Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
études-coloniales
5 mai 2012

accords d’Évian : crime d’État et/ou crime contre l’humanité ?

e60330c4ad71b84ce272cc069dac3e02-53b9d

 

réponse à Bernard Coll

Guy PERVILLÉ

 

Bernard Coll, président de l’association "Jeune pied-noir", m’avait invité à participer au colloque qu’il organisait le samedi 17 mars à Paris sur le thème suivant : "Les accords d’Évian du 19 mars 1962 : crime d’État et/ou crime contre l’humanité".
Ce colloque commençait par un hommage rendu au grand économiste (prix Nobel d’économie en 1988) et grand citoyen Maurice Allais (1911-2010), auteur du livre L’Algérie d’Evian, publié en 1962 et réédité par Jeune Pied-noir en mars 1999 (Maurice Allais, L’Algérie d’Évian, deuxième édition, Jeune Pied-Noir, 1999, 379 p.). N’ayant pas pu y assister, j’avais envoyé par mail mes réponses aux questions posées par Bernard Coll. Je crois devoir publier mes réponses pour les comparer aux conclusions de ce colloque et aux positions prises par Maurice Allais sur le même sujet.

a356-3-101011_490-500-allaisMaurice Allais

 

- Questionnaire adressé à Guy Pervillé :

1) Quelle est votre définition du «crime d’État» ?

"Il s’agit d’un crime commis par un État (ou par son gouvernement). Cette notion s’est imposée depuis que des tribunaux internationaux ont été créés à partir de la fin de la Deuxième guerre mondiale.

2) Quelle est votre définition du «crime contre l’Humanité» ?

La notion de "crime contre l’humanité" a pour origine, si je me souviens bien, la condamnation par les puissances de l’Entente (France, Grande Bretagne et Russie) de l’extermination des Arméniens par les Turcs, condamnation qui a motivé la mise en jugement des responsables de ce crime par la justice ottomane après la guerre, mais la victoire de Mustapha Kemal en 1923 a mis fin à la reconnaissance de ce crime.
Puis la notion de crime contre l’humanité à été une nouvelle fois officialisée en 1945 par les puissances victorieuses de l’Allemagne nazie, qui ont créé le tribunal interallié de Nuremberg en 1946 pour juger les responsables nazis pour trois types de crimes : les crimes contre la paix (déclenchement d’une guerre d’agression), les crimes de guerre (violation des lois de la guerre qui protégeaient les non-combattants et les combattants hors de combat par ces conventions internationales imposant des limites à la violence autorisée en temps de guerre), et enfin les "crimes contre l’humanité", dont le plus grave était celui de "génocide".
À partir de là, on a discuté pour savoir si le seul génocide avait été la tentative d’extermination des juifs par les nazis, ou si le massacre des Arméniens organisé par les Turcs méritait on non de le rejoindre dans la même catégorie (rappeler le procès intenté par les associations arméniennes contre l’historien américain Bernard Lewis pour avoir contesté le bien fondé de l’application de ce concept au massacre des Arméniens).
Mais un problème tout aussi grave est posé par la tendance à la dévaluation du concept de crime contre l’humanité. En effet, étant donné que le crime contre l’humanité est la seule catégorie de crimes qui soit imprescriptible dans notre pays, tout ceux qui veulent faire juger un crime ont intérêt à le définir comme étant un "crime contre l’humanité".

Mont2
Klaus Barbie

C’est particulièrement évident en France, où le procès de Klaus Barbie en 1985 à conduit la Cour de cassation à proposer une nouvelle définition de ce crime, qui en fait supprime la distinction claire et nette qui existait jusque là entre le crime de guerre et le crime contre l’humanité (voir mon livre Pour une histoire de la guerre d’Algérie, Picard, 2002, pp. 302-303). Cette nouvelle définition a été confirmée par le nouveau code pénal français de 1994. Mais l’avocat franco-algérien de Klaus Barbie, Maître Jacques Vergès, n’avait pas attendu cette date pour dire que désormais, on pourrait dire que le général Massu avait commis des "crimes contre l’humanité" envers le peuple algérien durant la bataille d’Alger.
Personnellement, je pense que les historiens ne doivent pas accepter cette dévaluation des mots : il faut maintenir une différence de gravité entre les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. Ces derniers doivent, me semble-t-il, être limités à ceux qui impliquent une négation de l’humanité des victimes par les bourreaux.

3) Qui a conçu, préparé, choisi les interlocuteurs et mené à terme les Accords d’Évian ?

Du côté français, les négociateurs ont été choisis par le général de Gaulle, par le Premier ministre Michel Debré, et par le ministre des affaires algériennes Louis Joxe, ancien secrétaire général de Quai d’Orsay. Ils étaient principalement des diplomates de carrière. Du côté algérien (FLN), ils ont été choisis par les principaux membres du GPRA. Mais le GPRA en fonction au début de la négociation, présidé par Ferhat Abbas, réputé pour sa modération, fut remplacé par un nouveau GPRA de tendance plus radicale, présidé par Ben Youcef Ben Khedda à partir de la fin août 1961.

1636007_11725796-fdjalgidir-20120317-t103a

4) Par qui ont-ils été signés ? Qui engageaient-ils ?

Les accords d’Evian ont été signés du côté français par les trois ministres membres de la délégation française à Évian II (Louis Joxe, Robert Buron et Jean de Broglie), et du côté FLN par le vice-président du GPRA Belkacem Krim et lui seul (son collègue Lakhdar Ben Tobbal s’étant défilé).
Mais il avait été habilité à le faire par le vote du CNRA qui avait ratifié le pré-accord des Rousses (signé le 18 février) à l’unanimité moins quatre voix (celles des trois représentants de l’état-major général de l’ALN, dont le colonel Boumedienne, et celle du colonel de la wilaya V, Si Othmane). Il est à noter que Krim avait tenu non seulement à signer à la fin du document, mais aussi à en parapher toutes les pages, ce qui avait obligé Louis Joxe à en faire autant.

5) Qui était responsable de leur application après le 19 mars 1962 ?

C’était le général de Gaulle et son gouvernement du côté français, et le GPRA du côté du FLN. Mais on s’est rapidement aperçu que celui-ci n’avait pas de véritable autorité ni sur les leaders du FLN, ni sur les chefs de l’ALN.

6) Les signataires ont-ils respecté les clauses des Accords d’Évian ?

Non. Le FLN a rapidement violé les clauses de cessez-le-feu, mais aussi les garanties générales données aux Français d’Algérie (voir le livre de Jean-Jacques Jordi, Un silence d’Etat, les disparus civils européens de la guerre d’Algérie, Paris, SQOTECA, 2011) et aussi aux "harkis".

9782916385563FS

7) Jusqu’à quelle date la France a-t-elle été souveraine en Algérie ?

Jusqu’à la proclamation des résultats du référendum du 1er juillet 1962, qui eut lieu le 3 juillet.

8) Après cette date, par quels accords la France et l’Algérie étaient-elle engagées ?

Théoriquement, par les accords d’Évian, qui selon la théorie juridique française avaient été ratifiés par le référendum du 1er juillet 1962, et devaient donc s’imposer aux futurs dirigeants algériens

9) Quelles ont été les conséquences humaines et matérielles des Accords d’Évian ?

Des conséquences très dures pour toutes les populations concernées. Mais elles auraient pu être encore bien pires si la France avait abandonné l’Algérie à son sort et n’avait pas continué à payer les dépenses du nouvel État algérien jusqu’à la fin du mois de décembre 1962.

10) Pour vous les Accords d’Evian sont-ils un crime d’État comme l’a affirmé Michel TUBIANA, alors président de la LDH, dans Libération du 10 septembre 2001 ?

NON. C’est la violation des accords d’Evian par des Algériens qui pourrait être ainsi qualifiée, mais le texte des accords d’Evian ne peut être ainsi qualifié. Comme l’a écrit Maurice Allais, ces accords était moins critiquables par leur contenu que par l’absence de garanties contre leur violation.

75279183

11) Pour vous les Accords d’Évian sont-ils un crime contre l’Humanité comme vient de la confirmer le Colloque international organisé le 4 février 2012 à Paris par le LICRA et la LDH ?

Je ne crois pas, pour les raisons que j’ai indiquées plus haut, au point n° 2.

12) Qui porte la responsabilité de ces crimes ? L’État français en la personne de son Président de la République, le général De Gaulle, et son gouvernement ? Le FLN en la personne de ses dirigeants ?

D’abord tous ceux qui ont commis ces crimes. Ensuite les dirigeants algériens qui n’ont pas assumé leurs engagements. En dernier lieu le gouvernement français, dans la mesure où il s’est contenté de recueillir et d’évacuer les réfugiés et les fuyards, sans chercher à intervenir activement à leur secours. Mais il ne pouvait pas faire autrement sans risquer de recommencer la guerre à laquelle il avait voulu mettre fin.

13) 50 ans après, quels actes officiels permettraient la reconnaissance par la Nation de la vérité historique ?

Une reconnaissance des faits par le gouvernement, mais aussi par l’unanimité du Parlement, et surtout une entente directe entre les gouvernements français et algérien pour reconnaître enfin, des deux côtés à la fois, l’esprit des engagements d’amnistie réciproque contenus dans les accords d’Évian. Mais pour le moment, je ne vois encore aucun signe permettant de croire à une telle solution."

perville

-  J’ai ensuite été informé des conclusions du colloque, fondées sur les analyses de Pierre Descaves et de Gérard Lehmann (voir dans JPN information, n° 273-220312) lesquelles ne correspondaient pas à mes arguments ni à mes conclusions :

- DEFINITIONS ADOPTEES des notions de "crime d’État" et de "crime contre l’humanité" après vote des participants :

-  Crime d’État : crime prémédité commis par un État dont les conséquences sont prévisibles.
-  Crime contre l’Humanité : crime impliquant la négation de l’humanité des victimes par les bourreaux (définition internationale actuelle).

-  CONCLUSION : Les accords d’Évian sont bien un crime d’État et un crime contre l’Humanité. Depuis 1990, il est possible d’affirmer que le général De Gaulle est responsable d’un crime d’État dont les conséquences furent un "crime contre l’Humanité".

J’ignore comment cette conclusion fut obtenue, mais je constate qu’elle n’a tenu aucun compte de mes arguments.

 

les critiques de Maurice Allais

Je dois cependant signaler à Bernard Coll que cette conclusion me paraît également contraire à ce que Maurice Allais a plus d’une fois dit et écrit sur ce sujet. Qu’on en juge d’après ce passage très clair de l’avant-propos de son livre, publié au printemps de 1962 et reproduit dans la nouvelle édition (pp. 15-17) :

"C’est la conviction que les conséquences, non pas tant des accords d’Évian que de leur violation possible contre laquelle rien ne nous prémunit, peuvent constituer pour les Français d’Algérie et pour les Musulmans pro-français une immense injustice qui a décidé l’auteur de cet ouvrage à l’écrire. (...) Je suis convaincu que l’opinion publique française a été égarée et abusée, qu’elle n’a pas réalisé pleinement les implications possibles des accords qu’on lui a fait approuver. Je suis également convaincu que ces accords peuvent être facilement amendés en en précisant simplement les conditions d’application et en les assortissant de sanctions efficaces en cas de violation du statut de la minorité par la majorité, et qu’au surplus faute d’apporter les amendements nécessaires nous risquons d’être entraînés vers des situations qu’il sera de plus en plus difficile de contrôler.

Quelles que soient les critiques que je présente dans les deux premières parties de cet ouvrage, je ne pense d’ailleurs pas que qu’aucune des modalités d’application des accords d’Évian que je préconise dans la troisième partie puisse être valablement refusée, soit par le Gouvernement Français, soit par le GPRA, dans la mesure où leur objectif réel est de réaliser un État algérien respectant pleinement les accords d’Évian.

Sur le plan constructif, ce que je propose en effet, ce n’est pas de revenir sur ces accords, c’est de les assortir d’un contexte juridique et politique tel que la majorité nationaliste soit réellement contrainte à les respecter.

Il n’est pas nécessaire de modifier les accords d’Évian en quoi que ce soit. Il suffit de les compléter par deux sanctions efficaces réellement contraignantes, la première juridique, la seconde politique : celle du droit pour la minorité à la sécession s’il est passé outre à ce droit de véto, ces deux sanctions faisant également l’objet de garanties internationales.

La question essentielle que posent les accords d’Évian c’est : quelle garantie est donnée qu’ils soient réellement appliqués ? Quelle disposition peut effectivement contraindre la majorité à respecter les garanties accordées à la minorité ?

Les accords d’Évian n’apportent aucune réponse valable à ces questions et dès lors ils sont inacceptables. Mais si, tels qu’ils sont, ils venaient à être complétés par des sanctions réellement contraignantes, alors je pense que malgré certains défauts trop visibles, ils pourraient sans doute être acceptés et constituer la base du futur État algérien".

De même, il avait retracé ses prises de position sur les accords d’Évian dans son introduction à la deuxième édition de son livre en janvier 1999 :
"À la suite de mes premiers articles des amis m’ont mis en contact avec quelques députés d’Algérie française et des pieds-noirs. J’ai vivement plaidé auprès d’eux que la thèse de l’Algérie française n’était pas la bonne solution, qu’il ne pouvait être question d’imposer à une France qui, à tort ou à raison, n’en voulait pas, le maintien de sa domination politique en Algérie, qu’il fallait absolument renoncer à toute tentative de coup de force en métropole, que la seule cause susceptible d’être efficacement défendue était celle des minorités, et que la seule question essentielle était celle des garanties des accords d’Évian" (p. 19).

Cette analyse est-elle vraiment conforme aux conclusions du colloque en question ?

Guy Pervillé

 - cf. l'article de Bernard Coll

le-7-avril-1962-le-president-algerien-provisoire-abderrahmane-fares-donne-un-discours-apres-la-sign-1
7 avril 1962, allocution d'Abderrahmane Farès en présence
des délégués français et algériens

 

- retour à l'accueil

Publicité
Publicité
3 mai 2012

Thiaroye, novembre-décembre 1944, Sénégal

tirailleurs_senegalais1 

 

les prisonniers de guerre «indigènes»

en métropole :

persistance du mensonge et de l'oubli

Armelle MABON

 

Les combattants «indigènes» faits prisonniers par les Allemands en juin 1940 sont – pour le plus grand nombre – internés en France dans des frontstalags et non en Allemagne (près de 70 000 en 1941). Les Allemands ne veulent pas les garder sur leur sol de peur de contamination raciale, des maladies tropicales alors que le souvenir de la «honte noire» avec l'occupation de la Rhénanie par les troupes noires en 1919 reste gravé  comme une blessure nationale.

img_2911
troupes françaises de tirailleurs sénégalais,
prisonniers des Allemands en 1940

Ces quatre années de détention sur le sol français donnent un aspect singulier à cette captivité par la mise en place d'un monde colonial au sein même de l'hexagone. Du fait du remplacement des sentinelles allemandes par des officiers et des fonctionnaires civils français dans les Arbeikommandos, le travail forcé encore utilisé dans les colonies trouve son extension en métropole.

Une collaboration d'État qui est vécue par ces prisonniers de guerre comme une trahison.Les services de marainnage organisés pour réconforter ces hommes qui ne reçoivent plus de nouvelles de leur famille sont parfois accompagnés d'une fervente évangélisation.

Le soutien de la population locale et des services sociaux qui va jusqu'à l'aide aux évasions, parvient à réduire la distance entre deux mondes qui se découvrent et s'entraident. Le ralliement des évadés à la Résistance accentue cette proximité alors que les unions mixtes et la naissance de nombreux enfants métis mettent à mal la volonté de la puissance coloniale de maintenir les colonisés comme de simples sujets dotés de droits moindres.

C'est dans ce contexte qu'intervient la libération de ces prisonniers par les FFI ou les troupes alliées et la préparation des retours. Cette libération est entachée de suspicions des autorités françaises avec l'impact supposé de la propagande germanique et anticoloniale sur ces hommes. Les ex-prisonniers revendiquent le règlement de leur solde et les droits inhérents à leur statut. En réponse, ils reçoivent des promesses qui attisent une colère déjà perceptible.

27084339

 

La tragédie de Thiaroye

Le 3 novembre 1944, à Morlaix, 2000 tirailleurs sénégalais doivent embarquer pour le Sénégal mais 300 d'entre eux refusent de monter à bord du Circassia tant qu'ils n'ont pas perçu leur solde et sont envoyés à Trévé dans les Côtes d'Armor. À l'escale de Casablanca, 400 hommes refusent de poursuivre le voyage et c'est donc 1280 tirailleurs sénégalais qui débarquent à Dakar le 21 novembre 1944 pour être immédiatement transportés à la caserne de Thiaroye (1).

img098

Conformément à la volonté du ministre des Colonies, les anciens prisonniers doivent être rapatriés le plus rapidement possible dans leurs villages et ventilés selon leur territoire d’origine (2). 500 hommes doivent prendre le train pour Bamako le 28 novembre. En métropole nombre de formalités préalables – habillement, paiement des rappels de solde de captivité, remboursement des livrets de caisse d’épargne, examen des droits à avancement, vérification des grades FFI – n’ont pas été remplies.

Les opérations s’en trouvent singulièrement compliquées. Les cinq cents hommes en partance pour Bamako, n’ayant pas obtenu satisfaction sur le règlement administratif de leur temps de captivité, refusent de prendre le train.

D’après les archives, et selon la réglementation en vigueur au moment de leur départ de Morlaix, ils n’ont perçu qu’un quart de leur rappel de solde avec la promesse qu’ils toucheraient le complément une fois arrivés à Dakar.  Le général commandant supérieur étant en tournée, c’est le général Dagnan, commandant la division Sénégal-Mauritanie (3) qui entame les palabres, alors que sa voiture est bloquée par les tirailleurs.

Zonguo Reguema du Burkina Faso, témoin direct de la tragédie de Thiaroye se rappelle que le général leur a annoncé qu’ils ne seront pas payés à Dakar mais dans leur cercle (4). Dans son rapport écrit après la mutinerie, le général Dagnan indique qu’il leur a promis d’étudier la possibilité de leur donner satisfaction après consultation des chefs de service et des textes.

Sur cette ultime promesse, les tirailleurs le laissent partir après qu’il eût exprimer sa satisfaction personnelle d’ancien prisonnier de les revoir. Bénéficiant d’un congé de captivité, il a quitté l’Allemagne en 1941 «pour lever, instruire et mettre sur pied les belles unités sénégalaises (5)».

article_8515_6_0

Mais la conviction du général Dagnan est formelle : le détachement est en état de rébellion, le rétablissement de la discipline et l’obéissance ne peut s’effectuer par les discours et la persuasion (6). Se considérant pris en otage, il met sur pied une démonstration de force militaire pour impressionner les anciens prisonniers de guerre. Le général commandant supérieur de Boisboissel, revenu de tournée, donne son accord pour une intervention le 1er décembre au matin à l’aide de trois compagnies indigènes, un char américain, deux half-tracks, trois automitrailleuses, deux bataillons d’infanterie, un peloton de sous-officiers et hommes de troupes français (7).

Le bilan officiel est de vingt-quatre tués, onze décédés des suites de leurs blessures, trente-cinq blessés, quarante-cinq mutins emprisonnés (8). Du côté des forces armées, on déplore un tirailleur blessé et trois officiers contusionnés.

Roger Bokandé, tireur d’élite du bataillon de Saint-Louis appelé pour cette opération de maintien de l’ordre, se souvient des anciens prisonniers arborant fièrement leurs galons, faisant face aux officiers français et ne montrant aucune peur, tomber sous une rafale de mitraillettes (9). Tout comme Zonguo Reguema, il précise que ce sont les Blancs qui ont tiré.

Thiaroye

 

Réécriture de l’histoire

Les différents rapports qui ont suivi ce funeste 1er décembre mentionnent un énervement perceptible depuis le débarquement à Dakar du fait que seul l’échange des billets de banque français en billets AOF est effectué. Le général Dagnan énumère les doléances des anciens prisonniers : paiement de l’indemnité de combat de 500 francs, d’une prime de démobilisation, d’une prime de maintien sous les drapeaux, après la durée légale, équivalent à la prime de rengagement (10).

À aucun moment le général Dagnan n’indique le rappel de solde (les trois quarts restants), alors que cette promesse non tenue cristallise les mécontentements. Le 12 décembre 1944, le colonel Siméoni écrit qu’à Morlaix «cette promesse a été faite à la légère pour calmer les prisonniers et pour se débarrasser de ce personnel encombrant. En fait, [ils] avaient perçu plus que leurs droits (11)». Cette assertion contredit l'indication donnée par le ministre des Colonies Pléven au gouverneur de l’AOF sur les dispositions prises en faveur des prisonniers de guerre rapatriables :

«Il a été décidé d’une part de leur faire des rappels de solde dont un quart seulement sera payable en France, d’autre part de les faire bénéficier d’une prime de démobilisation de cinq cents francs qui sera réglée à l’arrivée des ayants droit en AOF. Enfin, il avait été envisagé de doter chaque militaire indigène rapatriable d’un complet en toile. Malheureusement, en raison du peu de tissu dont on dispose en France, il n’a pas été jusqu’ici possible de réaliser ce projet (12).»

afrik

Ces ex-prisonniers n'ont donc perçu qu'1/4 de leur solde. Le télégramme du 18 novembre 1944 émanant de la Direction des troupes coloniales attire expressément l’attention sur l’opportunité de régler au mieux et le plus rapidement possible les situations des militaires indigènes coloniaux et prisonniers de guerre. Il mentionne que la totalité de la solde doit être payée avant embarquement et non un quart comme prévu initialement. En tout état de cause, ces hommes auraient dû percevoir la totalité de leur solde à l'arrivée à Dakar.

Dans son rapport écrit le 15 mars 1945 donc bien après le 1er décembre, l’inspecteur général Mérat cite les propos du général Dagnan : «si le télégramme incitait nettement aux initiatives, il n’est pas certain toutefois qu’[il] autorisait implicitement de s’affranchir des règlements en vigueur ni d’une gestion serrée des fonds publics (13)». Ces propos laissent supposer que, sciemment, il n’a pas appliqué le principe imposant le règlement de la totalité de la solde.

En décembre 1944, une disposition de la Direction des troupes coloniales mentionne les mesures administratives à appliquer aux colonies pour les anciens prisonniers de guerre en sus des rappels de solde et des paiements de livrets d’épargne : indemnité forfaitaire de 500 francs, prime de démobilisation de 500 francs, sauf pour les tirailleurs admis à se réengager, prime de combat de 500 francs. Ces mesures sont très proches des doléances rapportées par le général Dagnan, dont le fond ne lui avait pas paru sérieux mais plutôt un prétexte à insubordination (14).

Le 12 janvier 1945, les instructions pour le bureau colonial confirment les trains de mesures en faveur des anciens prisonniers coloniaux : prime de démobilisation, règlement total de la solde de captivité, indemnité de congé de libération, costume civil du libéré démobilisé, bons de chaussures et linge de corps, «en un mot les mêmes droits et avantages que les libérés démobilisés métropolitains (15).»En réalitéles «mêmes droits» sont à géométrie variable.

Trois mois après cette note, l'inspecteur Mérat insinue à nouveau que les revendications importantes sont généralement injustifiées : «Ainsi les réclamations des ex-prisonniers de guerre étaient fondées sur une faible part, […] en matière de solde, tous les ex-prisonniers avaient touché en France plus que leur dû, […] les indications ont été données dans la métropole par des personnes irresponsables (16)

En réalité, ils n'avaient perçu qu'1/4 de leur solde et ont réclamé leurs justes droits d'anciens prisonniers de guerre. Il faut également mentionner le pécule ou livret du prisonnier. La législation de l’époque accorde aux prisonniers de guerre français une rétribution symbolique d’un franc par jour jusqu’en juin 1943, puis de 4 francs jusqu’à la Libération, soit une solde maximale et dérisoire de 2 758 francs (17). Ce pécule devait également être attribué aux originaires des colonies, ce que refuseront le gouverneur général Cournarie et le général de Boisboissel :

«Il est certain que l’attribution de nouveaux avantages pécuniaires aux ex-prisonniers, après leur libération, n’aurait alors aucun effet moral appréciable sur leur comportement futur. Par ailleurs, et surtout, étant donné que les militaires rapatriés sont déjà en possession, au moment de leur retour chez eux, d’un avoir considérable, l’octroi d’un pécule supplémentaire serait sans intérêt s’il s’agissait de sommes modestes, soit absolument contre-indiqué s’il s’agissait de libéralités importantes (18)

Le général de Boisboissel indique en outre qu’aucun décret ou document officiel ne prévoit l’attribution d’un pécule aux militaires indigènes car ils ne sont pas de nationalité française (19). Un pécule de 1 000 francs leur sera quand même alloué en mars 1945 – près de trois fois moins que pour un prisonnier de guerre métropolitain, payable à chaque prisonnier à son arrivée dans la colonie d’origine, un rappel devant être fait à ceux qui sont déjà rentrés. Le ministère des Colonies a ouvert un crédit de 30 millions pour l’octroi de ce pécule (20).

27084266

L’administration française a toujours estimé que les Africains ne savaient pas se servir utilement des sommes perçues. Ainsi, la mise en place des prestations familiales a été retardée jusqu’en 1956, sous prétexte que les Africains dépenseraient cet argent pour la polygamie et l’alcool.

Les rapports contradictoires de l’armée après la mutinerie de Thiaroye posent question sur leur utilisation dans le processus de clarification des événements. Une lecture comparée des textes réglementaires et des rapports fait apparaître que la revendication majeure des anciens prisonniers – le paiement de la totalité des rappels de solde – est minorée, voire expurgée des rapports. Plus précisément, tout est commenté pour que les trois quarts de rappel de solde dus n’apparaissent pas en tant que tels.

Les forces armées stationnées à Dakar ne voulaient pas ou ne pouvaient pas assurer ce paiement malgré la réglementation formelle. Il «fallait» donc obvier à la preuve d’une revendication des plus légitimes réprimée dans le sang. L’absence de télégrammes officiels réglementant les droits de ces anciens prisonniers dans les archives (21) pourrait s’inscrire dans cette tentative d’occultation ou de travestissement des faits.

 

Quand la rumeur sert à camoufler une responsabilité

Depuis plusieurs années et de manière récurrente une rumeur provenant de diverses sources explique une soi-disant complexité dans le retour des ex-prisonniers à travers l'échange de marks en francs CFA alors que, comme nous venons de le voir, les rapports officiels bien que fallacieux n'évoquent aucunement la présence de marks et la difficulté de ce change avant la mutinerie. Il est difficile de dater l'origine de cette rumeur mais elle pourrait bien partir de l'interview d'un ancien prisonnier condamné pour fait de mutinerie, Doudou Diallo, devenu un personnage politique important au Sénégal.

L'article intitulé «L'aube tragique du 1er décembre 1944» publié dans la revue Afrique histoire  n° 7 de 1983 reprend cette interview. Si la monnaie allemande est évoquée, Doudou Diallo ne parle pas pour autant d'un problème de change de marks en francs CFA à Thiaroye, il indique juste qu'il était en possession de marks d'occupation qui, en fait, a été une monnaie qui a eu cours très peu de temps au début de l'occupation mais que les personnes détentrices ont dû restituer.

img098+-+Copie

Il est probable que des prisonniers en ont gardés mais cela devait représenter une somme bien marginale. C'est à Morlaix que Doudou Diallo a demandé à les changer et non à Thiaroye. L'historien sénégalais Mbaye Guèye cite, dans un long article sur Thiaroye, Doudou Diallo mais en situant la demande de change à Thiaroye : «Enfin ils souhaitaient pouvoir échanger leurs marks d'occupation contre la monnaie qui avait cours en Afrique française (22)».

Dans une interview diffusée en 2010 sur Internet dans le cadre du cinquantième anniversaire des Indépendances, Ibrahima Thioub, directeur du département Histoire de l'Université Cheik Anta Diop et successeur de Mbaye Gueye, reprend cette interprétation en l'amplifiant car il évoque le paiement en marks du travail de ces prisonniers dans  les camps en Allemagne et la difficulté du change (23).

Déjà en 1994, l'historien Yves Benot, pourtant peu suspect d'allégeance avec le pouvoir militaire, indique clairement le change de marks : «Des tirailleurs sont libérés des camps de prisonniers de guerre allemands et démobilisés. Débarqués le 21 novembre à Dakar, ils sont rassemblés au camp de Thiaroye à quelques kilomètres de la capitale. Mais ils attendent de recevoir les arriérés de leur solde et de pouvoir échanger leurs marks (24)».

Ce passage est régulièrement repris sur différents sites internet sans que le livre soit toujours cité et avec, parfois, des rajouts pour le moins inopportuns comme ici : «Mais ils attendent de recevoir les arriérés de leur solde et de pouvoir échanger leurs marks (monnaie officielle de la République fédérale d’Allemagne depuis juin 1948)». Le passage entre parenthèse ne figure pas dans l'ouvrage d'Yves Benot (25) qui ne donne pas plus d'éléments sur la provenance de ces ex-prisonniers en indiquant seulement «des camps de prisonniers de guerre allemands» sans préciser en France occupée, la confusion sur le lieu de détention est alors possible.

C'est ainsi que l'on voit apparaître sur des sites internet une nouvelle réécriture de l'histoire :   «Comme si cela ne suffisait pas, bon nombre de ces survivants seront condamnés jusqu’à 2 et 3 ans de prison ferme pour "insubordination". Certains sortaient des camps de concentration nazis ! (26)». Ainsi la corrélation entre présence de marks et internement en Allemagne et pourquoi pas en camps de concentration se trouve légitimée.

Sur le site royaliste Les Manants du Roi, Philippe Lamarque, docteur en droit, apporte des précisions qui ne font que rajouter de la confusion : «Les autorités militaires françaises veulent les renvoyer au plus vite chez eux. Mais la situation est plus compliquée qu’elle n’y paraît, principalement pour une question d’argent. Capturés en 1940 et réquisitionnés par l’Organisation Todt, chargée des travaux de fortification du Reich - notamment le célèbre «mur de l’Atlantique» -, ces hommes ont perçu leur solde plus un salaire d’ouvrier. Les tirailleurs exigent à bon droit de changer les Reichsmark qu’ils ont reçus contre des francs [...] (27)».

Peu de prisonniers de guerre «indigènes» ont été réquisitionnés par l'Organisation Todt qui allait puiser des contingents d'ouvriers essentiellement auprès des Groupements de Travailleurs Etrangers (GTE).  Dans cette interview, Philippe Lamarque assure que ce sont les noirs qui ont tiré sur les mutins sous prétexte que les officiers blancs avaient présenté ces ex-prisonniers comme des traitres à la solde de l'Allemagne. S'il est fort probable que cette méthode discréditant ces hommes a pu être utilisée, rien ne permet de dire que leurs frères de couleur les ont tués sur ordre. Les témoignages de Roger Bokandé et Zonguo Reguema contredisent ce discours préservant les officiers français.

arton66

La presse nationale s'engouffre également dans la rumeur : «À Thiaroye, la mort pour solde de tout compte. Il y a soixante ans, le 1er décembre 1944, les tirailleurs sénégalais, réclamant leur salaire, furent massacrés. En novembre 1944, l'armée rapatrie à Dakar les tirailleurs sénégalais, démobilisés après avoir été tirés des camps de prisonniers allemands où il avaient échoué pour avoir défendu la France au combat en juin 1940. Contrairement aux combattants «français» blancs ils n'ont pas reçu leurs arriérés de solde, pas plus qu'on n'a échangé leurs marks (28)».

Avec de telles assertions, il n'est pas étonnant que les lecteurs fassent valoir leur étonnement en demandant pourquoi les Sénégalais ont été libérés en 1944 alors que les prisonniers «blancs» n'ont recouvré la liberté qu'en mai 1945. Même si Thiaroye n'a pas suscité de nombreuses recherches chez les historiens, des travaux solides existent cependant depuis plusieurs années (29). Evidemment, ils n'accréditent pas cette thèse rampante d'une captivité en Allemagne, d'un problème d'échange de marks mais, force est de constater que la rumeur trouve une prégnance par une propagation peu usitée par les historiens : l'image. Dans certains documentaires, se glisse furtivement cet épisode d'échange de marks comme dans  «Tirailleurs une mémoire à vif» de Florida Sadki (2006). Le film d'animation de Rachid Bouchareb "l'ami ya bon" (2004) (30) se présente ainsi :

«1er décembre 1944 - Un jour d'infamie. Des tirailleurs sénégalais sont libérés des camps de prisonniers de guerre allemands et démobilisés. Débarqués le 21 novembre à Dakar, ils sont rassemblés au camp de Thiaroye à quelques kilomètres de la capitale. Mais ils attendent de recevoir les arriérés de leur solde et de pouvoir échanger leurs marks...» et s'achève avec ces mots : «Le 1er décembre 1944 au camp de Thiaroye, les Tirailleurs sénégalais qui réclamaient leur solde impayée durant leur détention en Allemagne furent massacrés».

Ce petit film d'animation d'une belle esthétique et d'une grande force visuelle est visionné des milliers de fois via internet. Nous avons prévenu Rachid Bouchareb via sa maison de production de cette grave erreur historique mais nous n'avons vu aucune rectification pourtant indispensable pour enrayer cette rumeur qui offre un alibi à la France pour ne pas reconnaître l'ampleur de ses responsabilités dans ce drame.

Si le spectacle de Rap «À nos morts» sur Thiaroye écrit et joué par Farba Mbaya, mis en scène par Yann Gilg se sert des images du film l'ami y a bon en décor (31) (2009), le texte d'une grande sobriété  s'arrête à l'essentiel : la France ne veut pas payer la solde due.

870432_3_f5f1_des-tirailleurs-senegalais-a-l-instruction-dans
tirailleurs sénégalais à l'entraînement

La belle exposition «L'outre-mer français dans la guerre 39-45» (32) évoque la tragédie de Thiaroye  en reprenant malheureusement  cette méprise puisqu'il est indiqué que les ex-prisonniers revenant des camps allemands étaient en colère car ils avaient pu échanger que la moitié de leurs marks.

Il est impératif désormais de stopper cette rumeur qui devient une réécriture de l'histoire : puisque ces ex-prisonniers possèdent des marks c'est qu'ils revenaient d'Allemagne... Peut-être faut-il prendre les moyens de grande diffusion comme le cinéma pour parvenir à restaurer une histoire qui ne saurait supporter plus longtemps cette rumeur dommageable à la mémoire de ces hommes et des Français qui ont su leur montrer un bel élan de solidarité.

La France d'après-guerre a  tenté d'effacer les traces de cette tragédie mais aussi de leur présence en terre métropolitaine pour ne pas avouer le remplacement des sentinelles allemandes par des officiers français, pour ne pas avouer le sort réservé aux femmes françaises devenues mères célibataires d'enfants métis et aux pères que la France voulait déchoir de leur autorité paternelle mais aussi pour ne pas donner à lire les commentaires peu flatteurs voire racistes de l'Armée qui réfutait à ces hommes l'intelligence pour comprendre la noblesse de la Résistance.

 

tirailleurs-senegalais

 

Histoire et commémoration

L'historien qui cherche la vérité du passé avec des moyens scientifiques réveille aussi les mémoires.  Confronté à l'oubli pesant qui forcément interroge, il est amené à utiliser tous les moyens lui permettant de s'approcher de cette vérité. En histoire contemporaine, l'appel aux témoignages permet de suppléer aux défaillances des archives écrites. Mais la confrontation avec des témoins, au-delà de l'émotion qu'elle peut susciter et qu'il faut savoir gouverner, entraîne parfois l'historien dans la commémoration au sens d'un devoir de mémoire pour rendre justice. En combattant l'oubli, l'historien s'associe à la commémoration.

Paul Ricœur estime que le «devoir de mémoire» est un impératif mais déplore  «l’inquiétant spectacle que donne le trop de mémoire ici, le trop d’oubli ailleurs, pour ne rien dire de l’influence des commémorations et des abus de mémoire et d’oubli» (33).  Mais il existe un autre spectacle inquiétant qui peut se révéler à travers  l'édification de stèles, symbole des commémorations. Les inscriptions, parce qu'inaliénables, ont leur importance et l'historien, par sa connaissance du passé, s'il est sollicité aide à trouver les mots nécessaires.

La mémoire des prisonniers de guerre internés à Quimper a voulu ainsi être honorée. À l'origine du réveil mémoriel, j'ai effectivement été sollicitée pour la fabrication de la stèle. Les personnes chargées de ce dossier, maire compris, ont sans doute estimé que  mettre des chiffres très précis issus des documents que je leur avais transmis auraient plus d'impact pour ce souvenir.

J'ai eu beau leur prouver que ces chiffres ne correspondaient pas à la réalité, que les prisonniers métropolitains étaient comptabilisés deux fois, que leur hommage oubliait un grand nombre de ces prisonniers et que le libellé ne permettait pas aux Nord-Africains de loin les plus nombreux de se retrouver sur cette stèle,  rien n'y a  fait. La délégation à la Mémoire n'a pas plus obtenu gain de cause. La rigueur scientifique ainsi malmenée entraîne une contruction mémorielle galvaudée qui positionne les honorés comme des quémandeurs d'une réparation et non comme des citoyens qui trouvent enfin une vraie reconnaissance.

L'Histoire et les volontés mémorielles ne sont pas en concurrence mais il faut faire preuve d'humilité, d'engagement et d'écoute de part et d'autre comme à Morcenx dans les Landes qui a honoré la mémoire d'un tirailleur, Koutougou Nitiéma, abattu par les Allemands. "Les amis de Brassenx" ont pris appui sur des recherches historiques pour parvenir à reconstituer la vie de Koutougou (34).

Ce travail mémoriel a suscité un élan de coopération par la construction d'un puit à Goumsi au Burkina Faso d'où était originaire Koutougou. Trévé dans les Côtes d'Armor a également érigé une stéle pour les 300 ex-prisonniers de guerre qui avaient refusé de monter sur le Circassia. Cette petite ville de Bretagne est peut-être aussi la première en France à honorer la mémoire des victimes de Thiaroye, modeste rempart en bronze contre une réécriture de l'Histoire qu'il est bien difficile de juguler.

Armelle Mabon
Maître de conférences à l'Université Bretagne Sud
Lorient mars 2012
IMG_0021-300x400

 

** Alertée par Armelle MABON sur la présentation erronée de la tragédie de Thiaroye à l'exposition «L'Outre-Mer français dans la guerre 39-45», Madame Lévisse- Touzé, Directeur des deux Musées Mémorial du Maréchal Leclerc de Hauteclocque et de la Libération de Paris a accepté de retirer le texte.

- auteur du documentaire «Oubliés et trahis, Les prisonniers de guerre coloniaux et nord-africains» réalisé par Violaine Dejoie-Robin, Grenade productions, 2003

- dernier livre paru : Prisonniers de guerre «indigènes» Visages oubliés de la France occupée, La Découverte, 2010.

- recherche en cours : Parcours de vie d'un prisonnier de guerre sénégalais, ex-boxeur professionnel et de sa marraine de guerre, professeur de latin-grec, à partir d'un échange épistolaire entre 1941 et 1942.

9782707150783

 

__________________________

1 - Renseignements, Dakar, le 21 novembre 1944 (ANS, 21G153[108]).

2 - Le ministre des colonies au gouverneur de l'AOF, Paris, le 31 octobre 1944, signé Pléven (CAOM, 6 [15] D73)

3 - Il fut remplacé par le général Magnan ce qui explique les possibles confusions.

4 -Interview effectuée par Hervé de Williencourt, 1999.

5 - Rapport du général Dagnan, Dakar, le 5 décembre 1944 (CAOM, DAM, 74).

6- Rapport du colonel Le Masie, chef d’état-major, Dakar, 5 décembre 1944 (CAOM, DAM, 74).

7 - Rapport du général Dagnan, 5 décembre 1944 (CAOM, DAM, 74).

8 - Certains pensent que le nombre de tués est beaucoup plus important, jusqu’à deux cents morts.

9 - Documentaire Oubliés et trahis,réalisé par Violaine Dejoie-Robin, auteure Armelle Mabon, produit par Grenade productions, 2003

10 - Rapport sur Thiaroye, l’inspecteur général Mérat, chef de mission, à M. le ministre des Colonies, Dakar, le 15 mars 1945 (CAOM, DAM, 3).

11 - Rapport du lieutenant-colonel Siméoni, 12 déc. 1944 (CAOM, DAM, 74).

12 - Paris, le 31 octobre 1944 (CAOM, 6 (15) D73).

13 - Rapport sur Thiaroye de l’inspecteur général Mérat , op. cit. (CAOM, DAM,3).

14 - Ibid.

15 - , F9, 3815.

16 - Ibid.

17 - Le gouvernement français ne s’acquittera de cette dette pour tous les prisonniers de guerre métropolitains qu’en 1958, avec une monnaie dépréciée.

18 - Le gouverneur général de l’AOF au ministre des Colonies, Dakar, le 13 décembre 1944 (ANS, 5D162(89).

19 - Lettre du général de Boiboissel au gouverneur général de l’AOF, 8 décembre 1944 (ANS, 4D68 (89).

20 - Croix-Rouge française, Comité central d’assistance aux prisonniers de guerre en captivité, section outre-mer, procès-verbal réunion du 8 mars 1945 (AN, F9, 3815).

21 - Les circulaires n° 2080 ou n° 260 du 21 octobre 1944, n° 3612 du 4 novembre 1944, n° 6350 du 4 décembre 1944, n° 7820 du 16 décembre 1944 (Direction des troupes coloniales) et la dépêche n° 2669 du 30 janvier 1945 pour les Nord-Africains n'ont pas été retrouvés. Cependant, grâce à la lecture de différents courriers et rapports, il nous est possible de restituer le contenu de ces textes officiels.

22 - Mbaye Gueye, «Le 1er décembre 1944 à Thiaroye où le massacre des tirailleurs Sénégalais anciens prisonniers de guerre», Revue sénégalaise d'Histoire, n°1, 1995, p. 10.

24 - Yves Benot, Massacres coloniaux 1944-1950 : La IVe République et la mise au pas des colonies françaises, La Découverte, Paris, 1994.

25 - http://dameforever.blogs.nouvelobs.com/archive/2009/12/01/premier-decembre-1944-au-camp-de-thiaroye-a-l-origine-du-mas.html01.12.2009

27 - http://www.lesmanantsduroi.com/articles/article5143.php, source Historia, novembre 2006.

28 - Ange-Dominique Bouzet, Libération du 1er décembre 2004.

29 - Myron J. Echenberg, «Tragedy at Thiaroye : the senegalese soldiers' uprising of 1944», African labor History, 26 n°4, 1978, p. 109-128 ; Brigitte Reinwald, Reisen durch den Krieg, Klaus Schwartz Verlag, 2005 ; Julien Fargettas, « La révolte des tirailleurs sénégalais de Tiaroye  Vingtième siècle. Revue d’histoire, n° 92, oct.-déc. 2006, p. 117-130 ; Julien Fargettas, Les tirailleurs sénégalais Les soldats noirs entre légendes et réalités 1939-1945, Paris, Tallandier, 2012 ; Eugène-Jean Duval, L’Épopée des tirailleurs sénégalais, L’Harmattan, Paris, 2005 ; Bakari Kamian, Des tranchées de Verdun à l’église Saint-Bernard, op. cit., p. 322 ; Armelle Mabon, « La tragédie de Thiaroye, symbole du déni d’égalité »,  Hommes & Migrations, n° 1235, janvier-février 2002, p. 86-97.

32 - Mémorial du Général Leclerc de Hauteclocque et de la Libération de Paris  Musée Jean Moulin, 4 novembre 2011 – 24 juin 2012.

33 - Paul Ricœur, la Mémoire, l’histoire, l’oubli, Seuil, 2000.

34 - Maryse Fagotat et Jean-Charles Coumailleau, «Sur les pas de Koutougou Nitiéma»,  Les amis de Brassenx, Bulletin n°16, novembre 2010, pp.15-30.

 

1344 

 

 

- retour à l'accueil

<< < 1 2
études-coloniales
  • Ce site édite une revue en ligne qui encourage les savoirs et les recherches consacrées à l’histoire coloniale et post-coloniale, à l'histoire des constructions mémorielles et des immigrations d’origines coloniales
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Newsletter
469 abonnés
Publicité