Quelques réflexions sur le terme : extrême-droite, par Jean Monneret
"l'extrême-droite" vue pr l'extrême gauche : un peu n'importe quoi...
Quelques réflexions sur le terme :
extrême-droite
par Jean Monneret
Un terme ou une expression peuvent être utilisés dans leur sens usuel, consacré par une longue histoire et répertorié dans les dictionnaires. Ils peuvent aussi être utilisés de façon artificieuse, fourbe, spécieuse. On est alors en face d’une opération de désinformation. Dans ce cas, un mot ou une expression d’apparence claire cachent, en fait, une réalité floue, obscure, équivoque. Ainsi en va-t-il du terme extrême-droite.
C’est sans doute une des expressions les plus usitées dans la vie politique française. Très péjorative, elle désigne des gens déplorables, indignes de toute considération morale. Ils sont ce qu’il y a de pire dans l’univers politico-médiatique : des êtres dangereux, immoraux, infréquentables. Ils sont les parias de la République, qui s’affirme démocratique, sans pouvoir se passer de boucs-émissaires.
L’utilisation de ce terme agit comme un répulsif. Gare au politicien, à l’écrivain ou au journaliste qui en est affublé. Il sera stigmatisé. Comme les lépreux du Moyen-Age, il devra éviter les contacts. Il n’est pas accidentel que M. Macron ait, un jour, dénoncé la lèpre du populisme (synonyme pour lui d’extrême-droite). Autre métaphore à succès l’extrême-droite est «nauséabonde». Elle tient d’ailleurs des propos conformes. Bref, elle est à fuir. On parlera même de dresser, contre elle, un cordon sanitaire.
Mais une question se pose d’emblée : qu’est-ce au juste que l’extrême-droite ? Là, que de complications ! Questionnez votre entourage. Pas une définition ne correspondra à une autre. Comme disent les Anglais : sous chaque bonnet une opinion différente.
Faut-il s’en étonner ? Non, car, ce que l’on désigne par extrême-droite est une nébuleuse : elle peut désigner des nazillons, des monarchistes, des cathos tradis, des conservateurs, des patriotes, des anti-immigrationnistes, des nostalgiques du gaullisme, des laïques anti-islamistes, des écolos attachés au terroir. La liste n’est pas exhaustive.
Essayons d’y voir clair. Jadis, droite et gauche correspondaient à une position dans l’hémicycle parlementaire. Ultérieurement, l’habitude s’est enracinée de considérer la gauche comme plus soucieuse de justice sociale et la droite comme plus portée au conservatisme. Avec, bien entendu, tout ce que ce clivage a d’irréel et de trompeur. Ajoutons qu’au fil du temps, sont apparues des gauches et des droites.
Or, s’il est admis que la gauche française est ramifiée et scindée en factions ; elle se félicite de sa diversité. Un Jospin a ainsi pu se dire «fier» d’avoir des communistes dans son gouvernement.
Plaignons ce malheureux !
En revanche, la droite officielle dite classique, républicaine ou modérée se veut ramassée et homogène. Elle a très peur d’être contaminée par «l’extrême-droite» Elle s’en méfie, s’en tient éloignée et, pour tout dire, ne recule devant aucune mesure prophylactique pour éviter la contagion.
La droite s’impose de n’être que légèrement teintée de conservatisme. Elle se doit d’être, ô oxymore, «fermement centriste» ou «modérée». Trop de traditionalisme ou de fierté patriotique sont mal vus de cette droite-là, car ils mènent à l’étiquette infâmante : «extrême-droite».
La droite officielle n’est ferme que sur un point : elle est attachée aux valeurs républicaines. Qu’est-ce au juste ? N’essayez pas de savoir : là encore, sous chaque bonnet un avis divergent. Néanmoins, il y a une grande césure : les valeurs républicaines, c’est le Bien emblématique, l’extrême-droite, c’est le mal absolu, l’antithèse même de ce qui est respectable. Cette considération, un peu floue, n’empêcha pas M. Gaudin de Marseille d’appeler à voter, localement, pour un communiste contre un « extrême-droite ».
Plaignons aussi ce malheureux.
Longtemps, le critère de l’appartenance à «l’extrême-droite» fut l’antisémitisme. Celui-ci a bien reculé en France, depuis la seconde guerre mondiale, jusqu’à une époque très récente où il a resurgi, porté cette fois par le djihadisme. Alors, patatras ! Il a fallu redistribuer les cartes, car, lier antisémitisme et djihadisme risquait de stigmatiser la communauté musulmane. Donc, l’on s’est contenté de lier antisémitisme et antisionisme. Le président de la République l’a fait officiellement.
L’extrême-droite a été, de ce fait, rejetée dans les phobies : homophobie, islamophobie, xénophobie, europhobie[1]. En somme, toujours le vocabulaire médical. Mais le racisme est difficile à définir. Certains le distinguent mal de la simple fierté nationale, et tendent à le dénoncer dans toute manifestation d’opposition à la politique (certains diront la non-politique) d’accueil des immigrés légaux ou illégaux. Bref, le critère permettant d’identifier cette déplorable extrême-droite est très flou.
Toutefois, l’accusation de racisme n’est pas toujours brandie à tout va. Souvent, les media dominants qui sont, certes, massivement favorables à l’immigration, se contentent d’euphémismes ou d’allusions. Vous êtes opposé à l’accueil des étrangers, alors vous n’êtes pas «ouvert à l’autre». Vous êtes pour le rétablissement des frontières, alors vous êtes pour une France «frileuse». Attention aux rhumes ! Courez à votre actifed !
Mais l’accusation de relever de l’extrême-droite est bien plus infâmante que ces petites accusations euphémiques pourraient le laisser croire. Quelles que soient vos convictions réelles, seriez-vous un simple écolo, un simple laïque, un simple disciple de De Gaulle, un brave français de base râleur ou une victime d’agression n’ayant jamais fait de mal à personne, vous serez immédiatement assimilé à ce que le sigle extrême-droite couvre de plus ignominieux : le nazisme. Vous serez vu, au moins par ceux qui brandissent le sigle à tout va, comme un national-socialiste. Et alors, ceci marchera, le réflexe pavlovien de méfiance s’installera, car, en France, cette manipulation fonctionne.
Quelques déclarations absurdes, intempestives, de quelques nazillons eux-mêmes manipulés, ou de quelques personnages égarés ou ineptes, parachèveront la manœuvre. Pour reprendre une expression amusante : vous serez «adolphisé».
Dans les milieux de gauche dits «progressistes», le réflexe pavlovien est bien en place. L’extrême-droite a beau être une nébuleuse touffue, trouble, le terme a beau être fumeux, filandreux, vaseux à souhait, ou précisément à cause de cela, il fonctionne. L’expression désigne un empilement de gens n’ayant rien en commun, chacun, justement, croit savoir de quoi l’on parle. On amalgame sans état d’âme. Cette désinformation est loin d’être inefficace. Portée par les media conformistes dominants, elle influence bien des milieux et bien au-delà de la gauche[2]. Surtout en période électorale, ça marche et ça fait marcher. Suivez mon regard.
En résumé, si vous n’êtes ni communiste, ni socialiste, ni républicain modéré, ni conservateur centriste patenté, prenez garde : vous risquez la flétrissure. Vous vous retrouverez lépreux, contagieux, nauséabond et de plus moralement indigne. Car, la morale, il faut s’en persuader est à gauche, et un tout petit peu au centre sans plus. Le reste appartient aux démons.
La désinformation est là. A qui profite-t-elle ?
Jean Monneret
[1] Attention ! L’Europhobie ne désigne pas l’aversion, teintée de racisme de certains envers les gens d’origine européenne. Elle désigne l’hostilité à la construction européenne concoctée par les Delors, Moscovici, Barnier et autres eurocrates.
[2] Voici une anecdote que tous devraient connaître. Avant la 2e Guerre mondiale, aux États-Unis, les cigarettiers désiraient stimuler leurs ventes. Ils se mirent en tête de faire fumer les femmes, lesquelles en ce temps-là, s’en abstenaient massivement. Publicitaires et désinformateurs organisèrent à New York une marche pour l’émancipation féminine. Les manifestantes furent invitées à fumer pour exprimer leur posture de femmes libérées. Ce soir-là, les cigarettes devinrent «les torches de la liberté».
Les newyorkaises marchèrent, les cigarettiers encaissèrent. Beaucoup de femmes ensuite se mirent à fumer. Présenter une dépendance comme une libération, c’est un tour de force. Gare aux manipulateurs !
Discours sur le colonialisme (Aimé Césaire, 1955)
Discours sur le colonialisme
Aimé CÉSAIRE (1950) - extraits
Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente.
Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte.
Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde.
Le fait est que la civilisation dite «européenne», la civilisation «occidentale», telle que l’ont façonnée deux siècles de régime bourgeois, est incapable de résoudre les deux problèmes majeurs auxquels son existence a donné naissance : le problème du prolétariat et le problème colonial ; que, déférée à la barre de la «raison», comme à la barre de la «conscience», cette Europe-là est impuissante à se justifier ; et que, de plus en plus, elle se réfugie dans une hypocrisie d’autant plus odieuse qu’elle a de moins en moins chance de tromper.
L’Europe est indéfendable.
Il paraît que c’est la constatation que se confient tout bas les stratèges américains.
En soi cela n’est pas grave.
Le grave est que «l’Europe» est moralement, spirituellement indéfendable.
Et aujourd’hui il se trouve que ce ne sont pas seulement les masses européennes qui incriminent, mais que l’acte d’accusation est proféré sur le plan mondial par des dizaines et des dizaines de millions d’hommes qui, du fond de l’esclavage, s’érigent en juges.
On peut tuer en Indochine, torturer à Madagascar, emprisonner en Afrique, sévir aux Antilles. Les colonisés savent désormais qu’ils ont sur les colonialistes un avantage. Ils savent que leurs «maîtres» provisoires mentent.
Donc que leurs maîtres sont faibles.
Et puisque aujourd’hui il m’est demandé de parler de la colonisation et de la civilisation, allons droit au mensonge principal à partir duquel prolifèrent tous les autres.
Colonisation et civilisation ?
La malédiction la plus commune en cette matière est d’être la dupe de bonne foi d’une hypocrisie collective, habile à mal poser les problèmes pour mieux légitimer les odieuses solutions qu’on leur apporte.
Cela revient à dire que l’essentiel est ici de voir clair, de penser clair, entendre dangereusement, de répondre clair à l’innocente question initiale : qu’est-ce en son principe que la colonisation ? De convenir de ce qu’elle n’est point ; ni évangélisation, ni entreprise philanthropique, ni volonté de reculer les frontières de l’ignorance, de la maladie, de la tyrannie, ni élargissement de Dieu, ni extension du Droit ; d’admettre une fois pour toutes, sans volonté de broncher aux conséquences, que le geste décisif est ici de l’aventurier et du pirate, de l’épicier en grand et de l’armateur, du chercheur d’or et du marchand, de l’appétit et de la force, avec, derrière, l’ombre portée, maléfique, d’une forme de civilisation qui, à un moment de son histoire, se constate obligée, de façon interne, d’étendre à l’échelle mondiale la concurrence de ses économies antagonistes.
Poursuivant mon analyse, je trouve que l’hypocrisie est de date récente ; que ni Cortez découvrant Mexico du haut du grand téocalli, ni Pizarre devant Cuzco (encore moins Marco Polo devant Cambaluc), ne protestent d’être les fourriers d’un ordre supérieur ; qu’ils tuent ; qu’ils pillent ; qu’ils ont des casques, des lances, des cupidités ; que les baveurs sont venus plus tard ; que le grand responsable dans ce domaine est le pédantisme chrétien, pour avoir posé les équations malhonnêtes : christianisme = civilisation ; paganisme = sauvagerie, d’où ne pouvaient que s’ensuivre d’abominables conséquences colonialistes et racistes, dont les victimes devaient être les Indiens, les Jaunes, les Nègres.
Cela réglé, j’admets que mettre les civilisations différentes en contact les unes avec les autres est bien ; que marier des mondes différents est excellent ; qu’une civilisation, quel que soit son génie intime, à se replier sur elle-même, s’étiole ; que l’échange est ici l’oxygène, et que la grande chance de l’Europe est d’avoir été un carrefour, et que, d’avoir été le lieu géométrique de toutes les idées, le réceptacle de toutes les philosophies, le lieu d’accueil de tous les sentiments en a fait le meilleur redistributeur d’énergie.
Mais alors je pose la question suivante : la colonisation a-t-elle vraiment mis en contact ? Ou, si l’on préfère, de toutes les manières d’établir contact, était-elle la meilleure ?
Je réponds non.
Et je dis que de la colonisation à la civilisation, la distance est infinie ; que, de toutes les expéditions coloniales accumulées, de tous les statuts coloniaux élaborés, de toutes les circulaires ministérielles expédiées, on ne saurait réussir une seule valeur humaine.
Il faudrait d’abord étudier comment la colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à l’abrutir au sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral, et montrer que, chaque fois qu’il y a au Viêt-nam une tête coupée et un œil crevé et qu’en France on accepte, une fillette violée et qu’en France on accepte, un Malgache supplicié et qu’en France on accepte, il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids mort, une régression universelle qui s’opère, une gangrène qui s’installe, un foyer d’infection qui s’étend et qu’au bout de tous ces traités violés, de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées, de tous ces prisonniers ficelés et «interrogés», de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée, il y a le poison instillé dans les veines de l’Europe, et le progrès lent, mais sûr, de l’ensauvagement du continent.
Et alors, un beau jour, la bourgeoisie est réveillée par un formidable choc en retour : les gestapos s’affairent, les prisons s’emplissent, les tortionnaires inventent, raffinent, discutent autour des chevalets.
On s’étonne, on s’indigne. On dit : «Comme c’est curieux ! Mais, bah ! C’est le nazisme, ça passera !» Et on attend, et on espère ; et on se tait à soi-même la vérité, que c’est une barbarie, mais la barbarie suprême, celle qui couronne, celle qui résume la quotidienneté des barbaries ; que c’est du nazisme, oui, mais qu’avant d’en être la victime, on en a été le complice ; que ce nazisme-là, on l’a supporté avant de le subir, on l’a absous, on a fermé l’œil là-dessus, on l’a légitimé, parce que, jusque-là, il ne s’était appliqué qu’à des peuples non européens ; que ce nazisme-là, on l’a cultivé, on en est responsable, et qu’il sourd, qu’il perce, qu’il goutte, avant de l’engloutir dans ses eaux rougies de toutes les fissures de la civilisation occidentale et chrétienne.
Oui, il vaudrait la peine d’étudier, cliniquement, dans le détail, les démarches d’Hitler et de l’hitlérisme et de révéler au très distingué, très humaniste, très chrétien bourgeois du XXe siècle qu’il porte en lui un Hitler qui s’ignore, qu’un Hitler l’habite, qu’Hitler est son démon, que s’il le vitupère c’est par manque de logique, et qu’au fond, ce qu’il ne pardonne pas à Hitler, ce n’est pas le crime en soi, le crime contre l’homme, ce n’est pas l’humiliation de l’homme en soi, c’est le crime contre l’homme blanc, c’est l’humiliation de l’homme blanc, et d’avoir appliqué à l’Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu’ici que les Arabes d’Algérie, les coolies de l’Inde et les nègres d’Afrique.
J’ai beaucoup parlé d’Hitler. C’est qu’il le mérite : il permet de voir gros et de saisir que la société capitaliste, à son stade actuel, est incapable de fonder un droit des gens, comme elle s’avère impuissante à fonder une morale individuelle. Qu’on le veuille ou non : au bout du cul-de-sac Europe, je veux dire l’Europe d’Adenauer, de Schuman, Bidault et quelques autres, il y a Hitler. Au bout du capitalisme, désireux de se survivre, il y a Hitler. Au bout de l’humanisme formel et du renoncement philosophique, il y a Hitler.
Et, dès lors, une de ses phrases s’impose à moi :
«Nous aspirons, non pas à l’égalité, mais à la domination. Le pays de race étrangère devra redevenir un pays de serfs, de journaliers agricoles ou de travailleurs industriels. Il ne s’agit pas de supprimer les inégalités parmi les hommes, mais de les amplifier et d’en faire une loi.»
Cela sonne net, hautain, brutal, et nous installe en pleine sauvagerie hurlante. Mais descendons d’un degré.
Qui parle ? J’ai honte à le dire : c’est l’humaniste occidental, le philosophe «idéaliste». Qu’il s’appelle Renan, c’est un hasard. Que ce soit tiré d’un livre intitulé : La Réforme intellectuelle et morale, qu’il ait été écrit en France, au lendemain d’une guerre que la France avait voulue du droit contre la force, cela en dit long sur les mœurs bourgeoises.
«La régénération des races inférieures ou abâtardies par les races supérieures est dans l’ordre providentiel de l’humanité. L’homme du peuple est presque toujours, chez nous, un noble déclassé, sa lourde main est bien mieux faite pour manier l’épée que l’outil servile. Plutôt que de travailler, il choisit de se battre, c’est-à-dire qu’il revient à son premier état. Regere imperio populos, voilà notre vocation. Versez cette dévorante activité sur des pays qui, comme la Chine, appellent la conquête étrangère. Des aventuriers qui troublent la société européenne, faites un ver sacrum, un essaim comme ceux des Francs, des Lombards, des Normands, chacun sera dans son rôle. La nature a fait une race d’ouvriers, c’est la race chinoise, d’une dextérité de main merveilleuse sans presque aucun sentiment d’honneur ; gouvernez-la avec justice, en prélevant d’elle, pour le bienfait d’un tel gouvernement, un ample douaire au profit de la race conquérante, elle sera satisfaite ; une race de travailleurs de la terre, c’est le nègre ; soyez bon pour lui et humain, et tout sera dans l’ordre ; une race de maîtres et de soldats, c’est la race européenne. Réduisez cette noble race à travailler dans l’ergastule comme des nègres et des Chinois, elle se révolte. Tout révolté est, chez nous, plus ou moins, un soldat qui a manqué sa vocation, un être fait pour la vie héroïque, et que vous appliquez à une besogne contraire à sa race, mauvais ouvrier, trop bon soldat. Or, la vie qui révolte nos travailleurs rendrait heureux un Chinois, un fellah, êtres qui ne sont nullement militaires. Que chacun fasse ce pour quoi il est fait, et tout ira bien.»
Hitler ? Rosenberg ? Non, Renan.
Mais descendons encore d’un degré. Et c’est le politicien verbeux. Qui proteste ? Personne, que je sache, lorsque M. Albert Sarraut, tenant discours aux élèves de l’École coloniale, leur enseigne qu’il serait puéril d’opposer aux entreprises européennes de colonisation «un prétendu droit d’occupation et je ne sais quel autre droit de farouche isolement qui pérenniserait en des mains incapables la vaine possession de richesses sans emploi.»
Et qui s’indigne d’entendre un certain R.P. Barde assurer que les biens de ce monde, «s’ils restaient indéfiniment répartis, comme ils le seraient sans la colonisation, ne répondraient ni aux desseins de Dieu, ni aux justes exigences de la collectivité humaine» ?
Attendu, comme l’affirme son confrère en christianisme, le R. P. Muller : «… que l’humanité ne doit pas, ne peut pas souffrir que l’incapacité, l’incurie, la paresse des peuples sauvages laissent indéfiniment sans emploi les richesses que Dieu leur a confiées avec mission de les faire servir au bien de tous».
Personne.
Je veux dire : pas un écrivain patenté, pas un académicien, pas un prédicateur, pas un politicien, pas un croisé du droit et de la religion, pas un «défenseur de la personne humaine».
Et pourtant, par la bouche des Sarraut et des Barde, des Muller et des Renan, par la bouche de tous ceux qui jugeaient et jugent licite d’appliquer aux peuples extra-européens, et au bénéfice de nations plus fortes et mieux équipées, «une sorte d’expropriation pour cause d’utilité publique», c’était déjà Hitler qui parlait.
Où veux-je en venir ? À cette idée : que nul ne colonise innocemment, que nul non plus ne colonise impunément ; qu’une nation qui colonise, qu’une civilisation qui justifie la colonisation — donc la force — est déjà une civilisation malade, une civilisation moralement atteinte, qui, irrésistiblement, de conséquence en conséquence, de reniement en reniement, appelle son Hitler, je veux dire son châtiment.
Colonisation : tête de pont dans une civilisation de la barbarie d’où, à n’importe quel moment, peut déboucher la négation pure et simple de la civilisation.
J’ai relevé dans l’histoire des expéditions coloniales quelques traits que j’ai cités ailleurs tout à loisir.
Cela n’a pas eu l’heur de plaire à tout le monde. Il paraît que c’est tirer de vieux squelettes du placard. Voire !
Était-il inutile de citer le colonel de Montagnac, un des conquérants de l’Algérie : «Pour chasser les idées qui m’assiègent quelquefois, je fais couper des têtes, non pas des têtes d’artichauts, mais bien des têtes d’hommes.»
Convenait-il de refuser la parole au comte d’Herisson : «Il est vrai que nous rapportons un plein baril d’oreilles récoltées, paire à paire, sur les prisonniers, amis ou ennemis.»
Fallait-il refuser à Saint-Arnaud le droit de faire sa profession de foi barbare : «On ravage, on brûle, on pille, on détruit les maisons et les arbres.»
Fallait-il empêcher le maréchal Bugeaud de systématiser tout cela dans une théorie audacieuse et de se revendiquer des grands ancêtres : «Il faut une grande invasion en Afrique qui ressemble à ce que faisaient les Francs, à ce que faisaient les Goths.»
Fallait-il rejeter dans les ténèbres de l’oubli le fait d’armes mémorable du commandant Gérard et se taire sur la prise d’Ambike, une ville qui, à vrai dire, n’avait jamais songé à se défendre : «Les tirailleurs n’avaient ordre de tuer que les hommes, mais on ne les retint pas ; enivrés de l’odeur du sang, ils n’épargnèrent pas une femme, pas un enfant… À la fin de l’après-midi, sous l’action de la chaleur, un petit brouillard s’éleva : c’était le sang des cinq mille victimes, l’ombre de la ville, qui s’évaporait au soleil couchant.»
Oui ou non, ces faits sont-ils vrais ? Et les voluptés sadiques, les innombrables jouissances qui vous frisselisent la carcasse de Loti quand il tient au bout de sa lorgnette d’officier un bon massacre d’Annamites ? Vrai ou pas vrai (1) ? Et si ces faits sont vrais, comme il n’est au pouvoir de personne de le nier, dira-t-on, pour les minimiser, que ces cadavres ne prouvent rien ?
Pour ma part, si j’ai rappelé quelques détails de ces hideuses boucheries, ce n’est point par délectation morose, c’est parce que je pense que ces têtes d’hommes, ces récoltes d’oreilles, ces maisons brûlées, ces invasions gothiques, ce sang qui fume, ces villes qui s’évaporent au tranchant du glaive, on ne s’en débarrassera pas à si bon compte. Ils prouvent que la colonisation, je le répète, déshumanise l’homme même le plus civilisé ; que l’action coloniale, l’entreprise coloniale, la conquête coloniale, fondée sur le mépris de l’homme indigène et justifiée par ce mépris, tend inévitablement à modifier celui qui l’entreprend ; que le colonisateur, qui, pour se donner bonne conscience, s’habitue à voir dans l’autre la bête, s’entraîne à le traiter en bête, tend objectivement à se transformer lui-même en bête. C’est cette action, ce choc en retour de la colonisation qu’il importait de signaler.
Partialité ? Non. Il fut un temps où de ces mêmes faits on tirait vanité, et où, sûr du lendemain, on ne mâchait pas ses mots. Une dernière citation ; je l’emprunte à un certain Carl Sieger, auteur d’un Essai sur la Colonisation (2) :
«Les pays neufs sont un vaste champ ouvert aux activités individuelles, violentes, qui, dans les métropoles, se heurteraient à certains préjugés, à une conception sage et réglée de la vie, et qui, aux colonies, peuvent se développer plus librement et mieux affirmer, par suite, leur valeur. Ainsi, les colonies peuvent, à un certain point, servir de soupape de sûreté à la société moderne. Cette utilité serait-elle la seule, elle est immense.»
En vérité, il est des tares qu’il n’est au pouvoir de personne de réparer et que l’on n’a jamais fini d’expier.
Mais parlons des colonisés.
Je vois bien ce que la colonisation a détruit : les admirables civilisations indiennes et que ni Deterding, ni Royal Dutch, ni Standard Oil ne me consoleront jamais des Aztèques et des Incas.
Je vois bien celles — condamnées à terme — dans lesquelles elle a introduit un principe de ruine : Océanie, Nigéria, Nyassaland. Je vois moins bien ce qu’elle a apporté.
Sécurité ? Culture ? Juridisme ? En attendant, je regarde et je vois, partout où il y a, face à face, colonisateurs et colonisés, la force, la brutalité, la cruauté, le sadisme, le heurt et, en parodie de la formation culturelle, la fabrication hâtive de quelques milliers de fonctionnaires subalternes, de boys, d’artisans, d’employés de commerce et d’interprètes nécessaires à la bonne marche des affaires.
J’ai parlé de contact.
Entre colonisateur et colonisé, il n’y a de place que pour la corvée, l’intimidation, la pression, la police, l’impôt, le vol, le viol, les cultures obligatoires, le mépris, la méfiance, la morgue, la suffisance, la muflerie, des élites décérébrées, des masses avilies.
Aucun contact humain, mais des rapports de domination et de soumission qui transforment l’homme colonisateur en pion, en adjudant, en garde-chiourme, en chicote et l’homme indigène en instrument de production.
À mon tour de poser une équation : colonisation = chosification.
J’entends la tempête. On me parle de progrès, de «réalisations», de maladies guéries, de niveaux de vie élevés au-dessus d’eux-mêmes.
Moi, je parle de sociétés vidées d’elles-mêmes, des cultures piétinées, d’institutions minées, de terres confisquées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties, d’extraordinaires possibilités supprimées.
On me lance à la tête des faits, des statistiques, des kilométrages de routes, de canaux, de chemins de fer.
Moi, je parle de milliers d’hommes sacrifiés au Congo-Océan. Je parle de ceux qui, à l’heure où j’écris, sont en train de creuser à la main le port d’Abidjan. Je parle de millions d’hommes arrachés à leurs dieux, à leur terre, à leurs habitudes, à leur vie, à la vie, à la danse, à la sagesse.
Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme.
On m’en donne plein la vue de tonnage de coton ou de cacao exporté, d’hectares d’oliviers ou de vignes plantés.
Moi, je parle d’économies naturelles, d’économies harmonieuses et viables, d’économies à la mesure de l’homme indigène désorganisées, de cultures vivrières détruites, de sous-alimentation installée, de développement agricole orienté selon le seul bénéfice des métropoles, de rafles de produits, de rafles de matières premières.
On se targue d’abus supprimés.
Moi aussi, je parle d’abus, mais pour dire qu’aux anciens — très réels — on en a superposé d’autres — très détestables. On me parle de tyrans locaux mis à la raison ; mais je constate qu’en général ils font très bon ménage avec les nouveaux et que, de ceux-ci aux anciens et vice-versa, il s’est établi, au détriment des peuples, un circuit de bons services et de complicité.
On me parle de civilisation, je parle de prolétarisation et de mystification.
Pour ma part, je fais l’apologie systématique des civilisations para-européennes.
Chaque jour qui passe, chaque déni de justice, chaque matraquage policier, chaque réclamation ouvrière noyée dans le sang, chaque scandale étouffé, chaque expédition punitive, chaque car de C.R.S., chaque policier et chaque milicien nous fait sentir le prix de nos vieilles sociétés.
C’étaient des sociétés communautaires, jamais de tous pour quelques-uns.
C’étaient des sociétés pas seulement anté-capitalistes, comme on l’a dit, mais aussi anti-capitalistes.
C’étaient des sociétés démocratiques, toujours.
C’étaient des sociétés coopératives, des sociétés fraternelles.
Je fais l’apologie systématique des sociétés détruites par l’impérialisme.
Elles étaient le fait, elles n’avaient aucune prétention à être l’idée, elles n’étaient, malgré leurs défauts, ni haïssables, ni condamnables. Elles se contentaient d’être. Devant elles n’avaient de sens, ni le mot échec, ni le mot avatar. Elles réservaient, intact, l’espoir.
Au lieu que ce soient les seuls mots que l’on puisse, en toute honnêteté, appliquer aux entreprises européennes hors d’Europe. Ma seule consolation est que les colonisations passent, que les nations ne sommeillent qu’un temps et que les peuples demeurent.
Cela dit, il paraît que, dans certains milieux, l’on a feint de découvrir en moi un «ennemi de l’Europe» et un prophète du retour au passé anté-européen.
Pour ma part, je cherche vainement où j’ai pu tenir de pareils discours ; où l’on m’a vu sous-estimer l’importance de l’Europe dans l’histoire de la pensée humaine ; où l’on m’a entendu prêcher un quelconque retour ; où l’on m’a vu prétendre qu’il pouvait y avoir retour.
La vérité est que j’ai dit tout autre chose : savoir que le grand drame historique de l’Afrique a moins été sa mise en contact trop tardive avec le reste du monde, que la manière dont ce contact a été opéré ; que c’est au moment où l’Europe est tombée entre les mains des financiers et des capitaines d’industrie les plus dénués de scrupules que l’Europe s’est «propagée» ; que notre malchance a voulu que ce soit cette Europe-là que nous ayons rencontré sur notre route et que l’Europe est comptable devant la communauté humaine du plus haut tas de cadavres de l’histoire.
Par ailleurs, jugeant l’action colonisatrice, j’ai ajouté que l’Europe a fait fort bon ménage avec tous les féodaux indigènes qui acceptaient de servir ; ourdi avec eux une vicieuse complicité ; rendu leur tyrannie plus effective et plus efficace, et que son action n’a tendu a rien de moins qu’à artificiellement prolonger la survie des passés locaux dans ce qu’ils avaient de plus pernicieux.
J’ai dit — et c’est très différent — que l’Europe colonisatrice a enté l’abus moderne sur l’antique injustice ; l’odieux racisme sur la vieille inégalité.
Que si c’est un procès d’intention que l’on me fait, je maintiens que l’Europe colonisatrice est déloyale à légitimer a posteriori l’action colonisatrice par les évidents progrès matériels réalisés dans certains domaines sous le régime colonial, attendu que la mutation brusque est chose toujours possible, en histoire comme ailleurs ; que nul ne sait à quel stade de développement matériel eussent été ces mêmes pays sans l’intervention européenne ; que l’équipement technique, la réorganisation administrative, «l’européanisation», en un mot, de l’Afrique ou de l’Asie n’étaient — comme le prouve l’exemple japonais — aucunement liés à l’occupation européenne ; que l’européanisation des continents non européens pouvait se faire autrement que sous la botte de l’Europe ; que ce mouvement d’européanisation était en train ; qu’il a même été ralenti ; qu’en tout cas il a été faussé par la mainmise de l’Europe.
À preuve qu’à l’heure actuelle, ce sont les indigènes d’Afrique ou d’Asie qui réclament des écoles et que c’est l’Europe colonisatrice qui en refuse ; que c’est l’homme africain qui demande des ports et des routes, que c’est l’Europe colonisatrice qui, à ce sujet, lésine ; que c’est le colonisé qui veut aller de l’avant, que c’est le colonisateur qui retient en arrière.
Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme,
éd. 1955, Présence Africaine, p. 7-23
Notes
(1) Il s’agit du récit de la prise de Thouan-An paru dans Le Figaro en septembre 1883 et cité dans le livre de N. Serban : Loti, sa vie, son œuvre. «Alors la grande tuerie avait commencé. On avait fait des feux de salve-deux ! et c’était plaisir de voir ces gerbes de balles, si facilement dirigeables, s’abattre sur eux deux fois par minute, au commandement d’une manière méthodique et sûre… On en voyait d’absolument fous, qui se relevaient pris d’un vertige de courir… Ils faisaient en zigzag et tout de travers cette course de la mort, se retroussant jusqu’aux reins d’une manière comique… et puis on s’amusait à compter les morts…» etc.
(2) Carl Sieger : Essai sur la Colonisation, Paris, 1907.
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Aimé Césaire, né le 25 juin 1913 à Basse-Pointe (Martinique), est décédé le jeudi 17 avril 2008 au CHU de Fort-de-France où il était hospitalisé depuis le 9 avril. Co-auteur avec Léopold Sédar Senghor de la "négritude", il est l'une des grandes voix du XXe siècle à revendiquer la dignité de l'homme en combattant le racisme et le colonialisme et en attachant sa pensée et sa poésie à l'horizon de l'universalisme. Son texte, Discours sur le colonialisme (1950), véhicule, cependant, une pensée de l'hypostase. Rabattre la colonisation sur la décivilisation n'est pas soutenable. Dominé par la véhémence d'une hostilité principielle, Césaire absolutise le colonialisme et pousse jusqu'à l'outrance. Ainsi écrire : "Au bout du cul-de-sac Europe, je veux dire l'Europe d'Adenauer, de Schuman, Bidault et quelques autres, il y a Hitler (...) Au bout de l'humanisme formel et du renoncement philosophique, il y a Hitler" (p. 13), fut non seulement une erreur de prospective historique mais aussi un abus d'idéologie anticoloniale.
Michel Renard
Études Coloniales
Sauver la SFHOM (Marc Michel, Daniel Lefeuvre)
Sauver
la Société française d'histoire
d'outre-mer (SFHOM)
Marc MICHEL et Daniel LEFEUVRE
Cher(e)s Collègues,
La SFHOM (Société française d'histoire d'outre-mer) vit une crise qui met son existence en péril.
Loin de se résumer à une querelle de personnes, ses origines tiennent d'abord à la difficulté de faire vivre, aujourd'hui, une revue "papier" qui n'est pas adossée à un grand éditeur, avec toutes les conséquences qu'on imagine en matière de budget et de diffusion.
La crise tient aussi, à la nécessité qui s'impose de repenser le projet éditorial de la revue. Seule revue française généraliste en matière d'histoire coloniale, Outre-Mers n'a, nous semble-t-il, de sens que si elle devient le pôle d'une réflexion croisée sur la colonisation, en jetant les passerelles entre les différentes aires, les différents temps et les différentes dimensions de cette histoire, ce qu'elle fait de manière, encore très insuffisante.
En particulier, son ouverture internationale devrait être considérablement élargie.
La crise tient encore, à un insuffisant renouvellement des problématiques et donc, aussi, des générations au sein de l'équipe d'animation de la revue.
Toutes ces pistes, et d'autres encore, devraient faire l'objet d'une réflexion collective que la prochaine assemblée générale du 26 mars ne permettra pas de mener, compte tenu de ses conditions d'organisation, de calendrier et d'horaire.
C'est pourquoi nous demandons avec insistance qu'une assemblée générale extraordinaire soit convoquée au mois de juin, en fin de semaine et à une heure permettant la plus large participation.
Pour l'avenir de la Revue auquel nous sommes tous attachés, nous espérons que notre appel sera entendu.
Marc Michel, ancien président de la SFHOM
Daniel Lefeuvre, ancien secrétaire général de la SFHOM
- réactions à ce texte (9 et 14 avril 2008)
les aventuriers modernes de Zoé
Questions sur le naufrage «colonial» des aventuriers
modernes de Zoé, ou
la bonne conscience des 4x4
Jean-Pierre Renaud
Observons tout d’abord que le choix du nom d’Arche de Zoé était emblématique puisque cette association plaçait son aventure, au choix, sous le signe d’une martyre ou sous celui d’une impératrice byzantine corrompue.
Ce naufrage soulève plusieurs questions que nous allons examiner :
La première est celle du manque de culture générale africaine de ces aventuriers modernes de l’humanitaire et de leur absence complète de morale du respect des mœurs, des coutumes, et des traditions des civilisations africaines. Mépris et ignorance qu’ont renvoyés, en des termes inacceptables, et en miroir grossissant, déformant, caricatural, la plupart des avocats en défense de ces aventuriers modernes. Avocats rémunérés par qui ? Je vous le demande.
Deuxième question : quel a été le rôle de l’État au niveau de ses représentants au Tchad et au niveau gouvernemental ? Il est tout à fait surprenant que l’action de cette ONG ait pu se déployer au Tchad sans que les représentants de l’État dans ce pays, civils et militaires, n’aient pas tout fait pour stopper leur action. Le même type de question est à poser aux autorités centrales qui ont donné ou se sont abstenues de donner des instructions d’interdiction d’accorder toute aide à l’ONG en question. Comment imaginer que dans le contexte de crise que connaît cette région, avec les initiatives qu’a prises le gouvernement pour contribuer à son dénouement, il n’ait pas été exactement informé du déroulement de cette grosse opération ?
Troisième question, peut être incidente de la deuxième, s’agit-il toujours, dans le cas d’espèce, du «pré carré» de la Françafrique ? Est-ce que dans cette affaire stupide, l’État n’a pas été conduit à agir, comme il l’a fait trop souvent depuis l’indépendance des colonies, comme si rien n’avait changé ? À N’Djamena, la plupart des avocats de la défense ont illustré cette étrange conception du droit international, arrogante et insolente, comme si notre droit national opulent, peut être trop, était un modèle de vertu dans l’application de la justice et de la lutte contre la corruption politique.
Quatrième question, celle de la liberté d’action dont jouissent à l’étranger, les ONG, sous le statut de la loi d’association 1901. On sait qu’en France, cette loi, véritable «mobilier» de la République, autorise presque n’importe quoi, à partir du moment où les associations ne mettent pas en cause l’ordre public ou n’obtiennent pas le concours de fonds publics. Les initiés savent que les contrôles sont faibles, sinon inexistants.
Éric Breteau, président de l'association l'Arche de Zoé
À l’étranger, cette liberté soulève un problème national, à partir du moment où n’importe quelle ONG, de statut associatif, peut, comme sur le territoire national, prendre n’importe quelle initiative, même si elle met en cause la politique étrangère de la France et son image. Et l’affaire de l’arche de Zoé a parfaitement illustré l’absence complète de règles du jeu de ces associations à l’étranger. Il n’y a pas si longtemps on a vu une petite ONG du Jura mener une bonne action en Afghanistan et obliger l’État à tout faire pour libérer des otages inconscients, pour ne pas dire innocents.
Il appartient donc au Parlement de se saisir de ce dossier et de fixer le cadre juridique de l’action des ONG à l’étranger : déclaration ou agrément, droit d’opposition aux initiatives avec, en cas d’infraction, l’abandon des intervenants en cause à leurs éventuelles infortunes. Car, il est tout à fait anormal qu’une association envoie ses ressortissants à l’étranger dans n’importe quelles conditions de sécurité, quitte, après, et en cas de problème, à se retourner contre l’État pour un sauve qui peut aux frais du contribuable.
Alors que beaucoup d’ONG françaises mènent des actions utiles à l’étranger, sans donner dans le tout 4X4, il serait dommage que ce genre d’affaire compromette le service humanitaire. Il est donc nécessaire que l’État réagisse.
Peut-être le nom du Noé, salvateur, aurait-il évité le naufrage !
Jean-Pierre Renaud
(1er janvier 2008)
La France doit exiger des excuses de l'Italie (Jacques Marseille)
La France doit exiger des
excuses de l'Italie
Jacques MARSEILLE
À l'heure où le gouvernement algérien exige des «excuses» de la France pour les crimes imputés à la colonisation, il est temps que la France se libère enfin du poids qui l'étouffe depuis plus de deux mille ans... et exige à son tour de l'Italie des excuses pour les crimes perpétrés par César et ses légions contre nos ancêtres les Gaulois.
En effet, si la conquête romaine, comme la conquête française de l'Algérie, a fait bénéficier notre pays de certains bienfaits, elle l'a fait au prix de massacres et d'asservissements dont il n'est pas illégitime de rappeler les manifestations les plus cruelles.
Il faut tout d'abord souligner que la Gaule était au moment de l'agression italienne un pays de cocagne. Loin d'être un ensemble de villages repliés sur eux-mêmes - contrairement à ce que veut montrer Astérix -, les campagnes de la Gaule étaient densément peuplées. Loin d'être de féroces éleveurs de troupeaux habitant dans de misérables huttes au milieu des forêts, nos ancêtres étaient les acteurs éclairés d'une économie en plein développement qui a permis une expansion démographique sans précédent.
Histoire de France, pour les cours élémentaires, 1969
À la veille de sa conquête par les colonisateurs italiens, la Gaule comptait sans doute 8 millions d'habitants. Techniciens habiles et artisans réputés, les Gaulois produisaient en série le verre plat utilisé pour les fenêtres, les vases à boire, les bouteilles trapues, les gobelets, les vases à parfum, les gallicæ (grosses galoches à semelles épaisses) et les chariots qui s'exportaient dans l'ensemble du monde méditerranéen. Exploité activement dans le Limousin, l'or excitait l'imagination et la convoitise des étrangers. Dans les villes qui se multipliaient, les techniques ne différaient pas de celles utilisées dans ce qu'on appelait alors le monde «civilisé».
C'est ce pays prospère à la culture originale que va conquérir le colonisateur italien (c'est-à-dire romain) au prix de méthodes qui sont autant de violations des droits de l'homme. Pour s'emparer de sa proie, au mépris des conventions internationales, Jules César multiplie des campagnes terroristes qui en font, plus que Napoléon ou le père Bugeaud, celui dont Hitler a certainement dû s'inspirer. Outre les 600 000 ou 700 000 tués-soit le dixième de la population que comptait alors la Gaule indépendante ! -, César s'est livré à de véritables opérations d'extermination, comme celles dont furent victimes, en 53 avant J.-C., les Eburons. Ces «ancêtres» des Belges s'étant révoltés, César voulut, écrit-il lui-même, «anéantir leur race et leur nom même», une définition avouée de ce qu'on nomme aujourd'hui un génocide.
En -52, excédé par la résistance des habitants d'Avaricum (Bourges), il se livre à un carnage qui témoigne d'une véritable folie meurtrière. Seuls 800 habitants sur 40 000 en réchappèrent. En -46, lorsqu'il fait étrangler Vercingétorix à Rome, il bafoue sans vergogne la future convention de Genève de 1929 sur le traitement des prisonniers de guerre. Enfin, en imposant à la Gaule leur langue, leur religion et leur culture, les Italiens se livrent à un véritable génocide culturel. Imaginons ce que serait aujourd'hui une France celtisée où la langue anglaise et le tempérament irlandais s'allieraient pour faire de notre pays un des champions de la mondialisation. C'est tout ce potentiel de croissance que les Romains ont brisé et dont les Italiens devraient s'excuser lors de la prochaine visite officielle de leur président du Conseil en France.
Ridicule et grotesque, pensez-vous ? Evidemment ! Comme l'est l'exigence du gouvernement algérien. Comme le grand historien Marc Bloch le rappelait, la compréhension du présent repose sur la connaissance du passé et non pas sur son instrumentalisation. Comprendre le passé, c'est se demander pourquoi, de Victor Hugo à Zola et de Jaurès à Maupassant, personne ou presque n'a remis en question les principes de la colonisation française. Qui condamnerait Jaurès [portrait ci-dessous] d'avoir osé proclamer en 1903 à la Chambre des députés : «[...] la France a d'autant le droit de prolonger au Maroc son action économique et morale qu'en dehors de toute entreprise, de toute violence militaire, la civilisation qu'elle représente en Afrique auprès des indigènes est certainement supérieure à l'état présent du régime marocain » ?
On le voit, Nicolas Sarkozy a fait beaucoup et peut-être trop pour «excuser» les méfaits du système colonial français en Algérie. En fait, si les Algériens voulaient trouver des réponses à leur mal-développement, ils devraient surtout exiger des excuses de ceux qui les gouvernent depuis l'indépendance. Si l'Algérie est aujourd'hui un pays riche peuplé par des pauvres, elle le doit surtout aux gaspillages, aux erreurs de gestion et à la corruption qui gangrènent sa classe politique. En 1962, le PIB par habitant était en Algérie de 1 433 dollars (de 1990). En Tunisie, autre pays soumis au système colonial français, il s'élevait à 1 379 dollars. Quarante ans plus tard, il est de 2 813 dollars en Algérie et de 4 710 dollars en Tunisie, qui ne possède pourtant ni gaz ni pétrole. Est-ce la colonisation qui est responsable d'un tel décalage ?
13/12/2007 - Jacques Marseille
© Le Point - N°1839
l'Algérie augmente son Pib/hab de 95 % en 40 ans alors que la Tunisie,
avec moins d'atouts, gagne 241%... Comment incriminer la colonisation pour
rendre compte d'une telle différence alors que les deux États sont indépendants ?
réalisation Études Coloniales
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liens
- cf. Pourquoi les Vietnamiens n'ont-ils pas revendiqué des excuses ?
- cf. Les points aveugles d'une certaine rhétorique algérienne "anticoloniale"
France-Algérie : dépasser le contentieux historique (pétition)
France-Algérie
dépasser le contentieux historique
texte de pétition
Le passé colonial ne cesse de resurgir, faisant obstacle à des relations apaisées entre la France et les pays qu’elle a autrefois colonisés. Dans ce passé, l’Algérie a une place particulière, en raison des drames qui s’y sont déroulés. Aujourd’hui encore, trop souvent, l’évocation de la guerre d’indépendance algérienne (1954-1962) est soumise à la concurrence des victimes, avec leurs souffrances et leurs mémoires, alors que l’ensemble des citoyennes et citoyens des deux rives de la Méditerranée aspirent à passer à autre chose. Mais pour construire un avenir de partage, il faut, au présent, voir en face le passé.
L’histoire apprend, au premier chef, que le système colonial, en contradiction avec les principes affichés par la République française, a entraîné des massacres de centaines de milliers d’Algériens ; et qu’il les a dépossédés, «clochardisés» – pour reprendre le terme de Germaine Tillion – à une grande échelle, exclus de la citoyenneté, soumis au Code de l’indigénat, et sous-éduqués, au déni des lois en vigueur. Mais, aussi, qu’il y eut de multiples souffrances de Français, parfois déportés en Algérie pour raisons politiques, ou embrigadés dans les guerres coloniales, ou encore pris dans un système dont ils sont devenus, à son effondrement, les victimes expiatoires – comme l’ont été les harkis, enrôlés dans un guêpier qu’ils ne maîtrisaient pas –, sans compter ceux qui ont soutenu l’indépendance algérienne et qui en ont payé le prix.
Quelles qu’aient été les responsabilités de la société, c’est bien la puissance publique française qui, de la Restauration en 1830 à la Ve République en 1962, a conduit les politiques coloniales à l’origine de ces drames. Sans omettre la complexité des phénomènes historiques considérés, c’est bien la France qui a envahi l’Algérie en 1830, puis l’a occupée et dominée, et non l’inverse : c’est bien le principe des conquêtes et des dominations coloniales qui est en cause.
En même temps, nous sommes attentifs aux pièges des nationalismes et autres communautarismes qui instrumentalisent ce passé. Ainsi qu’aux pièges d’une histoire officielle qui utilise les mémoires meurtries à des fins de pouvoir, figeant pour l’éternité la France en puissance coloniale et l’Algérie en pays colonisé. Et c’est précisément pour les déjouer – comme pour déjouer les multiples formes de retour du refoulé – que nous voulons que la souffrance de toutes les victimes soit reconnue, et qu’on se tourne enfin vers l’avenir. Cela ne peut être accompli par des entreprises mémorielles unilatérales privilégiant une catégorie de victimes, mais par un travail historique rigoureux, conçu notamment en partenariat franco-algérien.
Plus fondamentalement, dépasser le contentieux franco-algérien implique une décision politique, qui ne peut relever du terme religieux de «repentance». Et des «excuses officielles» seraient dérisoires. Nous demandons donc aux plus hautes autorités de la République française de reconnaître publiquement l’implication première et essentielle de la France dans les traumatismes engendrés par la colonisation en Algérie. Une reconnaissance nécessaire pour faire advenir une ère d’échanges et de dialogue entre les deux rives, et, au-delà, entre la France et les nations indépendantes issues de son ancien empire colonial.
Paris-Alger, le 28 novembre 2007
Pour celles et ceux qui souhaiteraient se joindre à cet appel :
- allez sur le site de la Ligue des Droits de l’Homme de Toulon (procédure de signature électronique) en indiquant vos nom et qualités.
- ou envoyez un mail à France.algerie@mailfr.com
présentation
Cette pétition résulte d'une initiative de jeunes historien(ne)s français(e)s (comme Eric Savarèse, Sylvie Thénault et Raphaëlle Branche), de Pierre Sorlin, Omar Carlier, François Gèze, Gilles Manceron, Tewfik et Brigitte Allal et moi-même. Elle a reçu notamment l’accord de Hocine Aït Ahmed, de Abdelhamid Mehri, de Mohammed Harbi et de Benjamin Stora (ci-dessous la liste du noyau des premiers signataires), etc.
Au-delà de la critique des politiques mémorielles et des histoire officielles, ce texte est une adresse politique aux plus hautes autorités de la République française aux fins de “reconnaissance de l'implication première et essentielle des traumatismes engendrés par la colonisation en Algérie” – une adresse faite en commun par des Français et des Algériens, mais aussi par quelques autres ( Tunisiens...) qui estiment que le devenir de relations apaisées entre les deux pays est important.
Des personnalités politiques algériennes et françaises ont été pressenties pour signer cette pétition. Elle a été publiée le 1er décembre 2007 par les journaux suivants : Al Khabar (en arabe), El Watan, Le Quotidien d'Oran, L'Humanité et Le Monde.
Gilbert Meynier
parmi les premiers signataires
Hocine Aït Ahmed, Zineb Ali-Benali (professeur de lettres, université de Paris 8), Tewfik Allal (typographe, syndicaliste), Henri Alleg, Brigitte Bardet-Allal, professeur de lettres), Fethi Benslama (psychanalyste), Fatima Besnaci-Lancou (éditrice), Sophie Bessis (historienne), Simone de Bollardière, Mourad Bourboune (écrivain), Raphaëlle Branche (historienne, MC à la Sorbonne-Paris-I), Rony Brauman (médecin), Pierre Brocheux (historien, professeur, université Paris 7), Omar Carlier (historien, professeur université Paris 7), Alice Cherki (psychanalyste, Paris), Catherine Coquery-Vidrovitch (historienne, professeur émérite à l'université de Paris VII), Jocelyne Dakhlia (historienne, EHESS), Nicole Dreyfus (avocate), Driss El Yazami (journaliste, secrétaire général FIDH), Nabile Farès (psyvhanalyste, écrivain), Jacques Frémeaux (historien, Professeur à la Sorbonne-Paris IV), Jean-François Gavoury (président association des victimes de l'OAS), François Gèze (directeur des éditions La Découverte), Sadek Hadjeres (responsable politique), Mohammed Harbi (historien, professeur émérite à l'université de Paris 8), Ghazi Hidouci (économiste, ancien ministre), Badié Hima (philosophe), Jean-Charles Jauffret (historien, Professeur à l'IEP d'Aix en Provence), Feriel Lalami (politologue), Alban Liechti (association cause anticoloniale), Gilles Manceron (historien, Ligue des Droits de l'Homme), Abdelhamid Mehri (ex-secrétaire général du FLN), Arezki Metref (écrivain, journaliste), Gilbert Meynier (historien, professeur émérite à l'université de Nancy 2), Nadir Moknèche (cinéaste), Me Jean-Philippe Ould-Aouadia (président de l'association Marchand, Feraoun et leurs compagnons), Hassan Remaoun (historien, université d'Oran), Noureddine Saadi (juriste, écrivain), Eric Savarèse (MC de Sciences politiques, université de Perpignan Via Domitia), Ouanassa Siari-Tengour (historienne, université Mentouri, Constantine), Charles Silvestre (journaliste, L'Humanité, iniateur de l'Appel des douze), Pierre Sorlin (historien, professeur émérite à l'université de Paris III-Sorbonne nouvelle), Benjamin Stora (historien, professeur à l'INALCO), Wassyla Tamzali (écrivain), Sylvie Thénault (historienne, chargée de recherche, CNRS)
Lettre ouverte à Monsieur Bouteflika (André Savelli)
Lettre ouverte à Monsieur Bouteflika
Président de la République algérienne
une libre opinion d'André Savelli, professeur agrégé au Val de Grâce
Monsieur le Président,
En brandissant l’injure du génocide de l’identité algérienne par la France, vous saviez bien que cette identité n’a jamais existé avant 1830. Ferrat Abbas et les premiers nationalistes avouaient l’avoir cherchée en vain. Vous demandez maintenant repentance pour barbarie : vous inversez les rôles !
C’était le Maghreb ou l’Ifriqiya, de la Libye au Maroc. Les populations, d’origine phénicienne (punique), berbère (numide) et romaine, étaient, avant le VIIIe siècle, en grande partie chrétiennes (500 évêchés dont celui d’Hippone / Annaba, avec Saint Augustin). Ces régions agricoles étaient prospères.
Faut-il oublier que les Arabes, nomades venant du Moyen Orient, récemment islamisés, ont envahi le Maghreb et converti de force, «béçif» (par l’épée), toutes ces populations.
«Combattez vos ennemis dans la guerre entreprise pour la religion… Tuez vos ennemis partout où vous les trouverez» (Coran, sourate II, 186-7). Ce motif religieux était élargi par celui de faire du butin, argent, pierreries, trésor, bétail, et aussi bétail humain, ramenant par troupeaux des centaines de milliers d’esclaves berbères ; ceci légitimé par le Coran comme récompense aux combattants de la guerre sainte (XLVIII, 19, 20). Et après quelques siècles de domination arabe islamique, il ne restait plus rien de l’ère punico romano berbère si riche, que des ruines [ci-contre, Tipaza] (Abder-Rahman ibn Khaldoun el Hadrami, Histoire des Berbères,T I, p.36-37,40,45-46 ; 1382) .
Faut-il oublier aussi que les Turcs Ottomans ont envahi le Maghreb pendant trois siècles, maintenant les tribus arabes et berbères en semi esclavage, malgré la même religion, les laissant se battre entre elles. Faut-il oublier que ces Turcs ont développé la piraterie maritime, en utilisant leurs esclaves. Ces pirates barbaresques arraisonnaient tous les navires de commerce en Méditerranée, permettant, outre le butin, un trafic d’esclaves chrétiens, hommes, femmes et enfants. Dans l’Alger des corsaires du XVIe siècle, il y avait plus de 30.000 esclaves enchaînés. D’où les tentatives de destruction de ces bases depuis Charles Quint, puis les bombardements anglais, hollandais et même américain… Les beys d’Alger et des autres villes se maintenaient par la ruse et la force, ainsi celui de Constantine, destitué à notre venue, ayant avoué avoir fait trancher 12 000 têtes pendant son règne.
l’esclavage existait en Afrique depuis des lustres
Faut-il oublier que l’esclavage existait en Afrique depuis des lustres et existe toujours. Les familles aisées musulmanes avaient toutes leurs esclaves africains. Les premiers esclavagistes, Monsieur le Président, étaient les négriers noirs eux-mêmes qui vendaient leurs frères aux Musulmans du Moyen Orient, aux Indes et en Afrique (du Nord surtout), des siècles avant l’apparition de la triangulaire avec les Amériques et les Antilles, ce qui n’excuse en rien cette dernière, même si les esclaves domestiques étaient souvent bien traités.
Faut-il oublier qu’en 1830, les Français sont venus à Alger détruire les repaires barbaresques ottomans qui pillaient la Méditerranée, libérer les esclaves et, finalement, affranchir du joug turc les tribus arabes et berbères opprimées.
Faut-il oublier qu’en 1830, il y avait à peu près 5 000 Turcs [ci-contre, ancien fort turc à Biskra], 100 000 Koulouglis, 350 000 Arabes et 400 000 Berbères dans cette région du Maghreb où n’avait jamais existé de pays organisé depuis les Romains. Chaque tribu faisait sa loi et combattait les autres, ce que l’Empire Ottoman favorisait, divisant pour régner.
Faut-il oublier qu’en 1830 les populations étaient sous développées, soumises aux épidémies et au paludisme. Les talebs les plus évolués qui servaient de toubibs (les hakems), suivaient les recettes du grand savant «Bou Krat» (ou plutôt Hippocrate), vieilles de plus de 2 000 ans. La médecine avait quand même sérieusement évolué depuis !
la France a soigné toutes les populations du Maghreb
Faut-il oublier qu’à l’inverse du génocide, ou plutôt du massacre arménien par les Turcs, du massacre amérindien par les Américains, du massacre aborigène par les Anglais et du massacre romano-berbère par les Arabes entre l’an 700 et 1500, la France a soigné, grâce à ses médecins (militaires au début puis civils) toutes les populations du Maghreb les amenant de moins d’un million en 1830 en Algérie, à dix millions en 1962.
Faut-il oublier que la France a respecté la langue arabe, l’imposant même au détriment du berbère, du tamashek et des autres dialectes, et a respecté la religion (ce que n’avaient pas fait les Arabes, forçant les berbères chrétiens à s’islamiser pour ne pas être tués, d’où le nom de «kabyle» - j’accepte).
Faut-il oublier qu’en 1962 la France a laissé en Algérie, malgré des fautes graves et des injustices, une population à la démographie galopante, souvent encore trop pauvre, - il manquait du temps pour passer du moyen âge au XXe siècle - mais en bonne santé, une agriculture redevenue riche grâce aux travaux des Jardins d’Essais, des usines, des barrages, des mines, du pétrole, du gaz, des ports, des aéroports, un réseau routier et ferré, des écoles, un Institut Pasteur, des hôpitaux et une université, la poste… Il n’existait rien avant 1830. Cette mise en place d’une infrastructure durable, et le désarmement des tribus, a été capital pour l’État naissant de l’Algérie.
Institut agricole d'Alger à l'époque coloniale
Faut-il oublier que les colons français ont asséché, entre autres, les marécages palustres de la Mitidja, y laissant de nombreux morts, pour en faire la plaine la plus fertile d’Algérie, un grenier à fruits et légumes, transformée, depuis leur départ, en zone de friche industrielle.
Faut-il oublier que la France a permis aux institutions de passer, progressivement, de l’état tribal à un État nation, et aux hommes de la sujétion à la citoyenneté en construction, de façon, il est vrai, insuffisamment rapide. Le colonialisme, ou plutôt la colonisation a projeté le Maghreb, à travers l’Algérie, dans l’ère de la mondialisation.
personne ne vous demande repentance pour avoir
laissé péricliter l'Algérie...
Faut-il oublier qu’en 1962, un million d’européens ont dû quitter l’Algérie, abandonnant leurs biens pour ne pas être assassinés ou, au mieux, de devenir des habitants de seconde zone, des dhimmis, méprisés et brimés, comme dans beaucoup de pays islamisés. Il en est de même de quelques cent mille israélites dont nombre d’ancêtres s’étaient pourtant installés, là, 1000 ans avant que le premier arabe musulman ne s’y établisse. Était-ce une guerre d’indépendance ou encore de religion ?
Faut-il oublier qu’à notre départ en 1962, outre au moins 75.000 Harkis, sauvagement assassinés, véritable crime contre l’humanité, et des milliers d’européens tués ou disparus, après ou avant, il est vrai, les excès de l’O.A.S., il y a eu plus de 200 000 tués dans le peuple algérien qui refusait un parti unique, beaucoup plus que pendant la guerre d’Algérie. C’est cette guerre d’indépendance, avec ses cruautés et ses horreurs de part et d’autre, qui a fondé l’identité algérienne. Les hommes sont ainsi faits !
Monsieur le Président, vous savez que la France forme de bons médecins, comme de bons enseignants. Vous avez choisi, avec votre premier ministre, de vous faire soigner par mes confrères du Val de Grâce. L’un d’eux, Lucien Baudens, créa la première École de médecine d’Alger en 1832, insistant pour y recevoir des élèves autochtones. Ces rappels historiques vous inciteront, peut-être, Monsieur le Président, à reconnaître que la France vous a laissé un pays riche, qu’elle a su et pu forger, grâce au travail de toutes les populations, des plus pauvres aux plus aisées - ces dernières ayant souvent connu des débuts très précaires. La France a aussi créé son nom qui a remplacé celui de Barbarie. Personne ne vous demandera de faire acte de repentance pour l’avoir laissé péricliter, mais comment expliquer que tant de vos sujets, tous les jours, quittent l’Algérie pour la France ?
En fait, le passé, diabolisé, désinformé, n’est-il pas utilisé pour permettre la mainmise d’un groupe sur le territoire algérien ? Je présente mes respects au Président de la République, car j’honore cette fonction.
un citoyen français,
André Savelli
Professeur agrégé au Val de Grâce
Le Professeur André Savelli est né en 1927 à Rabat de parents originaires de Blida et Oued El Aleug. C’est l’aîné de 7 garçons, il fait ses études secondaires à Rabat. Il entre à la Faculté de Médecine d’Alger en 1945 puis à l’Ecole du Service de Santé de Lyon. Il passe sa thèse à Alger sous la direction du Professeur Benhamou puis passera trois ans comme médecin militaire à In Salah avant de rejoindre le 1er RTA à Blida. En 1961 il sera chef du service psychiatrique de l’Hôpital Maillot puis sera nommé Professeur Agrégé au Val de Grâce. Par la suite il fut Chargé de Cours en psychopathologie à la Faculté des Lettres de Montpellier et Chargé de Criminologie Psychiatrique à la Faculté de Droit. Il est l’auteur d’une centaine de publications en psychpathologie. Il est Chevalier de la Légion d’Honneur, Officier de l’Ordre National du Mérite et membre de l’Académie des Sciences et des Lettres de Montpellier.
source de cette biographie - source de la photo
Plaidoyer pour le respect de Lyautey (colonel Pierre Geoffroy)
Plaidoyer pour le respect de Lyautey
et de la mémoire coloniale
outragés grâce à des fonds publics
colonel Pierre GEOFFROY
Le 11 mai 2007
Chers ami(e)s,
Par lettre du 7 mai, j’ai demandé à M. le Président de la République Nicolas Sarkozy de bien vouloir abroger le décret du 16 novembre 2006 créant la “Cité nationale de l’histoire de l’immigration” au Palais dit de la Porte Dorée (12ème). Le Maréchal Lyautey l’avait fait construire au moment de l’Exposition Coloniale de 1931 pour en demeurer le témoin et pour y abriter la mémoire coloniale.
J’ai le plaisir de vous adresser le texte servant d’argumentaire qui était joint à cette lettre sous le titre :
“Plaidoyer pour le respect de Lyautey et de la mémoire coloniale outragés grâce à des fonds public”
Chacun pourra, s’il le souhaite, s’en inspirer pour intervenir personnellement, par ses relations, ou par des associations pour donner plus de poids à cette démarche.
Bien cordialement
Colonel (er) Pierre GEOFFROY
Président de l’Association Nationale Maréchal Lyautey
Plaidoyer pour le respect de Lyautey
et de la mémoire coloniale outragés grâce à des fonds publics
Sous nos yeux les détracteurs de l’épopée coloniale de la France continuent par tous les moyens leur ignoble besogne au service de leur idéologie, avec des complicités connues, mais souvent aussi insoupçonnées sinon insoupçonnables. De nombreuses réactions indignées émanent des associations et des citoyens respectueux de la vérité historique qui composent la majorité dite silencieuse Elle est silencieuse, non pas parce qu’elle n’a rien à dire, mais parce que les médias les plus influents, rôdés à la désinformation, lui refusent la parole. Elle est silencieuse aussi parce qu’elle ne manifeste pas dans la rue pour se faire entendre. Elle se manifeste heureusement dans les urnes.
Nous pouvons désormais nous référer à l’esprit et à la lettre des déclarations et des discours du Président Nicolas Sarkozy pendant sa campagne et, en particulier, celui de Toulon le 7 février et celui de Metz le 17 avril 2007, dans lesquels il a cité le Maréchal Lyautey "ce grand soldat a-t-il dit à Metz, qui fut aussi un homme de cœur qui fit aimer la France partout où il la servit". En nous plaçant dans la perspective promise d'une "France fière de son histoire et d’une République fidèle à ses valeurs" nous attendons des signaux forts qui incitent au respect de la mémoire de tous ceux qui ont fait ce qu’on a appelé "la plus grande France" ainsi que de l’oeuvre humaine, sociale et économique qu”ils ont accomplie.
Le Maréchal Lyautey, compte tenu de sa personnalité marquante et de l’ampleur de son oeuvre, apparaît bien comme un des symboles forts de l’histoire coloniale. Et, à ce titre, l’abrogation du décret régalien du 16 novembre 2006 apparaîtrait comme un de ces signaux forts. Il y a urgence car, sur les 20 millions d’investissement accordés, des crédits importants ont déjà été engagés pour défigurer et détourner de sa vocation première le Palais, souvent appelé Palais Lyautey situé à la Porte Dorée, dans le 12ème arrondissement de Paris.
Ce décret créant l’Établissement public de la Porte Dorée - "Cité nationale de l'histoire de l'immigration”au Palais Lyautey, a pour conséquence d’outrager la mémoire de Lyautey, de contribuer de façon officielle à effacer tout rappel de notre passé colonial, d’institutionnaliser l’anticolonialisme et la repentance et d’offrir une plate-forme au terrorisme intellectuel.
En effet, dans l'idée de Lyautey et selon ses écrits, à la Porte Dorée le seul bâtiment destiné à survivre à l’Exposition Coloniale de 1931 devait abriter un "Musée permanent des Colonies". Il en confia la réalisation à l’architecte Albert Laprade qui fut l’un de ses collaborateurs au Maroc.
Que l’on ait voulu créer une "Cité nationale de l'histoire de l'immigration" c’est une chose. Mais, vouloir le faire au Palais de la Porte Dorée c’est autre chose : c’est à la fois une profanation des lieux et une provocation.
Il est urgent de suspendre les travaux en cours, d’abroger le décret en cause et de remettre tout à plat pour que le Palais de la Porte Dorée soit rendu à sa vocation première, tout en l’adaptant sans parti pris aux exigences de notre époque. Et ceci devrait être fait en concertation avec des associations non sectaires ayant une approche objective de l’histoire coloniale et le souci d’en préserver la mémoire. Nous voulons participer à la "remise à l’heure des pendules".
En voici les raisons :
Après une carrière bien remplie, le Maréchal Lyautey, un des plus grands artisans de la grandeur de la France, avait accepté en 1927, à l’âge de 73 ans, la responsabilité de Commissaire Général de l’Exposition Coloniale que lui proposait le Président Raymond Poincaré. Le succès populaire fut au rendez-vous, puisque plus de 33 millions de visiteurs affluèrent entre les mois de mai et de novembre 1931 et que de nombreux Chefs d’État y furent reçus.
Dès la pose de la première pierre en 1928, il affirmait avec force : "qu’il ne s’agissait pas seulement d’une exhibition foraine, mais que le caractère d’office de travail prédominerait hautement, laissant une grande leçon d'action réalisatrice".
Sous le titre "Le sens d’un grand effort", Lyautey nous livrait sa pensée : "Il reste encore sur la terre de vastes champs à défricher, de pacifiques batailles à livrer à la misère, à l'ignorance, à toutes les forces mauvaises de la nature. En montrant l'immense labeur déjà accompli par les nations colonisatrices, l'exposition montrera, par surcroît, qu'il reste encore beaucoup à faire.
Puisse-t-elle être comprise ! Puisse-t-elle insuffler à tous les peuples, mais d'abord aux peuples aînés, un esprit nouveau, une conscience nouvelle ! Coloniser, ce n'est pas uniquement, en effet, construire des quais, des usines ou des voies ferrées; c'est aussi gagner à la douceur humaine les coeurs farouches de la savane ou du désert.
Comme en écho, dans son discours, lors de sa réception par le Maréchal Lyautey à l’Exposition, le 7 août 1931, S.M. le Sultan Mohammed ben Youssef, futur Roi Mohammed V, devait déclarer : "En venant admirer l’Exposition Coloniale, cette belle réalisation de votre génie, il nous est particulièrement agréable de profiter de cette occasion solennelle pour apporter notre salut au grand Français qui a su conserver au Maroc ses traditions ancestrales, ses moeurs et ses coutumes, tout en y introduisant cet esprit d’organisation moderne sans lequel aucun pays ne saurait vivre désormais.
Pouvons-nous oublier, en effet, qu’à votre arrivée au Maroc, l’Empire chérifien menaçait ruine ? Ses institutions, ses arts, son administration branlante, tout appelait un organisateur, un rénovateur de votre trempe pour le remettre dans la voie propre à le diriger vers ses destinées.
En ménageant la susceptibilité de ses habitants, en respectant leur croyances et leurs coutumes vous les avez attirés vers la France protectrice par vos nobles qualités de coeur et la grandeur de votre âme".
Aujourd’hui, on devrait encore entendre résonner comme un fait d’actualité cet appel à l’union de Lyautey lancé à l’occasion de l’Exposition Coloniale : "UNION entre les races, ces races qu'il ne convient vraiment pas de hiérarchiser entre races supérieures et races inférieures, mais de regarder comme "différentes" en apprenant à s'adapter à ce qui les différencie. UNION entre les peuples, issus de notre civilisation, qui, en venant à nos côtés, dans cette Exposition, nous donnent une saine leçon de solidarité au lendemain des déchirements les plus sanglants de l'histoire".
Le Maréchal Lyautey avait donc voulu qu’un magnifique bâtiment, le "Palais permanent des colonies" dont il confia la réalisation à l’architecte Albert Laprade survive à l’Exposition Coloniale de 1931 pour abriter ce qu’il appellera un "Musée permanent des Colonies", puis une "Maison de la France d’outre-mer".
Après des travaux de réaménagement rendus nécessaires suite à la clôture de l’exposition, le Palais rouvrit d’abord partiellement, puis en totalité en 1935 sous le nom de "Musée de la France d’outre-mer". En guise de signal de la décolonisation, il fut dépossédé dans les années 60 de ses plus belles et plus évocatrices collections par André Malraux, ministre des Affaires culturelles. Il subsista un maigre musée des "Arts Océaniques et Africains" dépouillé dans les années 80 des souvenirs trop "coloniaux".
Par la suite, aucune des propositions faites pour valoriser le site en harmonie avec l’esprit de ses concepteurs n’a eu de suite jusqu’à ce que M. Jospin valide un projet rampant porté par Mme Guigou pour l’associaton "Génériques". Ce projet a été repris en 2002 par le Président de la République, Jacques Chirac et a fait son chemin avec suffisamment de discrétion pour échapper aux controverses. Vidé de son contenu en 2003, au profit du musée des Arts premiers, le Palais de la Porte Dorée, a été désigné, à la satisfaction du Maire de Paris, par le Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin (discours du 8 juillet 2003) pour abriter ce qu’il a baptisé une "Cité nationale de l’histoire de l’immigration".
De ce fait, non seulement le Palais de la Porte Dorée se trouve détourné de sa vocation initiale mais, de surcroît, il va être occupé par un organisme dont les objectifs affichés, et, plus encore, ceux non avoués, sont incompatibles avec l’esprit des lieux. Une fois de plus, au fil du temps, Lyautey a été trahi, et avec lui tous ceux qui ont fait la grandeur de la France. Ils l’ont été par ceux-là mêmes qui avaient en charge le respect et la défense des valeurs que Lyautey a si souvent exaltées par ses écrits, ses paroles et son exemple.
Les adeptes de la pensée unique si néfaste ont comme les anarchistes des raisons d’en vouloir à Lyautey, demeuré jusqu’alors un symbole incontournable, lui qui écrivait : "j'ai horreur des idées toutes faites, des doctrines d'école, des théories de cabinet, de toute discipline "à priori" unique, uniforme, universelle. S'il n'est de philosophie que du général, pour moi, il n'est d'action que du particulier".
Déjà sur le site internet de la “Cité nationale de l’histoire de l’immigration” on peut lire ceci :
"Il s’agit donc avec ce projet et ce lieu, de déconstruire l’imagerie héritée de la colonisation, de retourner les symboles. De dire et de montrer que la page de la colonisation est définitivement tournée et détourner le bâtiment de sa vocation première"
On ne peut être plus clair. Et pour le prouver le nom de Lyautey ne figure dans aucun texte mis en ligne, même pas dans l’historique du Palais, ce qui est un comble ! Il s’agit bien d’un cadeau subtilement déguisé fait à tous ceux qui s’attaquent à l’oeuvre coloniale de la France et à ses acteurs à travers des associations militantes pour la régularisation des "sans-papiers", contre le racisme, contre l’esclavagisme, etc.... toutes visant à l’humiliation de la France et à l’affaiblissement du pouvoir.
Quel est donc le "réseau d’associations et organismes dédiés à l’histoire de l’immigration qui sont à l’origine et au coeur du projet" comme l’énonce le texte du décret ? Il n’y a pas de réponse : la discrétion est restée de rigueur pour faire avancer le projet sans effrayer. Mais aujourd’hui, nos suppositions et nos craintes se révèlent fondées, puisque la presse a annoncé la démission de leur poste d’une dizaine de fonctionnaires affectés à la mise en place de la "Cité nationale de l'histoire de l'immigration" pour protester contre la création du Ministère de de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Co-développement.
Autre signe de la volonté d’occulter toute une période pour permettre à certains de réécrire l’histoire en la travestissant, nous avons observé que dans le même temps, le projet abouti de Mémorial de la France Outre-Mer que devait construire l'État à Marseille a été gelé. Décidément, bien des réseaux sont infiltrés et manipulés par les "forces du mal" au point de devenir leurs complices quand l’occasion se présente.
Pourquoi tant d’acharnement, de compromissions pour contribuer à faire table rase de ce passé ? Tout simplement parce que l'oeuvre humaine, et généreuse de la France réalisée outre-mer et l’exemple de Lyautey, symbole de toute cette époque, vont à l’encontre des thèses anticolonialistes. Trois exemples :
1 - Comment pourrait-on accuser Lyautey de racisme quand il proclame : "Union entre les races - ces races qu'il ne convient vraiment pas de hiérarchiser en races supérieures, mais de regarder comme “différentes” en apprenant à s'adapter à ce qui les différencie" ?
2 - Comment pourrait-on l’accuser d’avoir fait tort à l’Islam quand on relit son discours du 19 octobre 1922 marquant le début de la construction du Mihrab de la Mosquée de Paris ?
3 - Comment pourrait-on l’accuser d’avoir humilié et pillé le Maroc alors que les Marocains de bonne foi associent son nom à leur histoire ?
Ajoutons que Lyautey chassé du Palais de la Porte Dorée, comme tout ce qui peut perpétuer le souvenir de l’Exposition Coloniale de 1931 a toujours porté haut les valeurs de l’effort, du travail, du devoir social, de l’esprit d’équipe et d’entreprise ce qui fournit aux idéologues de la "deconstruction" des raisons supplémentaires de "retourner les symboles", comme ils l’affirment.
Il est urgent de maintenir les symboles debout avant qu’ils ne soient "retournés" et ne disparaissent, victimes d’un oubli programmé.
Colonel (er) Pierre GEOFFROY
Président de l’Association Nationale Maréchal Lyautey
colonel Pierre Geoffroy (à droite) en discussion avec Mostafa Basso,
ministre plénipotentiaire de l'ambassade du Maroc à Paris
photographie Jeune Pied-Noir ©
- biographie Lyautey : cheminsdememoire.gouv.fr
- L'Exposition coloniale de 1931 : mythe républicain ou mythe impérial ? (Charles-Robert Ageron)
L'apogée délirant d'un "anticolonialisme" ethnicisé et raciste (Michel Renard)
L'apogée délirant
d'un «anticolonialisme» ethnicisé
et raciste
Kemi Seba, leader de la «tribu Ka»
l'«afrocentrisme» obscurantiste
et haineux de Stellio Gilles Robert,
alias Kémi Séba,
fondateur de la «tribu Ka»
Michel Renard
Dimanche 28 mai 2006, des militants de la «tribu Ka» ont opéré une «descente» raciste dans le quartier de la rue des Rosiers à Paris, et proféré des insultes antisémites. Cette agression a attiré l'attention sur le discours que tient le groupement de fait appelé «tribu Ka». Le leader de cette organisation, Stellio Gilles Robert, alias Kémi Séba, a accordé plusieurs interviews dont la retranscription circule sur internet. Notamment, l'une en novembre 2005 au site Africamaat, et l'autre au site Novopress.info en juin 2006.
Ces propos relèvent d'un obscurantisme dévastateur ("(...) 4 000 ou 3 000 ans avant ce que vous appelez Jésus. Au moment ou Kemet [l'Égypte pharaonique] commençait à prospérer, en Europe les Leucodermes [les "hommes blancs"] vivaient dans des cavernes, le feu était là pour les réchauffer. C’était [sic] des gens qui mangeaient des mets de porcs, qui mangeaient même parfois leur propre progéniture. C’est une réalité qui est attestée par différents paléontologues"). De telles affirmations s'inscrivent dans la dérive non maîtrisée d'un néo-lyssenkisme qui ne prendrait plus les "sciences" comme champ de bataille opposant une "science prolétarienne" et une "science bourgeoise" (URSS des années 1940 et 1950), mais qui polariserait de manière essentialiste le savoir historique "occidentalo-blanc" (des dominants) et le savoir historique "africain" anticolonial (des victimes). Si du temps de Jdanov (photo ci-contre), la "science était avant tout une affaire de parti", le savoir historique sur le passé de l'Afrique - de l'Antiquité à la période coloniale - serait aujourd'hui affaire de "civilisation". L'appartenance à l'une ou l'autre "civilisation" dicterait, dans un cas la "supercherie et l'escroquerie intellectuelle" (dixit cheikh Anta Diop), dans l'autre cas la pertinence et le vrai.
Toute intelligibilité scientifique est déniée à "l'Occident" (ou à l'Europe) et le dialogue est impossible car, selon cheikh Anta Diop (1923-1986) : "les intérêts matériels priment sur l’humanisme le plus minime. En attendant, les spécialistes africains doivent prendre des mesures conservatoires. Il s’agit d’être apte à découvrir une vérité scientifique par ses propres moyens en se passant de l’approbation d’autrui, de savoir conserver son autonomie intellectuelle jusqu’à ce que les idéologues qui se couvrent du manteau de la science, se rendent compte que l’ère de la supercherie, de l’escroquerie intellectuelle est définitivement révolue, qu’une page est tournée dans l’histoire des rapports entre les peuples" (cité dans la profession de foi du site africamaat.com).
L'idéologie délirante d'un Kémi Séba prend appui sur cet afrocentrisme paranoïaque (au sens intellectuel, pas au sens psychologique) et le dépasse en ajoutant la menace haineuse d'une "guerre civile" visant à la restitution de ce qui a été "volé" au peuple kémite (noir) : "La Tribu KA est dans une logique d’arracher ce qu’on lui doit. Et de toute façon, que vous vouliez l’entendre ou pas, ce qu’on demande, on l’obtiendra ! D’une façon ou d’une autre… Si on ne nous entend pas, ne vous étonnez pas que ça se passe d’une autre façon pour obtenir justice". On pourrait euphémiser ces propos en les rapportant à l'irresponsabilité d'un vibrion que personne n'écoute. Détrompons-nous ! Leur diffusion et leur reprise s'effectuent au sein de couches larges de jeunes scolarisés - je puis en témoigner - par l'effet "démultiplicateur" (Chaunu disait cela de l'imprimerie) qu'autorise la circulation sur l'internet. Aujourd'hui, Claude Ribbe peut traiter Olivier Pétré-Grenouilleau d'historien "ignorant et menteur", Kémi Séba peut qualifier le travail de Jacques Marseille de "négrophobe"... La haine se distille. Elle sera suivie d'actes : "là où certains ne conçoivent la «lutte» que par le biais de colloques ou autres conférences toutes plus soporifiques les unes que les autres, la Tribu KA de par son activisme d’essence atonien affiche une fois de plus sa différence." (source).
L'histoire du temps colonial, sa rigueur méthodologique, son ambition de rendre compte d'une réalité complexe, son refus de l'idéologie, sont menacés. L'heure est à l'histoire jdanovienne. Et l'anticolonialisme tout à la fois l'alibi et le fourrier d'un appel raciste et haineux.
Michel Renard
Extraits des déclarations de Kémi Séba
Novopress : Kemi SEBA, vous voulez redonner au peuple noir, que vous appelez le peuple Kémite, «la place qui lui revient». Quelle est cette place selon vous ?
Kemi SEBA : C’est la place du chef de famille. Lorsque le père ou la mère prennent des directives, normalement la famille suit. Mais quand, à un moment donné, il y a déstructuration de cette famille, les enfants se comportent comme des parents et les parents sont opprimés par ces mêmes enfants. Nous sommes les parents de l’humanité en tant que kémites, que noirs comme vous nous appelez. Partant de ce principe là, qu’on le veuille ou non, nous avons donné la civilisation à l’humanité, nous avons donné des valeurs de dignité, de justice, de rectitude. Malheureusement, il y a quelque chose de très freudien : à un moment donné les enfants ont voulu tuer le père pour pouvoir exister. Ils ont colonisé ces parents qui leur avaient donné la vie, la civilisation. Voilà pourquoi il est temps de remettre les pendules à l’heure, de remettre les choses à leur place. Il ne s’agit pas de se lancer dans l’esclavagisme ou la colonisation vis-à-vis des Blancs. La haine à rebours n’a jamais rien donné. On va avec nos moyens rendre au peuple kémite sa place de chef de famille, tout simplement. C’est vous qui parlez de terre-mère, mère de tout. Le peuple qui est à l’origine, qui marchait et qui marche encore aujourd’hui sur cette terre a essaimé aux quatre coins du globe. Mais avant de retourner sur notre terre, on va reprendre ce qu’on nous a volé afin qu’on puisse recommencer à prospérer.
Moutouhotep II (2061-2010 av.)
la couleur noire de cette statue est prise comme prétexte
par l'afrocentrisme pour affirmer que les pharaons étaient noirs ;
en réalité, cette statue n'est pas un portrait (...!)
mais une évocation du statut divin de pharaon, symbole de fertilité
Novopress : Vous écriviez sur le site du parti Kémite (dont vous étiez le porte parole jusqu’en 2004) : «à une époque où le Leucoderme [c’est-à-dire le Blanc] marchait encore à quatre pattes dans les cavernes, nous [les Kémites] étions déjà les rois et les propriétaires de ce globe. Par conséquent, nous rejetons l’intégration et proclamons notre droit à reprendre toutes nos possessions». Vous pouvez développer ?
Kemi SEBA : Je crois qu’il faut étudier un minimum la paléontologie, c’est-à-dire l’histoire des comportements humains (sic) pour voir à quoi renvoie cette situation. On va s’arrêter sur une date, certains parlent de 4.000 ou de 3.000 ans avant ce que vous appelez Jésus. Au moment ou Kemet (l'Égypte) commençait à prospérer, en Europe les Leucodermes vivaient dans des cavernes, le feu était là pour les réchauffer. C’était des gens qui mangeaient des mets de porcs, qui mangeaient même parfois leur propre progéniture. C’est une réalité qui est attestée par différents paléontologues.
Est-ce que ça a empêché l’Occident de prospérer par la suite ? Là n’est pas la question. Ces faits sont constatés par ceux-là mêmes qui se revendiquent d’une logique de suprématisme occidental. Hérodote qui est le père de l’Histoire disait lui-même qu’avant que l’empire grec ne puisse prospérer l’Occident était le Royaume des morts. Parce qu’Occident vient du verbe «occire» qui veut dire «tuer». Parce qu’à un moment donné, ils [les Leucodermes] ont dû se tuer entre eux pour survivre et pour pouvoir résister à un climat qui leur était hostile. Voilà quelle était la situation à une époque où, quand nous avions notre civilisation, les Occidentaux marchaient à quatre pattes dans les cavernes en mangeant des mets de porcs pour pouvoir résister à cette réalité. Je recommande à tout le monde un livre qui s’appelle Isis Papers, de Frances Cress Welsing, qui parle de l’évolution des Occidentaux jusqu’aux comportements d’aujourd’hui et qui explique que face à cette adversité dans laquelle ils ont été installés, ils ont été obligés de créer des comportements tels que l’individualisme, par opposition à l’altruisme, l’avidité, la cruauté, parce qu’ils sont nés dans un environnement qui leur était hostile de par son essence même.
(...)
Novopress : Vous affirmez que Kemet, l’Egypte ancienne, est le berceau historique du peuple kémite et la source de toute civilisation…
Kemi SEBA : Je n’affirme pas, je sais lire et je connais un minimum l’Histoire. Kemet était la terre des noirs. Hérodote, le père de l’Histoire – qui était blanc – a lui-même concédé que l’Egypte était une Nation «nègre». Champollion, votre père de l’égyptologie, a constaté à son grand désarroi que l’Egypte était une Nation noire.
Novopress : Pourtant, en 1976 la momie de Ramsès II fut hébergée durant huit mois au Musée de l’Homme à Paris. Durant son séjour, une cinquantaine de spécialistes de toutes disciplines se sont penchés sur elle, ses tissus et son sarcophage. Selon le rapport final : «Ramsès II était leucoderme et ses cheveux étaient roux. Son profil d’aigle au nez bourbonien et au menton court lui donnait un air autoritaire.» Et, de fait, lorsque l’on regarde une photo de la momie, elle ne semble pas avoir un profil très kémite. Qu’en dites-vous ?
Kemi SEBA : Tout le monde sait aujourd’hui que lorsque des égyptologues viennent en Egypte faire des prélèvements ADN sur certaines momies, la logique d’utiliser des colorants ou des marqueurs de dépigmentation leur permet de raconter n’importe quoi. C’est comme si moi je vais dans votre musée- par rapport au peu de bons rois que vous avez en France, il faut dire les choses – je passe un coup de colorant noir pour que la mélanine puisse être plus bronzée, plus foncée et je dis que Louis XVI était sénégalais. Il faut être sérieux à un moment donné, Monsieur ! Vous avez si peu d’Histoire que vous êtes obligé de vous persuader que dans une Nation qui n’a rien à voir avec les Leucodermes, il puisse y avoir des rois leucodermes. Je pense qu’il faut être un minimum intelligent.
Beaucoup d’Occidentaux craignent que si l’humanité se rend compte que l’Egypte était noire, leur civilisation sera perdue d’avance. Malheureusement, désormais, nous autres le savons, des millions de personnes le savent. Et c’est pour ça que ce genre de singeries (on ne va pas appeler ça autrement) sont propres à ces dits égyptologues qui ont peur que la vérité n’éclate. Mais malheureusement elle a déjà éclaté. Vous pourrez même dire demain que Ramsès II est chinois ou du Groenland. Les Kémites en souriront. C’est comme si je dis que Louis XIV est sénégalais. Si demain je mets un colorant qui fait que Louis XIV est foncé de peau, vous allez me dire quoi ? J’appelle à l’intelligence de chacun, et même si vous n’êtes pas intelligent sachez que vous pouvez raconter ce que vous voulez puisque de toute façon l’Occident repose sur un mensonge historique, qu’il soit religieux, qu’il soit culturel ou quoi, l’Occident s’est construit sur un rêve. Donc maintenant si vous voulez croire que Ramsès II, c’était Superman, qu’il était blond aux yeux bleus, qu’il volait, vous pouvez croire ce que vous voulez ! L’essentiel, c’est que nous autres nous sachions ce qu’il en est.
Novopress : Donc, selon vous, le Musée de l’Homme a falsifié son étude ?
Kemi SEBA : Mais tout le monde le sait ! Evidemment qu’il l’a falsifié ! Ce qui est assez exceptionnel avec l’Homme Blanc, le Leucoderme, et là on va dire les choses telles qu’elles sont, c’est que lorsque nous, nous cherchons les vestiges de notre civilisation dans notre pays, on nous appelle des «pilleurs de tombes», quand l’Homme blanc vient avec son titre d’égyptologue (drôle de profession, d’ailleurs) et cherche ou prend nos propres vestiges pour les emmener chez lui, on appelle ça un archéologue. C’est quand même assez exceptionnel ! Pilleurs d’un côté, archéologues de l’autre ! Mais la vérité, c’est que l’Homme blanc cherche des preuves pour nier le fait que la Civilisation n’est pas issue de son propre sang. L’Homme blanc vivait dans des cavernes, voilà la réalité ! L’Homme blanc n’a pas d’Histoire réelle. Votre plus grand roi, c’est peut-être Vercingétorix. Et nous avons nos rois, ça il faut le dire, je le dis.
(...)
Novopress : Vous en revenez toujours à la colonisation et à l’esclavage…
Kemi SEBA : Je parle de la situation d’aujourd’hui qui est une situation d’oppression avérée que tout le monde connaît. Trouvez-vous normal qu’aux Antilles, où 90 % de la population est noire, es richesses appartiennent à une minorité de descendants d’esclavagistes alors que c’est notre peuple qui a travaillé cette terre ? Le présent est la suite logique du passé.
Novopress : L’esclavage est l’un des fondements des récriminations du peuple noir à l’encontre des Blancs. Pourtant les négriers d’Europe (dont vous affirmez que beaucoup étaient de confession juive) achetaient leur « bois d’ébène » (c’est-à-dire leurs esclaves) aux Arabes musulmans…
Kemi SEBA : La question n’est même pas qu’il y ait eu beaucoup de négriers juifs. Nous disons que le Judaïsme - par la malédiction de Cham rédigée en 398 avant J.C. par Esdras, un scribe juif sacrificateur – est à l’origine de la colonisation, de l’esclavage et de la situation actuelle que nous vivons. Mais on n’a jamais nié l’intervention des Arabes dans la traite négrière. Ils étaient vos collègues dans la logique de cette traite. Nous sommes les premiers à dénoncer ce qui se passe au Darfour.
Novopress : Mais ces négriers musulmans avaient eux-mêmes acheté leurs esclaves à d’autres Noirs, lesquels étaient animistes. En conséquence, nierez-vous que les premiers à avoir réduit des noirs en esclavage soient les noirs eux-mêmes ?
Kemi SEBA : Non ! Il faut faire très attention à ce que vous appelez «acheter». Vous pouvez faire du révisionnisme avec des guignols comme les Belaya, les Dominique Sopo (leader de SOS-Racisme) ou les «Jérusalem Désir» (Harlem Désir), mais vous ne ferez pas de révisionnisme avec nous ! Vous pouvez essayer de falsifier l’Histoire, mais lorsque la violence de la vérité va venir et va faire en sorte que ceux qui ont menti seront agressés, là je peux vous assurer que certains propos tenus ne pourront plus être constatés. C’est une réalité !
Novopress : Donc vous niez le fait que des noirs aient vendu d’autres Noirs ?
Kemi SEBA : Il y a eu des traîtres partout ! Lorsque vous parlez d’ «être vendus», il faut faire très attention aux termes que vous employez. Il faut expliquer comment s’est passée l’histoire de l’esclavage. Il y avait des guerres entre différentes tribus, différentes familles. Des prisonniers étaient faits. Et puis une tierce personne arrive et dit : «je vais vous soulager de ces prisonniers. Je les prends et je m’en occupe». Entre prendre ce prisonnier et dire que l’on vend son frère à l’Homme blanc, il y a une différence, une chose à ne pas confondre ! Des prisonniers de guerre sont livrés mais en aucun cas on ne capture un noir pour le vendre en esclavage. Je le dis, il n’y a pas de participation de l’Etre kémite, de l’Entité kémite à l’esclavage. Elijah Muhammad parlait de l’art du démon, c’est-à-dire diviser pour régner. Des gens se battent et vous, vous venez et vous en profitez, vous accomplissez votre forfait ! C’est le propre du démon que d’avoir ce comportement.
Novopress : Et le démon, pour vous, c’est…
Kemi SEBA : Le Leucoderme, là-dessus, s’est comporté comme un démon, vous ne pouvez pas le nier, c’est la réalité !
Abdoulaye Wade, président du Sénégal
Novopress : Pourtant Abdoulaye Wade, le président du Sénégal, a déclaré : «J’ai montré que l’esclavage est un phénomène aussi ancien que l’humanité (…) Nos anciens royaumes et empires étaient largement fondés sur l’esclavage dont les séquelles existent encore plus ou moins dans nos propres sociétés. Si les descendants de ces esclaves devaient demander des indemnités, beaucoup d’entre nous seraient traînés devant les tribunaux pour avoir été des descendants d’anciens régnants du continent. (…)» Il reconnaît la responsabilité des Kémites, ou du moins de certains d’entre eux, dans la traite négrière. Vous n’êtes pas d’accord avec lui ?
Kemi SEBA : Je fais appel à votre intelligence. Considérant que Wade, est le porte-parole de la Françafrique, ces présidents qui ont été installés en Afrique pour être les porte-parole de la France, quand vous l’entendez parler demandez-vous qui a écrit le texte qu’il a prononcé. Et vous comprendrez aisément pourquoi cet abruti raconte des stupidités.
Les propos de Wade me confortent encore plus dans ce que nous disions auparavant, c’est-à-dire que l’Entité kémite n’a en aucun point participé à la traite négrière. Cette logique de négationnisme qui consiste toujours, chez l’Homme blanc, à trouver soi-disant des traîtres chez les nôtres, va faire en sorte que, tôt ou tard, quand les nôtres en auront marre que l’Homme blanc essaye de minimiser sa faute, ça ne pourra que lui sauter en pleine figure, à lui comme à ses vassaux qui sont les Abdoulaye Wade et consorts. Parce que l’Entité kémite n’est plus disposée aujourd’hui à entendre n’importe quoi. Durant la seconde guerre mondiale, la France était un pays qui, à 90 % était composée de traîtres, de vichystes, même si aujourd’hui tout le monde dit qu’il était résistant. Il n’y avait que des traîtres, il n’y avait que des vichystes ! Et ce n’est pas parce qu’il n’y avait que des vichystes dans ce pays, que vous devez croire que chez les nôtres il n’y avait que des vichystes. Je souris des propos de Wade. La France est en train de plaquer son sentiment de culpabilité (parce qu’il y a une tradition de culpabilité et de lâcheté dans ce pays) sur la situation des autres peuples. Je pense que c’est risible.
(...)
Novopress : Cette évaluation des réparations que l’on vous devrait, comme toute évaluation, est toujours discutable. Concernant justement le coût économique de la colonisation, l’historien Jacques Marseille démontre dans sa thèse d’Etat que la colonisation, loin d’avoir été une source de revenus pour la France, a entravé au contraire son développement économique en raison des investissements publics considérables que celle-ci a nécessités (Routes, ports, hôpitaux, écoles…). Qu’en pensez-vous ?
Kemi SEBA : Je vous arrête de suite ! C’est une thèse d’Etat négrophobe ! C’est une thèse d’Etat antikémite ! Pour moi, quand on parle de réclamations, ce n’est pas au coupable d’estimer ce qui a été positif et ce qui a été négatif par rapport à son crime. C’est comme si vous aviez violé une femme et que vous disiez devant le juge qu’elle n’a pas le droit d’obtenir réparation parce que ce n’était pas un bon coup ! Vous vous foutez de ma gueule ? Ce n’est pas à vous d’estimer si vous avez pris votre pied lorsque vous avez violé ! Vous avez violé, vous payez, c’est tout ! Sinon on vous coupera votre sexe, moi je vous le dis ! Si ce pays veut se comporter comme un chien, comme c’est le cas depuis des siècles, qu’il le fasse ! Mais aujourd’hui les descendants des victimes, et les victimes actuelles (mais parlons d’opprimés parce que le terme «victime» a une connotation péjorative), eux, les comptes, ils vont les faire ! Contrairement aux stupidités racontées par Marseille et autres, sans l’esclavage et la colonisation, la France ne serait pas là où elle est. Sans l’esclavage et la colonisation, la France n’est rien, c’est la Roumanie ! Et Chirac serait Ceausescu, Chiracescu ! Vous pouvez me parler de Jacques Marseille ou de qui vous voulez, mais aujourd’hui les opprimés réclament leur dû. Et si vous ne voulez pas que ça se transforme en pillage de vos banques, de vos bijouteries et de toutes les richesses concentrées ici, que la France rende ce qu’elle doit au peuple kémite !.
- une interview vidéo de Kémi Séba sur dailymotion
- la retranscription d'une interview de Kémi Séba sur Kamayiti.com (octobre 2005)
* 26 juillet 2006 : le gouvernement décide la dissolution de la "tribu Ka" (info LCI) (article dans Marianne-en-ligne)
Kémi Séba
Afrocentrismes et histoires d'Afrique :
bibliographie
- Afrocentrismes : l'histoire des Africains entre Égypte et Amérique, François-Xavier Fauvelle-Aymar, Jean-Pierre Chrétien, Claude-Hélène Perrot, Karthala, 2000.
- Histoire d'Afrique : les enjeux de mémoire, Jean-Pierre Chrétien et Jean-Louis Triaud (dir.), Karthala, 1999.
- L'impossible retour : à propos de l'afrocentrisme, Clarence E. Walker, Karthala, 2004.
- Les ethnies ont une histoire, Jean-Pierre Chrétien et Gérard Prunier (dir.), Karthala, 2003.
Le soldat inconnu était noir (Jacqueline Sorel)
soldat d'une unité sénégalaise en tenue kaki
(source troupesdemarine)
Le soldat inconnu était noir
Jacqueline SOREL
On fleurit les tombes, on réchauffe le Soldat Inconnu.
Vous mes frères obscurs, personne ne vous nomme.
Léopold Sédar Senghor (Hosties noires, 1938)
L'historien africaniste Marc Michel raconte le drame des soldats africains dépéchés sur le sol de France pendant la Première Guerre mondiale pour défendre une mère-patrie qui les considérait comme de la vulgaire chair à canon*. Un document utile pour comprendre cette page essentielle des relations franco-africaines.
Ce n'est pas sans un certain serrement de cœur que l'on imagine l'engagement des soldats africains sur le sol de France lors des guerres qui ensanglantèrent l'Europe. De ces "frères obscurs", célébrés par le poète Senghor dans Hosties noires, Marc Michel a reconstitué l'histoire dans une première thèse parue en 1982, et revue aujourd'hui pour une publication destinée à toucher le grand public.
Marc Michel est un professeur émérite de l'Université de Provence. Il a enseigné en Afrique et en France à de nombreux élèves, dont beaucoup d'Africains qui se souviennent de lui avec émotion. Sa contribution à l'histoire qui réunit dans un même combat les militaires africains et français est un document essentiel pour qui veut se souvenir du passé colonial et de la participation des "tirailleurs sénégalais" à la guerre. Le livre en fait l'historique et se limite à la guerre de 14-18.
Aux origines de la force noire, Charles Mangin, alors lieutenant qui, sous ce titre, développe en 1910 son projet de faire de l'Afrique noire le réservoir de la puissance française de demain devant le défi allemand. Le projet va cheminer dans l'esprit des autorités militaires, avec enquêtes auprès des administrateurs coloniaux et des chefs locaux, et avec des prises de positions diverses, dont celle très hostile de Jean Jaurès qui, au nom du parti socialiste pose le problème en ces termes : "...le prolétariat se demandera si vous ne voulez pas jeter sur le champ de bataille... une armée prétorienne au service de la Bourgeoisie et du Capital..."
La mise en place de "la force noire" n'est encore qu'à l'état d'expérience lorsque la conquête du Maroc vient modifier la situation. La métropole qui ne trouve pas aisément des militaires prêts à ces futurs combats, fait appel aux Africains recrutés tant bien que mal en Afrique Occidentale pour renforcer ses bataillons. Entre 1908 et 1914 ces "Tirailleurs sénégalais" font partie de l'armée d'Afrique qui impose le protectorat au Maroc.En 1914, c'est la mobilisation générale contre l'Allemagne. L'appel à l'Afrique commence au mois d'août. Marc Michel analyse finement les diverses attitudes des responsables face à la guerre : William Ponty, gouverneur général de l'AOF, celui-là même dont le nom fut donné à la grande école de formation des élites, propose d'envoyer plusieurs milliers d'hommes et affirme que : "l'enthousiasme serait extrême si les populations étaient informées que les indigènes sont admis à l'honneur de se battre en France". Cette vision est souvent démentie sur le terrain. Dans la province du Bélédougou en particulier, le recrutement suscite une révolte et cet avertissement d'un chef qui déclare fièrement qu' : "à tout prendre, puisque ces guerriers ne devaient jamais revoir leurs villages, ils préféraient se faire tuer sur leur sol." Dans d'autres régions, c'est la fuite en brousse qui sauve les présumées recrues.
village du cercle de Kolokani (Mali)
"L'impôt du sang"
Plus complexe fut l'attitude des "évolués" dont beaucoup se disent attachés à la "mère patrie". Les notables font preuve de prudence, les marabouts sont accusés d'avoir un discours ambigu, tous sont pris entre le besoin de s'accommoder des autorités coloniales et de soutenir les populations hostiles à la conscription. L'intervention de Blaise Diagne élu député du Sénégal en 1914 est alors décisive. Au parlement français, il est considéré comme la voix de l'Afrique. Il propose d'échanger "l'impôt du sang" contre l'octroi "aux plus évolués de la population africaine" de la citoyenneté française. Ses propositions, débattues à l'Assemblée, aboutiront, en mars 1916 à une loi accordant aux natifs de quatre communes, Gorée, Dakar, Saint-Louis, Rufisque, de n'être plus des sujets mais des citoyens, ce qui implique le service militaire. Pour eux, "l'égalité est reconnue à travers le sacrifice ".
La guerre franco-allemande fut sanglante, en particulier pour les forces noires envoyées de façon massive sur la Somme, à Verdun, puis au Chemin des Dames. Mangin y recevra le titre de "boucher des noirs". Le livre de Marc Michel analyse les conséquences des nouveaux recrutements imposés par le gouvernement français à l'Afrique et les troubles qu'ils provoquent. De la chasse à l'homme à l'appât financier, tous les moyens sont mis en oeuvre pour enrôler des hommes sous le drapeau français entre 1915 et 1916. Ils s'accompagnent de grandes révoltes, souvent peu connues, que le livre de Marc Michel racontent en détails, telle celle de l'Ouest Volta décrite par un témoin effaré mais admiratif du courage de ces résistants.
L'année 1918 voit la montée en puissance de Blaise Diagne, élevé à la dignité de commissaire de la République. Son prestige en Afrique est immense. Il est chargé de faire à nouveau appel à la force noire, mais il veut que l'on offre des contreparties à ses concitoyens. Le "réservoir africain" fonctionne durant cette dernière année de guerre qui doit ouvrir des perspectives nouvelles pour les Africains qui ont servi sous les drapeaux français. L'armée coloniale est née ; elle aura son école, Blaise Diagne y croit : "Il y a le plus grand intérêt au point de vue politique et social à faire passer le plus grand nombre possible par l'Ecole de l'Armée de façon à ce qu'ils soient rendus à leur colonie d"origine plus instruits et mieux pénétrés de l'influence française".
Le livre de Marc Michel montre bien la rupture que constitua La Grande Guerre au sein même de l'Afrique Occidentale Française. Les modifications apportées aux structures coloniales, les changements dans les mentalités, notamment suite aux récits des anciens combattants, la prise de conscience des évolués qui pour certains suivent les traces de Blaise Diagne, et pour d'autres prennent une voie radicalement différente, transforment les regards et les relations de part et d'autre de la barrière coloniale. Le récit en est passionnant pour qui s'intéresse aux relations entre la France et l'Afrique dans ces années évolutives ; il fournit de nombreuses informations et permet de recréer une époque et de donner quelques clés pour comprendre la suite des événements de ce 20e siècle qui vit l'Afrique combattre à nouveau aux côtés des soldats français, avant de gagner son indépendance et de prendre en main son destin.
Jacqueline Sorel
5 mars 2004 - source rfi.fr
* C'est un sort qu'ils ont partagé avec tous les Français mobilisés... (MR)
Première Guerre mondiale : tirailleurs sénégalais traversant une ville (Reims ?)
Les Africains et la grande guerre. L'Appel à l'Afrique,
par Marc Michel. Ed. Karthala, 304 pages, 26 euros.