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études-coloniales
2 avril 2012

critique du documentaire "La Déchirure", par Guy Pervillé

la-dechirure

 

"La Déchirure" :

erreurs de méthodes et graves oublis

Guy PERVILLÉ

 

Ma première impression sur le film de Gabriel Le Bomin, co-signé par Benjamin Stora, était favorable à cause de la relative nouveauté des images et de leur colorisation qui donnait une impression inhabituelle d'actualité, mais au cours de leur déroulement j'y ai trouvé des erreurs de méthode qui m'ont de plus en plus choqué.

Dans mon esprit, la comparaison s'est imposée avec le film d'Yves Courrière et Philippe Monnier, La guerre d'Algérie, daté de 1972, qui reste un modèle du genre, même si la publicité de ce nouveau film l'a présenté abusivement comme une nouveauté sans précédent. Et la comparaison a tourné très vite à l'avantage du plus ancien de ces deux films, car le plus récent a réussi a cumuler les défauts du premier avec d'autres beaucoup plus graves.

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En effet, j'ai retrouvé dans les deux films la même tendance à utiliser les images prises du côté algérien sans se soucier de leur date et de leur lieu réels de tournage, sous le mauvais prétexte qu'aucun film n'avait été tourné du côté FLN à l'intérieur de l'Algérie avant 1957.

Cela n'excuse pas le fait de nous présenter des images tournées en Tunisie en 1958 ou 1959 pour illustrer le FLN-ALN de 1955. S'il n'y avait pas encore de films pour nous les montrer, il y avait au moins des photographies authentiques. Mais le film de Gabriel Le Bomin m'a fait regretter celui d'Yves Courrière, qui au moins s'imposait de nous présenter tous les personnages importants à l'heure de leur apparition.

 

l'histoire intérieure du FLN ?

En effet, ce nouveau film nous permet de suivre à peu près les méandres de la politique française, mais il reste extrêmement flou sur l'histoire intérieure du FLN.

Il nous montre des images de personnages connus des spécialistes sans les nommer, et répare ou ne répare pas ces oublis plus ou moins tardivement. Sauf inattention de ma part, Ferhat Abbas est nommé, ainsi que Ben Bella, mais pas les autres chefs historiques du 1er novembre 1954, sauf Belkacem Krim au moment de la signature des accords d'Évian (alors qu'on le voit, comme je l'ai dit plus haut, passer en revue les troupes de l'ALN à l'extérieur en 1958 ou 1959, dans une scène faussement placée en 1955).

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Abane Ramdane

Rien sur Abane Ramdane, l'organisateur du Congrès de la Soummam en 1956, et rien sur le colonel Boumedienne (encore une fois, sauf erreur de ma part). Mais j'ai aussi entendu des phrases très approximatives, ou même carrément fausses : Jacques Soustelle qui serait de retour à Alger avant le 13 mai, le général Salan qui serait reparti à Madrid après l'échec du putsch, la fusillade du 26 mars 1962 rue d'Isly attribuée aux gendarmes et non aux tirailleurs.

 

trame historique discontinue

Mais le plus incroyable et inadmissible est le caractère discontinu de la trame des faits mentionnés. Il n'y a rien entre la semaine des barricades (fin janvier 1960) et les journées de décembre 1960, ce qui règle le problème du rapport entre l'affaire Si Salah et la rencontre de Melun en juin 1960...

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Si Salah

De même il n'y a rien entre le putsch des généraux (22-25 avril 1961) et le 17 octobre 1961 : pas de négociations entre le gouvernement français et la direction extérieure du FLN à Evian et Lugrin durant l'été, pas de rupture ni de recherche d'autres solutions éventuelles. Qu'une journaliste du Monde ne se soit même pas aperçue de ces énormes lacunes m'inquiète sur sa compétence en la matière...

En fin de compte, je trouve le film d'Yves Courrière incomparablement meilleur, sauf sur la journée du 5 juillet 1962 à Oran qu'il avait coupée parce que son scénario s'arrêtait le 1er juillet, tout en en récupérant des images pour les utiliser à d'autres dates antérieures.

À ce détail près, je dois conclure que le nouveau film est incomparablement moins bon que son prédécesseur. Et j'en conclus que son auteur est inconscient du fait que l'histoire n'est pas la même chose que la fiction, qu'elle doit donc répondre à des règles rigoureuses qui sont incompatibles avec la fameuse "liberté du romancier".

benjamin-stora2Benjamin Stora

Et c'est aussi pourquoi je suis très étonné de voir Benjamin Stora prêter l'autorité de son nom à une telle entreprise, au risque de compromettre sa réputation d'historien.

Qu'on ne s'y trompe pas : dans la quinzaine qui a précédé le cinquantième anniversaire du 19 mars 1962, j'ai eu l'occasion de lire de très nombreuses interviews dans lesquelles il a exposé son analyse sur le problème de la mémoire du conflit dans les deux pays, et je les ai approuvées, notamment quand il a pris position pour une opération "Vérité et réconciliation" inspirée de l'exemple sud-africain  au lieu de la revendication algérienne de repentance adressée à la France.

J'ai également apprécié sa participation au débat qui a suivi le film, et deux jours plus tard sur Arte sa participation très intéressante ainsi qu'émouvante au film Algérie notre histoire, de Jean-Michel Meurice, qui sortait des sentiers battus.

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Algérie, notre histoire

Mais je suis plus convaincu que jamais que les historiens doivent tracer une ligne rouge infranchissable entre ce qui est de l'histoire et ce qui n'en est pas, au lieu d'aider à faire disparaître cette différence capitale dans l'esprit du public. Même si le mal est déjà fait, et depuis longtemps, cela n'est pas une raison valable de renoncer à faire connaître la différence qui devrait séparer nettement l'histoire et les mémoires.

Guy Pervillé
professeur émérite à l'université de Toulouse Le Mirail

9782708406377FS

 

- texte définitif sur le site de Guy Pervillé

- voir "La Déchirure" : ce documentaire n'est pas un outil de référence, Daniel Lefeuvre

- voir la mise au point du général Maurice Faivre et les remarques de Michel Renard

 

- retour à l'accueil

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Commentaires
J
LE PROFESSEUR PERVILLE A RAISON Y COURRIERE AVAIT UTILISE DES SEQUENCES FILMEES LE 5 JUILLET ANTIDATEES ET MIXEES AVEC D AUTRES QUI N AVAIENT RIEN A VOIR AVEC LES 1 ERES<br /> <br /> CHERS AMIS REMARQUEZ QUE CE FILM DE MONTAGE D' ARCHIVES REALISE PAR<br /> <br /> YVES COURRIERE A ETE REMIS AUX ARCHIVES ALGERIENNES AVEC TOUTES LES ARCHIVES PHOTOS ET CINEMA QU ILS PEUVENT UTILISER COMME<br /> <br /> ILS VEULENT AVEC DES COMMENTAIRES APPROPRIES<br /> <br /> > > ADAPTES A LEUR CONCEPTION DE L HISTOIRE ! CE FILM N A PAS ETE A PRIORI<br /> <br /> RETOUCHES ; LES COMMENTAIRES DE COURRIERE LEURS AGREANT NOUS AVIONS SIMPLEMENT REMARQUE DEJA DANS" L AGONIE D ORAN" TOME 3<br /> <br /> RELATIVE AU 5 JUILLET 62 QUE VERS LA FIN EN 2 / 29 / 23 TIMER QUE PARLANT DE COMBATS ENTRE LA FORCE LOCALE ET L" OAS COURRIERE AVAIT<br /> <br /> UTILISE QUELQUES RARES IMAGES TOURNES AU DEBUT DES<br /> <br /> > > INCIDENTS D ORAN ( ARCHIVES PATHE ) ANTIDATEES DU 17 JUIN 62 RELATIVES<br /> <br /> AUX INTERVENTIONS DES ELEMENTS FLN EN TENUES MILITAIRES ET EN CIVILS QUI COMMENCENT LA CHASSE AUX EUROPEENS EN MIXANT AVEC DES<br /> <br /> IMAGES ANTERIEURES D" HOMMES PRIS SUR UNE TERRASSE<br /> <br /> > > EN CIVILS ET ARMES HABILLES CHAUDEMENT AVEC DES OMBRES PORTEES TRES LONGUES C A DIRE MATIN OU SOIR TARD ALORS QUE LES SEQUENCES DES FLN EN BAS LE 5 JUILLET SE PASSENT EN PLEIN MIDI SOLEIL ET OMBRES AU ZENIT DANS UNE CHALEUR ESTIVALE<br /> <br /> > > TOUT CELA FAISANT ACCROIRE QU IL S AGIT EN HAUT DE COMBATTANTS DE L OAS<br /> <br /> ET EN BAS D" ELEMENTS DE LA FORCE LOCALE NOUS AVIONS AVEC MME DE TERNANT INDIQUE CELA A Y COURRIERE QUI N 'JAMAIS REPONDU ET QUI AVAIT COMPLETEMENT OCCULTe DANS SON FILM LES MASSACRES DU 5 JUILLET A ORAN MAIS IL EST EST VRAI QU<br /> <br /> EN PRINCIPE LA GUERRE D ALGERIE ETAIT TERMINEE<br /> <br /> > > DE TOUTES MANIERES SE MEFIER DES ARCHIVES FRANCAISES LIVREES AUx ALGERIENS QUI VONT LES UTILISER A LEUR FINS ET A LEUR GUISE<br /> <br /> > > BIEN CORDIALEMENT / JEAN FRANCOIS PAYA<br /> <br /> > > POUR UN DEBAT HISTORIQUE SEREIN
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