérité soit dite. Reconnaître ce qui s’est produit.", écrit M. Hollande, alors candidat aux élections présidentielles françaises, dans une lettre datée du 26 mars 2012 et dont le Matindz [journal algérien] obtenu copie. Il y reconnaît implicitement les massacres perpétrés lors des manifestations du 8 mai 45 à Sétif, qu’il qualifie de "répressions sanglantes en réponse aux émeutes survenues dans le département de Constantine", ainsi que la tuerie du 17 octobre 1961 qui a frappé notre émigration.

À propos de ce dernier événement, le nouveau président français rappelle : "Vous vous souvenez peut-être qu’en hommage aux Algériens morts lors de la manifestation du 17 octobre 1961, j’ai déposé une gerbe, le 17 octobre 2011, au pont de Clichy, où des Algériens furent jetés à la Seine, il y a cinquante ans, par des policiers, placés sous les ordres de Maurice Papon, préfet de police. Au cours de cette commémoration, j’ai tenu à témoigner ma solidarité aux enfants et petits-enfants des familles endeuillées par ce drame." "Il faut que la vérité soit dite. Reconnaître ce qui s’est produit. Ce jour-là, j’ai agi en tant que socialiste. À l’avenir, ce sera sans doute à la République de le faire.”

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source

http://www.algerie360.com/algerie/francois-hollande-sengage-a-reconnaitre-les-crimes-coloniaux-du-8-mai-45-et-du-17-octobre-61/

 

 

il faut que TOUTE la vérité soit dite...

Michel RENARD

 

Avant de reconnaître, peut-être faudrait-il connaître ? "Mon souhait, si je suis élu, est d'apaiser et de normaliser les relations entre la France et l’Algérie" proclame François Hollande. Bien. Mais il ne s'agit que de diplomatie, de relations politiques et commerciales.

Que vient faire l'histoire là-dedans ? Le passé, ce sont les autorités algériennes qui en ont fait un boomerang politique sans cesse lancé contre "la France". Pour quelles raisons ?

 

légitimité fictive du pouvoir algérien

Parce que le bilan de l'Algérie indépendante est désastreux. Économie, société, patrimoine, culture…, c'est la faillite. Corruption, prévarication, détournements des fonds du pétrole et du gaz. Le pouvoir est confisqué par une machinerie à structure militaire depuis cinquante ans. Jamais il n'a eu de compte à rendre. Les révoltes, contestations, remises en cause ont toujours été jugulées par la force. Pas par la démocratie. Sa seule "légitimité" est une fiction historique : avoir été les héritiers de ceux qui de tout temps ont victorieusement résisté à l'envahisseur français. Il faut sans cesse en rajouter plus le temps passe.

Alors, on parle de déculturation, de crimes, de massacres, de génocide… Oui, la violence fit partie du rapport colonial mais on ne peut le réduire à cela. Jacques Marseille et Daniel Lefeuvre ont montré qu'il n'y avait pas eu "pillage" colonial et que le bilan de la présence française n'était vraiment pas un argument pour expliquer la déliquescence actuelle. Je vais retrouver la source de cette remarque d'un ministre syrien en visite à Alger en 1963 et qui, lucidement, lança aux dirigeants de l'Algérie indépendante : "encore un an ou deux et la France faisait de vous un pays développé"…

 

pas de génocide

Benjamin Stora a nié toute référence à un génocide : "Il n'y a pas trace dans les archives d'une planification, d'une anticipation de la destruction de la population indigène. Le système colonial est fondé sur la conquête, la dépossession foncière, mais pas sur l'extermination des populations" (http://etudescoloniales.canalblog.com/archives/2008/05/27/9337858.html)

Comme le dit Mohammed Harbi : "La colonisation a été ambivalente dans ses effets. D'un côté, elle a détruit le vieux monde, au détriment de l'équilibre social et culturel et de la dignité des populations. D'un autre coté, elle a été à l'origine des acquis qui ont créé la modernité algérienne. (...) On peut même dire, sans risque de se tromper, que la colonisation a été le cadre d'une initiation à ce qui est une société civile, même si cet apprentissage s'est fait malgré elle et s'est heurté à une culture coloniale, d'essence raciste" (L'Algérie et son destin. Croyants ou citoyens, Arcantère, 1992, p. 26-27).
Si nous ne partageons pas, dans sa généralité, l'expression "culture coloniale d'essence raciste", il faut reconnaître les modalités contradictoires de la présence coloniale. Et ne pas la réduire aux "crimes coloniaux".

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la vérité historique... au-delà des idéologies

Ces derniers temps, des investigations historiennes scrupuleuses, jamais démenties, ont montré que le leitmotiv anti-colonial, qu'il provienne des autorités algériennes, de la sphère médiatique française ou des lobbies "anti-racistes", n'avait que peu de rapport avec la vérité historique.

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Il faut lire les ouvrages solidement référencés de Roger Vétillard, Sétif, Guelma, mai 1945, massacres en Algérie, ou encore le tout récent 20 août 1955 dans le nord-constantinois. Un tournant dans la guerre d'Algérie ? pour comprendre qu'il n'y a pas d'un côté les victimes et de l'autre les bourreaux dans un dualisme du Bien et du Mal.

Il faut lire le livre le livre de Jean-Jacques Jordi, Un silence d'État. Les disparus civils européens de la guerre d'Algérie, pour découvrir qu'il y eut une "barbarie" algérienne jusqu'au dernier moment. Il faut lire les enquêtes de Jean-Pierre Lledo, Algérie, histoires à ne pas dire…, pour reconnaître que la "guerre de libération" fut également une guerre d'épuration.

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Il faut lire le livre de Jean-Paul Brunet pour se rendre compte que le 17 octobre 1961 ne fut pas le massacre proclamé (ce que j'ai longtemps cru moi-même…), Police contre FLN. Le drame d'octobre 1961, Flammarion, Paris, 1999. Et d'autres encore… Gilbert Meynier, Guy Pervillé, le général Maurice Faivre, Diane Sambron, des thèses universitaires passées sous silence parce qu'elles n'avalisent pas le catéchisme "anti-colonial"…

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il n'appartient pas aux politiques de jouer avec la vérité historique

Le nouveau président de la République n'a pas à "reconnaître" les "crimes coloniaux", sauf à passer sous les fourches caudines de Brennus qui humilia ses vaincus dans l'histoire ancienne de Rome. Qu'il laisse les historiens travailler. Qu'il demande aux autorités algériennes la liberté historienne à Alger. Liberté de travailler, de s'informer (il n'y a plus de crédit d'achat dans les bibliothèques universitaires…) et de publier.

La France en Algérie n'a pas commis que des "crimes". Les Algériens, certes infériorisés politiquement durant la période coloniale, n'ont pas été que des dominés dignes de repentance. Ils furent, pour une partie d'entre eux, des massacreurs.

Comment qualifier les massacres d'El-Halia (août 1955) qui virent les tueurs du FLN lapider des civils, femmes et enfants y compris ? Comment qualifier le massacre de Melouza (1957) qui vit les lames du FLN égorger des centaines de messalistes sans défense ? Comment qualifier les assassinats d'Européens après mars 1962 jusqu'à l'apogée d'Oran le 5 juillet 1962 ? Comment qualifier les décimations de harkis à l'été 1962 ? Sont-ce des crimes contre-coloniaux ?

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C'est le temps plus ou moins long de l'histoire et de la mémoire qui mettra à jour toutes les blessures et leur compréhension (?). Mais on doit leur refuser le statut de monnaie d'échange unilatérale dans les rapports entre États. Il faut que TOUTE la vérité historique soit dite. Et il n'appartient pas aux politiques d'en jouer.

Michel Renard
Études coloniales

 

- voir aussi : une certaine rhétorique algérienne "anticoloniale" (Michel Renard)

 

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23 mai 2012

Yves Courrière

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le décès d'Yves Courrière

journaliste-historien de la guerre d'Algérie

dans les années 1960-1970

 

 

1867Yves Courrière, journaliste, biographe, notamment de Joseph Kessel et Jacques Prévert, écrivain et grand spécialiste de la Guerre d'Algérie est décédé mardi à Paris à l'âge de 76 ans, a annoncé à l'AFP sa fille Caroline.

Grand reporter à la radio à la fin des années 1950, il a notamment travaillé pour Radio Luxembourg, devenue RTL, et animé la première édition des Dossiers de l'Ecran à la télévision.

Yves Courrière, de son nom de naissance, Gérard Bon, avait vu le jour à Paris le 12 octobre 1935.

Au début de sa carrière, il a suivi de nombreux voyages du général de Gaulle en Afrique et couvert des conflits au Moyen-Orient et en Algérie. Ses reportages en Amérique Latine furent récompensés par le Prix Albert-Londres, en 1966.

Il publia La Guerre d'Algérie, quatre tomes édités entre 1968 et 1971, qui firent référence sur ce conflit meurtrier. Il réalise avec Philippe Monnier en 1972 le tout premier documentaire consacré à la guerre d'Algérie.

"Il a donné toute sa vie à l'information, c'était sa ligne de vie", a confié à l'AFP sa fille Caroline.

Plus tôt, couvrant le procès Eichmann à Jerusalem en 1961, Yves Courrière y rencontre Joseph Kessel, qui deviendra son maître à penser en journalisme, selon sa fille unique.

Il en écrivit une épaisse biographie, Sur la piste du lion. Il arrête le journalisme en 1968 pour se consacrer à l'écriture et sortira plusieurs romans et biographies sur des personnalités comme Jacques Prévert, Roger Vailland ou Pierre Lazareff.

Sous le titre Éclats de vie, il avait publié ses mémoires chez Fayard en 2003.

source

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- les quatre tomes de La guerre d'Algérie d'Yves Courrière

 

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du prétendu "oubli" de la guerre d'Algérie

 

Très intéressante nécrologie d'Yves Courrière écrite par l'inévitable Benjamin Stora dans le Monde d'hier 16 mai 2012). Intéressante par ce qu'elle révèle des contradictions de l'idéologie dominante - dont Stora est une incarnation parfaite - relative à l'oubli dont la société française aurait fait preuve à l'égard de son passé colonial et de la la guerre d'Algérie notamment. De ce prétendu oubli, de cette scotomisation (dirait Lacan), fondés sur le refus d'affronter la pourriture coloniale (Birnbaum), Stora et quelques autres ont fait un élément essentiel de leur "oeuvre" afin, bien sûr, de pouvoir se présenter avantageusement en parangons de la mémoire et de l'histoire outragées.

Or que nous dit Stora dans son article ? Eh bien que les quatre volumes sur la guerre d'Algérie, publiés par Courrière à partir de la fin des années soixante (1968 si mes souvenirs de l'article sont bons), ont rencontré un succès éditorial massif à l'époque et que l'enquête du grand reporter, fondée notamment sur des entretiens avec les principaux protagonistes de cette guerre a ouvert la voie aux historiens et qu'en outre en n'occultant rien des turpitudes des uns et des autres, le pauvre Courrière s'était mis à dos à la fois les soldats perdus de l'OAS, dont certains l'avaient menacé de mort, et les nouvelles autorités algériennes, lesquellles lui avaient interdit tout séjour sur leur sol.

Six ans seulement après la fin de la guerre commencait donc à paraître une enquête monumentale en quatre volumes, vendues à des dizaines de milliers d'exemplaires, ce qui paraît contradictoire avec cette thèse sans cesse rabachée de l'oubli et de la dénégation.

Si je fais appel à mes souvenirs d'enfant, il se trouve que je me rappelle très bien des livres de Courrière - je suppose que certains des titres des volumes m'impressionnaient beaucoup tels Le Temps des léopards ou Les Fils de la Toussaint - parce que mes parents et mes grand-parents paternels (pourtant très "Algérie française") les lisaient. Alors ?

Quel oubli, quelle gangrène ? Je me rappelle aussi qu'à la bibliothèque municipale, on pouvait trouver aussi à la même époque les récits de Massu et Bigeard sur la Bataille d'Alger. Je ne l'ai pas oublié non plus parce que, dans ces livres, certaines photographies de massacres et de supplices infligés (égorgements, amputations du nez) aux musulmans par le FLN m'avaient marqué.

J'ai donc l'impression que contrairement à ce que disent la quasi-totalité des historiens bien pensants, les années 1970 ne furent pas, en France, des années d'oubli mais bien au contraire au contraire un temps béni où un débat contradictoire sur la guerre était encore possible et que c'est bel et bien notre époque qui, du fait d'une histoire inféodée au politiquement correct, organise systématiquement l'oubli et le déni (des abominations du FLN notamment).

Récemment, chez un bouquiniste parisien, j'ai trouvé par hasard le témoignage passionnant du Bachaga Boualem (céki ce mec ?), ancien vice-président de l'Assemblée nationale, et partisan de l'Algérie française, publié aux éditions France-Empire à la fin des années 1960.

J'ai commencé à le lire et l'on y trouve une relation honnête des turpitudes coloniales de la France. Mais ce qui est insupportable pour les idéologues de notre temps, et c'est pourquoi ce livre ne sera jamais réédité, c'est que ces mémoires rendent grâce aussi aux aspects positifs de la colonisation et témoignent d'un attachement inféfectible à la France (je crois même qu' un des fils du Bachaga a épousé la fille d'un des chefs de l'OAS). Tout cela aujourd'hui est oublié, tû, par ceux-la même qui ne cessent de gémir sur le prétendu déni français.

Eh bien non Messieurs, les années 1970 furent un âge d'or en ceci qu'elle permettaient encore une libre expression des différents récits (songeons au débat télévisé incroyable, à l'aune de l'hystérie post-coloniale qui règne aujourd'hui, entre le colonel Trinquier et Saadi à une heure de grande écoute). Rendez-nous France Empire !

Le site du parti de l'In-nocence
source

 

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16 mai 2012

Sétif 1945, par Roger Benmebarek

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Mémorandum

les «événements» de Sétif, en mai 1945

Roger BENMEBAREK, Préfet honoraire

 

Avertissement

La présentation ci-après des «Événements de Sétif en Mai 1945» est le reflet fidèle de la mémoire de l’auteur, placé en 1945 et 1946, au cœur de la Commune mixte de Takitount, à Périgotville, dans le sillage de son père qui en fut l’Administrateur, succédant à René Rousseau, mort victime du devoir, le 8 mai 1945.

Ce résumé de son témoignage  annonce la thèse, qu’il prépare par ailleurs en Université. Avec le souci de la plus stricte objectivité, il veut expérimenter les principes de recherche préconisés par son rapport remis au Premier Ministre, le 13 janvier 2006, pour préfigurer la Fondation pour la Mémoire de la guerre d’Algérie et des combats de Tunisie et du Maroc.
http://www.fm-gacmt.org/ 

La thèse présentée ici n’engage que son auteur. R.B.

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Les événements de mai 1945 en Algérie, dits «événements de Sétif» avant d’être appelés par certains «massacres de Sétif», laisseront sûrement des questions sans réponse. Les faits peuvent être néanmoins appréhendés objectivement, preuves à l’appui. La démarche ci-après tente d’apporter une réponse aux dérives de nombreux commentateurs qui se situent aux confins d’une histoire  instrumentalisée et d’un imaginaire exacerbé.

 

Sétif avant 1914Sétif, avant 1914

 

1 - les faits

Le matin du 8 mai 1945, jour de la victoire mettant fin à la Seconde Guerre mondiale, une manifestation organisée à Sétif par les scouts musulmans, qui aurait dû exprimer la joie, tourne au drame. Des heurts surviennent  après que  la police ait donné l’ordre de replier une bannière interdite.
Mais des crimes ont été commis en marge de la manifestation. Le bilan est lourd : 21 personnes, de souche européenne, sont massacrées dans les rues de cette petite ville de 40 000 habitants, chef-lieu d'un arrondissement du Constantinois, 36 sont blessées. Le nombre des victimes indigènes est incertain.

Le même jour, à partir de 14 heures, le lendemain et le surlendemain, 80 européens sont tués, hommes, femmes, enfants. Les faits se produisent pour la plupart, dans la commune mixte de Takitount, située au nord de Sétif, dans la Kabylie des Babors.

Les premiers, l’administrateur de la commune mixte, René Rousseau et son adjoint, Yves Bancel, tombent dans un guet-apens sur la RN 9 reliant Sétif à Bougie. Ils sont enlevés, puis sauvagement abattus. Au même moment, non loin, l’abbé Navarro est tué alors qu’il traversait à moto, le village d’El Ouricia, à 12 kms de Sétif. Pendant trois jours, les villages de Périgotville, Amouchas, Kerrata, Chevreul, Sillègue, connaissent des meurtres, des viols et des pillages.

L’armée intervient pour rétablir l’ordre. Le nombre imprécis des victimes de ces opérations fait toujours débat. Certains n'hésitent pas à parler de génocide ! Les responsables français, militaires et civils, s’en tiennent à 1 500 victimes. Des estimations américaines, en 1945, font état de 40 000 morts et ce chiffre montera contre toute raison à 70 000 ! Les historiens modérés font état de 6 000 à 6 500.

Ce dernier chiffre n’est toutefois pas plus établi ; il parait excessif, confronté aux données démographiques de la région à l’époque et selon des responsables locaux d’alors. Le bilan le plus vraisemblable est 2 500 tués par les forces de l’ordre. Les autorités officielles algériennes retiennent actuellement 40 000.

 

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enterrement de victimes "européennes"

 

2 - L’interprétation des faits.

 L’interprétation du drame s’organise autour des faits dûment prouvés et reconnus par tous. D’autres sont établis par une recherche avancée dans les archives publiques et privées et d’après des témoignages authentifiés contemporains des faits. D’autres enfin sont déduits des précédents à l’issue d’une réflexion objective.

1 - La situation générale de l’Algérie le 8 mai 1945.

Le 8 mai 1945, la France est encore en état de guerre.

En cas de crise, les départements français d’Algérie peuvent être soumis au régime strict de l’état de siège : tout déplacement est soumis à la délivrance d’un sauf-conduit, tout port d’arme est interdit, tout rassemblement est proscrit. Toute manifestation doit être autorisée et encadrée.

À tout moment, l’autorité civile peut transférer ses pouvoirs de police aux autorités militaires appelées ainsi, légalement, à réprimer par les armes, quel qu’en soit le prix, tout comportement subversif. Un arrêté en ce sens sera pris dès  le 8 mai au soir, sauf pour Sétif et Guelma intramuros. L’état de siège ne sera d’ailleurs levé sur l’ensemble du territoire français que le 12 décembre 1945

Une situation de réelle pénurie sévit.

L’Algérie insuffisamment industrialisée manque de produits essentiels. Cette situation en tant que cause directe des émeutes, est pourtant généralement écartée par les commentateurs. Le ravitaillement est difficile, la sécheresse pénalise les récoltes et le  marché noir est certain, mais lors des opérations, dans les mechtas (hameaux), on a trouvé des réserves. La zone la plus impliquée par les émeutes, au nord de Sétif, a diversifié ses cultures ; c’est une économie de montagne où les habitants vivent pauvrement, souvent en quasi autarcie. L’administrateur de la commune mixte, René Rousseau, est attentif aux aspects économiques et sociaux de sa mission.

La vie politique a repris ses errements d’avant-guerre.

Le débarquement des forces alliées, le 8 novembre 1942, a replacé l’Algérie dans le conflit mondial et Alger, capitale de la France en guerre, a connu maints imbroglios politiques. Avec l’assassinat de l’amiral Darlan, la rivalité de Gaulle - Giraud, l’épuration, le retour des partis de gauche et du PCA (Parti communiste algérien), l’émergence politique de la France combattante, le rétablissement du décret Crémieux et le retour des juifs dans la vie professionnelle, l’ouverture des camps de détention du sud algérien, etc…

Les sujets politiques ne manquent pas, mais ils n’ont pas  de retentissement dans le bled, où on est loin de pouvoir écouter la radio, commodité à laquelle  accède rarement la population rurale et les journaux ne sont lus dans la population indigène, que par la minorité lettrée, dont les militants  nationalistes.

Le prestige du Maréchal reste grand au sein des anciens combattants et de la population indigène, mais les soucis immédiats de la masse de la population sont le ravitaillement et la lutte contre le marché noir et surtout, la guerre retient au loin les hommes des deux communautés qui participent nombreux à la guerre en Europe. 

Les nationalistes, minoritaires, reprennent  leur activité. Le PPA (Parti Populaire Algérien) qui est toujours interdit, a dû freiner en son sein, les agissements du CARNA, fraction prônant l’action violente pour arracher l’indépendance de l’Algérie et qui, dans ce but, a offert sa collaboration aux nazis et aux italiens. Désavouée par Messali Hadj, leader du PPA, cette fraction est pourtant redevenue agissante dès lors que Messali et ses partisans sont en prison, à Lambèse.

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Messali Hadj

L’administration française libère ces derniers au début de 1943. Elle les répartit en résidence forcée dans diverses localités, dont Périgotville, au nord de Sétif, là où précisément se produiront les plus nombreux massacres. La concertation semble s’engager : une Commission des Réformes auditionne Messali qui demande l’indépendance et Ferhat Abbas (UDMA) qui prône l’autonomie.

Ce dernier a lancé le «Manifeste du peuple algérien» en mars 1943 et par l’ordonnance du 7 mars 1944, le gouvernement a accordé un statut de citoyenneté aux français musulmans améliorant le projet Blum-Violette d’avant-guerre. PPA et UDMA rejettent l’assimilation.

La présence américaine n’est pas sans effets sur la vie quotidienne de l’Algérie, outre trafics d’armes et marché noir de produits américains. La réputation anticolonialiste des États-Unis fortifie les espérances nationalistes. On suspecte le Consul général, Robert Murphy d’une action souterraine.

La perspective prochaine d’une Charte des Nations unies prônant le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, fait s’agiter l’ex-PPA et les Amis du Manifeste pour faire reconnaître leur mouvement par les alliés. Leur virulence redouble au début de 1945, notamment dans la région de Sétif, où ils sont fortement implantés. Les cellules AML sont noyautées par l’ex-PPA. L’agitation nationaliste inquiète et suscite des manœuvres militaires en Kabylie. Y a-t-il menace immédiate ? de fait, en avril, on découvre un projet d’insurrection. Messali est éloigné le 20 avril.

Le 1er mai, des heurts surviennent à Alger et à Oran.

Le bilan est de 3 manifestants tués, 19 blessés, 22 agents blessés. [1] Les traditionnels défilés du travail réclament la libération du leader nationaliste, Messali Hadj, au plus haut de sa popularité. En résidence forcée à Chellala-Reibell, celui-ci a été soudainement transféré à Brazzaville. Pour autant, on ne peut considérer que les masses populaires, notamment rurales, suivent ses idées. Les nationalistes se recrutent principalement parmi les petits fonctionnaires, dans les milieux religieux, et  au sein des travailleurs de métropole

Depuis 1942, les autorités d’Alger sont progressistes.

Le Gouverneur Général, Yves Chataigneau, est de sensibilité socialiste. La droite, pétainiste, est muselée par les risques d’épuration.

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le gouverneur général Chataigneau
visite les Territoires du Sud

 

2 - La manifestation urbaine du matin du 8 mai à Sétif.

Les autorités ne prennent pas à Sétif de mesures drastiques de sécurité en ce 8 mai, jour d’allégresse populaire.  

Elles autorisent  des défilés propres aux indigènes. De fait, elles sont limitées par les effectifs de forces de l’ordre disponibles.  Pour toute l’Algérie (plus de 4 fois la France), elles ne disposent que de 40 000 hommes utilisables [2]. L’armée est quasi totalement engagée en Europe.

À Sétif, avec 40 agents de police et 20 gendarmes, il ne peut y avoir de cordon de sécurité bordant le parcours du défilé ou l’escortant. Aucun renfort n’est demandé. Les militaires sont cependant tenus en alerte, faisceaux formés, dans l’enceinte de la caserne, avec consigne toutefois, de ne pas faire usage des armes. Il s’agit du GUI 21, formé des 4 compagnies de  troupes composant les unités d’instruction de la garnison. Les chefs souligneront leur loyalisme.

L’intention de défier les consignes d’ordre est pourtant manifeste.

D’une part, les organisateurs indigènes  demandent un défilé distinct des autres cortèges, mené par les scouts musulmans. Les consignes d’ordre signifiées la veille par le sous-préfet de Sétif et réitérées le matin même, sont reçues par les organisateurs. Preuve en est que le chef des scouts avant le départ du défilé, rappelle et contrôle l’interdiction du port d’armes et du brandissement de bannières autres que drapeaux français et alliés. Mais d’autre part, dans la nuit  un drapeau nationaliste a été confectionné ; son porteur, un scout, est désigné.

En 1945, en état de guerre, le déploiement d’un drapeau autre que national, est un acte de subversion caractérisé. Il ne peut être qu’une atteinte à l’unité de la nation et à l’intégrité du territoire. Il est donc conforme à la Constitution et à la Loi, que le sous-préfet et l’autorité de police l’interdisent. Le fait revendiqué aujourd’hui par les anciens dirigeants du PPA, manifeste sans équivoque l’intention de défier l’ordre public.

Le port de pancartes réclamant la libération du leader nationaliste Messali et les slogans criés (Libérez Messali, Nous voulons être vos égaux, Indépendance de l’Algérie), sont séditieux, mais pas juridiquement illégaux. Il fallait s’y attendre après l’éloignement du leader à Brazzaville, le 20 avril.

Des coups de feu partent après la tentative d’un commissaire, légalement justifiée, d’arracher une bannière interdite.

Le défilé fort de plusieurs milliers de manifestants (8 000 au moins), commence à 8h 30. Dans le centre-ville, les pancartes et la bannière aux couleurs nationalistes sont brandies, des slogans sont criés. Vers 9h, le commissaire chargé de l’ordre, ordonne le repliement du drapeau subversif. Frappé, il tombe à terre.

Un coup de feu part. D’où vient-il ? Dans la confusion, l’auteur du premier coup de feu meurtrier, ne peut être désigné. Il ne le sera sans doute jamais ; c’est un objet de controverse. La première victime est-elle le porteur de la bannière, Bouzid Saâl, ou cette petite fille de 9 ans, Arlette Nakache, regardant le défilé, un bébé dans les bras ?

La durée des violences est brève (au plus, une heure et demi).

On relève un nombre important de victimes. Les premières sont  européennes. Le détachement militaire alerté (2 compagnies), intervient 2 minutes plus tard. Il accourt, mais ne tire pas. À sa vue, la manifestation se dispersant dans le désordre,20 gendarmes entrent en action. Des meurtres sont commis dans les rues du centre et beaucoup plus loin, au marché aux bestiaux.

Une 3e compagnie se positionne autour des bâtiments publics à 9h 45, une autre à 11h, reçoit l’ordre de faire évacuer le marché. Elle y découvre déjà, 5 cadavres d’européens. Au total, on dénombre entre 9h30 et 11h, 21 tués et 36 blessés. Les meurtriers, par équipes de 2 à 3 hommes, ont donc parcouru le centre et le marché aux bestiaux, plus éloigné, où la police  est absente.

Ceci situe les crimes avant 10 h dans le centre-ville et bien avant 11h sur le marché. Des crimes auraient même été commis avant le départ du défilé. À 11 heures, le calme est  revenu. Les forces de sécurité n’ont pu être réparties dans toute la ville ; l’écho des troubles n’est pas parvenu dans certains quartiers

La chronologie des actes de violence fait rejeter la présentation des crimes comme un mouvement de colère des manifestants.

Les meurtres ont été commis immédiatement, dès 9h15, voire avant, dans les rues avoisinantes et au marché aux bestiaux. À moins de se trouver dans la tête du défilé, mêlés aux jeunes scouts, et non  derrière, parmi les milliers de personnes qui à 9h 30, n’étaient pas encore parvenus en centre-ville, les meurtriers ne pouvaient appartenir au cortège. Il est vraisemblable, a fortiori lorsqu’ils opérèrent au marché aux bestiaux, qu’ils ont agi en marge des manifestants.

On ne comprend pas d’ailleurs comment ces derniers auraient pu se transformer soudainement en tueurs sauvages, ivres de sang, comme ce fut le cas. Sétifiens, défilant avec devant eux des enfants, les jeunes scouts, de sentiment nationaliste sans doute, mais adultes, ils ne peuvent être accusés de tant d’irresponsabilité. Pendant des années, la thèse de la colère vengeresse spontanée des manifestants, n’eut pas cours chez les nationalistes. Ils  soulignaient seulement l’innocence des victimes de la répression. Qui donc alors a tué les 21 européens, sinon des tueurs commandités, armés à dessein ? Un complot ? De qui ?

L’acharnement au couteau et à coups de «debouss» (bâton) est la marque d’hommes venus du bled, plus que de citadins.

Parmi les 21 morts de Sétif, 5 furent abattues par armes à feu, mais on remarque 12 enfoncements de boîte crânienne, 3 éviscérations et des coups de couteau sur tous. L’étude des archives du Tribunal militaire établit que des armes ont été forgées dès la veille chez un forgeron du parc aux bestiaux ; elle atteste aussi que des tueurs de l’après-midi, à Sillègue, aux Amouchas, à Périgotville, étaient à Sétif, le matin. En somme, des «commandos» ?

Les victimes indigènes de Sétif ne sont pas dénombrées.

Si elles avaient été aussi nombreuses que le disent certains auteurs (plusieurs milliers), comment cela aurait-il pu se faire en si peu de temps, eu égard aux effectifs dérisoires des forces de l’ordre (40 agents de police, dont nombre d’indigènes et l’armée n’ayant pas tiré) ?

Comment expliquer que des morts et des blessés aient pu être enlevés [3] à l’insu du service d’ordre et des tirailleurs ? Les manifestants étaient des hommes, comme les paysans venus seuls des alentours au marché hebdomadaire. Qui aurait pu dissimuler les corps et où les aurait-on conduits ? La sortie de la ville ne fut possible qu’après 13h 30.

La démonstration d’actions criminelles distinctes du défilé modifie l’interprétation des «événements».

Un complot ourdi dès avant le 8 mai est vraisemblable. Force est alors de se pencher avec plus d’attention sur les troubles dans la zone Nord, prémédités et organisés dès le mois d’avril.

 

3 - L’extension des troubles.

Les autres malheureuses victimes des «événements de Sétif» sont tuées (65) ou blessées (55) dans l’après-midi, le lendemain et le surlendemain, hors et loin de cette ville, sur les routes et dans 12 villages de l’arrondissement et dans 3 maisons forestières. 17 personnes sont tuées dans l’arrondissement de Guelma, mais dans un autre contexte, cette ville se situant à 237 kms de Sétif.

La diffusion spontanée de l’information vers les villages ne pouvait être immédiate...

Aucune sortie de la ville ne fut autorisée entre 11 heures et 13h 30, les autobus et autres véhicules n’ont quitté Sétif qu’après. Il faut garder présent à l’esprit qu’à part quelques taxis, les moyens automobiles étaient inexistants à cette époque (nécessité d’un sauf-conduit, contingentement de l’essence). Les communications téléphoniques étaient quasiment nulles chez les fellahs en 1945, totalement inexistantes dans les mechtas.

Enfin, les véhicules, peu rapides, faisaient au maximum 50km/h sur des routes difficiles, la moyenne étant au-dessous. Le 8 au soir, la radio, peu entendue ou écoutée d’ailleurs,  fut muette sur les événements. Il est trop facile, d’évoquer contre toute logique, le soi-disant «téléphone arabe», le bouche à oreille d’une colline à l’autre sur des kilomètres.

Au  nord de Sétif, la nouvelle des incidents était attendue par des hommes organisés.

La chronologie et le déroulement des faits, la nature des crimes commis, le profil des victimes renforcent la thèse d’une organisation préméditée. Les tués d’El Ouricia (l’abbé Navarro) et d’Aïn Magramene (les 2 administrateurs) sont tombés en début d’après-midi. Il fallait du temps pour organiser sur la route nationale, ameuter les populations et dresser des amas de pierres. Le passage du taxi transportant le chef de la section AML du douar Ouled Adouane et quatre sétifiens armés a été remarqué dès la fin de matinée entre Sétif et Amouchas.

À Kerrata, 80 kms plus loin, la nouvelle n'a pu parvenir qu’après 16 heures ou 17 heures, apportée par l’autobus Sétif-Bougie. Les montagnards venus au marché de Kerrata regagnaient leurs douars. La section des AML  s’est donnée la nuit pour rallier ses troupes, organiser et commettre les crimes et le pillage des maisons du centre le lendemain 9 au matin. On est loin d’un mouvement de colère spontanée.

À Chevreul, la soirée se déroule dans l’ignorance des incidents ; on fête la victoire. Les troubles ne débutent que dans la nuit. Les membres des  sections locales AML sont reconnues et nettement impliquées.

Des indices placent  Périgotville au centre du complot.

Des émissaires de Sétif sont arrivés à Périgotville par autobus à partir de midi. [4] D’abord le secrétaire des AML de Sétif, qui pour cela a du forcément partir avant les désordres de la manifestation : il est accueilli par des hommes qui l’attendaient, prêts à agir, organisés. Ensuite, vers 15h, dans le  taxi de «L’Adouani», quatre hommes qui avaient contribué au guet-apens des administrateurs sur la route, sont arrivés déjà armés et munis de pioches, pour défoncer les portes.

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Les enquêtes de la police judiciaire, témoignent de la préparation et de l’exécution d’une stratégie propre à ce village, à partir du 14 avril. En attestent des réunions préparatoires et des acheminements d’armes dans les Babors, avec la complicité de personnels de la commune mixte.

Les crimes commis à Sétif furent les premiers actes du complot, mais pas la cause des forfaits perpétrés au nord de la ville, pour lesquels ils furent un signal attendu.

Sans victimes à Sétif, les crimes commis au nord, auraient eu lieu. Ce signal, attendu, déclencha le développement d’une stratégie élaborée bien avant, vers le 14 avril, lors d’une réunion tenue à Constantine : coupure des communications téléphoniques, isolement du village, neutralisation des hommes, et plus largement, isolement de la région des Babors.

Les historiens développant la thèse d’un soulèvement populaire en tache d’huile, autour de la ville, bien  commode pour faire du 8 mai 1945, le début de la lutte d’indépendance de l’Algérie, se contentent d’apparences ; ils négligent le détail des faits et des indices (chronologie, contraintes de  temps, profil des meurtriers, formes de l’action …) révélant une stratégie de complot élaborée en secret des semaines avant, [5] appliquée par quelques hommes seulement, d’ailleurs identifiés.

La population indigène dans son ensemble, est restée passive.

De fait, une grande partie de la population s’est réfugiée dans la montagne. Les forces de l’ordre ont tiré à vue - observant les règles de l’état de siège - sur tout montagnard qui s’enfuyait. Certains auraient tenté de s’opposer, mais dans son ensemble, la population est à considérer comme victime. Les mechtas firent parfois elles-mêmes justice selon certains rapports de P.J.

Le nombre des émeutiers dans les villages concernés, des milliers dit-on, est à reconsidérer. Les rapports d’enquête de la police judiciaire, les auditions de témoins sont plus restrictifs. L’amplification du bruit entendu et du nombre supposé des émeutiers est compréhensible compte tenu de la peur ressentie par les témoins. Combien ont  assisté de visu aux exactions commises, meurtres, viols, pillages ?

Peu sûrement, car ceux qui ont vu n’ont pas survécu pour pouvoir témoigner ; le réflexe légitime des autres a été de rester cachés. 20 émeutiers font autant de bruit que mille. Les émeutiers incriminés se sont révélés être des membres des sections des AML, et de l’ex-PPA interdit et les témoins les ont reconnus ; la population indigène a été victime de l’inconséquence des comploteurs.

Ceux-ci se sont d’ailleurs aussitôt envolés, certains pour refaire surface en 1962. Le cri de «djihad !» entendu, lancé par les tueurs, était un cri de ralliement. Pour autant, l’intention de «guerre sainte» n’est pas démontrée au vu des églises non touchées par les émeutiers et des religieux (Pères blancs) qui n’ont pas été inquiétés, comme ceux de Beni Smail. Des «youyous»  ont certes été entendus, mais lancés par combien de femmes ? Un seul suffit, pour être  perçu comme un encouragement.

Autour de Sétif, tous les villages n’ont pas connu d’émeutes ; la thèse d’un soulèvement général ne peut être retenue.

On décompte une douzaine de localités comme lieux des émeutes de mai 1945 : Sétif, El Ouricia, Amouchas, Périgotville, Kerrata, Chevreul, Sillègue, Canrobert, Aïn Abessa, Lafayette, Ampère, Davoust, Les Falaises et les maisons forestières de Aïn Settah, Tamentout et Tamsout. Le reste de la Petite Kabylie et de l’Algérie n’a pas connu la même agitation. Pourquoi des localités auraient-elles été touchées et pas les autres ? [6]

Les émeutes de Guelma et sa région, à au moins 230 kms, sont à distinguer nettement des troubles de Sétif, du fait du contexte local.

Le déroulement des faits y fut différent et complexe ; il appelle une étude spécifique, mais sûrement pas l’amalgame fait avec les événements de Sétif.

Compte tenu de ce qui précède, peut-on parler du «soulèvement des tribus» ?

Dans l’Algérie de 1945, des tribus ne sont plus vraiment identifiables. Sédentarisées au siècle précédent, elles ont été remplacées par des douars, et, mélangées, ont vu s’effacer la solidarité tribale ou familiale et l’obéissance à un chef traditionnel. En 1945, les caïds, agents de l’administration française, ne disposaient plus d’une autorité héréditaire. À une ou deux exceptions près, ils n’étaient pas informés de ce qui se tramait et pour le moins, sont restés passifs. Cela leur fut reproché par l’administration. En termes de tribus, un soulèvement est imaginaire.

Il n’y eut pas plus de zone insurgée.

Autrement, comment expliquer que 3 jours après le 8 mai, le 11, les enquêteurs de la Police Judiciaire aient pu se rendre dans les mechtas de ces zones prétendument soulevées et se faire conduire par les habitants eux-mêmes vers les dépouilles de victimes, en l’occurrence, celles des administrateurs assassinés.

Le vocabulaire employé en mai 1945, par les militaires a permis cette conclusion. Elle paraît inspirée des souvenirs de la guerre du Rif, aux confins algéro-marocains ou de la pacification du Sahara, de Syrie ou du Liban : insurrection, guerre sainte, tribus, rezzous, dissidence, manifestations de soumission, aman.

Ce schéma n’était pas applicable à la Petite Kabylie de 1945 ; à l’époque, une telle présentation a faussé la vision objective des événements. Les généraux Henry Martin, Raymond Duval étaient tous deux passés par le Maroc et le gouverneur général Chataigneau venait du Levant.

La consultation d’une carte fait constater que les lieux d’émeutes, encerclent stratégiquement  le massif des Babors, à l’Est, au Sud et à l’Ouest ; au Nord, la mer.

Une stratégie d’isolement de ce territoire, très peuplé d’indigènes, mais de peu d’européens, fait supposer l’intention de créer un réduit, corroborée par les témoignages enregistrés du transport d’armes acheminées vers cette zone dans le courant du mois d’avril 1945, à l’initiative d’un avocat, élu municipal de Sétif. [7]

 

4 - Le rétablissement de l’ordre.

Les effectifs réduits des forces de l’ordre n’ont pu atteindre immédiatement les zones troublées. Des moyens de transport furent défaillants.

À Sétif, les effectifs présents s’élevaient à peine à 40 agents de police (dont des indigènes), 20 gendarmes et 4 compagnies d’instruction de recrues locales. Ces éléments occupés en ville, le chef de la subdivision ne disposait pour intervenir dans les villages, que de la garde mobile dotée de half-tracks au nombre de quatre.

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un half-track du 5e Régiment de Chasseurs d'Afrique en 1945 en Allemagne

Des renforts furent demandés. Venant de Constantine, ils arriveront à 15 h50 (cinq HT, mais l’un d’eux tomba durablement en panne). Un HT fut dirigé aussitôt vers Périgotville, dégageant le village vers 18 heures. Une compagnie du 15e RTS de Philippeville, retardée par des ennuis mécaniques, n’y arrivera qu’à 22h.

Les jours suivants, les renforts grappillés ici et là, au Maroc et en Tunisie, y compris en métropole, seront mis à la disposition du général commandant la Division territoriale de Constantine, pour maintenir l’ordre sur un territoire grand comme au moins une fois la France : 10 000 hommes au plus ! 3 700 seulement pour la subdivision de Sétif, la plus atteinte, la plus étendue et la plus difficile d’accès.

Exemple des difficultés de mobilité : le 92e Goum marocain (85 hommes) arrivera du Maroc, dans 3 avions, à Constantine, du 19 au 22 mai. Stationné à Guelma, il récupèrera ses 25 mulets et 5 chevaux, arrivés par chemin de fer, seulement le 25 mai à 22h30. Il n’interviendra qu’à partir du 28 mai.

Pour les responsables de l’ordre, limités par la faiblesse des effectifs, force fut en premier lieu, de dégager les villages et de les protéger, avant  d’envisager des expéditions plus larges,

Les opérations de  poursuite hors des villages ne débutèrent que le 14 mai, les interventions dans les Babors, le 18. Les véhicules ne pouvant utiliser que des routes et des chemins carrossables, durent se contenter de pourchasser les émeutiers enfuis, le long des pistes et de rechercher les armes cachées dans les mechtas, déjà abandonnées par leurs habitants. Seize mechtas abandonnées furent ainsi incendiées [8]. La recherche des armes, sur renseignement, était la priorité.

Les enquêteurs de la Police judiciaire ont précédé les militaires.

Un renfort d’OPJ fut sur les lieux dès le 9 mai. C’est sur leurs indications [9] qu’ont été organisées des expéditions, aux cibles bien définies, pour traquer des meurtriers désignés et trouver les armes cachées. [10]

Les opérations militaires ne furent pas - elles ne pouvaient l’être, faute de moyens – des opérations de ratissage.

Force est restée à la loi. 

Les circonstances nationales, les obligations internationales – ne pas froisser les anglo-américains - et une appréciation trop sommaire des conséquences éventuelles du complot ont conduit les responsables  de l’État, confrontés à d’autres préoccupations, à en réduire la portée [11]. Partant, il ne fut exigé que l’application du principe «Force reste à la loi», maîtres mots de l’administration dans l’Algérie de l’époque.

Nul n’a envisagé des opérations de grande ampleur qui eurent demandé du temps et des effectifs introuvables alors. Pour «investir» les Babors, plusieurs mois eussent été nécessaires et on ne pouvait ouvrir une autre guerre.

Par la suite, l’amnistie, vite et largement appliquée en 1946, la commutation des peines de mort, [12] le délaissement des poursuites, la libération de Messali et de F. Abbas, la participation des nationalistes aux scrutins électoraux ont manifesté un désir, partagé, de réduire les effets du complot de mai 1945.

Contrairement à ce qu’ils en diront bien plus tard, les milieux nationalistes de 1945 ont eux-mêmes à l’époque, semblé vouloir réduire les événements de Sétif, les considérant comme  une insurrection ratée, cause de nombreuses victimes, déclenchée par des éléments incontrôlés et irresponsables, qui n’ont  pas servi la cause séparatiste. Les vrais instigateurs ne se découvrirent pas avant 1962 ; certains, chargés du poids de l’échec, ne furent  pas récompensés par  l’Algérie indépendante.

 

3 - Les conclusions d’une enquête objective.

Les conclusions, récapitulation d’aspects notables du déroulement des faits ci-dessus et fruit  d’une réflexion logique et objective, s’imposent

1. Ce que ne furent pas les «événements de Sétif».

Les événements ne furent pas un soulèvement populaire embrasant la région de Sétif, à la suite de la manifestation nationaliste du matin du 8 mai, ni une réaction de colère à l’annonce de victimes tombées lors du maintien de l’ordre par la police, la gendarmerie et les tirailleurs indigènes.

Ils ne furent pas la conséquence de la situation économique de pénurie, qui sévissait alors, ni l’engagement d’une révolte religieuse contre les européens, pas plus un «soulèvement de tribus».

Les massacres d’européens dans le nord de Sétif, ne sont pas liés au dérapage du défilé de Sétif. Les meurtres de Sétif, en marge du défilé, n’en furent que le signal attendu et déclencheur d’un plan.

Les massacres de Sétif n’ont pas été décidés par les états-majors des partis nationalistes. Les témoignages recueillis depuis, montrent que l’ordre de soulèvement du PPA aurait été donné le 11 mai, pour le 22 mai, «visant à soulager les populations de la pression du maintien de l’ordre» - les troupes de maintien de l’ordre, n’étaient pas toutes sur place !!! -  Il fut rapporté le 13 mai.

 

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Sétif, 8 mai 1945, début de la manifestation (source)

 

2. Ce que furent vraisemblablement les «événements de Sétif» en mai 1945.

1. L’action avortée de quelques éléments nationalistes extrémistes qui tentèrent de déborder la direction de l’ex-PPA. Issus de la fraction préconisant l’action violente, ils avaient proposé leur collaboration aux nazis. Ils ont voulu jouer leur dernière carte alors que le nazisme s’effondrait.

2. Une initiative strictement constantinoise et  sétifienne, ignorée ou non du leader des Amis du Manifeste, Ferhat Abbas – il a émis des regrets, mais n’a jamais reconnu son implication -, montée au cours du mois d’avril 1945, exécutée par des hommes de main peu préparés, recrutés par les cellules locales autour de Périgotville. Parmi eux, des dirigeants de fait du PPA  ont cru trouver un moyen de faire retrouver la liberté à Messali Hadj, en résidence forcée à Chellala-Reibell, éloigné le 20 avril vers El Goléa, puis Brazzaville. Sa position de n°1 du nationalisme algérien était menacée par l’Union du Manifeste Algérien de Ferhat Abbas.

3. Une pression exercée sur le gouvernement français pour obtenir la libération du leader, éventuellement contre des otages (sans doute la tentative d’enlèvement des deux administrateurs de la commune mixte, qui a tourné au meurtre, dès lors que ceux-ci ont tenté de s’échapper).

4. L’application d’une stratégie d’isolement de la zone des Babors, par des barrages sur les routes, la coupure des télécommunications et la peur visant au départ des européens de la zone (crimes sauvages sur des victimes  indéterminées). L’isolement de la région visait à y proclamer un gouvernement et demander la reconnaissance des Nations Unies.

6. L’opération consistait spécialement à isoler Périgotville, siège de la commune mixte de Takitount, où la ferme «Maïza» (de la famille d’un adjoint de Messali, président du PPA métropole) aurait accueilli celui-ci à sa libération. Périgotville devait héberger un gouvernement autoproclamé. La neutralisation des administrateurs, voire du médecin de colonisation, et des hommes européens dont la présence était gênante, s’imposait. [13]

 

3. Ce que fut le rétablissement de l’ordre.

1. Les effectifs disponibles pour le maintien de l’ordre étaient dérisoires, répartis sur un territoire grand comme 4 fois et demie la France ! La subdivision de Sétif n’a pu disposer que de 3 700 hommes (dont une partie de recrutement indigène algérien. Les moyens matériels insuffisants, lents et vétustes, ont retardé l’acheminent de renforts.

2. En 1945, en l’absence d’hélicoptères et avec peu de moyens tout-terrain, à dos de mulet ou à pied, le contact des populations s’enfuyant à l’annonce de leur approche, était quasi impossible pour les troupes en opérations.

3. Les conditions d’accessibilité de la région aux moyens militaires et les difficultés de ravitaillement des troupes en campagne interdisaient des expéditions d’envergure, qui eussent duré plus de 3 jours.

4. Au nord de Sétif, les opérations militaires furent orientées par les enquêteurs de la Police Judiciaire et  accompagnées par l’autorité civile (à cet effet, 2 administrateurs furent dépêchés d’urgence dans la nuit du 8 au 9 mai) ; elles furent nécessairement limitées dans le temps. L’état de siège autorisait cependant l’action militaire de jour comme de nuit, de même que les perquisitions de domiciles.

5. Les colonnes militaires repérées de loin, ont rencontré des mechtas  vidées de leurs habitants [14].

6. Un souci de légalité apparait dans les archives, mais la punition immédiate de tueurs et de meneurs n’est pas à exclure. La troupe confrontée à la sauvagerie des massacres  et des viols de victimes innocentes, parfois mitraillée, ne pouvait pas dans le climat de guerre mondiale de 1945, ne pas se sentir placée en situation de combat à l’issue incertaine.

7. Le bilan des victimes indigènes doit être rapporté à la population de la commune mixte la plus concernée par les opérations de rétablissement de l’ordre, la commune mixte de Takitount. Celle-ci comptait en 1946, 63 000 habitants, évolution normale et conforme au recensement antérieur de la population.

Les listes du ravitaillement et les listes électorales des consultations de 1945 et 1946, ne firent pas remarquer à l’Administrateur de la commune mixte, au cœur du sujet, en 1946, la disparition de bénéficiaires et d’électeurs. Il aurait remarqué la quasi élimination de la population de sa commune, si étaient avérés les chiffres avancés sans mesure jusqu’à aujourd’hui (40 à 70 000 !). Lui, déplorait, outre l’assassinat de 102 européens, la mort de 2 500 indigènes, le plus souvent victimes malheureuses de l’impitoyable et aveugle application des lois de l’état de guerre. Il regrettait que les assassins avérés aient pu échapper à l’exécution de leur peine..

Pour ces raisons, on ne peut que s’élever contre l’accusation de «génocide» portée contre les troupes coloniales de l’Armée d’Afrique ; tirailleurs algériens, tirailleurs sénégalais, goums marocains, Légion Étrangère, qui sont en cause. Après avoir combattu brillamment sur tous les fronts, elles sont intervenues en toute légalité et avec loyauté. Elles méritent le respect.

 

4. Que sont aujourd’hui, les «événements de Sétif» ?

Une profonde douleur, celle des familles endeuillées, qui n’ont toujours pas compris la motivation des meurtriers et ne sont pas assurées que justice ait été faite. Le souvenir des victimes massacrées, de toutes les communautés, exige le respect, pour le moins le silence.

Le souvenir d’une grande peur. Elle a marqué les populations locales et aujourd’hui encore, elle marque les héritiers des contemporains de l’événement. Dans les couches populaires, c’est un imaginaire transmis à la jeunesse, faux, mais devenu irraisonnable.

Une initiative mal préparée, menée par des irresponsables ambitieux, de surcroît compromis avec les nazis et finalement préjudiciable aux populations locales. Pour les uns, c’est un épisode à oublier, pour d’autres, au contraire, c’est l’amorce du mouvement d’indépendance.

La contestation instrumentalisée de l’Armée française.

Une source d’inspiration pour écrivains et cinéastes, «commerçants de la mémoire triste». Ils sont conduits à des fins commerciales, à évoquer dans l’outrance des violences imaginaires. Visant principalement le public algérien, ils se montrent peu soucieux de la réalité historique des événements, de leur propre incohérence, glorifiant par ailleurs les troupes indigènes, et surtout de l’avenir des relations franco-algériennes.

Les événements de Sétif de mai 1945, sont aujourd’hui pour l’État, une obligation de défense du patrimoine mémoriel français, de l’Armée française et de  la mémoire de militaires qui ont droit, selon la loi, au respect des citoyens et à la considération de la Nation


Roger Benmebarek
avril 2010

 

_______________________

 

[1] La guerre d’Algérie par les documents, Service Historique de l’Armée de Terre, 1990

[2] ibidem

[3] Un message téléphoné des RG du 8 mai, 18h35, signale toutefois que «50 musulmans ont été hospitalisés. Chiffre des morts non précisé» CAOM.

[4] Rapport de l’OPJ, V. Vernet, du 22 mai 1945.

[5] Dépêche du Général Cdt la DT de Constantine datée du 13 avril. SHD 1 H 2845/D2

[6] Un télégramme du Préfet de Constantine au GGA, du 5 juin 1945, fera état de «5 villages européens pillés dont 3 en partie incendiés, 1 incendié complètement».

[7] Rapports PJ, notamment PV dressé par le Commissaire de la PJ V. Vernet, le 22 mai 1945. SHD 1H 2845/ 02

[8] Une mechta désigne un ensemble sédentaire, par opposition à la tente nomade, comprenant 3 à 20 gourbis. La moyenne d’habitants d’une mechta dans la région de Séti, est une cinquantaine, ayant presque toujours fui à l’approche des troupes. Télégramme GGA à Ministre de l’Intérieur, du 13 juillet 1945

[9] Message téléphoné du 11 mai 1945, 11h52. Le commissaire Bergé demande à agir seul 24 h encore, avant l’intervention de l’Armée.

[10] Archives Benmebarek, rapport Séguy-Villevalleix. Le but des opérations était de retrouver les assassins de Périgotville, dans leur douar des Babors et les armes entreposées dans le massif..

[11] Le même 8 mai 1945, survenaient les événements du Levant, traités conjointement par le gouvernement provisoire. Son chef a toujours vu dans les deux cas, la main de l’étranger..

[12] C’est la clémence judiciaire qu’il faut évoquer à propos de mai 1945, à Sétif : au 10 juillet 1947, 4 781 individus furent poursuivis et seulement 2484 furent déférés devant les Tribunaux Militaires. Sur 134 condamnations à mort, 34 furent exécutées. Sur  924 peines criminelles prononcées, 316 amnistiées d’office, 26 amnistiées par décret, et 582 soumises à l’examen d’une Commission spéciale et au Conseil Supérieur de la Magistrature. Toutes les peines correctionnelles ont été amnistiées. Certains inculpés et non des moindres ont refait surface après 1962.

[13]  Le 8 mai 1945, à Périgotville, les victimes étaient toutes de sexe masculin. Sauf  l’une d’entre elles, tuée à son domicile, elles circulaient dans les rues du village dont les bâtiments administratifs furent étonnamment préservés. Rapports de la Police Judiciaire. Archives Benmebarek.

[14] Rapport Commissaire Principal  Bergé du 30 mai 1945. CAOM 9H 44.

 

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