Le devenir du Maghreb ne se fera pas seulement contre la période coloniale (Jacques Berque)
où trouverait-il l'assise de ce qu'il veut être, sinon
dans la mise à jour de ce qu'il était ?
Azemmour (Maroc), 1935, autochrome de Gabriel Veyre
Le devenir du Maghreb ne se fera pas
seulement
contre la période coloniale
Jacques BERQUE
Avouons-le, même si l'assertion que voici risque de scandaliser. Le devenir du Maghreb ne se fera pas seulement contre la période coloniale, mais de son dépassement. Par une démarche symétrique, il devra mettre en cause, tout ensemble, et revivifier les périodes antérieures. Il lui faudra tout à la fois les récuser et les prolonger, bref les soumettre à une fidélité iconoclaste, seule capable de démêler en elles l'invariant du contingent, le personnel du déformant et de l'adventice.
Et cela débouche sur une question plus grave.
L'identité du Maghreb va-t-elle se transposer tout ou partie en termes de civilisation industrielle ? Ou prêter ses contenus physiques et humains, et les véhémences qu'il eut toujours en partage à l'opération qui les fondrait dans un système plus vaste, planétaire si l'on veut ? Tel pourrait être en effet l'un des sens de la décolonisation, ou plutôt des révolutions qu'elle annonce.
Mais c'est en tant que personne, croyons-nous, que le Maghreb entend participer à un système de la Terre. Dès lors où trouverait-il l'assise de ce qu'il veut être, sinon dans la mise à jour de ce qu'il était ?
Jacques Berque, L'intérieur du Maghreb, XVe-XIXe siècle,
Gallimard, 1978, p. 545-546.
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