Gaston Monnerville, par Jean-Paul Brunet
Gaston Monnerville, un destin d'exception
Jean-Paul BRUNET
Jean-Paul BRUNET
auteur de Gaston Monnerville (1897-1991) - Un destin d'exception
Editions Ibis Rouge
fera une conférence sur Gaston Monnerville,
à l’issue de laquelle il dédicacera son ouvrage
le jeudi 20 novembre 2014 à 17 h
aux Archives de Paris
18, bd Sérurier, 75019-Paris (M° Porte des Lilas)
Il sera heureux de vous rencontrer
L'historien Jean-Paul Brunet parle de Gaston Monnerville
la place du Marché à Cayenne, en 1900 ; Gaston Monnerville est né en 1897
collège de Cayenne ; est-ce celui fréquenté par Gaston Monnerville ?
Cayenne, rue de la Liberté, fin XIXe ou début XXe siècle
Gaston Monnerville dans la Résistance, août 1944
Gaston Monnerville dans les années 1950
Gaston Monnerville, président du Sénat
- biographie de Gaston Monnerville sur le site du Sénat
Marie-Étienne Péroz, un officier des troupes coloniales
d'Afrique au Tonkin, en passant par
la Guadeloupe et la Guyane, un officier
des troupes coloniales
un livre publié par Jean-Pierre RENAUD
Enfant de Franche Comté, le soldat Péroz a manifesté très tôt son patriotisme. Il n’avait que 13 ans, lorsqu’il prit les armes contre les Prussiens, à Vesoul, pendant la guerre de 1870. Avant de s’engager dans l’infanterie de marine, le jeune Péroz participa à la guerre carliste, en Espagne, à la tête d’un peloton de cavalerie.(1875)
Une fois engagé, Péroz prit part aux grandes aventures coloniales de son époque, alors que les gouvernements de la Troisième République avaient engagé leur politique de conquêtes coloniales sur tous les continents.
Le soldat s’illustra notamment sur le Niger, avec ou contre Samory (1885-1892), et au Tonkin (1906-1908), contre le grand rebelle que fut le Dé-Tham.
Mais il fit également un séjour en Guadeloupe et en Guyane, où il croisa la route du capitaine Dreyfus, et, en sa qualité d’officier d’ordonnance des ministres de la Marine et des Colonies, dans les années 1888-1891, il fut aux premières loges des manifestations qui accompagnèrent l’élection du général Boulanger.
Il termina sa carrière dans des conditions énigmatiques alors qu’il mettait sur pied la nouveau territoire Niger-Tchad.
ils ne furent pas tous "traineurs de sabre"
Tout au long de sa longue carrière, Péroz a donné son témoignage de soldat et de citoyen, sur l’ensemble de ses expériences métropolitaines ou coloniales, car il a écrit des milliers de pages, et publié plusieurs livres, tout au long de sa vie. Son témoignage est précieux, notamment sur l’armée, les troupes coloniales, les opérations coloniales contre Samory, au Soudan, ou le Dé-Tham, au Tonkin, car dans beaucoup de cas et de circonstances, ce témoignage constitue une quasi-confession, d’homme et de soldat.
Ce livre est donc mis au service de ces confessions, avec des commentaires appropriés. Le lecteur pourra constater qu’il y avait un regard Péroz qui n’était, ni celui d’un colonialiste, ni celui d’un «traîneur de sabre», mais un regard d’honnête homme.
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notice Péroz dans le répertoire des photographes, Archives d'Outre-Mer
Bibliographie :
- "Le Soudan français et son avenir commercial", par E. Peroz, dans Bulletin de la Société normande de géographie, 1890.
- "La tactique dans le Soudan français. Quelques combats et épisodes de guerre remarquables", par E. Peroz, dans Revue maritime et coloniale, 1890
- Au Niger. Récits de campagne, 1891-1892, par E. Peroz, Paris, Calmann-Lévy, 1894.
- Au Soudan français, souvenirs de guerre et de mission, par E. Peroz, Paris, Calmann-Lévy, 1899.
- Hors des chemins battus, 1896-1899, par E. Peroz, Paris, Calmann-Lévy, 1900
- Le Niger, voie ouverte à notre empire africain, par E. Peroz, en collaboration avec le capitaine Lenfant, Paris, Hachette 1903.
- Projet d'organisation définitive du Territoire de Zinder, par E. Peroz, Congrès colonial français de 1904.
- Vie et aventures d’un soldat de fortune, par E. Peroz, Paris, Calmann-Lévy, 1906.
- France et Japon en Indochine, par E. Peroz, Paris, Chapelot, 1906.
Né à Montbozon (Haute-Saône), le 12 août 1857, Peroz fait la guerre de 1870 dans les Francs-tireurs, puis en 1875 part en Espagne combattre auprès du prétendant au trône Carlos. Engagé dans l’infanterie de Marine (1880), il est envoyé au Soudan, et participe à la première campagne contre Samory (1885).
Remarqué par Gallieni, il est chargé d’une première mission auprès de Samory (1886), qui lui vaut sa promotion comme capitaine. À nouveau en mission à partir de Kayes en 1887, il gagne à la France toute la rive gauche du Niger, c’est à dire le Royaume Ouassoulou, expédition que raconte Gallieni dans Deux campagnes au Soudan français. Il participe à une nouvelle campagne, cette fois sous les ordres d’Archinard.
Capitaine d'Infanterie de Marine, il est ensuite en poste au ministère de la Marine (1890-1891), comme officier d'ordonnance du chef d'état-major de la Marine, et est déjà décoré de la Légion d'honneur et des Palmes académiques. En 1894 il est commandant supérieur des troupes en Guyane. Envoyé en Indochine en 1896, il est commandant du cercle de Yen-Thé où il lutte contre les pirates du De Tham qu’il soumet par la persuasion.
Devenu résident à Nha-Nam, il fait arrêter Ky-Dong à la veille d’une insurrection. Promu lieutenant-colonel, il rentre en France en 1899. Puis il revient en Afrique, d’abord à Djibouti. Le colonel Peroz commande en 1901 le 3e territoire militaire, à Zinder, territoires du Haut-sénégal et du Moyen-Niger (futur Soudan français). Il parcourt le Soudan jusqu’au Lac Tchad.
Usé par les maladies, il demande sa retraite. Il meurt à Paris en 1910. Il a publié ses mémoires sous le pseudonyme d'Esteban de Guzman. Il a également été un collaborateur de La Dépêche coloniale, et de la Revue de Paris, et a écrit de nombreux ouvrages de 1890 à 1908. Il a participé en 1904 au Congrès colonial français.
Marie-Hélène Degroise
réponse à Gilles Manceron sur Hélie Denoix de Saint Marc
oubli ou ignorance ?
réponse à G. Manceron sur Hélie Denoix de Saint Marc
général Maurice FAIVRE
L'article de Gilles Manceron, intitulé "Hélie Denoix de Saint-Marc ou la fabrication d'un mythe", confirme sa manière de faire, qui consiste à utiliser des petites phrases, non vérifiées (1) et extraites de leur contexte, pour les transformer en pamphlet anticolonialiste et antimilitariste, conforme à une idéologie dévoyée des droits de l’homme.
Dans cet article, un certain nombre de faits historiques sont instrumentalisés :
Les officiers colonialistes
- Hélie de Saint Marc, et les officiers d’Algérie en général, seraient des «nostalgiques de la colonisation».
- Or dans l’article du Livre blanc incriminé, le commandant de Saint Marc estime qu’il faut «en sortir par le haut» et établir «une relation privilégiée» entre la France et l’Algérie ; les officiers «ne sont pas fanatiques de l’Algérie française» et «n’ont pas pour mission de conserver les privilèges de la colonisation… ni d’empêcher l’indépendance».
- On retrouve la même opinion, dès juin 1956, dans la lettre du général Ely au ministre Cheysson, où il estime l’indépendance inéluctable et se prononce pour une solution fédérale.
- Plus tard, le général Salan approuve la loi-cadre de Robert Lacoste, qui prépare une autonomie de l’Algérie sans exclure l’indépendance (2).
- Claude Paillat, proche des officiers parachutistes, les décrit comme «des enfants de la Révolution française : on apporte la liberté, on va refaire une autre société que ces colonies un peu pourries».
La bataille d’Alger et la torture
- Ce serait Massu qui aurait demandé et obtenu de rétablir l’ordre à Alger en employant des méthodes policières brutales, dont la torture, en suivant les conseils des colonels Godard et Trinquier.
- en réalité, c’est l’Assemblée nationale qui approuve les pouvoirs spéciaux le 12 mars 1956, donnant des pouvoirs accrus à l’armée et planifiant d’importantes réformes sociales.
- le 30 juin 1956, Lacoste confie à l’armée la respnsabilité du maintien de l’ordre. Peut-on ignorer la démarche de Lacoste auprès de Guy Mollet en décembre 1956, confirmée par la biographie de Pierre BRANA ?
- d’autre part, la deuxième phase de la bataille d’Alger, après avril 1957, a été conduite par infiltration des réseaux terroristes grâce aux bleus du capitaine Léger, et non par des interrogatoires musclés (3).
- c’est ce que reconnaît Zora Driff face à Lartéguy : «ces méthodes n’avaient plus court quand j’ai été prise (septembre 1957)».
- la directive de Massu sur le renseignement, de novembre 1957, ne prescrit pas la violence,
- son aveu de général vieillissant à Florence Beaugé : «on aurait pu faire autrement» correspond à ce qui a été fait.
- la présentation du colonel Trinquier comme un adepte de la torture a été démentie par ses adjoints au secteur d’El Milia : Messmer, Dabezies et le général Jacquinet ; elle y était formellement interdite.
Le livre blanc de l’armée en Algérie
- la genèse du Livre blanc de l’armée en Algérie est totalement ignorée par Manceron qui en fait une critique fausse et tronquée.
- Le projet en a été lancé par des officiers de réserve qui estimaient totalement injustifiée la campagne antimilitariste des années 2000.
- 521 généraux ont approuvé non pas l’ensemble du texte, mais seulement la préface du général Gillis, dont Manceron n’a lu que les dix premières lignes.
- Or la préface reconnaît que «certains, pendant la bataille d’Alger, ont été confrontés à un dilemme : se salir les mains en interrogeant durement de vrais coupables ou accepter la mort certaine d’innocents. S’il y eut des dérives, elles furent marginales et en contradiction même avec les méthodes et les objectifs poursuivis par la France et son armée».
La pacification couverture de la violence
- considérer la pacification comme destinée à dissimuler la violence est une autre méconnaissance des faits.
- Parcourant le Constantinois en 1958, Lacouture observe que «l’action menée par quelques officiers et leurs hommes m’a paru en tout état de cause positive et fructueuse, quel que puisse être demain le statut de l’Algérie… ce que l’armée est en train de faire ressemble à un travail révolutionnaire».
- La directive de Salan du 24 novembre 1957 institue les centres militaires d’internement (CMI) pour les rebelles pris les armes à la main (PAM) conformément aux Conventions de Genève.
- 400 jeunes européennes et musulmanes des Equipes médico-sociales itinérantes accompagnent les médecins de l’AMG et se dévouent auprès des femmes et des enfants musulmans.
- à la rentrée de 1961, plus des deux tiers des enfants sont scolarisés grâce à la coopération de l’Éducation nationale, des Centres sociaux éducatifs et des instituteurs militaires.
- en 1961, 4.800 moniteurs et monitrices du Service de formation de la jeunesse rassemblent des milliers de garçons et de filles dans des Foyers de jeunes et des internats.
Participation au putsch.
Penser que le commandant de Saint Marc a été manipulé par ses sous-officiers traduit une certaine ignorance du déroulement de la journée et de la discipline militaire.
Des humanistes admirables ?
- L’évocation élogieuse de Paul Teitgen et de Bollardière par Manceron mériterait d’être nuancée (4).
- Michelo Debré écrit à Edmond Michelet le 19 septembre 1960 que «les mérites du personnage sont minces… Outre que son récit est mensonger, sa conduite n’est pas admissible et ses propos ne sont pas tolérables». Le même Michelet déplore la déclaration de Teitgen au procès Jeanson.
- l’historien Pervillé met en doute les estimations de Teitgen sur les assignations à résidence.
- Les mêmes réserves peuvent être exprimées sur le général de Bollardière, qui reçu par le général Allard, ne peut lui expliquer les raisons de son désaccord avec Massu. Avant de quitter Alger, il déclare à Salan qu’il se tiendra «à l’écart de toute polémique» ; c’est parce qu’il n’a pas respecté cet engagement qu’il sera sanctionné. Le général Ely estime «sa faute très grave ; il a fait le jeu de l’ennemi».
- Il y aurait beaucoup à dire sur les qualités attribuées à Vidal-Naquet et au général Katz. Mais une recension historique n’est pas un exercice de polémique.
Nombreux sont les Français qui se réjouissent que l’État ait reconnu les mérites d’un officier hors du commun.
Maurice Faivre
le 2 février 2012
1 - C’est ainsi que dans « Les harkis, histoire, mémoire et transmission », Manceron m'attribuait trois prises de position erronées, sans avoir fait aucune vérification des faits.
2 - Réf. Pierre Brana et Joelle Dusseau. Robert Lacoste. L’Harmattan 2010
3 - Confirmation par le général Schmitt, qui a fini par gagner sa deuxième bataille d’Alger en Cassation contre la fausse terroriste Ighilariz.
4 - Fonds Debré 2DE21 – Rapport Allard du 28 mars 1957 – Rapport Salan du 29 mars 1957 – Fonds Ely 1K233 – article Pervillé : la guerre d’Algérie revisitée, colloque des 14-16 novembre 2002.
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texte de Gilles Manceron
Le pompeux "Comité de vigilance face aux usages publics de l'histoire" n'a pas l'habitude de publier les réponses adressées aux critiques qu'il publie. La vraie confrontation lui fait peur. Nous l'avons déjà vérifié quand Daniel Lefeuvre a répondu aux critiques de Catherine Coquery-Vidrovitch (relire le débat ici).
Nous procédons différemment. Voici le texte de Manceron.
Études Coloniales
La discrétion du commandant Hélie de Saint-Marc
Il arrive qu’un peuple, une minorité, une corporation éprouve le besoin de désigner une personne jugée remarquable par l’action ou la pensée pour l’exalter en un personnage exemplaire, à qui le groupe ou l’individu puissent s’identifier. Le héros, la part faite à sa valeur humaine intrinsèque, est une construction collective. Le phénomène s’observe au mieux dans le domaine du politique, dont relèvent les deux articles qui suivent, s’agissant d’une personne vivante qui se prête à la fabrication de la légende élaborée à son sujet, voire l’alimente.
L’enjeu est de la mémoire d’une sanglante décolonisation achevée voilà près d’un demi-siècle, du sens à donner à des événements politiques et militaires qui ont laissé des traces profondes dans la conscience de ceux qui les ont vécus, mais aussi de qui en éprouve encore aujourd’hui les conséquences, en Algérie, en France, en Indochine et ailleurs. Examiner, jusqu’à les déconstruire, la constitution à leur propos de représentations historiques erronées, est profitable à tout un chacun.
Le présent dossier comprend deux éléments :
l’article « Hélie Denoix de Saint-Marc ou la fabrication d’un mythe », par Gilles Manceron, historien [ci-dessous].
« La restitution du débat : Mémoires des guerres de décolonisation et l’institution militaire (20 septembre 2006) », par Valentin Pelosse, sociologue.
Hélie Denoix de Saint-Marc ou la fabrication d’un mythe
par Gilles Manceron
Parmi les instrumentalisations contemporaines de l’histoire figure, dans certains milieux nostalgiques de la colonisation et qui ne se sont jamais faits à l’idée des indépendances, le mythe de l’homme sage et attaché à la vérité qu’aurait été Hélie Denoix de Saint-Marc. La vie de cet officier parachutiste membre de l’état-major du général Massu lors de la Bataille d’Alger en 1957, participant au putsch d’avril 1961, est présentée de façon à susciter une admiration pour sa personne, que ceux qui défendent une certaine Algérie française cherchent à faire rejaillir à la fois sur les méthodes employées par les parachutistes lors de la Bataille d’Alger et sur les chefs de l’OAS avec lesquels – bien qu’il ne les ait pas suivis au lendemain du putsch – il s’est retrouvé emprisonné et vis-à-vis desquels il se refuse à exprimer la moindre critique.
On assiste ainsi à la construction d’un discours en partie fictif, qui n’est possible qu’au prix de l’oubli ou de la déformation de certains éléments de l’histoire. Le récit que fait Hélie Denoix de Saint-Marc, qui est toujours le même, souvent au mot près, est, en effet un discours construit, truffé d’occultations, de trous de mémoire et de « vérités officielles » qui sont des contre-vérités flagrantes. Tel est le cas, en particulier, sur deux sujets. D’abord, sur la Bataille d’Alger, puisqu’il affirme que c’est à son corps défendant qu’on a confié à la division parachutiste de Massu les pouvoir de police, alors que tous les historiens sont amenés à dire, en se fondant sur de nombreuses archives et même sur tous les écrits de ce dernier, que l’état-major de la 10e division parachutiste a longtemps, au contraire, réclamé qu’on les lui confie afin de mettre en œuvre les méthodes qu’elle a ensuite appliquées. Ensuite, sur le putsch d’avril 1961, où il s’attribue un rôle décisif qu’il n’a pas joué dans le basculement du 1er régiment étranger de parachutiste dans la rébellion.
Le site internet consacré à Hélie Denoix de Saint-Marc (heliedesaintmarc.com), qui parle de son « exigence de vérité » et le présente comme « un sage » qui cherche « à livrer sa part de vérité » (1) sert de chambre d’écho à ce récit construit. Et l’instrumentalisation de l’image de cet officier est manifeste aussi dans le Livre blanc de l’armée française en Algérie (2). Paru en 2001 dans le but de démentir et de disqualifier les travaux historiques, témoignages, articles de presse et films qui avaient, en 2000 et 2001, apporté de nouveaux éclairages précis sur la conduite de l’armée française dans la guerre d’Algérie, et de leur opposer une version mise à jour du discours officiel justifiant ces méthodes, ce livre a choisi, en effet, de le mettre en avant (3) en s’ouvrant sur une interview de lui qui s’étale sur dix pages… Cette place accordée à un officier au grade modeste de commandant, dans une opération telle que ce Livre blanc soutenue par 521 officiers généraux ayant servi en Algérie, pourrait surprendre si on ne comprenait pas que cet officier est l’un des rares parmi les jusqu’au-boutistes de l’Algérie française à avoir un passé de résistant et de déporté et une allure qui tranche avec le profil de baroudeur de beaucoup d’autres.
Car, en effet, l’engagement d’Hélie Denoix de Saint-Marc très jeune dans la Résistance et le récit de sa déportation à Buchenwald forcent le respect. Mais ce qui est escompté par la construction à son propos d’une légende, c’est l’idée que le parcours de cet homme entre 1940 et 1945 légitimerait ses choix entre 1955 et 1961, ou encore que sa propre déportation sous le nazisme confirmerait ses dénégations ou ses minimisations de la torture pratiquée par l’armée française en Algérie. Or, dans cette dernière période, il a croisé la route de bien d’autres anciens résistants et déportés dont la plupart ont pris des positions résolument opposées aux siennes en ce qui concerne l’usage de la torture, tel le ministre de la Justice Edmond Michelet, le secrétaire général de la préfecture d’Alger Paul Teitgen (4) ou le général Jacques de Bollardière, saint-cyrien, condamné à mort en 1940 par un tribunal militaire vichyste et compagnon de la Libération. Le président de l’Association des anciens déportés d’Algérie n’était autre qu’Yves Le Tac, l’un des animateurs en 1960 des mouvements gaullistes favorables à l’autodétermination de l’Algérie, qui fera l’objet de trois tentatives d’assassinats de la part des hommes de l’OAS qu’Hélie Denoix de Saint-Marc s’abstient soigneusement de désavouer. Utiliser le passé de Saint-Marc pendant la seconde guerre mondiale pour induire une approbation de sa conduite en Algérie entre 1955 et 1961 relève donc de la manipulation.
Les méthodes de la « pacification »
Après avoir participé à la guerre d’Indochine puis à l’expédition de Suez, il est en Algérie au 1er Régiment étranger de parachutistes (1er REP). On attendrait de sa part, cinquante ans plus tard, un témoignage précis, voire la réflexion d’un officier français de la Légion sur ce qu’on désignait alors pudiquement par le terme de « pacification ». Depuis cinquante ans, sur cette manière de faire la guerre, les témoignages se sont amoncelés, venant aussi bien d’appelés, d’officiers français que de civils ou d’anciens maquisards algériens – témoignages à passer, bien entendu, au crible de l’analyse critique, mais dont l’abondance permet de reconstituer, autant que faire se peut, cette forme de guerre. Il n’est qu’à lire, par exemple, pour en avoir une idée, le récit de l’appelé Jacques Pucheu intitulé « Un an dans les Aurès. 1956-1957 », publié par Pierre Vidal-Naquet dans Les crimes de l’armée française (5) pour mesurer à quel point les conventions internationales protégeant les populations civiles en temps de guerre et régissant le sort des prisonniers de guerre ont été systématiquement violées au cours de ces opérations dites de maintien de l’ordre.
Or, les actes précis qui ont fait partie de la « pacification » à laquelle se livrait l’armée française en Algérie ne sont abordés ni dans ses récits, ni dans les ouvrages et articles qui reprennent ses propos et cultivent sa légende, ni sur le site internet qui lui est consacré.
La torture durant la Bataille d’Alger
Pendant la bataille d’Alger, en 1957, le capitaine Denoix de Saint-Marc a été chef de cabinet du général Massu, qui, à la tête de la 10e division parachutiste, s’était vu confier les pouvoirs de police sur le Grand Alger, et il a été chargé en son sein, à partir de mai 1957, des relations avec la presse (6). Aux fonctions qu’il occupait, Saint-Marc était parfaitement au courant des méthodes de la Bataille d’Alger, de ce qui se passait à la villa Sésini et à la villa des Roses, et autres lieux de tortures de sinistre mémoire pratiquées par les hommes du 1er REP (7). Sorte d’attaché de presse du général Massu à partir du mois de mai, son travail consistait à défendre et à justifier aux yeux de l’opinion le rôle de police joué dans le Grand Alger par la 10e division parachutiste. Son passé de résistant déporté et son allure différente de celle de la plupart des autres officiers parachutistes l’avaient fait choisir pour tenter de faire passer auprès de la presse et des hommes politiques venus de France le discours de l’armée destiné à jeter un voile pudique sur la torture et les exécutions sommaires.
Loin de se livrer à un effort de lucidité sur cet épisode de son passé, Saint-Marc le reconstruit. Il affirme, par exemple, que les fonctions de police ont été imposées contre sa volonté à la 10e division parachutiste et à Massu « à son corps défendant » (8), par Robert Lacoste et Guy Mollet, ce qui est contraire à la réalité. En fait, Massu, secondé et conseillé par les colonels Roger Trinquier, commandant adjoint de la 10e division parachutiste, et Yves Godard, chef d’état-major puis commandant adjoint de la division, avait énoncé depuis longtemps les moyens à employer pour lutter contre le FLN et réclamé la charge de les appliquer. En particulier, nommé en août 1956 à la tête d’une commission chargée d’élaborer une doctrine de contre-terrorisme urbain, il a élaboré avec Godard et Trinquier une note préconisant de donner à l’armée la charge du maintien de l’ordre et précisant les méthodes qu’elle devrait employer, et qui seront celles-là mêmes de la Bataille d’Alger : « 1/ Tout individu entrant dans une organisation terroriste, ou facilitant sciemment l’action de ses éléments (propagande, aide, recrutement, etc.), est passible de la peine de mort. 2/ Tout individu, appartenant à une organisation terroriste et tombant entre les mains des forces spécialisées du maintien de l’ordre, sera interrogé sur le champ, sans désemparer, par les forces mêmes qui l’ont arrêté. 3/ Tout individu suspecté d’appartenir à une organisation terroriste pourra être arrêté chez lui et emmené pour interrogatoire devant les forces spécialisées de l’ordre, à toute heure du jour et de la nuit » (9)…
Trinquier, Godard, et leur chef Massu qui reprenait leurs théories, ont affirmé hautement, dès 1956, détenir la solution pour rétablir l’ordre et appelé explicitement Robert Lacoste et le gouvernement à leur donner les moyens de le faire en acceptant de confier à l’armée, et, en l’occurrence, aux parachutistes les pouvoirs de police car « nos lois actuelles sont inadaptées au terrorisme » (10). Une note du 22 septembre 1956 signée Massu précisait, par exemple : « Dans le cadre de la mission de l’armée en AFN, il apparaît nécessaire de préciser celle des unités de parachutistes. […] pour tout observateur militaire quelque peu averti et impartial, le problème actuel de l’AFN s’apparente à la pacification. L’armée résoudra ou non ce problème : mais elle apparaît seule susceptible d’y parvenir ». Dans les derniers jours de 1956, les autorités civiles ont accédé à ces demandes et accordé finalement à l’armée, et précisément aux parachutistes, ce qu’ils réclamaient depuis des mois. La directive de février 1957 du 2e bureau de la 10e division parachutiste confirmera qu’elle est enfin chargée de la mise en œuvre des méthodes qu’elle avait préconisées et qu’elle assume pleinement : « depuis un an et demi l’emprise rebelle sur l’Algérie n’a fait que croître […]. Si l’on veut extirper la plante malfaisante, il faut détruire la racine. Cette tâche incombe théoriquement aux différentes polices, mais l’expérience de dix ans de guerre subversive a prouvé que c’était aussi la tâche de l’armée. En fait, la destruction de l’infrastructure politico-administrative rebelle est la mission numéro un de l’armée » (11).
La 10e division parachutiste n’a donc pas reçu des gouvernants civils des pouvoirs de police à son corps défendant, elle a élaboré une méthode de guerre qu’elle a présentée comme la seule solution face au terrorisme et demandé au pouvoir civil d’appliquer, ce qu’elle a finalement obtenu. Or Hélie Denoix de Saint-Marc, chargé au sein du cabinet de Massu en mai 1957 d’expliquer et de justifier l’action de la 10e division parachutiste en matière de police, dit aujourd’hui : « Je pensais à cette époque et je le pense toujours […] l’armée ne doit pas se voir confier des missions de police ». Qu’il pense cela aujourd’hui, acceptons-en l’augure et déduisons qu’il aurait, par conséquent, changé d’avis. Mais qu’il l’ait pensé à l’époque tout en acceptant la fonction consistant à convaincre l’opinion française du contraire, on ne pourrait qu’en conclure un singulier manque de courage de sa part. Il eut été logique, s’il est vrai qu’il l’avait pensé alors, qu’il réagisse comme l’a fait, en mars 1957, le général de Bollardière qui pensait effectivement cela et qui a protesté contre le fait qu’on ait confié des pouvoirs de police à l’armée et les méthodes qui en découlaient. Commandant le secteur Est-Atlas Blidéen de la Région militaire d’Alger, il a fait part le 7 mars au commandant de la région militaire de son désaccord avec Massu : « Convoqué ce jour à dix heures par le général Massu, j’ai été obligé de prendre conscience du fait que j’étais en désaccord absolu avec mon chef sur sa façon de voir et sur les méthodes préconisées. Il m’est donc impossible de continuer honnêtement à exercer mon commandement dans ces conditions. J’ai donc l’honneur de vous demander d’être immédiatement relevé de mes responsabilités et remis à la disposition du commandement en France ». A l’opposé de Bollardière, Saint-Marc a suivi le courant. Il a accepté de justifier que l’on confie des missions de police à l’armée et les méthodes qui en découlaient. Bollardière pensait-il à lui quand, évoquant l’attitude d’alors de nombre d’autres officiers parachutistes, il écrivit : « Dans cette période où l’hésitation et l’attentisme de beaucoup m’écœuraient, j’éprouvais le besoin d’un choix clair » (12).
Quant à son rôle de relations avec la presse, Saint-Marc affirme : « vis-à-vis d’eux, j’ai toujours essayé d’être honnête, je crois ne jamais leur avoir menti, je ne leur ai pas toujours dit la vérité, mais je crois ne leur avoir dit que des vérités » (13). Faire l’histoire de la Bataille d’Alger oblige pourtant à dire que le rôle de l’officier de presse de la 10e division parachutiste a été précisément en 1957 d’organiser le mensonge. Et quand un site internet se voue aujourd’hui à l’hagiographie du vieillard à l’allure vénérable qui prononce ces paroles, on ne peut que songer à la phrase de Pierre Vidal-Naquet : « il vaut mieux, pour une nation, que ses héros, si elle en a encore, en dehors de ceux, éphémères, que choisissent chaque semaine deux émissions concurrentes de télévision, ne soient pas des menteurs » (14).
Que dit aujourd’hui Saint-Marc de la torture ? Il prétend avoir été à l’époque et être aujourd’hui « contre la torture » tout en disant qu’il faut parfois employer « des moyens que la morale réprouve » : « Dans l’action, que faut-il faire si vous vous trouvez responsable du maintien de l’ordre dans un quartier où les bombes éclatent, est-ce que vous allez essayer de sauver des vies humaines au risque de vous salir les mains ou bien vous allez refuser de vous salir les mains au risque d’accepter que des innocents meurent ? » (15) Il a beau prendre la précaution d’ajouter « Je n’ai pas de réponse », sa manière de poser le problème vise à justifier l’emploi de la torture, sous couvert, comme il le dit encore, « d’accepter certains moyens condamnables pour éviter le pire » (16).
C’est l’argumentaire de tous ceux qui légitiment « dans certains cas » l’utilisation de la torture. On le retrouve dans le Livre blanc de l’armée française en Algérie, dont le texte d’ouverture justifie la torture et les exécutions sommaires d’alors en les présentant comme une nécessité. On peut y lire, par exemple, que « ce qui a caractérisé l’action de l’armée en Algérie, ce fut sa lutte contre toutes les formes de torture, d’assassinat, de crimes idéologiquement voulus et méthodiquement organisés » (17).
Laisser entendre la possibilité du recours à la torture, c’est aussi prendre le contre-pied des engagements formels de la France, l’un des premiers États à ratifier la Convention internationale contre la torture de 1984 qui dispose qu’« aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse de l’état de guerre ou de menace de guerre, d’instabilité politique intérieure ou de tout autre état d’exception, ne peut être invoqué pour justifier la torture ». Là encore, le discours confus de Saint-Marc se distingue du langage clair de Bollardière qui a parlé de « l’effroyable danger qu’il y aurait pour nous à perdre de vue, sous le prétexte fallacieux de l’efficacité immédiate, les valeurs morales qui seules ont fait jusqu’à maintenant la grandeur de notre civilisation et de notre Armée » (18) – Bollardière qui a été envoyé en forteresse, et, à la différence de Saint-Marc et des officiers condamnés pour leur participation au putsch et à l’OAS réintégrés pleinement dans leur grade par la loi de novembre 1982 voulue par François Mitterrand, et qui, lui, n’a jamais été réintégré dans ses droits…
Ressassant, encore aujourd’hui, la thèse de l’efficacité de la torture, Saint-Marc n’a même pas connu l’évolution tardive de son chef d’alors, le général Massu, qui, à la fin de sa vie, a remis en cause le bien fondé de ces méthodes : « Non, la torture n’est pas indispensable en temps de guerre… Quand je repense à l’Algérie, on aurait pu faire les choses différemment » (19).
Le putsch d’Alger
Dans le putsch du 21 avril 1961, Hélie de Saint-Marc a à la fois assumé une responsabilité importante et joué un rôle de comparse. Les organisateurs du complot étaient les colonels Broizat, Argoud, Godard, Lacheroy et Gardes, les généraux Salan, Jouhaux et Gardy et les civils extrémistes qui avaient constitué au début de 1961 l’Organisation de l’armée secrète (OAS). Pour eux, le putsch n’était qu’un moment dans un combat qu’ils avaient déjà commencé depuis plusieurs mois, avec les premières désertions, comme celle du lieutenant du 1er REP Roger Degueldre et d’autres sous-officiers de ce régiment, et avec les premiers attentats terroristes, comme l’assassinat à Alger de l’avocat maître Popie le 25 janvier, et dans un combat qu’ils étaient décidés à poursuivre, quelle que soit l’issue du putsch.
Le capitaine Saint-Marc se trouvait alors à la tête du 1er REP par intérim, en l’absence de son chef le colonel Guiraud en permission en France, un régiment largement acquis aux idées des ultras favorables à la poursuite de la « guerre révolutionnaire » contre le FLN par tous les moyens, quitte à se rebeller contre les institutions de la République, et qui avait probablement été rapproché d’Alger et cantonné à Zéralda dans la perspective de la préparation du coup d’Etat. Saint-Marc n’apparaissait pas lié aux hommes de l’OAS ni aux militaires qui en étaient proches. Il avait même quitté l’armée pendant environ six mois, donnant sa démission et tentant une expérience professionnelle en Italie en 1959, avant de revenir en Algérie et d’être réintégré au 1er REP.
C’est au dernier moment qu’il a été mis au courant du projet de putsch, et, en réalité, son rôle s’est borné à suivre les sous-officiers et les hommes de son unité qui était celle la plus acquise à cette opération. Tout indique qu’avec la présence du lieutenant Roger Degueldre, déserteur depuis janvier et revenu clandestinement à Zéralda, la préparation de la rébellion du 1er REP était déjà fort avancée, impliquant l’ensemble des commandants de compagnie, quand Degueldre et des civils membres de l’OAS ont approché Saint-Marc pour savoir s’il se joindrait au plan prévu et lui proposer de rencontrer Challe. Avec Degueldre, des officiers qui avaient été écartés du régiment comme Sergent, La Briffe, Ponsolle, Godot et La Bigne étaient du complot. Dans son récit d’aujourd’hui, Saint-Marc préfère ne pas nommer Degueldre – qui deviendra le chef des commandos Delta de l’OAS auteurs des dizaines d’assassinats, dont le 15 mars 1962 à Alger de six enseignants des Centres sociaux éducatifs fondés par Germaine Tillion –, et parler de « civils ». Ceux-ci étaient très certainement résolus, dans le cas où Saint-Marc ne les suivrait pas, à le neutraliser par la force, comme l’ont été des officiers loyalistes tels les généraux Gambiez et Vézinet (20). Or, de son ralliement aux conjurés, Saint-Marc fait un récit très théâtral, lui aussi reconstruit rétrospectivement, qui lui donne, contre toute vraisemblance, un rôle décisif dans le basculement du 1er REP. Il dit avoir répondu, après un long silence, au général Challe : « je pense que le 1er REP me suivra », alors que son choix a été, non d’inciter le régiment à se rebeller, mais de suivre ses subordonnés et de rester avec son régiment dans la rébellion.
Les quelque 2 000 hommes du 1er REP qu’avaient rejoints, outre Degueldre, des officiers qui en avaient été écartés récemment pour n’avoir pas caché leur hostilité à la politique algérienne de la France, ont marché sur Alger et pris le contrôle des principaux points stratégiques de la ville. Quand le putsch a échoué, Saint-Marc, à la différence de ceux-ci, n’est pas entré en clandestinité pour continuer le combat au sein de l’OAS. Pourtant, par la suite, ces jusqu’au-boutistes de l’Algérie française qui l’avaient rallié à leur projet et utilisé lors du putsch, choisiront d’utiliser encore sa personnalité comme un emblème de leur combat, celle-ci ayant des aspects sensiblement plus respectables que celles des Sergent, Degueldre et autres instigateurs du pronunciamento, déserteurs, plastiqueurs et assassins qui ont continué leur lutte après le 24 avril 1961 par des voies terroristes.
Il est vrai que Denoix de Saint-Marc semble accepter d’être ainsi utilisé. Officier putschiste qui s’est livré à la justice et n’a pas rejoint l’OAS, il accepte cependant d’être l’objet de cette récupération par les nostalgiques de l’OAS en gardant le silence sur celle-ci et en s’abstenant de condamner son action ou même de l’évoquer. Il fait, pour cela, l’éloge d’une loi du silence qui revient à une solidarité tacite et à sens unique avec ceux qui ont déserté et combattu avec cette organisation terroriste. Pour justifier ce choix, il cite volontiers Saint-Exupéry : « Puisque je suis l’un d’eux, je ne renierai jamais les miens, quoi qu’ils fassent, je ne parlerai jamais contre eux devant autrui ; s’il est possible de prendre leur défense, je les défendrai ; s’ils se sont couvert de honte, j’enfermerai cette honte dans mon cœur et je me tairai ; quoi que je pense alors d’eux, je ne servirai jamais de témoin à charge » La phrase de Saint-Exupéry est elle-même discutable si on l’érige en règle générale, car elle pourrait alors justifier toutes les complicités et toutes les non dénonciations de crimes que la loi et la morale réprouvent, au prétexte que ce sont « les miens » qui les ont commis. La prendre au pied de la lettre et pousser sa logique à son terme risque d’aboutir aux limites de l’esprit de corps, à une sorte d’omerta aux allures de solidarité mafieuse. En l’occurrence, Saint-Marc fait de cette règle un usage à sens unique. Qui sont, finalement, ceux qu’il considère comme « les siens » ? Ses légionnaires et militaires putschistes et tous ceux qui ont fait partie de l’OAS. Sur eux, il ne veut rien dire, même s’il sous-entend par l’usage qu’il fait de cette citation qu’ils se sont, par certains de leurs actes, « couverts de honte ». Mais il n’observe pas la même réserve quand il participe au Livre blanc de l’armée française en Algérie qui s’en prend aux partisans de la paix en Algérie, du général de Gaulle à Bollardière, en passant par le général Katz qui a lutté dans des conditions difficiles contre l’OAS à Oran en 1962. Pas plus qu’il ne ressent le moindre devoir de solidarité avec les citoyens français qui s’étaient prononcés massivement par référendum le 8 janvier 1961, avec 75% de oui, en approuvant « l’autodétermination des populations algériennes ». Ses concitoyens, les institutions républicaines de la France, pas plus que les chefs de l’armée française qui ont dû affronter l’OAS ne font partie « des siens »… Sans parler des journalistes, hommes politiques, écrivains et artistes qui avaient dénoncé à l’époque qu’on confie les pouvoirs de police à l’armée et les méthodes qui en découlaient, traités dans ce Livre blanc de « porteurs de valises » du FLN et vis-à-vis desquels nulle obligation de réserve n’empêche ce livre qui l’exhibe comme une icône de proférer les plus infamantes accusations de trahison. Notons enfin que le site internet entièrement voué à sa légende propose entre autres un lien renvoyant à l’Association des amis de Raoul Salan.
Le film de Georges Mourier et son instrumentalisation
Ceux qui cherchent à utiliser la légende de Denoix de Saint-Marc tentent aussi de détourner à leur profit un film documentaire qui lui a été récemment consacré, en proposant son achat sur le site qui lui est voué. C’est ce film intitulé Servir qui a été projeté 20 septembre 2006 dans l’auditorium Foch de l’Ecole militaire, suivi d’un débat dont le sociologue Valentin Pelosse nous propose sur le site du CVHU sa propre restitution personnelle.
Il s’agit d’un épisode d’une série de Georges Mourier intitulée « Le choix des hommes » dont la thématique générale est de brosser le portrait de personnes qui, à un moment donné, se sont trouvées contraintes dans un contexte de crise d’effectuer un choix dramatique. Sur ses sept épisodes, la plupart ne concernent pas les questions coloniales. Dans le film Croire ? Georges Soubirous, déporté au camp de Dora, évoque la foi qui lui avait permis de tenir et qu’il a abandonnée depuis ; dans Agir ? Gilbert Brustlein revient sur l’attentat que, jeune résistant communiste, il a commis le 20 octobre 1941 contre un officier allemand, provoquant les représailles contre les 27 otages de Chateaubriant ; dans Trahir ? Paul Nothomb, aviateur communiste et compagnon d’armes d’André Malraux dans la guerre d’Espagne, revient sur le moment où, arrêté et torturé en mai 1943 par la Gestapo, il a feint de se rallier en s’efforçant de ne par trahir ses amis ; dans Mentir ? Jacques Bureau, membre en 1943 d’un réseau de résistance franco-anglais, raconte qu’interrogé par les Allemands, il leur livra de fausses informations sur un débarquement imaginaire que les services anglais leur avaient données dans ce but ; dans Tricher ? le français Jacques Rossi, militant communiste et agent du Komintern, rappelé d’Espagne à Moscou en 1937, dit comment il a été pris dans les purges staliniennes et a fait dix-neuf ans de Goulag, ne rentrant finalement en France qu’en 1985. Seuls, deux épisodes de cette série, produite par les Films de la Lanterne et RTV, renvoient à la guerre d’Algérie, et, en dehors de Servir ? consacré à Hélie Denoix de Saint-Marc, l’autre, intitulé Combattre ?, porte sur un homme au parcours bien différent : Abdelkader Rahmani, qui, jeune officier de l’armée française né en Algérie, avait décidé avec 52 autres officiers d’origine algérienne d’écrire au président Coty pour lui demander d’arrêter la guerre et fut, comme tous les autres, arrêté et emprisonné.
Mais seul celui consacré à Hélie Denoix de Saint-Marc est distribué en DVD, par les éditions LBM (21), et sa diffusion, isolée des autres épisodes, s’effectue manifestement dans un cadre idéologique qui cherche à instrumentaliser cette légende. D’autant que le choix du documentariste de laisser s’exprimer librement les différents témoins sur ce moment où ils ont été amenés à prendre une décision dramatique, conduit, dans le cas de ce film, à ce que Saint-Marc délivre son récit rétrospectif de la bataille d’Alger et du putsch sans que personne ne vienne mettre le doigt sur ses reconstructions du passé et ses omissions. Personne ne le contredit, ou même lui demande de confirmer ce point, quand il affirme qu’en 1957 la division de parachutistes de Massu a été chargée « à son corps défendant » des missions de police. Personne ne lui demande, quand il affirme qu’à l’époque, il était opposé à ce qu’on lui confie cette mission, pourquoi il ne l’a pas dit ni n’a démissionné comme son supérieur le général de Bollardière, pourquoi il a accepté au contraire de justifier officiellement son action auprès de la presse. Personne ne lui demande si c’est le lieutenant déserteur Degueldre qui lui a demandé de rencontrer Challe et de participer au putsch ; s’il pense qu’en cas de refus, les hommes qui avaient préparé le putsch l’auraient arrêté par la force comme l’ont été les généraux Gambiez et Vézinet ; ni s’il pense aujourd’hui que le courage consistait davantage à faire comme ces deux généraux ou bien à suivre ses sous-officiers dans le putsch. Personne ne lui demande pourquoi il n’a pas rejoint l’OAS comme de nombreux militaires putschistes ; par désaccord avec leur action ou pour une autre raison ? pourquoi, s’il était ou s’il est aujourd’hui en désaccord avec leur action, ne l’a-t-il pas dit ni ne le dit-il aujourd’hui ? Pourquoi son sentiment de solidarité avec « les siens » ne s’étend pas, pour lui, aux électeurs français ou aux institutions républicaines de son pays. Au fait, que pense cet homme, né dans une famille aristocratique et de culture catholique traditionaliste, de la République ? Autant de questions qui ne lui ont pas été posées.
Sans explication historique du contexte, on peut craindre que l’utilisation de ce film, séparé délibérément du reste de la série, serve à conforter des discours idéologiques et éloigne d’une véritable histoire de la guerre d’Algérie. L’hebdomadaire Valeurs actuelles du 29 septembre 2006 commente ainsi l’image de Saint-Marc donnée par ce DVD : « il est le symbole de la conscience libre, celle qui, à un moment donné, décide de désobéir car ce qu’on lui demande de faire va à l’encontre de sa morale ». L’étude de l’histoire incite plutôt à penser que cet officier n’a fait, en 1957 comme en 1961, que suivre. Il n’a pas eu le courage moral de refuser, en 1957, comme de Bollardière, auquel pourtant ses propos actuels donnent raison ; ni en 1961, comme les officiers qui n’ont pas suivi les putschistes ; ni même celui de se lancer dans la rébellion folle de l’OAS, qui, si elle conduisait, certes, à une dérive criminelle, pouvait se prévaloir d’une forme de fidélité aux discours tenus pendant des décennies par la République. Le fait de ne pas avoir eu le courage de le faire explique-t-il son silence aujourd’hui à son sujet ? Quoi qu’il en soit, compte tenu de ce que j’ai montré plus haut des propos de Saint-Marc sur la Bataille d’Alger et le putsch de 1961, je serais tenté de penser que c’est à ce film de sa série que le réalisateur aurait pu donner pour titre : « Mentir ? ».
Notes :
(1) Voir aussi l’article de Jean-Claude Raspiengas, dans La Croix du 4 mars 2005.
(2) Livre blanc de l’armée française en Algérie, éd. Contretemps, 2001.
(3) Livre blanc de l’armée française en Algérie, op. cit. Entretien avec Hélie Denoix de Saint-Marc, pp. 18 à 27.
(4) Paul Teitgen, secrétaire général de la préfecture d’Alger, a démissionné pour protester contre la torture et les exécutions sommaires pratiquées par les parachutistes du général Massu. Sa lettre de démission du 24 mars 1957 a été publiée dans Le Monde du 1er octobre 1960. Il a communiqué au Comité Maurice Audin des informations importantes sur la pratique de la torture et des exécutions sommaires par la 10e division parachutiste.
(5) Pierre Vidal-Naquet Les crimes de l’armée française, éd. Maspero, 1975, p. 63.
(6) Jacques Massu, La vraie bataille d’Alger, Plon, 1973, p. 151.
(7) Raphaëlle Branche, La torture et l’armée, éd Gallimard, 2001, pages 124, 125 et suivantes.
(8) Livre blanc de l’armée française en Algérie, op. cit., p. 23.
(9) Jacques Massu, op. cit., p. 49.
(10) Ibid.
(11) Ibid., p. 129.
(12) Général Jacques Paris de Bollardière, Bataille d’Alger, bataille de l’homme, Desclée de Brouwer, Paris, 1972, p. 110.
(13) Propos tenus par Hélie Denoix de Saint-Marc dans le film Servir ? de Georges Mourier.
(14) Pierre Vidal-Naquet, Le trait empoisonné, La Découverte, 1993, p. 141.
(15) Propos tenus par Hélie Denoix de Saint-Marc dans le film Servir ? de Georges Mourier.
(16) Ibid.
(17) Voir l’article « 500 généraux montent en ligne... » de Jean-Dominique Merchet, Libération, 23 janvier 2002.
(18) Lettre du 21 mars 1957 du général de Bollardière à Jean-Jacques Servan-Schreiber.
(19) Le Monde, 21 juin 2001 : « Le remords du général Massu ».
(20) Jacques Fauvet et Jean Planchais, La Fronde des généraux, Arthaud, 1961, p. 112.
(21) Les éditions LBM (Little Big Man), dirigées par Pierrre De Broissia (12, Rue Rougemont 75009 Paris).
bagnes coloniaux
administration pénitentiaire coloniale
Les Archives nationales d'outre-mer viennent de mettre en ligne à la fois l'instrument de recherche du fonds de l'administration pénitentiaire coloniale et la base de données nominative donnant accès aux dossiers individuels des condamnés écroués avant 1891.
Une étape importante qui facilitera grandement les recherches sur les bagnes coloniaux.
Instrument de recherche :
http://anom.archivesnationales.culture.gouv.fr/ir?ir=FRANOM_00118&
Base nominative :
http://anom.archivesnationales.culture.gouv.fr/bagnards_dossiers_individuels/
Anne CHAUVEL
Chargée de communication
Archives nationales d'outre-mer
bagnards annamites au travail en Guyane,
1925-1939 - source
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et institutions
Groupe de sous officiers et brigadiers français de spahis (source)
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- Sultans (souverains) du Maroc - dynastie alaouite (4 mai 2007)
- voir aussi la rubrique : Historiens et anthropologes du temps colonial
Alger, GGA (Gouvernement Général d'Algérie), 1948
Colomb-Béchar, Bureau des Affaires Indigènes
Sultans (souverains) du Maroc de 1631 à 1999
Sultans (souverains) du Maroc
dynastie alaouite
Succédant aux Saadiens (1524-1659), les Alouites, venus d'Arabie en 1266, étaient installés dans la région du Tafilalet. Ils portaient le titre de chorfas, c'est-à-dire de descendants de Muhammad (Mahomet) par Alî et Fatima (la fille du Prophète).
- "Les dynasties mérinide et saadienne qui gouvernèrent le Maroc montèrent au zénith, atteignirent leur apogée et déclinèrent. Leur trajectoire fut brillante, mais éphémère. Lorsque le dernier souverain saadien mourut en 1659, il laissait le Maroc dans une situation navrante. Si l'unité territoriale était disloquée, le pouvoir central ne l'était pas moins. Les limites du Maghzen n'avaient cessé de se rétrécir. Dans le Moyen Atlas, la famille Dilaî occupait Fès et tout le nord du pays. dans le Souss, la famille Filali avait érigé en capitale sa forteresse d'Iligh. Dans le nord-ouest du Maroc, des chefs militaires s'étaient arrogé des prérogatives exorbitantes, sous prétexte de lutter contre les Portugais et les Espagnols qui occupaient les côtes de l'Atlantique et de la Méditerranée. Les derniers souverains saadiens ne conservaient plus que Marrakech. Encore n'y exerçaient-ils que l'ombre du pouvoir...
Vers qui se tourner pour sauver le pays ? Des esprits éclairés estimèrent que seuls les Alaouites étaient en mesure de le faire. Ne descendaient-ils pas directement du Prophète ? N'étaient-ils pas investis d'une baraka qui avait déjà fait ses preuves ? Une délégation d'ulémas se rendit à Sigilmassa auprès de leur chef, Moulay Ali Cherif, qu'auréolait une atmosphère de sainteté. Ils le conjurèrent de prendre la situation en main.
L'heure historique des Alaouites avait sonné. Les dynasties précédentes s'étaient hissées au pouvoir par la force des armes et de leurs allégeances tribales. Eux étaient conviés à monter sur le trône en raison de leur ascendant religieux."
Histoire des Alaouites [1970], Perrin, 1994, réimpr. 2001, p. 65-66
Jacques Benoist-Méchin (1901-1983)
- Moulay Cherif ben Ali : 1631-1640
- Moulay Mohammed ben Cherif : 1640-1664
- Moulay Er Rachid : 1664-1671
- Moulay Ismaïl : 1671-1727
- "Alors apparut sur la scène marocaine une des personnalités les plus fascinantes de son histoire, le Roi-Soleil d'un pays où le soleil brille d'un éclat particulier. On a souvent comparé Moulay Ismaïl à Louis XIV en raison de son goût du faste, de sa fureur de construire, de la longueur de son règne et des relations diplomatiques qu'il entretint avec la cour de Versailles. Mais serait-il plus juste de le comparer à Shah Jahan ou à Soliman le Magnifique, car la violence de son tempérament et ses réactions imprévisibles le rapprochaient davantage de ces grands conquérants que du fils de Louis XIII et d'Anne d'Autriche.
Dans l'histoire du Maroc, Moulay Ismaïl représente un sommet. À travers lui, toute l'énergie accumulée pendant des siècles dans les steppes du Tafilalet, explose comme un ouragan. S'il consacra vingt-six ans de son règne à réprimer les révoltes toujours récurrentes des Sanhaja, des Dilaï et des Aït-Atta - opérations au cours desquelles son armée, rentrant un jour de Marrakech, fut surprise et dispersée par une tempête de neige au col de Telouet (1679) -, cette activité guerrière lui permit de mener une foule d'autres tâches : création d'un vaste réseau routier, acquisition d'une flotte, renforcement de l'administration et réoganisation de l'armée. Ses déplacements étaient si rapides qu'il semblait posséder le don d'ubiquité. Étonnée de voir un seul homme paraître presque simultanément en tant d'endroits différents, la rumeur publique assura qu'il s'était rendu possesseur de l'anneau magique de Salomon et qu'il lui suffisait d'en tourner le chaton vers l'intérieur de sa main pour que les djinns accourussent de toutes parts pour se mettre à son service.
Bâtir était une de ses passions dominantes. On a calculé que, durant son règne, il a déplacé une masse de terre représentant huit fois le volume de la grande pyramide. De cette frénésie de constructions il nous reste le palais de Meknès, dont Moulay Ismaïl avait fait sa résidence.
C'est un ensemble cyclopéen d'une superficie de 475 000 mètres carrés, entouré de 42 kilomètres de remparts flanqués de bastions, à l'intérieur desquels se trouvent des bâtiments d'habitation, des jardins, des réservoirs d'eau, des greniers à blé et des écuries assez vastes pour contenir dix mille chevaux et soixante-dix mille cavaliers. Quant au palais lui-même, l'impression qui s'en dégage est celle d'une volonté de puissance proprement illimitée."
Histoire des Alaouites [1970], Perrin, 1994, réimpr. 2001, p. 70-71
Jacques Benoist-Méchin (1901-1983)
- Moulay Ahmed Ed Dehbi : 1727-1728
- Moulay Abdelmalek : 1728-1729
- Moulay Abdallah : 1729-1757
- Sidi Mohammed : 1757-1790
- Moulay Yezid : 1790-1792
- Moulay Slimane : 1792-1822
mène une politique religieuse anti-confrérique après son adhésion au wahabisme
- Moulay Abderrahmane : 1822-1859
Delacroix
- Sidi Mohammed : 1859-1873
- Moulay Hassan (Hassan 1er) : 1873-1894 m. lors expédition contre rebelles
les trois sultans qui lui succèdent sont ses fils :
- Moulay Abdellaziz : 1894-1907 monte sur le trône à 14 ans
- Moulay Hafid (frère du précédent) : 1907/1908 -1912
confirmé par oulémas à Fez, le 3 janvier 1908
c'est Moulay Hafid qui signe le traité de protectorat, le 30 mars 1912
à gauche Si Kaddour ben Ghabrit
- Moulay Youssef : 1912-1927
sultan depuis le 12 août 1912 (proclamé le 17 août à Fez)
mort le 17 novembre 1927
c'est lui qui inaugure la Mosquée de Paris en juillet 1926
à gauche, à Paris en juillet 1926 ; à droite, en compagnie de Lyautey (derrière ce dernier, Si Kaddour ben Ghabrit)
- Sidi Mohammed Ben Youssef : 1927-1953/1961
déposé le 20 août 1953
retour le 16 novembre 1956
Roi sous le nom de Mohammed V le 15 août 1957
meurt le 26 février 1961
- Hassan II : 1961-1999
- Mohammed VI : 1999