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études-coloniales
3 janvier 2011

De Gaulle et l'Algérie, 1958-1962

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"Je vous ai compris"

note de Maurice FAIVRE

 

Serge Moati, Je vous ai compris Docu-fiction de FR 2,  2 novembre 2010, suivi d’un documentaire de Hughes Nancy : De Gaulle et l’Algérie, le prix du pouvoir.

arton28607Malgré quelques erreurs et oublis historiques ce télé-film et le documentaire explicatif décrivent les moyens utilisés par le général de Gaulle, de 1958 à 1962, pour revenir au pouvoir et s’y maintenir (approbation de la menace para, basculement de l’armée, déstabilisation de l’Assemblée, crises exacerbées, déclarations ambiguës et contradictoires, racisme anti-arabe). Quatre ans plus tard, toutes les concessions sont faites au FLN ; l’abandon des harkis et le drame des pieds noirs en sont le prix.
Quelques documents intéressants éclairent cette histoire : le rapport Vitasse, la lettre de Gaulle à son fils ; le rôle de Neuwirt et de Delbecque est souligné.

Les justifications des historiens ne sont pas convaincantes. Benjamin Stora et Jean Daniel expliquent la décision gaulliste par l’isolement de la France, l’accession à la puissance nucléaire, l’absence d’élites musulmanes. Ils estiment que la solution associative, qui a échoué, était l’option prioritaire du général de Gaulle, mais ils n’observent pas que c’était aussi celle de Soustelle et de l’armée. Georges Fleury est le seul à avoir évoqué la fraternisation de mai 1958, que de Gaulle n’a pas su (ou pas voulu) exploiter. La volonté d’abandon des privilèges était alors réelle. Il est paradoxal d’observer que, sans l’orgueil du chef de l’État, les deux camps auraient pu s’entendre.

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Il y a en effet un contre-sens sur l’expression Algérie française : employée par les militaires, elle ne signifiait pas le maintien de l’Algérie de papa. Ce que l’armée est en train de faire en Algérie, observe Lacouture en 1958, ressemble à un travail révolutionnaire. Claude Paillat décrit les officiers comme des enfants de la Révolution française : on apporte la liberté, on va régénérer les gens... on va refaire une autre société que ces colonies un peu pourries. Hélie de Saint-Marc et le général Ely font le même constat.

Ces évènements sont décrits comme la pire des décolonisations. Le philosophe Paul Thibaud, ancien collaborateur de Vidal-Naquet, dénonce les prétentions morales de la gauche française et conclut que la guerre d'Algérie est un évènement tragiquement négatif, dont il faut rappeler les résultats : la dictature militaire en Algérie – la division des Français – l’échec de la grande politique (neutraliste) du général de Gaulle.

Maurice Faivre
le 4 novembre 2010


Erreurs et omissions : - le général Dulac à Colombey et non à Paris – pas de visite de Gaulle à Guy Mollet à Arrras – Salan n’est pas nommé Cdt en chef (il l’est déjà) mais DGGA – les chiffres des pertes sont surestimés ( 100 tués le 17 octobre 1961, et le 16 mars 1962, 800 disparus le 5 juillet Oran, 500.000 morts dont 27.000 soldats) – la manipulation du directeur politique François Coulet le 10 décembre 1960 ignorée – le revirement ultérieur de Delbecque.

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27 décembre 2010

l'opération Oiseau bleu en Kabylie, 1956

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Mise au point de 2001, non publiée par ailleurs, répondant au livre de Camille Lacoste-Dujardin, Opération Oiseau bleu, éd. la Découverte, 1997. Par ailleurs dans Guerres d'Afrique (Université de Rennes, 2009, p.285), Vincent Joly confirme que "les documents fournis par le général Faivre infirment la thèse"  de Camille Lacoste-Dujardin.

 

Le montage de l'affaire K, dite Oiseau Bleu

général Maurice FAIVRE

 

De nombreux ouvrages et articles  (1) ont évoqué l'affaire K (K comme Kabyle, à ne pas confondre avec l'affaire Kobus), que l'on a pris l'habitude d'appeler l'Oiseau bleu. Le but de cette mise au point historique est de préciser qui a lancé l'affaire, qui l'a organisée et suivie, et quelles en ont été les conséquences à court et moyen terme. Tout autre peut être l'intérêt de l'ethnologue qui s'intéresse aux réactions de la population locale, et qui garde toute sa pertinence à condition de ne pas éluder les données de l'histoire.

La recherche dans les archives ouvertes, et dans les ouvrages écrits avant l'ouverture des archives (1992), ne permet pas d'atteindre le résultat recherché, à savoir l'information sur les conditions du montage. Il faut recourir en effet aux archives des Services spéciaux, obtenues par dérogation, et aux documents de 1956, conservés par les acteurs principaux (notamment Jean Servier, à condition qu'il ait bien voulu les communiquer), pour comprendre le montage de cette affaire. Dans les Annales de janvier 2000, Jacques Frémeaux confirme cette analyse. Voici le résumé de l'affaire :

«Il y a quelque chose à faire sur le plan du berbérisme», aurait dit le Gouverneur Soustelle dans le courant de 1955. Henry Paul Eydoux, conseiller technique au cabinet du gouverneur, a alors l'idée de créer un "maquis kabyle" qui serait opposé au FLN. Il charge Gaston Pontal, Directeur de la DST, de monter l'affaire, qui est habilement manipulée par l'inspecteur Ousmer, proche des terroristes d'Alger (il fut condamné pour trahison en juillet 1957 et révoqué sans pension).

300 armes de guerre sont distribuées dans une dizaine de douars autour des Iflissen, en Kabylie maritime (2) à de faux maquisards qui sont pris en main par le FLN. La DST se désintéresse alors de l'organisation K, qui est transférée en mai 1956 au Service de documentation de la 10ème Région militaire, Service de renseignement opérationnel (SRO) en cours de mise sur pied par le colonel Parisot. Ce dernier charge le capitaine Hentic, assisté du lieutenant Camous, et disposant de deux sticks du 11ème Choc, de suivre l'affaire et de règler la solde des maquisards (9 millions anciens par mois).

grave échec psychologique

Arrivant à Alger en juin, l'ethnologue Jean Servier est mis au courant par le capitaine Benedetti du SRO. Deux amis kabyles lui signalent le noyautage du faux maquis par un commissaire politique nommé Babou Lounès. De leur côté, Hentic et Camous émettent de fortes réserves et suspendent le paiement des soldes. Servier met en garde les généraux Olié et Gouraud à Tizi Ouzou, et les autorités civiles et militaires d'Alger (le 12 août et le 6 septembre). Mais on ne le croit pas.

Le 1er octobre, la 2ème compagnie du 15ème BCA, stationnée dans les Iflissen, et dont le capitaine entretient des relations (jugées suspectes par Servier) avec quelques membres de l'organisation K, est attirée dans une embuscade (2 tués, 6 blessés). On constate alors que 200 faux maquisards au moins ont rejoint la rébellion. L'oiseau bleu s'est envolé (3), s'écrie Hentic (d'où le nom attribué à tort à l'affaire K). L'opération Djenad, montée par la 27ème DIA du 9 au 12 octobre dans la forêt d'Adrar, permet au 3ème RPC de Bigeard de mettre hors de combat 130 rebelles.

Le dénouement de l'affaire K constitue un grave échec pour les services de renseignement et pour l'armée française, moins grave sur le plan militaire, que sur le plan psychologique. L'opération Jumelles en 1959 neutralisera les katibas de la wilaya 3, jusqu'à ce qu'elles renaissent en mai 1962. Dix ans plus tard, Madame Lacoste rapporte le souvenir douloureux qu'en a conservé la population des Iflissen.

Maurice Faivre
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1) Jean Servier, dans Adieu Djebels, décrit en 1958 cette affaire en baptisant Hentic et Camous Béret rouge et Béret bleu.
2) Région "conquise" mais non ralliée en 1844, et où les administrateurs, et après eux les officiers SAS, observent des oppositions, parfois violentes, entre notables de la colonisation, nationalistes et berbéristes.
3) Sans doute en référence à une chanson popularisée par Eddie Constantine en 1956.

 

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9782707126665Au début de la guerre d'Algérie, à l'automne 1956, fut tentée, par les services secrets français, en Kabylie, chez les Iflissen Lebhar, l'opération "Oiseau bleu". Elle consistait dans la création de "contre-maquis" clandestins destinés à discréditer le FLN. Or, c'est à l'avantage de ce dernier qu'a tourné cette affaire, les hommes recrutés et armés par les services français s'étant révélés être des "rebelles".
Ce drame, longtemps tenu secret et encore largement ignoré des historiens, est le point de départ de ce livre d'ethnologie original à plus d'un titre. Comment les services secrets ont-ils pu se tromper ainsi, bien qu'un ethnologue, supposé bon connaisseur de la région, ait joué un rôle important dans ce plan ?
En réalité, l'opération "Oiseau bleu" est un révélateur des illusions de l'administration coloniale et de certains ethnologues, mais aussi de l'évolution profonde de la société kabyle. De longues enquêtes auprès des Iflissen, et la consultation des archives de l'armée française (1954-1962), ont permis à l'auteur, elle-même ethnologue, spécialiste de l'Algérie, non seulement d'élucider cette étrange affaire, mais d'en analyser les raisons profondes.
Grâce à une conception renouvelée de l'ethnologie, qui prend en compte l'histoire, celle d'un certain nombre de villages, avant même la conquête coloniale jusqu'au temps présent, en passant par la guerre d'indépendance, sont étudiés les multiples changements qui ont affecté la vie des habitants de cette région. Cette étude permet de mieux comprendre ce qui fait encore la spécificité kabyle dans la crise que connaît aujourd'hui l'Algérie.

Présentation du livre de Camille Lacoste-Dujardin aux éd. La Découverte, 1997.
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Table des matières

Introduction
- I. Les débuts de la guerre - 1. Chasseurs alpins et rebelles, 1955-1958 - La Kabylie, "zone clé" stratégique - L'occupation par les chasseurs alpins : octobre 1955-septembre 1956 - L'aggravation de la "rébellion" - 2. L' "action kabyle" aux Iflissen - De la pacification aux ralliements - De l' "Action kabyle" à l'opération Oiseau bleu - 3. Le glas de la pacification - En représailles, l'opération Djenad : La guerre - De la pacification à la guerre : les conséquences - Comment Oiseau bleu et ses suites ont renforcé l'ALN.
- II. Après 1956 aux Iflissen - 4. L'armée française dans la guerre - Les formes de l'action politique après Oiseau bleu - La guerre aux Iflissen après 1956 - L'activité du 15e BCA - Les "rebelles" vus par les chasseurs - 5. La guerre vécue par les Iflissen - Les abus des administratifs locaux - La version Iflissen d'Oiseau bleu : Iguer n'Salem et Agouni-Zidoud - Le prix de la guerre.
- III. Connaissance des Iflissen - 6. Premières approches - Les sources de l'histoire - Une farouche réputation - Question de nom - Avant le colonisation - Les Iflissen contre la conquête coloniale - 7. De l'armurerie à l'émigration - Connaissance des Iflissen en 1844 - Vingt-sept années de résistance à la colonisation - L'installation coloniale - 8. Différentes pratiques de l'ethnologie - Une pratique de l'ethnologie marquée par la guerre et l'histoire - Une pratique liée à la pacification : les illusions.
- Conclusion - Des Iflissen et des ethnologues aujourd'hui - Annexes - Bibliographie.

 

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Omar el Toumi (1914-1956 ?)




Chronologie de cette recherche historique

- Camille Lacoste-Dujardin (CLD) publie en 1997 Opération Oiseau bleu aux éditions de la Découverte.

- M.Faivre fait une recherche approfondie dans les archives militaires, en particulier celles des Services secrets.

En contact avec Jean Servier depuis les Assises de la désinformation à Nice en novembre 1989, il lui demande son avis sur le livre de CLD. J.Servier lui adresse son rapport de 1956 et son livre Adieu djebels.

M.F. consulte les écrits de Yves Courrière, Alistair Horne, Mohamed Teguia, capitaine Hentic, Ousssedik Mahiéddinne, Eric Huitric (alias Erwan Bergot), Michel Roux, le colonel Godard, El Moudjahid d'octobre 1956. Il rencontre - les anciens du service Action et du 11ème Choc : gal Decorse, colonel Parisot, cdt Muelle, cap.Hentic et Camous, la DST à Paris, - les officiers SAS concernés par l'affaire K, le chef du 2ème Bureau de Tizi Ouzou, le chef de cabinet du gal Olié et le préfet Pontal ancien DST Alger.

M.Faivre publie son article "L'affaire K comme kabyle" dans Guerres mondiales et conflits contemporains en octobre 1998. J.Servier en approuve le texte. Il est surpris que CLD ait choisi le seul village des Ifflissen dont l'instituteur était communiste. Il souligne que le capitaine M. impliqué dans les contacts avec les militants K était un ancien FTP. - en janvier 2000.

Frémeaux publie dans les Annales une critique du livre Oiseau bleu. Il note que CLD a fait des enquêtes sur le terrain en 1969 seulement, et n'a consacré que peu de pages à l'opération K. Elle accorde trop de confiance aux JMO ; elle fait un procès d'ethnologie  à J.Servier, lequel aurait inspiré l'opération. Elle ignore l'ouvrage Adieu djebels, ce qui nuit à la portée de sa démonstration.

- le 25 novembre 2000, lors du colloque en l'honneur de CR Ageron à la Sorbonne, CLD fait une critique virulente de l'article de M.Faivre, qui selon elle manque de rigueur, du fait d'une sélectivité des sources,, d'une échelle d'observation cantonnée aux instances françaises...etc. Dix pages de critiques sont reprises dans les Actes du colloque, publiés en fin d'année par la Société française d'histoire de l'outre-mer.
Il est exact que MF n'a pas rencontré les témoins algériens de cette affaire, Madame Lacoste s'étant acquittée de cette recherche.
Le but de MF étant de relater le montage de l'affaire K (que n'a pas compris CLD), les témoignages utiles étaient ceux des autorités des Services français.
MF a reproduit une carte de CLD, mais l'imprimeur a oublié d'en indiquer  la référence.

- le 30 décembre 2000, MF adresse un droit de réponse au Président de la Société française d'histoire d'outre-mer.

- le 17 janvier 2001, Jacques Frémeaux répond qu'il n'est pas possible de publier ce droit de réponse, mais il conseille à MF de rédiger une mise au point historique qui sera publiée dans la revue de la Section. En fait, cette mise au point n'est mise en ligne qu'en décembre 2010 par le site Etudes coloniales.

- le 26 juin et le 23 octobre 2001, Nicole Martinez, épouse Servier, écrit à MF que J. Servier ne pratiquait pas
une ethnologie passéiste, mais au contraire prospective, qu'il avait retourné deux fois son ouvrage à CLD, à qui il reprochait de ne pas comprendre la culture berbère, et d'avoir choisi des témoins pro-FLN. Mais il a refusé d'ouvrir une polémique avec CLD.

- MF a rédigé : - un chapitre sur Jean Servier, un ethnologue de terrain face à la rébellion algérienne, dans son ouvrage Conflits d'autorités pendant la guerre d'Algérie (L'Harmattan, 2004, p. 215).

- Un article sur Jean Servier, ethnologue recruteur (?) dans Historia d'octobre 2010.

- L'historien Vincent Joly écrit dans "Guerres d'Afrique" (Université de Rennes, 2009, p. 285) : "Les documents fournis par le général Faivre infirment la thèse" de Camille Lacoste-Dujardin.

- L'historien Manceron reprend les critique de CLD sur J.Servier et M. Faivre dans : Les harkis, Histoire, Mémoire et Transmission, Ed. de l'Atelier, 2010, p. 92 et 97. Il ne répond pas à l'offre de débat que lui propose M.Faivre.

- Les lettres et documents cités ci-dessus sont disponibles.

général Maurice Faivre

 

 

 
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26 décembre 2010

services secrets, guerre d'Algérie

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dans le désordre des services secrets

général Maurice FAIVRE

Constantin Melnik, De Gaulle, les Services secrets et l’Algérie, avant-propos d’Olivier Forcade, entretien avec Sébastien Laurent, articles de presse, éd. Nouveau Monde, 2010, 464 pages dont 92 d’entretien et d'articles, 22 €.

D’origine russe, analyste stratégique de l’Union soviétique à la Rand Corporation, Constantin Melnik est appelé en avril 1959 par Michel Debré, en vue de cordonner à son cabinet les affaires de renseignement. Remercié en avril 1962, l’auteur fait un nouveau passage à la Rand, puis publie de 1988 à 2000 des essais et des romans qui se réfèrent à son expérience de Matignon. Il y revient  en 2010.

La réalité n’étant pas toujours facile à déchiffrer dans ses écrits, deux historiens s’efforcent de faire un nouvel inventaire, d’où il ressort que si le renseignement relève de l’art de gouverner, le Premier ministre, chargé de l’action, n’en domine pas tous les rouages et ne réussit pas la centralisation. Le SDECE n’est contrôlé ni par l’exécutif, ni par le législatif.

Quant au général de Gaulle, chargé de la parole, il considère les Services secrets comme des instruments de la violence d’État, vulgaires et subalternes ; son génie médiatique ne l’empêche pas, par ignorance, de commettre des erreurs, telles que des contacts suicidaires dans l’affaire si Salah ; il ne comprenait rien au renseignement moderne (sic). C’est en fait Foccard qui, deus ex machina, oriente l’action contre les trafiquants d’armes et coordonne le renseignement sur l’Afrique.

le rôle de Melnik dans ce désordre

Quel est le rôle de Melnik dans ce désordre ? Au milieu de réflexions stratégiques et  morales, sur les dérapages inacceptables du service Action et des camps d’internement, sur la république bananière des barons du gaullisme, sur la mythologie de la Main rouge, sur le pouvoir qui corrompt, sur les parachutistes exaltés et l’armée mise hors jeu lors des barricades, il révèle un certain nombre d’anecdotes et d’évènements dont il fut témoin : - l’affolement du Cabinet au moment du putsch – les appels de Malraux à bombarder Alger, et de Sanguinetti à flinguer d’abord – les clivages du Cabinet entre libéraux et ultras – l’incompatibilité entre les diplomates et le renseignement – le financement à perte du journal Candide - la restitution d’une cargaison d’armes à la Tunisie - l’aveu de Mourad Oussedik sur le coup mortel porté au FLN par les harkis de Paris - la répression de la manifestation FLN du 17 octobre 1961, acte de guerre ordonnée au plus haut niveau de l’État – la bombe du SDECE qui éclate au quai d’Orsay en janvier 1962. Il évoque également les orientations du plan de recherche gaullien de juillet 1958.

Debre_3Intime collaborateur de Michel Debré (avec lequel il rompt pour épouser sa secrétaire), considéré par certains médias comme un vice-premier ministre ou un Commandant en chef (sic), Melnik apparaît avant tout comme une courroie de transmission entre le Premier ministre, le général Grossin du SDECE et le Préfet Verdier chef de la Sûreté. Ses principales initiatives concernent la centralisation des écoutes (GCR), l’orientation des RG vers les extrémistes de gauche et de droite, la désignation du préfet Hacq pour la mission C, et l’ouverture de négociations confiée à Loquin en novembre 1960.

En fait il ignore que  des contacts ont été établis par Barakrok (1) en septembre 1958, sous le contrôle d’Edmond Michelet. C’est le colonel Mathon qui suit la situation en Algérie. Melnik n’intervient pas dans la mise sur pied de la Force de police auxiliaire et des SAT à Paris, dans les rapports avec la Commission de Sauvegarde des libertés, dans les entretiens de Médéa avec Si Salah, dans l’orientation des Services (CCI et DST) en Algérie.

Intelligent et retors selon Foccard, il semble manquer de discrétion avec le journaliste Jean Cau. Il aurait souhaité que l’on négocie (2) dès 1958 avec le GPRA, et préconise l’engagement de l’armée contre l’OAS à Alger. Il prend pour argent comptant la surestimation des pertes de Sétif, de Madagascar, du 17 octobre 1961, et du total de la guerre d’Algérie.

Enfin il ne fait pas la différence entre la recherche d’un renseignement partiel, assurée par les Services secrets, et la synthèse de toutes les sources qui est confiée au Centre d’exploitation du SGDN, qu’il semble ignorer.

Maurice Faivre
le 29 novembre 2010.

 

 

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Constantin Melnik

 

1) Maurice Faivre. Les archives inédites de la politique algérienne, L’Harmattan, 2000, p.99 et 326.
2) Il proposa aux Américains de négocier avec Ho Chi Minh, solution rejetée par la Rand.

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21 décembre 2010

sur l'histoire d'Oujda par Badr Baqri

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Oujda, 1952

 

- Badr Maqri, Oujad, 1952 : l'organisation territoriale d'une ville marocaine sous le protectorat, 2010.

Ce livre propose une brève présentation post-coloniale de l'un des aspects de l'histoire du Maroc colonisé. Le choix de l'organisation territoriale du protectorat français dans le cas de la ville d'Oujda en 1952 (elle a été occupée par Lyautey le 29 mars 1907) est une nouvelle approche de la conception coloniale de l'organisation institutionnelle et administrative.

Ce qui a été proposé comme structure profonde dans ce livre, c'est que l'organisation territoriale n'est pas une simple démarche administrative, mais elle est en premier lieu, un genre d'organisation en marche,. Dans la conception du protectorat français, les moyens militaires doivent être doublés d'une organisation politique et économique, l'occupation de quelques points bien choisis, centres d'attraction naturels, est autrement efficace que tous les raids et toutes les colonnes du monde. Le développement des voies ferrées, des marchés, la reprise des transactions, l'appel aux intérêts matériels, la création de soins médicaux, constituent les meilleurs modes d'action, selon la vision du maréchal Lyautey.

La structure superficielle de l'organisation territoriale d'Oujda en 1952 concerne huit champs de recherche :
1 / Secrétariat général du protectorat.
2/ Direction des affaires chérifiennes.
3/ Direction des finances.
4/ Direction des travaux publics.
5/ Direction du travail.
6/ Direction de la production industrielle et des mines.
7/ Direction de l'office des PTT.
8/ Direction militaire régionale.

Et c'est à travers ces champs de recherche, que l'auteur présente en détails, le cadre institutionnel et administratif d'Oujda en 1952, dans 10 chapitres :
1. Activités marocaines
2. Réorganisation territoriale et administrative d'Oujda et sa région (1948-1950)
3. Organigramme administratif : région civile d'Oujda
4. Analectes démographiques historiques
5. Indices professionnels (198 indices)
6. Colons d'Oujda
7. Cercle d'Oujda, qui contrôle : El-Aïoun, Jerada, Berguent et Touissit-Boubker
8. Cercle des Béni-Snassen, qui comprend : Berkane, Martimprey-du-Kiss et Taforalt
9. Circonscription de contrôle civil de Taourirt, qui contrôle : Taourirt et Debdou
10. Cercle de Figuig, qui comprend : Figuig, Tendrara et Bouarfa.
Cet ouvrage de 237 pages prolonge l'engagement de Badr Maqri dans l'étude de l'intersection (mémoire-identité) et dans une nouvelle réflexion sur l'anthropologie sociale et culturelle coloniale du Maroc."

Badr Maqri

 

 

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Badr Maqri

 

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9 décembre 2010

témoignages

 

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 notes de lecture

général Maurice Faivre

 

Deux livres de témoignages enrichissent notre connaissance de la guerre d'Algérie.

 

product_fulldef_144_191Serge Cattet, La tourmente. La France en Algérie, 1830-1964, annexe sur accords d'Évian, photos ECPAD, éd. LBM, 381 pages, 29 euros.

L'Union nationale des combattants a demandé aux Savoyards, anciens d'Algérie, de faire un travail de recherche sur leur participation à la guerre. Ce travail, richement illustré par les photos de l'ECPAD, met en parallèle l’Histoire et la Mémoire.

L’histoire, c’est d’abord la synthèse du professeur Serge Cattet, ancien officier d’Algérie, qui met en évidence la complexité de la guerre d’Algérie et la diversité des situations auxquelles ont été confrontés les combattants. Ce sont aussi les documents et les déclarations du diplomate Bruno de Leusse, qui montrent les reculs consentis par le chef de l’État et le grave échec de la solution associative.

La mémoire, ce sont les témoignages de 167 Savoyards, qui ont passé 6 à 28 mois en Algérie, la plupart dans des unités combattantes (infanterie alpine, paras, arme blindée, artillerie), et dont environ 28% ont exercé des responsabilités de commandement. 45 témoignages sont reproduits in extenso.

Les sentiments exprimés vont de la réprobation des rappelés et des appelés pour une guerre inutile, à la résignation de ceux qui ont fait leur devoir de citoyens, et même à la fierté de ceux qui ont découvert un pays nouveau et ont aidé sa population à survivre. Le souvenir dominant est celui de la solidarité qui les a aidés à supporter l’angoisse, l’inconfort, l’insécurité, et surtout la disparition des camarades morts au combat.

Au retour, tous les témoins ont rapidement trouvé un emploi et créé une famille, tout en gardant le silence face à un entourage resté indifférent à leur aventure.

Beaucoup se remettent à parler et expriment leur exaspération quand certains médias les accusent injustement et globalement d’exactions qu’ils n’ont pas commises et souvent ignorées. Le grand mérite de ce livre est de mettre en lumière ce refus de la médisance.

voir boutique Ecpad

 

 

1062612_gfGeorges Fleury, Nous les combattants d’Algérie, 1954-1964, éd. Bourin, 2010, 392 pages, 23 €.

Sous l’égide de l’association des écrivains combattants (AEC), Georges Fleury présente et commente 70 témoignages qui ont été sélectionnés par trois autres écrivains.

Certains textes sont extraits  d’ouvrages connus de Jean Vaujour, Jean Delmas, Hélie de Saint-Marc, du professeur Godeau, de Francine Dessaigne, Isabelle Henry, François Meyer, Pierre Pélissier, Henry de Wailly, Michel Lemonnier, et des souvenirs des Haut-Marnais combattants. Quelques correspondances familiales sont reproduites.
Ces témoignages relatent la complexité du conflit, la diversité et le caractère inhumain de certaines situations. Les anciens SAS expriment en particulier la honte ressentie lors de l’abandon des harkis et moghaznis.
On regrettera cependant la surestimation des effectifs et des pertes.

Maurice Faivre
le 9 décembre 2010

 

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24 novembre 2010

déformation/désinformation

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Témoignage sur la désinformation,

le 24 novembre 2010 devant la 17ème Chambre correctionnelle

Maurice FAIVRE

 

La Nouvelle Revue d’Histoire m’a demandé en avril de témoigner sur les erreurs et les falsifications historiques de certains cinéastes et écrivains qui ont porté plainte contre madame Dupont-Tingaud.
Je précise que je ne suis pas pied-noir, que je ne connaissais pas cette dame auparavant, et que je n’appartiens à aucun parti politique. Ayant servi 3 ans au Maroc et 5 ans en guerre d’Algérie, j’ai poursuivi ensuite des recherches de renseignement militaire sur l’armée soviétique, ai soutenu en 1986 une thèse de doctorat en science politico-militaire, et ai participé en 1988 à la fondation de l’Institut de la désinformation.

Mes recherches historiques, à partir de 1989, ont porté sur la guerre d’Algérie, après consultation de centaines de documents d’archives militaires, diplomatiques et sociales, obtenues par dérogation, et qui m’ont permis de publier 9 livres, de participer à 8 ouvrages collectifs et de rédiger tous les ans des dizaines d’articles. Mes travaux ont été reconnus par la Commission française d’Histoire militaire (CFHM) qui m’a élu vice-président, et par l’Académie des sciences d’outremer, dont je suis membre assidu.
J’entretiens des relations suivies avec des historiens qui apprécient mon objectivité ( .Frémeaux, D.Lefeuvre, JP Brunet, M.Renard, M.Vaisse, J.Valette, Ph.Conrad, JJ Jordi, R.Vétillard, J.Monneret). Guy Pervillé me cite une trentaine de fois dans son ouvrage de référence sur l’histoire de la guerre d’Algérie. En revanche, il m’arrive de critiquer des auteurs qui commettent des erreurs factuelles ou font preuve de partialité (Ageron, Manceron, Stora).
Je précise qu’en 2005 je n’ai pas approuvé l’article 4 de la loi qui reconnaissait le rôle positif de la présence française en Afrique. Reçu par J.-L. Debré, j’ai estimé que l’État ne devait pas imposer son interprétation de l’Histoire, et que la colonisation présentait des aspects positifs et négatifs.

J’ai relevé chez M. Mehdi Lalaoui certaines manipulations de l’histoire, liées sans doute à ses activités dans la Fondation algérienne du 8 mai 1945, et dans l’association "Au nom de la mémoire du 17 octobre 1961". L’historien Jauffret voit dans sa présentation de la thèse de Boucif Mekhaled «un très bel exemple de désinformation, la version du FLN reconduite sans aucune référence sérieuse ou non tronquée. Dans son film sur les massacres de Sétif, il falsifie la réalité en reproduisant deux extraits de films de la Fox Movietone, qui se passent dix ans plus tard en août 1955 à Ain Abid, et qui sont un montage de journalistes, ainsi que le démontrent les photos publiées en 1955 par les magazines Life et Express (photos jointes).

La Fondation du 8 mai 1945 créée en 1990 par l’ex-ministre Masmoudi a répandu la légende d’un génocide de 45.000 victimes, alors que le général Tubert chargé de l’enquête estime le bilan de la répression à 3 ou 4.000. 45.000 c’est le nombre des manifestants ; l’historien algérien Hammoudi estime que ce n’est pas un génocide, et Ferhat Abbas, dans son testament, porte un jugement négatif sur «les organisateurs d’émeutes, les hommes à courte vue qui prêchaient la révolte sans savoir où elle mène..ceux qui tels des chiens sauvages se sont jetés sur Albert Denier, communiste de Sétif, auquel un salaud sectionna les mains à coup de hache». Cette sauvagerie explique, sans la justifier, la brutalité de la répression.

Une image de propagande, exposée dans les gorges de Kerrata par la Fondation du 8 mai constitue une autre manipulation : il n’y a pas eu de transport de cadavres, mais des opérations ponctuelles de la Légion contre un petit nombre d’émeutiers qui harcelaient la circulation des véhicules. Le film de Lalaoui «le silence du fleuve» déforme gravement la répression de la manifestation du 17 octobre 1961 à Paris. La légende des centaines de cadavres jetés dans la Seine est démentie par les historiens qui ont eu accès à toutes les archives de cette affaire : JP Brunet et le Conseiller Mandelkem, confirmés récemment par l’historien François Dosse, décomptent une douzaine de morts avérés, moins de 30 au total. L’association «au nom de la mémoire» porte ces chiffres à 200 ou 400, ce qui confirme la tendance algérienne à décupler les pertes (1,5 million de martyrs de la Révolution).

Olivier Le Cour Grandmaison est impliqué dans les mêmes exagérations, puisqu’il dirige cette association. Il faut rappeler que ses militants ont distribué à l’entrée du Stade de France, le 6 octobre 2001, des tracts virulents appelant la République à reconnaître le massacre des Algériens à Paris. Le résultat a été immédiat, c’est le jour où la Marseillaise a été sifflée par les jeunes maghrébins présents dans les tribunes.

C’est dans Coloniser, exterminer que Le Cour Grandmaison exprime son idéologie anti-colonialiste. Ses calculs des victimes de la conquête de l’Algérie ont été démentis par Daniel Lefeuvre,  Jacques Frémeaux et Guy Pervillé. On peut sans doute parler d’extermination des Indiens d’Amérique et des Aborigènes d’Australie, mais pas des Indigènes des colonies françaises.

C’est ce que confirme Mohammed Harbi, historien du FLN : «les crimes de guerre dont est jalonné son chemin vers l’indépendance de l’Algérie ne sont pas le résultat d’une idéologie visant à l’extinction totale d’un peuple». Enfin, l’idée que la guerre totale a été conçue et mise en œuvre pour les conquêtes coloniales est une idée fausse. Le colloque international d’histoire militaire de Stockholm en août 2000 a démontré que les guerres coloniales sont des conflits de basse intensité En France, c’est la Convention qui a inventé le concept de guerre totale, sur le plan intérieur (Vendée) et extérieur, conformément aux directives de Lazare Carnot : «Allez en pays ennemi, que la terreur vous précède.»

Cinéaste engagé aux côtés du FLN, René Vautier n’hésite pas à falsifier les documents. C’est ainsi qu’il transfère la photo des victimes de la répression de Philippeville le 20 août 1955, dix ans plus tôt et à Guelma. Cette transposition a été remarquée par Benjamin Stora et Jean-Louis Planche.

S’agissant de son film «avoir 20 ans dans les Aurès», son titre traduit une méconnaissance géographique, car on dit l’Aurès et non pas les Aurès, ceci n’est qu’un détail. Quant au sujet du film, il s’agit d’une caricature de la réalité. Les combattants des commandos de chasse étaient des soldats d’élite, volontaires pour cette mission, parfaitement disciplinés, et non pas les bidasses farfelus et violents que nous présente Monsieur Vautier et qui rappellent les tristesses de l’escadron du siècle dernier.

général Maurice Faivre

Considérations éventuelles
- colonialisme et colonisation, une idéologie républicaine (Victor Hugo),
- la colonisation gréco-romaine de la France,
- l’anachronisme des crimes contre l’humanité ,
- le révisionnisme et l’amnésie française, la culture de guerre du FLN et la repentance unilatérale, la guerre des mémoires de Boumaza.

 


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13 novembre 2010

Oran, juillet 1962

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massacres du 5 juillet 1962

Merci pour votre blog qui permet à tous de s'exprimer. Tous les jours de nouveaux témoignage arrivent sur ce dossier du 5 juillet 1962. Ci-joint les dernières photos reçues.

Bien cordialement.

Jean-François PAYA

 

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Signaler pour ceux qui veulent en savoir, taper sur GOOGLE : "jf paya" et "jean francois paya"

Reçu d'un jeune correspondant Algérien :

BONJOUR, merci beaucoup de cette information, je t'assure que les Algériens ne connaissent rien sur l'histoire des pieds noirs

Hammed Ben Malek

 

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Ci joint carte d'Oran : Disposition des troupes françaises le 5 juillet 62, en collaboration avec le professeur Guy Pervillé de l'université de Toulouse (autorisation de diffuser). Voilà vous avez tout pour un rappel historique .

Cordialement JF Paya

 

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12 novembre 2010

les harkis : histoire impossible ?

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un ouvrage inégal sur l'histoire des harkis

général Maurice FAIVRE

 

Fatima Besnaci-Lancou, Benoit Falaise et Gilles Manceron (sous la direction de), Les harkis, histoire, mémoire et transmission , Éditions de l’Atelier (ex-Ouvrières), septembre 2010, 222 pages, 19,90 €.

Dix-sept auteurs ont participé à l’écriture de cet ouvrage collectif, qui est présenté par son préfacier comme un beau travail conjoint d’histoire et de mémoire. La Ligue des droits de l’homme et l’Institut national de recherche pédagogique se sont unis pour produire cet ouvrage qui prétend renouveler la connaissance d’un sujet qui, abordé dès 1989, s’est peu à peu enrichi au début du siècle.

D’emblée, il faut distinguer deux historiens qui n’appartiennent pas à la LDH et qui proposent des analyses objectives du problème. Mohamed Harbi replace l’histoire des harkis dans l’évolution d’une nation en formation ; l’attachement à la famille, au clan et à la religion précède en effet le sentiment national ; cette diversité de la société algérienne est ignorée par les ulemas qui ont imposé la doctrine antidémocratique d’une nation préexistant avant 1830 ; quant à certains chefs de l’ALN, ils ont porté atteinte à l’honneur des populations rurales, lesquelles se sont protégées en répondant aux campagnes de recrutement de l’armée française.

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Fils de harki, Abderhaman Moumen expose de façon claire les massacres de 1962 et les lieux de mémoire qui commémorent le passage des harkis dans divers centres d’accueil ; ayant retrouvé le rapport Massenet qui proposait un rapatriement massif, son analyse de la notion d’abandon des harkis est argumentée ; elle appelle à de nouveaux développements fondés sur les archives disponibles du CICR, des Affaires algériennes (Comité et ministre), et sur le témoignage des assistantes sociales et monitrices de hameaux forestiers.

En revanche, deux auteurs font la démonstration de leur incompétence et (ou) de leur mauvaise foi. Il s’agit du Britannique Mac Master qui critique l’idéologie de deux officiers de supplétifs : l’ethnologue Jean Servier, qui aurait monté – et raté - l’opération Oiseau bleu, et dont les connaissances manquent de fondement scientifique (sic), et le colonel Montaner, fondateur de la Police auxiliaire de Paris, dont les méthodes autoritaires s’affranchissaient du respect de la loi. Jean-Paul Brunet et Rémy Valat ont montré le manque de méthode et de morale de ce sociologue.

«L’humaniste de la LDH» Manceron, critique lui aussi les illusions de Jean Servier, et énonce un certain nombre de contre-vérités qui font sourire les anciens harkis et leurs chefs. Méconnaissant les effectifs et les modalités du recrutement des supplétifs, il affirme que les plus nombreux n’ont servi que dans des emplois civils (maçons, jardiniers …etc).

Opposés à l’indépendance, soumis à la méfiance de leurs chefs, recrutés pour la gamelle, désarmés après chaque opération, ils ont rejoint les maquis en 1962 avec armes et bagages (sic). Dans un chapitre comparant les mémoires et l’histoire, il se livre à  des attaques personnelles, inexactes et diffamatoires, contre le rédacteur de cette recension : inspirateur de la loi sur les aspects positifs de la colonisation, MF justifierait le recours à la torture, se livrerait à de violentes attaques contre l’islam dans des publications d’extrême-droite, et manquerait de rigueur scientifique.

Les chapitres consacrés à la transmission de l’histoire des harkis confirment que cette histoire est un sujet difficile, la colonisation étant un fait ambigu, les supplétifs sont pratiquement absents des manuels scolaires ; les enseignants ont peur d’être contestés et présentent les harkis comme des victimes de la colonisation, des anti-héros et des marginaux. Quant aux manuels algériens, ils évitent de parler de ces hommes affectés aux sales besognes et contradicteurs du mythe de la nation unanime.

Une bibliographie détaillée conclut cet ouvrage, dans laquelle ne figurent pas les ouvrages de Jean-Paul Brunet, les articles de l’anthropologue Khemisti Bouneb et les films d’Alain de Sédouy.

 Maurice Faivre
le 26 octobre 2010
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11 novembre 2010

sur le livre de Benjamin Stora, "Le mystère De Gaulle. Son choix pour l'Algérie"

 

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à propos d'un livre de Benjamin Stora

général Maurice FAIVRE

 

Benjamin Stora, Le mystère de Gaulle. Son choix pour l’Algérie, Robert Laffont, 2009, 268 pages.

899678_1064893Benjamin Stora donne ici son interprétation de la décision gaullienne d’autodétermination en Algérie, le 16 septembre 1959. Il considère à juste titre que c’est le tournant décisif de la guerre. Les raisons stratégiques en sont l’isolement diplomatique de la France, le coût excessif de la guerre, et l’échec de l’assimilation des musulmans.

B. Stora reconnaît que De Gaulle a tenu des propos équivoques selon les interlocuteurs rencontrés, que l’entente entre Challe et Delouvrier était parfaite, que l’opinion algérienne était partagée (référence à la thèse de Diane Sambron). Les réactions du GPRA sont bien analysées.

Intéressantes sont les citations du sous-préfet Belhaddad, la lettre de Camus du 19 octobre 1959, le dialogue  Duchemin-Ferhat Abbas, la note des R.G de décembre 1960.

Enfin l’auteur replace parfaitement la décision gaullienne dans le cadre de l’évolution internationale et intérieure (la société de consommation et de divertissement, la modernité de la société, la montée du Tiers Monde, l’attitude ambiguë des Américains, la pression soviétique).

Quelques erreurs ou omissions (1) nuisent cependant à la cohérence de la démonstration (2). La principale concerne l’ignorance de l’action politico-militaire engagée par l’armée. Il est inexact d’affirmer que le général Challe met la priorité sur la destruction de l’ALN. Son action est globale engagée par Salan et Massu, soutenue par Debré, Ely et Delouvrier, elle engerbe :

- l’action militaire par le cloisonnement des frontières, l’infiltration et l’intoxication de l’ennemi (bleuïte), les commandos de chasse, le plan Challe, les opérations des DATE-DATO en Tunisie et au Maroc, les opérations huma et arma, l’interception maritime des trafics d’armement ;

- l’action politique par l’unité d’action au niveau des grandes unités, et entre Challe et Delouvrier, les élections libres, le recrutement massif des FSNA, la formation politique des autodéfenses, l’autodéfense active des quartiers de pacification (plan Victor), la Fédération amicale des U.T. et des autodéfenses ;

- l’action sociale des SAS, des EMSI, des foyers féminins et sportifs, du mouvement de Solidarité féminine, de l’assistance médicale (AMG), la modernisation des 1 000 villages de Delouvrier, l’ordonnance de février 1959 sur la condition féminine ;

- l’action de formation : scolarisation portée à 80%, formation de la jeunesse (SFJA de Gribius et de Segonzac), promotion musulmane civile et militaire ;

- l’action judiciaire du plan Gerthoffer, de la Commission de sauvegarde du droit, et des CMI de Salan.

De Gaulle a-t-il composé avec le réel ? L’indépendance était certes inéluctable, mais on peut s’interroger sur la méthode, et sur les résultats : - les massacres de 1962 - une dictature militaire en Algérie – les révoltes internes des Français, renouvelées en 1968 – l’échec de la politique neutraliste de la France. La question mérite d’être discutée .

Maurice Faivre
le 23 octobre 2010

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(1) Erreurs et omissions relevées :
- silence du général de Gaulle sur Sétif en mai 1945 ;
- 12.000 morts le 20 août 1955, c’est le nombre des manifestants ;
- 100 morts le 17 octobre 1961 à Paris, moins de 30 selon J.-P. Brunet ;
- 30.000 et non 80.000 combattants de l’ALN extérieure en mars 1962 ;
- 1,5 million de soldats français, c’est l’effectif cumulé sur 7 ans ;
- la harka du bachaga Boualem compte 720 hommes et non 2 000 ;
- la personnalité de l’Algérie reconnue par Soustelle avant De Gaulle ;
- le plan de Constantine financièrement supportable selon l’IG René Mayer ;
- le plan Challe approuvé le 15 septembre par le Conseil de défense ;
- la formule "la valise ou le cercueil" attribuée à Ortiz ;
- l’interview de Massu à Kempski non citée ;
- Si Salah pas exécuté, mais tombé dans une embuscade ;
- ignorance de la manipulation de François Coulet en décembre 1960 ;
- sortie de l’OTAN non évoquée.

2) L’incohérence est évidente, elle se situe au niveau de l’action psychologique. Alors que le général Ely préconise une action psychologique gouvernementale antisubversive (directives de mai 1957 et février 1958), qui reçoit l’aval des gouvernements de la IVe République, le général de Gaulle poursuit une action contraire à celle de l’armée et dissout les 5ème Bureaux. Se croyant engagé dans une guerre coloniale du XIXe siècle, il n’exploite pas les fraternisations de mai 1958. Bien mieux, il persuade les opinions, algériennes et françaises, que tous les musulmans sont pro-FLN. C’est lui, et non le FLN, qui gagne la bataille des esprits.

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contrôles militaires à Alger contre l'Oas (source)

 

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25 août 2010

Ali Boumendjel

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Ali Boumendjel (1919-1957)

Malika RAHAL

En mars 1957, la presse annonce la mort d'un "petit avocat musulman" : "Qui a tué Maître Boumendjel" titre France-Observateur. On s'interroge sur un faux suicide. Mais que faisait donc ce "modéré" entre les mains des "paras". Pourquoi a-t-il été assassiné, comme le reconnaîtra le général Aussaresses dans ses mémoires en 2001.

L'homme était un militant de l'Union Démocratique du Manifeste Algérien (UDMA), l'organisation de Ferhat Abbas. Son parti, perçu comme modéré, bourgeois, francophone et intellectuel a été gommé de l'histoire officielle algérienne et largement ignoré par les historiographies française et algérienne. Au moment de son arrestation, Boumendjel faisait le lien entre la direction de l'UDMA et la direction algéroise du FLN. Il conjuguait alors, comme il l'avait toujours fait sans complexe, la culture française avec un nationalisme algérien, républicain et démocratique. Il y a plusieurs histoires dans cette histoire : une histoire française et une histoire algérienne, celle d'une affaire qui a secoué les intellectuels français, et l'histoire d'un héros et d'un martyr. L'une et l'autre éclairent d'une lumière nouvelle les récits existants.

Au mépris qu'Aussaresses exprime à l'encontre de cet intellectuel, aux abracadabrantes explications qu'il donne de son arrestation, il est nécessaire d'opposer un travail d'historien. À l'histoire officielle algérienne, qui tente d'intégrer Ali Boumendjel parmi ses martyrs en schématisant son parcours, il importe d'opposer la richesse d'une biographie familiale, la complexité d'un engagement politique nuancé et d'un idéal à la fois algérien et républicain, partagé par nombre de nationalistes d'alors, et susceptible de trouver aujourd'hui un écho de l'autre côté de la Méditerranée.

Malika Rahal
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- le livre de Malika Rahal sur Ali Boumendjel

- sur Études Coloniales

- Malika Rahal : notice biographique



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Malika Boumendjel, veuve de l'avocat Ali Boumendjel :

"Mon mari ne s'est pas suicidé, il a été torturé puis assassiné"

 

Le Monde, 2 mai 2001

JE NE CONNAIS PAS les circonstances exactes de la mort de mon mari. Je n'ai même pas eu le droit de voir son corps. Seuls, deux médecins de la famille l'ont aperçu, car ils avaient été appelés pour l'identifier à la morgue d'Alger. J'ai su par la suite que l'un d'eux avait dit à ma famille : "Ne la laissez pas voir le corps, elle ne s'en remettrait pas."

Ma vie de femme s'est arrêtée le 23 mars 1957. C'était un dimanche. Mon plus jeune frère est arrivé en criant : "Ali s'est suicidé !" Il tenait un journal à la main. Je me suis sentie comme anéantie et, en même temps, je n'arrivais pas à y croire. Quelques jours auparavant, on nous avait prétendu qu'Ali, arrêté par l'armée quarante-trois jours plus tôt, avait fait une tentative de suicide. Il avait prétendument essayé de se couper les veines avec ses lunettes. Plus tard, j'ai appris qu'il souffrait en réalité de multiples blessures au poignard faites au cours de ses interrogatoires. C'était l'une des méthodes favorites du sinistre lieutenant Charbonnier…

Ce dimanche 23 mars, je me suis précipitée à l'hôpital militaire Maillot, puis au tribunal militaire. J'ai expliqué mon histoire à un jeune du contingent. Il est allé s'informer auprès de ses chefs, et, quand il est revenu, il avait l'air troublé et a bredouillé : "Je ne peux rien vous dire, allez voir au commissariat central." C'est ce que j'ai fait. Là, le commissaire Pujol m'a reçue et il m'a dit tout de suite : "Vous ne le saviez pas ?" C'est comme cela que j'ai appris la mort d'Ali. J'ai eu l'impression de plonger dans des ténèbres absolues.

Je suis rentrée chez moi dans un état second.
Les militaires nous ont annoncé que les obsèques n'auraient lieu que le mercredi suivant, mais le corps ne m'a pas été rendu. Le jour de l'enterrement a été pire que tout. Je suis allée à la morgue. J'y ai aperçu Massu, en train de rendre les honneurs à un militaire tombé au combat. Pendant ce temps-là, on faisait passer en vitesse un cercueil plombé, celui de mon mari, qu'on a chargé à bord d'une fourgonnette, avant de prendre la direction du cimetière, sous escorte policière. Tout a été expédié en un quart d'heure. Ali a été enterré comme cela, sans cérémonie, sans rien. Il avait trente-huit ans.

Je me suis retrouvée seule avec mes quatre enfants âgés de sept ans à vingt mois : Nadir, Sami, Farid et la petite Dalila. J'ai appris peu à peu les activités politiques de mon mari. L'un de ses anciens camarades m'a appris qu'il avait été le conseiller politique d'Abane Ramdane l'"idéologue" de la "révolution algérienne". C'était un avocat engagé, un humaniste et un pacifiste. Bien avant l'insurrection, il était choqué par ce qui se passait en Algérie, en particulier dans les commissariats. La torture y était déjà largement pratiquée, et cela nous scandalisait. Au début, Ali ne souhaitait pas l'indépendance de l'Algérie. Il ne s'y est résolu qu'après avoir compris qu'il n'y avait pas d'autre alternative.

Il était très réservé et ne se décontractait qu'avec moi. On s'adorait. Il me disait : "Tu es un autre moi-même." On s'était connus à l'âge de quatorze ans et, des années après, nous avons fait ce qu'on appelle un vrai, un grand mariage d'amour. Toute cette année 1957 a été un cauchemar. En février, mon frère Dédé avait été arrêté, et on ne l'a jamais revu. Une "corvée de bois". Mon père a fait des recherches désespérées pour le retrouver. Un jour, il s'est rendu à la mairie avec toutes ses décorations d'ancien combattant de la guerre de 14-18, du Chemin des Dames, à Verdun, où il avait perdu ses deux bras. Eh bien, cet homme de soixante-quatorze ans s'est fait jeter par les parachutistes. Ils lui ont lancé ses décorations à la figure et l'ont mis dehors en l'insultant… En mai de cette année-là, il a été arrêté à son tour, et lui aussi a disparu au cours d'une "corvée de bois".

Ce que je souhaite aujourd'hui avec mes quatre enfants, c'est que la lumière   soit faite. Nous l'attendons depuis quarante-quatre ans. Nous avons repris espoir   l'année dernière, avec l'affaire Louisette Ighilahriz, mais le choc, ç'a été les aveux d'Aussaresses. Un peu plus tard, le 12 décembre, Libération a publié un papier désignant nommément Aussaresses comme l'assassin de mon mari et de Ben M'hidi.   Depuis, on n'a plus de doutes là-dessus, mais nous voulons que la vérité soit dite : Ali ne s'est pas suicidé. Il a été torturé puis assassiné. Surtout, qu'on ne nous parle plus de suicide, c'est primordial pour nous ! Nous ne disons pas cela dans un esprit de vengeance, nous estimons seulement avoir droit à la vérité. C'est indispensable pour l'Histoire encore plus que pour nous.

Propos recueillis
par Florence Beaugé

 

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