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études-coloniales
2 décembre 2008

Vietnam : Une histoire coloniale effacée ? (Jean-Pierre Renaud)

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Impressions et images fugitives

du nord Vietnam (octobre 2008)

Une histoire coloniale effacée ?

Jean-Pierre RENAUD

 

Voyage de plaisir, de culture, et aussi de tourisme historique sur les lieux de la période de conquête, celle qui a fait l’objet de mes recherches sur les  retraites françaises de Bac Lé et de Lang Son, en 1884 et 1885, et sur le Yen Thé du Dé Tham  des années 1885-1913…

Des Vietnamiens accueillants mais réservés, une capitale, Hanoï, trépidante, une vraie fourmilière, et dès le lever du jour, et jusqu’au soir, des escadrons de cavalerie de motos en rang serrés dans toutes les rues, et à chaque carrefour, dans le plus grand désordre, mais avec peu d’accidents semble-t-il ! Moins de police visible qu’à Paris ! Et aussi des gerbes de fils électriques qui décorent rues et trottoirs.

Agitation, bruit, fébrilité, et en contraste, à l’aube ou au crépuscule, des centaines de vietnamiens font de la marche, de la gymnastique, ou du tai chi autour du lac romantique Hoan Kiem, celui de la tortue sacrée.

Après un détour par les merveilles de la baie d’Along, un peu de tourisme historique, direction Lang Son et la frontière de Chine, et retour par Bac Lé et le Yen Thé.

Lang Son n’a plus rien à voir avec les cartes postales de l’époque montrant un habitat dispersé autour d’éperons rocheux qui structurent encore la  cité devenue une ville de plus d’un million d’habitants. J’ai cherché en vain les fameux forts que décrivaient les chroniques militaires, et j’ai escaladé un de ces éperons, dont le sommet conservait encore quelques résidus de brique qui devaient appartenir à un des bastions ou  à un des forts de la cité.  Impossible donc de comprendre à partir du présent, pour un touriste curieux d’histoire, le passé militaire de la ville, sauf à noter que le relief est effectivement très enchevêtré.

Comme par le passé, la Chine est ici omniprésente, mais son influence est passée du stade politique et militaire au stade politico-économique. À noter qu’à Dong Dang, le temple taoïste semble avoir un grand succès auprès de la population. Il était bondé lors de notre passage.

Sur l’ancienne route mandarine, dont le tracé est, pour partie, encore celui de la route moderne actuelle, en suivant la fameuse rivière  Song Thuong, qui a vu passer successivement les colonnes militaires de Dugenne et de Négrier, en 1884 et 1885,  avec le soit disant guet-apen de Bac Lé et la folle retraite de Langson  on a l’impression de suivre une route française ou suisse de montagne, dans une vallée assez large, avec de temps en temps des étranglements, sauf à signaler, comme cela a été fait dans les chroniques de l’époque, la muraille de falaises, abruptes et très découpées, d’au moins cent mètres de haut, qui suit d’assez près le cours de la rivière. De jungle aujourd’hui, point !  Mais il ne fallait sans doute pas beaucoup de troupes chinoises pour arrêter la progression des colonnes françaises.

On a du mal à imaginer que des forts chinois  aient pu couronner ces falaises, mais peut être s’agissait-il de bastions !

Enfin une incursion dans le fameux Yen Thé, décrit  par les militaires, comme le territoire d’une jungle inextricable, contrôlée par son héros de la résistance vietnamienne, le Dé Tham. À Nha Nam, l’ancien chef lieu du cercle militaire français, aucune trace du chef rebelle. De nos jours, on traverse un paysage qui ressemble assez à un boccage de chez nous, sauf qu’il s’agit ici de rizières,  et non de champs ou de prairies.  Plus de jungle, s’il y en eut une, en tout cas dans la zone que nous avons traversée et qui entoure l’ancienne citadelle du Dé Tham, à Phuong -Suong.

Dans le bourg lui-même, une belle et grande statue du personnage, et en face un musée sans gardien et apparemment, sans public, dans lequel de jeunes descendants du personnage s’entraînaient au tir à l’arc  Musée au demeurant intéressant, mais dont la fréquentation pose la question de la place de ce grand et célèbre rebelle dans l’histoire et la mémoire du pays, mineure, semble-t-il, par rapport à la place écrasante qu’y occupe le président Hô Chi Minh. Car le héros moderne du Vietnam est incontestablement ce dernier, avec des monuments édifiés un peu partout, et l’épopée de ce peuple est beaucoup plus celle de la guerre américano-vietnamienne que franco-vietnamienne. Le peuple entretient la mémoire de sa longue guerre d’indépendance à la façon dont la France l’a fait pour la guerre 1914-1918.

Le livre de Nguyen Khac Vien, intitulé Vietnam une longue histoire, met en évidence qu’à son époque, le Dé Tham ne fut pas le seul à se rebeller contre la France. Son originalité fut sans doute celle d’avoir été le seul  grand rebelle d’extraction populaire, paysanne, et d’avoir combattu les armes à la main.


la colonisation française purement et simplement effacée ?

La colonisation française paraît purement et simplement effacée, alors que la France a été à l’origine de la création d’Hanoï, et qu’elle a entraîné, à son époque, le Tonkin dans la modernité. Dans la capitale, il faut être curieux pour retrouver des signes indubitables de l’ancienne présence française, le pont Doumer, toujours en service, et sous un autre nom, et l’ancien quartier colonial aux  constructions fastueuses, dont notamment celle de l’opéra qu’une chaîne hôtelière  américaine a réussi à border malencontreusement par un des ses bâtiments. La langue anglaise a balayé le français.

Mais il est vrai que le Vietnam avait déjà un long passé lorsque la France y a mis les pieds :  les temples et les pagodes qui parsèment le delta et la montagne, des ensembles architecturaux remarquables tels que l’immense citadelle de Hué ou les magnifiques tombeaux des empereurs, ainsi que les pagodes monumentales et colorées de l’ancienne capitale d’Annam, sont là pour en témoigner.

Alors, il est vrai qu’on peut s’interroger sur la colonisation française et sur le type d’institutions politiques qui auraient convenu à ce pays, plus qu’à ceux d’Afrique, plus celle d’une nouvelle république, associée, que celle du maintien d’une féodalité puissante de mandarins, soutenue par la coalition des puissants intérêts économiques d’Indochine. M. Phan Chu Trinh, grand lettré et opposant à la colonisation française, avait d’ailleurs proposé cette solution au début du vingtième siècle.

Nous avons été particulièrement frappés par la vitalité des cultes locaux, surtout le bouddhisme et le taoïsme, et la visite de la pagode de Bac Lé, à une faible distance du fief du Dé Tham, nous a révélé un lieu de culte et de superstition populaire, autrement animé que la pagode de Phuong-Suong, bien entretenue par une gardienne, mais qui était fermée. On viendrait en foule à Bac Lé, et de loin, pour se concilier les divinités de la fortune.

Le régime communiste semble fort bien s’accommoder de la vitalité  de ces cultes anciens et populaires, alors qu’à Hanoï, Lang Son, et Bac Giang, le parti diffuse chaque matin, aux aurores, et le soir, avant le crépuscule, ce qui semble bien ressembler à des sermons quotidiens. Dans les années 1980, le Vietnam a pratiqué la politique d’ouverture, et l’on voit bien dans la plaine du Tonkin les multiples signes d’une nouvelle et récente prospérité économique, usines déjà construites ou en construction, périmètres de lotissement  urbain ou industriel à venir, mais le régime pouvait-il faire autrement pour faire face à l’augmentation phénoménale de sa population après la guerre Vietnam-USA ?

Une Indochine française disparue, mais l’avenir dira si le régime communiste aura une durée plus longue que celle de la colonisation française, et si le véritable héritage de ce régime ne sera pas plus celui d’Hô Chi Minh et de sa lutte victorieuse contre les Américains, que celui d’un régime communiste.

Sic transit gloria mundi !

Jean-Pierre Renaud
1er décembre 2008

 

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Commentaires
T
Bonjour DSR,<br /> <br /> Je ne suis pas historien mais simple ingénieur, ma connaissance en histoire est donc très limitée.<br /> Vous pouvez néanmoins m'envoyer des questions à mon adresse mail (thuanan@rocketmail.com) ou c'est peut être mieux de les poster directement sur ce blog. D'autres plus compétents que moi pourraient certainement vous aider.<br /> <br /> Cordialement,<br /> Teo
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D
Bonjour Monsieur Teo,<br /> Je suis étudiante et j'aimerais vous poser quelques questions (concernant notamment d'éventuelles références bibliographiques à me conseiller) croyez vous possible de laisser votre adresse mail ou de me contacter à cette adresse : djo 236 at yahoo. com<br /> Je vous remercie <br /> Bien cordialement<br /> DSR.
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T
Je suis très flatté d’avoir pu donner des «instants idylliques » à Mme Ulmann. Par contre, j’ai du mal à voir comment peut-elle arriver à la conclusion que la France « peut se targuer d’avoir gagné Dien Bien Phu ». <br /> <br /> Ce qui a causé la perte des français, ce n’est pas tant la supériorité numérique de l’ennemie ou la « couardise » de certains soldats français comme vous prétendez, mais c’est surtout la débilité de leur commandement qui était incapable de penser que les Viet Minh sont en mesure d’installer l’artillerie de l’autre côté des collines pour les pilonner. Sans ce facteur déterminant, les viets n’auraient jamais pu remporter la victoire. Car les français étaient largement surarmés (grâce aux dollars américains) et avaient en plus la maîtrise du ciel. C’est un peu comme ce qui se passe en 1939 quand des incompétents dirigeants militaires français croyaient dur comme fer que les allemands vont obligatoirement passer par leur ligne Maginot pour entrer en France.
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L
Je vis des instants ydilliques rien qu'à lire les lignes de Mr Téo (qui n'a pas toujours tort,mais qui est d'une hargne incroyable).Et,il faut bien le dire,prend les autres pour des C...<br /> Il faudrait que Mr TEO lise les livre du Général Bigeard pour savoir ce que fût Dien-bien-phù,et sur lequel le Général Giap était en grande partie d'accord.La politique française a baissé les bras parce que les américains n'ont pas aidé comme la france le souhaitait,parcequ'ils avaient en vue de prendre le pays à la place de la france afin de lutter contre le communisme,mais surtout pour conquérir le globe.De la même façon,les intentions des alliées(angleterre et etats unis d'amérique)étaient de devenir maitres de la france et surtout pas autre chose.De gaulle heureusempent était là.<br /> Mais vu le nombre de morts dans cette bataille de D.B.P.et vu le nombre de participants,la france peut se targuer d'avoir gagné et aurait dû gagner,celà a été pareil pour l'algérie,la france aurait dû gagner ,mais elle a baissé les bras.<br /> Il est bien certain que si des combattants comme le Général Bigeard avaient été plus nombreux et d'autre moins couard,l'algérie serait peut être restée non pas française,mais amie de la france comme aurait pu l'être le viet-nâm,si des accords valables avaient été conclus(ce que hô chi minh n'avait jamais refusé,et avait toujours souhaité,car il aimait la france et la langue française.<br /> En définitive,la france a abandonnée ceux qui s'étaient investis pour son extension,mais aussi a abandonnée les harkis d'algérie et les pro-français annamites dont beaucoup sont morts pour cette france qui les a trahie.Par contre la france a récupéré une partie importante d'africains noirs et d'africains du nord qui ne sont et ne seront jamais pour la france tout en profitant de tous les avantages que ce pays leur procure et qu'ils pillent.Très peu s'intègrent.
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T
J’espère bien que Saigon va retrouver son nom car c’est le souhait de tous ses habitants. Quant aux filles qu’on peut payer en « dollars sonnants et trébuchants », des américains m’ont raconté qu’ils ont pu avoir de très jolies françaises à Paris simplement en sortant quelques billets verts, et il paraît que c’est le cas dans toutes les villes de France. C’est très gentils de la part de Pickwik de s’inquiéter de l’avenir de Saigon, mais n’y a-t-il pas un proverbe français qui suggère qu’il vaut mieux balayer d’abord devant sa porte ? <br /> <br /> L’inquiétude de Pickwik concernant la dégradation de l’image du Vietnam est tout à fait naturel. Les viets eux-mêmes pourraient aussi être tentés de s’inquiéter de l’image que le monde garde de la France. D'un peuple « vaillant, avant-gardiste et révolutionnaire », inventeur des droits de l’homme en 1789, qui « finit au fond de ses chaussures» et va bafouer ces même droits en s’attaquant à d’autres peuples dans ses colonies. Même après avoir été écrasée, humiliée et massacrée par les allemands, c’est à dire après avoir reçu le même traitement qu’elle a appliqué aux peuples colonisés, la première chose que la France a fait dès la libération américaine était de demander l’aide financière de ses libérateurs pour pouvoir revenir au Vietnam et continuer à priver ce peuple de sa souveraineté. On ne peut pas dire qu’elle a appris la leçon de l’occupation allemande. Encore aujourd’hui, 50 ans après l’humiliation de Dien Bien Phu, quand on voit la teneur de certains articles sur ce site web ou les commentaires des gens comme Picwik, force est de constater que certains français n’ont toujours pas compris la leçon.<br /> <br /> L’image d’un peuple est toujours multi facettes, mais si on veut rester au même niveau de raisonnement que Pickwik, c’est cette image qu’on risque de retenir de la France.
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