Vérité sur le 5 Juillet 1962 à Oran
Jean-François PAYA
IL N'EST PAS JUSTE DE DIRE QUE "l'armée française, qui n'avait plus le droit d'intervenir", comme l'écrit le journaliste P. DAUM dans un article du Monde Diplomatique (janvier 2012) (1).
On trouve dans Les Archives de la Révolution Algérienne (2) copies d’une lettre du Groupe FLN (5 membres) de l’Exécutif Provisoire, adressée au GPRA en date du 27 juin 62. Ce groupe se plaint, entre autres, de ne pouvoir signer divers protocoles prévus avec les autorités françaises avant le 11 juillet, vu le manque de directives dudit GPRA, et notamment le protocole sur le maintien de l’ordre, laissant ainsi la «porte ouverte aux risques d’intervention de l’Armée française après le 2 juillet en cas de débordements».
Comme le général Katz le reconnaît dans son livre (3 ): le statut des forces armées françaises en Algérie qui découle de la déclaration de principe des Accords d’Evian (JO du 20 mars) reste imprécis et ambigu et ce au moins jusqu’à la remise des pouvoirs de l’Exécutif Provisoire à une Assemblée Nationale Algériennne élue (prévue dans le chapitre V des accords d’Evian) qui ne sera effective que le 27 septembre 62 par Abderrahman Fares en personne à la tribune de cette Assemblée à Alger (4).
Cet état de fait permet à Katz d’écrire avec raison dans sa note n°99 du 20 juin 62, adressée à ses chefs de corps, que les forces armées françaises «contribueront par leur présence à rétablir et développer la confiance entre les communautés et qu’elles seront en mesure d’intervenir pour porter secours en cas d’agression aux ressortissants se réclamant de la nationalité française» (5).
Inutile de dire que cette note restera lettre morte et qu’elle fut contredite par des ordres stricts de non-intervention la veille de l’indépendance. Il ressort clairement de tout cela que la France était en droit d’intervenir pour protéger ses ressortissants selon les accords signés et en l’absence d’un protocole additionnel plus restrictif (puisque non signé du fait du FLN) au moins jusqu’à la fin des pouvoirs de l’exécutif provisoire, comme les délégués FLN l’écrivaient eux-mêmes au GPRA (qui avait sûrement d’autres chats à fouetter, vu ses dissensions internes).
C’est donc bien la France en la personne du Général de Gaulle (6) qui, de façon unilatérale, n’a pas usé de ses prérogatives – abandonnant au massacre des citoyens français, européens et musulmans, et ce au moins juridiquement jusqu’au 27 septembre 62 où la clause de remise totale de souveraineté prévue par les accords d’Evian a été remplie avec retard du fait de la lutte pour le pouvoir qui sera encore sanglante (7).
À noter qu’on ne trouve pas trace d’un ordre écrit de non-intervention aux Archives (8(. Cependant, la mention de «rappel de consignation des troupes» figure dans certains JMO d’unités (journal de marche et d’opérations) consultés aux Archives, alors que des exactions sur des Français sont signalées (9). Comment comprendre que, pour les victimes françaises, l’Armée Française s’en soit tenue, sans plus approfondir, au chiffre du directeur FLN de l’hôpital d’Oran – 25 morts ! –, alors qu’au Consulat de France on déclarait 800 "disparus" dès les premiers jours (10) ? Aucune enquête sérieuse n’a été effectuée dans les quartiers musulmans où les gens enlevés avaient été amenés et il y eut une complicité évidente entre les autorités militaires françaises et algériennes pour étouffer l’affaire dans le désordre et le chaos provoqués par l’exode des Français d’Oranie (11).
La provocation du 5 juillet avait bien abouti : faire avancer vers le pouvoir l’Armée des frontières, sous prétexte de rétablir l’ordre, faire peur aux Français dans la ville la plus européenne d’Algérie, ce qui correspondait aux vues du clan arabisant d’Oujda conduit par Boumediene et Ben Bella qui faisaient d’une pierre deux coups avec leurs services spéciaux (12) – ils sont toujours au pouvoir en Algérie.
non assistance en personnes en danger
Les Forces françaises en présence à Oran, le 5 juillet 1962, passibles de non-assistance à personnes en danger
En fonction des Archives militaires et des destinataires des circulaires du Commandement du "Secteur Autonome d’Oran" nous pouvons donner la liste des unités et des effectifs – 18 000 hommes – présents à Oran ce jour-là (13).
En fait ce 5 juillet à Oran fut ponctuellement la journée la plus sanglante depuis le début de la guerre d’Algérie, mais elle a surtout le triste privilège d’être un cas unique dans l’histoire d’une armée présente sur le terrain à proximité de ses ressortissants civils désarmés et pacifiques les a laissés se faire massacrer par des éléments étrangers sans intervenir – sauf cas rares et isolés.
Si on doit reparler du 17 octobre 61 à Paris qui a eu lieu en pleine guerre d’Algérie alors que le FLN était encore "l’ennemi officiel", pourquoi ne le fait-on pas de cette journée occultée par l’historiographie gaullienne et FLN, qui a eu lieu après la fin supposée de toutes les hostilités et en voie d’effacement de notre histoire avec son millier de victimes identifiables et appelées hypocritement "disparus".
D’autre part cette journée fut un des actes fondateurs de l’État Algérien dans sa composante militaro-mafieuse manipulatoire et provocatrice dont les effets sont plus que jamais présents à ce jour.
Le communiqué de l’état-major général de l’ALN (14).
Ce communiqué de trois pages, diffusé aux cadres le matin du 5 Juillet, ne fait pas référence à cette journée comme historique. Il explique pourquoi le GPRA qui l’a dissous «a failli à sa mission en bafouant la légalité sur tous les plans ...» aprés une référence appuyée aux accords d’Evian ! Il cite la date du 1er Juillet «où le peuple s’est prononcé» comme historique, proclamant que le GPRA « est incapable de maintenir l’ordre», et il se propose de le faire en allant «protéger la minorité européenne» alors qu’on ne sait pas encore ce qui se passe à Oran !
Il faut préciser que, dépourvue de moyens logistiques de transports aprés réquisition de camions et de bus privés dans la zone Tlemcen-Ain-Témouchent, l’ALN des frontiéres arriva à Oran le dimanche 8 Juillet et rétablit effectivement l’ordre tout en prenant le pouvoir. Pour Alger ce fut une autre histoire elle n’y entra qu’en Septembre après des combats avec les willayas 3 et 4 au niveau d’Orléanville et une négociation (15).
Jean-François Paya
Ancien combattant d’Algérie classe /54
Notes
NB Toutes les notes sont de Jean-François Paya.
1 - Le Monde Diplomatique, janvier 2012. L'aarticle de Jean-François Paya, qui suit, intitulé «De Gaulle est bien responsable des massacres», est cité page 81, «pour en savoir plus», du N° 231, Avril 1999, de la revue L’Histoire – sans aucune contestation depuis lors.
2- Les Archives de la révolution algérienne, rassemblées et commentées par Mohamed Harbi, éd. Jeune Afrique, Paris 1981 - Page 340, document 64.
3 - Joseph Katz, L’Honneur d’un Général, Oran - 1962, éd. L’Harmattan, 1993.
4 En effet les Accords d’Evian n’ont jamais prévu la remise des pouvoirs au GPRA mais à une "Assemblée Nationale Algérienne" élue.
5 - Cette note fait référence à une "période de transition" après l’indépendance sous la direction de l’exécutif provisoire qui était une création juridique française.
6 - Cf Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, éd. Gallimard, coll. Quarto.
7 - La responsabilité juridique et morale du pouvoir français était donc bien engagée.
8 - Du moins aux archives "consultables" – pour les autres il faudra attendre 60 ans !
9 - Certains officiers dont le lieutenant Khellif affirment avoir dû émarger la veille de l’indépendance.
10 - Voir Le Vieux, la crise, le neuf, éd. Flammarion, de Jean-Pierre Chevènement, officier issu de l’ENA, chef de cabinet adjoint du Préfet chargé des liaisons militaires et à ce titre supervisant le colonel de la force locale attaché à Jean Herly, consul général de France à Oran (critiqué par Katz qui le trouvait trop curieux sur les "disparus").
11 - Au sujet des victimes, sans entrer dans le débat sur leur nombre évoqué dans la note précédente, il a été signalé 440 plaintes au consulat d’Oran, en sachant qu’une plainte pouvait recouvrer plusieures personnes d’une même famille et que de nombreux hommes isolés (leurs familles étant déjà parties) n’ont pas été signalés à Oran.
Signalons aussil le « Bulletin de renseignement » du 2è Bureau/1515 EM:2em B/ du 12/7/62 classé secret, signalant «l’enfouissement de cadavres F.S.E., victimes du "pogrom" du 5 juillet au bord du Petit lac à coup de bull-dozer» ; une reconnaissance par hélicoptere fut ordonnée et des photos prises dans la soirée du 7 Juillet, mais aucune enquête officielle ne fut déclenchée.
44 ans aprés les faits, on procède enfin à une recherche sur la base de documents, à mon avis, aléatoires. À ma connaissance, les documents originaux comme les registres de relevés de plaintes déposées au consulat n’ont pas eté communiqués (j’y etait passé personnellement déposer une plainte pour deux amis "diparus"). En sachant que certains historiens algériens que je salue reconnaissent au moins 2 charniers au "Petit lac" et au cimetière Tamazouet.
12 - Un montage médiatique fut organisé par les responsables FLN d’Oran à Pont-St-Albin le 10 juillet pour tout "mettre sur le dos d’un sanguinaire mais minable chef de bande M. Attou qui sévissait dans les quartiers Est depuis le 19 Mars (voir presse locale dont l’Écho d’Oran sous "influence depuis l’indépendance). Le pseudo commandant Bakhti (de son vrai nom Némiche) complice de Ben-Bella dans l’affaire de la poste d’Oran et qui lui était tout dévoué tirait les ficelles de cette affaire que personne ne crut à Oran même chez les Musulmans.
13 - Liste des unités présentes à Oran ou à proximité, le 5 juillet 1962
Secteur Oran Ville
3 Régiments d’Infanterie + 1 bataillon : 5è RI - 21è - 67è - 3/43è RI -
3 Régiments d’Infanterie de marine + 3 Bataillons : 8è RIMA - 22è - 66è -1/2è - 1/75è - RIMA - 1/2è RAMA
2 Régiments de Zouaves : 2è et 4è Zouaves
1 Régiment de Cuirassiers : 3è Cuir
3 Bataillons de Chasseurs Portés 10è - 29è - 30è BCP
2 Bataillons RA : 1/27è et 324è RA
2 Groupements GAAL : 452è et 457è
Enfin 23 escadrons de Gendarmerie Mobile
Il faut ajouter les éléments de l’Armée de l’Air basés à la Sénia et de la Marine à Mers-el-Kébir, Arzew et Tafaraoui (Aéro-Navale).
Soit une garnison totale de 18 000 hommes dont 12 000 sur le seul secteur d’Oran-Ville cantonnés sur plusieurs sites, casernes, lycées, collèges, stades, écoles imbriqués dans la ville à proximité immédiate des événements tragiques qui ont eu lieu.
14 - Note de rens 1266:B2:sec-conf /odj EMG ALN du 5 juillet 62.
15 - Cf le texte intégral dans le volume 3 de notre livre L’Agonie d’Oran, publié en 1999.
Personnellement j’adhére à la thése défendue aussi par certains historiens algériens selon laquelle de Gaulle avait choisi de favoriser l’accession au pouvoir du clan d’Oujda.
pour ne pas appliquer ses propres directives du 20 juin (defendre nos resssortissants )donc contact avec Elysee pas virtuel
il aut aussi admettre que Katz n"a pas ete desavoue
par ses supereurs militaires et meme recompense par une 4em etoile (general d Armee)
et fait grand officier de la legion d "honneur remise par De gaulle en personne
Comme je l"ait dit je reste persuade que si le FLN (fraction provocatrice) avait su que l armee FR pouvait intervenir
la provocation et le massacre n"auraient pas eu lieu et les incidents seraient restes mineurs
comme chaque fois qu il y eu intervention en depit des ordres (les FAF etaient encore craintes ),
Elements prouvant que Paris etait informe mais disparus des Archives !
Témoignage de monsieur Étienne ESTÈVE-CASTILLA Radio Telegrahiste PTT Oran (donnes dans le livre "Agonie d Oran"
Côté rue, d'une fenêtre de l'immeuble face à la station, un monsieur penché criait de lui jeter une corde pour venir vers moi car dans son immeuble on tuait à vue, femmes,
enfants, vieillards. C'était un massacre.
Dans le même temps en bas, dans la rue, je vis un vieillard qui revenait du marché avec son panier de provisions, tué sous mes yeux. Un jeune armé pris un vélomoteur
qui se trouvait là, le jeta sur le vieux monsieur qui tomba à terre et pointant son arme, le tua. Je ne trouvais pas de corde pour venir en aide au voisin.
J'appelais sur les ondes radio : Au secours en mer ! ici on massacre femmes, enfants et vieillards. La station de Gibraltar radio me répondit la première.
Elle me rappela un peu après et me dit que l'escadre anglaise, en alerte, appareillait pour porter secours.
Il était déjà 12 heures 45, le navire français Colomb-Béchar me contacta.
son Cdt se mit à ma disposition.
je lui dictais un message de secours immédiat adressé au Ministre des P.T.T et au Ministre de l'Intérieur à Paris. Le message reçu par le navire fut transmis au ministère
par la station de Marseille Radio.
Plus tard, ayant rejoint le Bureau Central Radio de Paris, j'ai pu voir la copie du message reçu par la "Gare Centrale Radio" à 13 h 05 et retransmis aux Ministères.
...
Le Quai d'Orsay avait averti les forces algériennes que devant la tournure que prenaient les événements, la France était obligée de déconsigner ses troupes et donnait
un certain délai pour évacuer et éviter l'affrontement.
Les assaillants se replièrent vers le quartier St Eugène, au sud de la ville, évitant les casernes où les troupes françaises étaient enfermées depuis le 1er juillet 1962.
-Document - Témoignage de ESTÈVE-CASTILLA Evènement du 5 juillet 1962
Témoignage de Monsieur Jean-Henri FOURCADE
La fille du concierge du Tribunal, musulmane qui séjournait chez des amis arabes dans leur quartier m'indiqua plus tard que des camions chargés d'européens arrivaient
le 5 juillet sur la place du quartier. Les malheureux étaient déchiquetés par la foule qui piétinait les lambeaux de chair.
Le beau-père et le beau-frère d'un cousin de mon épouse, Serge Ribaud qui étaient descendus en ville n'ont jamais reparu.
En 1985, alors que j'étais Président de la Cour de St Denis de la Réunion, un fonctionnaire me déclara un jour qu'il accomplissait son service militaire à Oran, et qu'après
les événements du 5 juillet, l'armée avait retiré de nombreux cadavres d'européens du Petit Lac, à la sortie d'Oran.
Pau, le 30 janvier 1999
Je précise que la présente déposition peut-être produite en justice et que je connais les peines prévues en cas de faux témoignage.
-Document -Témoignage Jean-Henry FOURCADE Juge Instruction à Oran
le colonel Pérolaz, Commandait la Légion de Gendarmerie d’Oran en juillet 1962.
Je me souviens très bien avoir reçu l’ordre du Colonel de ne pas intervenir pour porter secours aux Français poursuivis par les arabes du FLN. qui dévalaient sur la ville
européenne par centaines.
Par contre les personnes se présentant au portillon, la grande porte étant verrouillée, étaient accueillies et mises à l’abri.
Lorsque le calme fut revenu vers les 18h, elles furent transportées en véhicules jusqu'à leur domicile pour celles qui le désiraient.
j'étais sous les ordres du Colonel PEROLAZ, j'ai été un témoin oculaire avec le dit Colonel, ainsi que de nombreux autres officiers et sous-officiers qui assistaient
impuissants derrière les fenêtres lors des évènements du 5 juillet 1962 particulièrement ceux du Square Garbé où était situé le bâtiment de la Gendarmerie.
Le palais de justice se trouvait juste en face dans une petite rue à gauche par rapport à la Gendarmerie.
Je confirme l’exactitude du témoignage de Monsieur le Juge d’Instruction Jean-Henri FOURCADE.
Je déclare être prêt à témoigner devant la Justice Nationale ou Internationale sur de nombreux autres crimes commis par le FLN dans les circonscriptions où j'étais en
poste depuis le début des évènements jusqu’au jour de mon rapatriement fin Août 1962.
Je précise connaître les peines prévues en cas de faux témoignages mais que mon intention n’a d’autre but que de servir la Justice, la VRAIE.(Gendarme )