les harkis : histoire impossible ?
un ouvrage inégal sur l'histoire des harkis
général Maurice FAIVRE
Fatima Besnaci-Lancou, Benoit Falaise et Gilles Manceron (sous la direction de), Les harkis, histoire, mémoire et transmission , Éditions de l’Atelier (ex-Ouvrières), septembre 2010, 222 pages, 19,90 €.
Dix-sept auteurs ont participé à l’écriture de cet ouvrage collectif, qui est présenté par son préfacier comme un beau travail conjoint d’histoire et de mémoire. La Ligue des droits de l’homme et l’Institut national de recherche pédagogique se sont unis pour produire cet ouvrage qui prétend renouveler la connaissance d’un sujet qui, abordé dès 1989, s’est peu à peu enrichi au début du siècle.
D’emblée, il faut distinguer deux historiens qui n’appartiennent pas à la LDH et qui proposent des analyses objectives du problème. Mohamed Harbi replace l’histoire des harkis dans l’évolution d’une nation en formation ; l’attachement à la famille, au clan et à la religion précède en effet le sentiment national ; cette diversité de la société algérienne est ignorée par les ulemas qui ont imposé la doctrine antidémocratique d’une nation préexistant avant 1830 ; quant à certains chefs de l’ALN, ils ont porté atteinte à l’honneur des populations rurales, lesquelles se sont protégées en répondant aux campagnes de recrutement de l’armée française.
Fils de harki, Abderhaman Moumen expose de façon claire les massacres de 1962 et les lieux de mémoire qui commémorent le passage des harkis dans divers centres d’accueil ; ayant retrouvé le rapport Massenet qui proposait un rapatriement massif, son analyse de la notion d’abandon des harkis est argumentée ; elle appelle à de nouveaux développements fondés sur les archives disponibles du CICR, des Affaires algériennes (Comité et ministre), et sur le témoignage des assistantes sociales et monitrices de hameaux forestiers.
En revanche, deux auteurs font la démonstration de leur incompétence et (ou) de leur mauvaise foi. Il s’agit du Britannique Mac Master qui critique l’idéologie de deux officiers de supplétifs : l’ethnologue Jean Servier, qui aurait monté – et raté - l’opération Oiseau bleu, et dont les connaissances manquent de fondement scientifique (sic), et le colonel Montaner, fondateur de la Police auxiliaire de Paris, dont les méthodes autoritaires s’affranchissaient du respect de la loi. Jean-Paul Brunet et Rémy Valat ont montré le manque de méthode et de morale de ce sociologue.
«L’humaniste de la LDH» Manceron, critique lui aussi les illusions de Jean Servier, et énonce un certain nombre de contre-vérités qui font sourire les anciens harkis et leurs chefs. Méconnaissant les effectifs et les modalités du recrutement des supplétifs, il affirme que les plus nombreux n’ont servi que dans des emplois civils (maçons, jardiniers …etc).
Opposés à l’indépendance, soumis à la méfiance de leurs chefs, recrutés pour la gamelle, désarmés après chaque opération, ils ont rejoint les maquis en 1962 avec armes et bagages (sic). Dans un chapitre comparant les mémoires et l’histoire, il se livre à des attaques personnelles, inexactes et diffamatoires, contre le rédacteur de cette recension : inspirateur de la loi sur les aspects positifs de la colonisation, MF justifierait le recours à la torture, se livrerait à de violentes attaques contre l’islam dans des publications d’extrême-droite, et manquerait de rigueur scientifique.
Les chapitres consacrés à la transmission de l’histoire des harkis confirment que cette histoire est un sujet difficile, la colonisation étant un fait ambigu, les supplétifs sont pratiquement absents des manuels scolaires ; les enseignants ont peur d’être contestés et présentent les harkis comme des victimes de la colonisation, des anti-héros et des marginaux. Quant aux manuels algériens, ils évitent de parler de ces hommes affectés aux sales besognes et contradicteurs du mythe de la nation unanime.
Une bibliographie détaillée conclut cet ouvrage, dans laquelle ne figurent pas les ouvrages de Jean-Paul Brunet, les articles de l’anthropologue Khemisti Bouneb et les films d’Alain de Sédouy.
Maurice Faivre
le 26 octobre 2010