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études-coloniales
5 novembre 2011

Les disparus civils européens de la guerre d’Algérie

 9782916385563FS

 

 

Jean-Jacques Jordi, attaché à la réalité des faits

Maurice Faivre

Jean-Jacques Jordi,  Un silence d’État. Les disparus civils européens de la guerre d’Algérie, Soteca 2011, 200 pages, 25 €.

La reconnaissance des disparitions d’Européens lors de la guerre d’Algérie est restée en France un secret d’État pendant plus de 40 ans ; elle fait toujours l’objet d’un déni de la part des Algériens. Une première recherche scientifique a été engagée en 2004 par une équipe constituée par la Mission interministérielle aux rapatriés (MIR), en coopération avec le Haut Conseil des Rapatriés et la Direction des archives diplomatiques. Le rapport de cette équipe, en novembre 2006, concluait à la disparition d’environ 2000 Français d’Algérie dont 320 avant le cessez-le-feu (1). Mais ce total comprenait 535 personnes au sort incertain.

L’auteur est donc parti de ce résultat et a conduit une recherche approfondie dans des fonds d’archives, autres que diplomatiques, qui n’avaient pas été consultés : les Centres des archives nationales, contemporaines, militaires, d’outremer, de la Croix-Rouge, et surtout du Service central des Rapatriés.

La consultation de 12.000 dossiers lui a permis de réduire les cas incertains à 170, et de publier les listes - des présumés décédés (1.583 dont 145 Musulmans) - des cas incertains - des personnes dont le corps a été retrouvé (123). En outre 349  faux disparus sont  rentrés en France et 84 militaires ont été inscrits au mémorial du quai Branly. La répartition des disparus est précisée par année, mois de 1962 et par département : 40% ont eu lieu à Alger et 35% à Oran (679 Oranais du 26 juin au 10 juillet 1962).

0507052

Des charniers sont découverts près d’Alger,  et des lieux de détention connus ; des témoignages précis confirment la réalité des enlèvements de familles entières. Il apparaît enfin que 900 noms ont été gravés par erreur sur le mur des disparus édifié à Perpignan.

 

cofirmation de faits historiques seulement contestés

par les historiens manichéens

Ce travail considérable met en évidence et confirme des faits historiques qui sont contestés par des historiens inspirés par une vision manichéenne du bon et du mauvais combat. En voici quelques-uns :

- le terrorisme du FLN-ALN a été beaucoup plus meurtrier que celui de l’OAS ; dès 1955, il visait à l’extermination de tous les Français d’Algérie, préconisait la mutilation des corps et éliminait en masse les Français-Musulmans loyaux,

-  les disparitions forcées sont considérées par l’ONU comme des crimes contre l’humanité,

 or les auteurs d’enlèvement n’ont jamais été condamnés (cas de Attou à Oran),

- réagissant à la violence des nationalistes, les Français d’Algérie se sont repliés dans les villes, ont riposté aux attentats par des ratonnades et ont soutenu l’OAS ; le commandant Azzedine confirme que leur exode massif est la conséquence des enlèvements.

les accords d’Évian n’ont pas été respectés par le FLN, dont les dirigeants se déchirent pendant  tout l’été 1962, ce qui a facilité les exactions et les sévices,

- les directives de non-intervention militaire du Premier ministre confirment les décisions gaullistes au Comité des Affaires algériennes (20 décembre 1961, 27 février et 23 juin 1962) ; le général Katz prétend ne pas avoir de consignes, alors que les directives du général Fourquet (19 et 27 juin) sont très claires ; le 5 juillet à Oran, les interventions militaires ont été plus nombreuses qu’on le dit,

- la majorité des enlevés ont été torturés, et certains vidés de leurs sang (confirmation de Gregor Mathias).

 La recherche historique progresse ; il faut faire confiance aux historiens qui tels que Jordi, sont attachés à la réalité des faits.

Maurice Faivre
le 31 octobre 2011

1 - Les listes publiées par les Affaires étrangères de 2004 à 2007 indiquaient des données légèrement différentes.

Jean-Jacques-Jordi
Jean-Jacques Jordi


la face obscure des "héros de l'indépendance"

Arnaud FOLCH, Valeurs Actuelles

 

Dans son livre choc, “Un silence d’État” (Soteca-Belin), l’historien Jean-Jacques Jordi dévoile des centaines d’archives interdites d’accès. Cinquante ans après, celles-ci remettent en question la vision à sens unique propagée jusque-là sur la guerre d’Algérie.

C’est un historien réputé, plutôt classé à gauche, qui a eu la lourde tâche de “fouiller” les archives inédites de la guerre d’Al­gérie. Docteur en his­toire, enseignant, no­tamment à l’École des Hautes études en sciences sociales, auteur d’une dizaine d’ouvrages et de plusieurs documentaires télévisés consacrés à ce conflit (France 2, France 3, M6), Jean-Jacques Jordi, 56 ans, n’a rien d’un “extrémiste” – d’une cause ou d’une autre. «Mon travail est scientifique, dit-il. Je ne suis ni un juge qui décide “c’est juste ou injuste” ni un religieux qui décrète “c’est bon ou mauvais”.»

Raison pour laquelle Re­naud Bachy, président de la Mission in­terministérielle aux rapatriés, l’a ex­ceptionnellement autorisé il y a quatre ans, au nom du gouvernement, à plonger dans ces archives, normalement interdites d’accès pour une période allant de soixante à cent ans.
Centre historique des Archives nationales, Service historique de la Défense, Service central des rapatriés, Archives nationales d’outre-mer, Centre des archives contemporaines, Centre des archives diplomatiques, Comité international de la Croix-Rouge : en tout, ce sont près de 12 000 documents administratifs classés “très secret”, “secret” et “secret confidentiel” que Jean-Jacques Jordi a pu consulter et photographier.

 

disparus
"Européens" d'Algérie arrêtés par le FN en 1962 après mars et les Accords d'Évian

 

«Jamais, je n’aurais imaginé découvrir de tels faits»

Ras­sem­blés (pour partie) dans son livre, Un si­lence d’État, dont Va­leurs ac­tuelles pu­blie des ex­traits en ex­clusivité, le résultat de son en­quête et les documents qu’il porte au­jourd’hui à la connaissance du public sont absolument stupéfiants. Pourtant spécialiste de la question, lui-même le reconnaît : «Jamais, confie-t-il, je n’aurais imaginé découvrir de tels faits.» Depuis près de cinquante ans, l’histoire de la guerre d’Algérie s’écrit en noir et blanc : d’un côté, les “gentils” (le FLN et les partisans de l’indépendance), de l’autre, les “méchants” (les pieds-noirs et les défenseurs de l’Algérie française).

Les travaux de Jean-Jacques Jordi remettent totalement en question ce manichéisme mémoriel. Non pour ré­habiliter une violence par rapport à une autre, mais pour rétablir une vérité autrement plus complexe que celle propagée de­puis 1962. Jusque-là, la thèse officielle était que l’OAS, refusant les accords d’Évian, avait plongé l’Algérie dans la terreur, légitimant la riposte du FLN, rap­pelle l’auteur. Cela n’est qu’en partie vrai. D’abord parce que le terrorisme FLN a précédé celui de l’OAS, mais aussi parce qu’il a été beaucoup plus meurtrier. Ensuite, sous pré­texte de lutte anti-OAS, le FLN et l’ALN (Armée de libération nationale) se sont essentiellement livrés à des exactions dirigées non contre les activistes, mais de manière aveugle contre l’ensemble de la population – l’instauration de ce climat de terreur ayant pour but avoué de précipiter le départ des Français, y com­pris après le 19 mars (cessez-le-feu) et le 5 juillet (indépendance).»

Documents parfois terribles à l’appui, Jean-Jacques Jordi révèle une “autre” guerre d’Algérie, où les “héros de l’indépendance” – tout du moins une par­tie d’entre eux – livrent la face obscure de leurs méthodes : enlèvements, viols, tortures, actes de barbarie…
Jusqu’à ces «quarante Européens séquestrés» jus­qu’à ce que mort s’ensuive pour servir de «donneurs de sang» aux combattants FLN !

 

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Charnier de l'Haouch Adda (Maison Carrée)
le 22 mai 1962
Collection Photos Général Rolet

source

Ces faits, démontre l’ouvrage, étaient connus, et même soutenus, par les dirigeants algériens de l’époque. Aussi incroyable que cela puisse paraître, écrit-il, «il n’y eut aucune poursuite judiciaire de la part de la justice algérienne contre ceux qui s’étaient rendus coupables d’exactions ou de meurtres».

 

complicité française

Mais les archives secrètes  n’épargnent pas non plus les autorités françaises et le rôle des “barbouzes” envoyés sur place : oui, des Français ont torturé d’autres Français ; oui, des listes de militants supposés de l’OAS ont été transmises aux insurgés ; oui, des ordres ont été donnés afin de ne pas intervenir, con­damnant à mort des centaines d’hommes, de femmes et d’enfants… Au-delà de la passivité, une véritable complicité.

Comment qualifier autrement l’attitude – révélée par un rap­port – de ces gendarmes mobiles ren­dant à ses bourreaux FLN un ressortissant français «torturé à l’électricité et battu» qui était parvenu à s’enfuir et  à se réfugier dans leur cantonnement ?

«Que la raison d’État – des deux côtés de la Méditerranée – l’ait emporté sur quelques milliers de vie, cela n’est pas propre à la guerre d’Algérie, au moins faut-il le reconnaître», écrit Jean-Jacques Jordi. Pas plus que les événements ne le furent, la repentance ne peut pas, et ne doit pas, être à sens unique.

Cinquante ans après, le moment est sans doute venu pour l’Algérie, comme pour la France, de reconnaître ce que fut – aussi – ce conflit : le martyre des pieds-noirs et des harkis. Nicolas Sarkozy s’y était engagé en 2007 à Toulon lors de sa campagne électorale. Osera-t-il, à l’occasion des cérémonies du cinquantenaire, braver le “politiquement correct”, aujourd’hui clairement désavoué, et tenir sa promesse ?

Arnaud Folch
source

 

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Commentaires
Z
salut a toute l equipe,j aimerai savoir tout les noms des journaux qui apparessaient pendand toute la guerre d algerie ,notament dans le centre et le grand agerois.merci d avance et pour tout ce que vous faites.
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études-coloniales
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