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études-coloniales
7 novembre 2012

Si Kaddour Ben Ghabrit, un "juste parmi les nations" ?

couv Mohammed Aïssaoui

 

La Mosquée de Paris a-t-elle sauvé des juifs

 

entre 1940 et 1944 ?

 

une enquête généreuse mais sans résultat

 

Michel RENARD

 

Le journaliste au Figaro littéraire, Mohammed Aïssaoui, né en 1947, vient de publier un livre intitulé L’Étoile jaune et le Croissant (Gallimard, septembre 2012). Son point de départ est un étonnement : pourquoi parmi les 23 000 «justes parmi les nations» gravés sur le mémorial Yad Vashem, à Jérusalem, ne figure-t-il aucun nom arabe ou musulman ?

Il mène une enquête, cherche des témoins ou des descendants de témoins, évoque la figure de Si Kaddour Ben Ghabrit, directeur de l’Institut musulman de la Mosquée de Paris de 1926 à 1954, fait allusion à d’autres personnages qu’il a rencontrés, et plaide pour une reconnaissance mémorielle d’actes de solidarité, de sauvetage, de juifs par des musulmans durant cette période. Et pour leur reconnaissance et inscription sur le mémorial de Yad Vashem.
 

yad-vashem-holocaust
mémorial Yad Vashem

Cet ouvrage est fréquemment mentionné par voie de presse, avec force sympathie. Mais… rares sont les critiques, positives ou négatives, réellement argumentées. On a le sentiment que ce livre est légitime, généreux, qu’il «tombe» bien en cette période.
C'est ce que le sociologue américain Merton avait repéré dans les phénomènes d'identification et de projection même si le rapport à la réalité est totalement extérieur. Aujourd'hui, l'Arabe musulman, sauveur de juifs, devient un type idéal auxquels de nombreux musumans ont envie de croire. La réalité n'est pas celle-ci, mais peu importe ! On reproduit la quatrième de couverture du livre (qu'on n'a pas lu), on ose quelques citations d’extraits… Mais personne ne se hasarde à une évaluation de la validité historique de sa teneur.
 

Compliments

Commençons par les compliments. Et pas seulement pour contrebalancer, de manière formelle, les critiques qui vont suivre… Ce livre a des qualités. Il est passionné. Mohammed Aïssaoui, tel un Tantale ne cesse de remonter le rocher contre l’oubli. Il cherche, s’évertue à prolonger les moindres pistes, ne renonce pas devant les échecs partiels, interroge et ré-interroge, fouille des archives, se déplace en France et au Maghreb. Le sujet lui tient à cœur. Il a également des qualités morales, n’hésitant pas à critiquer l’antisémitisme d’une partie du monde arabe et musulman, se sentant dépassé par la haine anti-juive et le pro-hitlérisme du mufti de Jérusalem, Hadj Amin al-Husseini (1895-1974), encore considéré comme un héros par beaucoup.

Mohammed Aïssaoui est un humaniste. Il est intérieurement remué devant la modestie et la discrétion publique d’hommes ou de femmes qui devraient être considérés comme des héros. Il est sensible au moindre geste d’altruisme et de désintéressement.

Il a lu, comme moi, avec émotion et engouement le livre d’Ali Magoudi, Un sujet français (2011) sûrement frappé par «l’autopsie du silence paternel» (p. 59 du livre d'Ali Magoudi) et ses raisons profondes : «Pris par la nécessité d’occulter ses faits de collaboration, mon père a caché tout événement qui l’aurait trahi. Il a omis de nous raconter Pruszków, quitte à inventer un camp de concentration et une évasion héroïque sur un chariot de morts, version plus glorieuse qu’une libération pour cause de collaboration» (p. 328).

Sincèrement, je crois qu’il a manqué à Mohammed Aïssaoui un peu de cette réserve devant les témoignages dont Ali Magoudi a fait une tension intellectuelle sans faille. L’Étoile jaune et le Croissant veut, à tout prix, trouver des «justes parmi les nations», des musulmans qui auraient sauvé des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale en France.
 

Quels témoins ?

Mais il n’en trouve guère. Les comptes rendus, dans la presse, disent qu’il a sollicité des «interlocuteurs célèbres comme Elie Wiesel, Serge Klarsfeld et Philippe Bouvard». Mais aucun de ces trois personnages ne témoigne en faveur d’une activité organisée de la Mosquée de Paris. Wiesel (p. 17-18) est rencontré à titre de témoin du génocide en général et de la transmission de la mémoire. Rien à voir avec la Mosquée de Paris. Klarsfeld explique que pendant quelques mois, il a eu «une mère algérienne et musulmane… appelée Mme Kader» (p. 25). Durant l’Occupation, dit-il, «elle a bénéficié de faux papiers avec un prénom et un nom arabe» délivrés «par une filière classique de faussaires» (p. 25). Donc, pas de rapport, a priori, avec la Mosquée de Paris. Plusieurs filières de délivrance de faux papiers ont existé sous l'Occupation, certaines résistantes et d'autres simplement mercantiles.

Le cas de Philippe Bouvard est différent. Son père adoptif, Jules Luzzato, juif, petit-fils de rabbin, fabriquait des costumes civils pour des déserteurs allemands. Dénoncé et arrêté, il est finalement délivré suite à une démarche de la mère de Philippe Bouvard auprès de Si Kaddour Ben Ghabrit.

«Avec ma mère, ajoutait-il, on se cachait, on a peut-être changé une dizaine de fois de domicile. Non, je ne me souviens pas que nous nous soyons cachés à la Mosquée. Mais j’y allais souvent, tout m’y semblait exotique, c’était, pour moi, le grand dépaysement en prenant simplement le métro jusqu’à Jussieu. Je pense que ce qui rapprochait ma mère et Si Kaddour, c’était la littérature, la culture et la musique. Son salon était très vivant.» (p. 68).

Geste noble de la part de Si Kaddour, mais peut-être seulement motivé par une espèce de connivence intellectuelle, une accointance de salon. Cela étant, il l’a fait.

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Si Kaddour Ben Ghabrit

Quels autres témoins, Mohammed Aïssaoui peut-il mobiliser ?  Il y a en a une, du nom d’Oro Boganim, infirmière à l’hôpital franco-musulman, dont le fils Michel Tardieu, rapporte que Si Kaddour l’a appelée un jour pour lui dire : «les Allemands sont en train de regarder les dossiers du personnel de l’hôpital, ils vont se rendre compte que tu es juive. Sauve-toi tout de suite !» (p. 43). Michel Tardieu dit que «Si Kaddour a sans doute aidé sa mère à sortir, mais je ne sais pas comment» et que son père, Noël Tardieu, français et catholique, l’a ensuite rejointe au Maroc.

Mohammed Aïssaoui cite également un auteur marocain d’une biographie de Si Kaddour, Hamza ben Driss Ottmani, évoquant le cas d’une pianiste sauvée par le recteur de la Mosquée de Paris. Elle s’appelait Georgette Astorg, son nom de jeune fille étant Zerbib : «Après s’être renseigné, Si Kaddour aurait décidé de l’abriter au sein de la Mosquée pendant quelques jours, puis aurait facilité son transfert en zone libre, à Toulouse» (p. 62).

Tout cela est peut-être vrai. Mais les preuves sont ténues et non corroborées.

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Le documentaire de Derri Berkani (1990) et ses témoins

Jusqu’alors, le poids principal des témoignages reposait sur les personnages intervenant dans le documentaire de Derri Berkani, Une résistance oubliée, la Mosquée de Paris de 40 à 44 (La Médiathèques des trois mondes, 1990)… que j’ai eu la prescience d’acheter moi-même quand on le trouvait encore à la librairie de l’Institut de Monde Arabe il y a quelques années…

Le témoin principal justifiant une activité de sauvetage d’envergure de juifs par la Mosquée de Paris était Albert Assouline. Ce dernier, abrité lui-même par la Mosquée sous l’Occupation avait déjà parlé de tout cela en 1983. Mohammed Aïssaoui le cite (c’est aussi dans le documentaire filmé) : «Pendant toute la dernière guerre, la Mosquée de Paris ne cessa d’apporter son aide à la résistance contre l’Allemagne nazie. Pas moins de 1732 résistants trouvèrent refuge dans ses caves : des évadés musulmans mais aussi des chrétiens et des juifs. Ces derniers furent de loin les plus nombreux» (p. 105). Le chiffre de 1732 serait établi à partir des cartes de rationnements distribuées par la Mosquée. Quelles sources à cette affirmation quantitative… ?

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Albert Assouilne

La même année, Albert Assouline livrait ce témoignage dans le bulletin Les Amis de l’Islam, n° 11, 3e trimestre (disponible aux Archives départementales de la Seine-Saint-Denis à Bobigny) : «C'est dans le sous-sol de cette Mosquée si paisible jusqu'alors que, pendant l'occupation nazie, se réfugièrent de nombreux hommes, femmes et enfants ; beaucoup d'entre eux étaient des juifs d'Afrique du Nord, des communistes ou des francs-maçons que le gouvernement de Vichy avait mis hors-la-loi, sans compter des évadés d'Allemagne et des aviateurs anglais. L'accueil réservé à une fillette de 12 ans nommée Simone Jacob n'a pas été oubliée : elle est devenue Simone Veil.»

Tout cela est invérifiable et même en partie démenti. D’où vient ce chiffre de 1732 cartes de rationnements ? Comment la Mosquée se les aurait-elle procurées ? Qui en aurait bénéficié ?

 

Personne n’a jamais témoigné

Personne n’a jamais témoigné avoir été abrité dans ces caves ou sous-sols de la Mosquée. Dalil Boubakeur répond à Mohammed Aïssaoui : «Il y a bien des caves ! Mais pas de sous-sols censés communiquer avec la Bièvre ! Quand je suis arrivé, j’ai bien trouvé un panneau sur lequel était indique le mot "ABRI", une protection dans les sous-sols en cas de bombardements de Paris par les avions alliés. La confusion vient peut-être de là… C’était un refuge réquisitionné pour la population du quartier pendant l’Occupation, mais impossible d’abriter là-dessous 1700 personnes» (p. 77).

Quant à Simone Veil qui aurait été sauvée par la Mosquée de Paris, selon Albert Assouline, Dalil Boubakeur répond : «C’est [l’imam Mohamed Benzouaou] qui serait à l’origine de la fable selon laquelle Simone Veil a été sauvée par la Mosquée de Paris» (p. 100).

stèle Benzouaou en 1998
stèle de Mohhmed Benzouaou au cimetière de Bobigny (photo MR, mars 1998)

De mon côté, j’avais remarqué depuis longtemps l’impossibilité chronologique de ce «sauvetage» de Simone Veil par la Mosquée et lui avais écrit à ce sujet. Je l’avais déjà mentionné allusivement et sans trop de précision. Mais voici sa lettre. Elle m’avait répondu :

- «Je vous remercie d’avoir pris soin de vérifier cette affirmation qui vous a paru contradictoire avec les éléments biographiques me concernant qui figurent dans le livre de Maurice Szafran. En effet j’ai eu l’occasion à diverses reprises de démentir la rumeur et les écrits de M. Assouline selon lesquels j’aurais été cachée à la Mosquée de Paris.
Née à Nice, j’ai toujours vécu dans cette ville jusqu’à mon arrestation le 30 mars 1944, à l’exception de quelques déplacements très brefs à Paris avant la guerre pour rendre visite à des membres de ma famille.
À l’exception du transfert de Nice à Drancy au début du mois d’avril 1944, je ne suis jamais allée à Paris pendant la guerre. Tout ce que je peux dire des écrits de M. Assouline, c’est qu’il n’est pas théoriquement impossible qu’une fillette de 12 ans, portant les mêmes nom et prénom ait été effectivement cachée à la Mosquée.
N’ayant pas les coordonnées de M. Assouline (je ne savais d’ailleurs pas jusqu’à ce jour qu’il était à l’origine de cette information inexacte), je n’ai jamais pu rétablir la vérité. Je vous serais obligée, si vous en avez l’occasion de bien vouloir le faire.» (lettre de Simone Veil, du 8 février 2005).

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Simone Veil

Le témoignage d’Albert Assouline n’est donc pas crédible et doit susciter la méfiance de l’historien. Comme le dit le recteur Dalil Boubakeur, il s’agissait d’un homme «au cœur très généreux, très imaginatif» (p. 81). Peut-être trop imaginatif ?

Le documentaire de Derri Berkani, comme le film d'Ismël Ferroukhi, Les hommes libres (septembre 2011), mettent en avant la figure du chanteur juif Salim (Simon) Halali qui aurait été sauvé grâce à la délivrance d’une attestation de musulmanité délivrée par Si Kaddour qui aurait fait modifier l’inscription d’une stèle funéraire au cimetière musulman de Bobigny pour y porter le nom de Halali. Mohammed Aïssaoui, dans son livre, précise qu’il a cherché cette tombe et ne l’a pas trouvée : «Par acquit de conscience, je me suis rendu au cimetière de Bobigny. Il est impossible de savoir si un jour il y a eu ici une tombe au nom du père de Salim Halali. La légende est belle, mais est-elle vraie ?» (p. 108).

De mon côté, dans mes investigations sur les inhumés du cimetière musulman de Bobigny, devenu aujourd’hui cimetière intercommunal, je n’ai jamais rencontré de Halali.
 

cimetière Bobigny en 1998
vue partielle du cimetière musulman de Bobigny (photo MR, mars 1998)

 

Que reste-t-il ?

Mohammed Aïssaoui a trouvé des archives – que j’ai lu et enregistrées il y a déjà longtemps déjà… mais pas encore publiées – relatives à l’activité de la Mosquée de Paris entre 1940 et 1944. Il les cite mais n’en tire guère de conséquence logique.

Quand Si Kaddour Ben Ghabrit est plus ou moins accusé de collaboration en 1944, il rédige et fait rédiger en septembre trois notes remises au capitaine Noël, officier d’ordonnance du général Catroux : l’une de lui-même, l’une de Rageot, consul de France au ministère des Affaires étrangères et l’autre de Rober Raynaud, chargé des fonctions de secrétaire général de l’Institut musulman depuis 1926 par le même ministère des Affaires étrangères (Mohammed Aïssaoui cite en partie la première).

Or, à aucun moment, ces trois mémoires en défense ne font allusion à ce sauvetage massif de juifs et de résistants dont la Mosquée aurait été l’auteur. Le seul axe de parade est d’expliquer comment Ben Ghabrit a su jouer des demandes allemandes sans les satisfaire.

Comme l’explique Rageot : «À ces dispositions successives des autorités d'occupation, comment y a-t-il été répondu par la Mosquée?
Tout d'abord et d'une manière générale, par les façons courtoises et la correction absolue du directeur et du personnel. Je dois dire que j'ai moi‑même été tenu au jour le jour exactement informé de ce qui se passait, coups de téléphone, demandes d'audience, conversations, démarches, etc... et que M. Ben Ghabrit et moi nous sommes régulièrement concertés sur l'attitude à observer et les réponses à faire. Nous ne pouvions demeurer invulnérables qu'à deux conditions : rester sur le terrain religieux et nous abstenir de toute politique. M. Ben Ghabrit y a parfaitement réussi.

Sur le terrain cultuel, en multipliant son aide et ses soins aux musulmans, prisonniers ou civils qui ont afflué à la Mosquée chaque année de plus en plus nombreux.

Sur le terrain politique, en s'abstenant de prendre parti dans les questions touchant à la collaboration, au séparatisme, au Destour et d'une façon plus générale, de répondre aux attaques dont la Mosquée a été l'objet de la part de musulmans à la solde de l'ambassade. Jamais, en cette matière, M. Ben Ghabrit ne s'est laissé prendre en défaut et il a su imposer la même discipline à son personnel religieux. En cela il s'est attiré personnellement et à plusieurs reprises l'animosité des autorités allemandes.» (Archives Nationales).

Au vu de la prudence ici rapportée, et de la surveillance dont la Mosquée faisait l'objet par les autorités allemandes, il semble difficile d'imaginer ces centaines de sauvetage, ces allées et venues... qui n'auraient jamais donné lieu à des arrestations.

 

Quelques erreurs

Mohammed Aïssaoui commet parfois quelques confusions. Par exemple entre la Brigade Nord-Africaine, la branche policière du Service de surveillance et de protection des Indigènes nord-africains, de la rue Lecomte, créée en 1925, et le «Comité Musulman de l'Afrique du Nord» créé par l’algérien musulman collaborateur El-Mahdi sous l’Occupation (p. 147-149).

Autre imprécision. L’échaudoir musulman (p. 130). Je raconterai cette histoire ailleurs. Mais le contentieux date d’avant la guerre. La Préfecture avait accordé, sans formalisme administratif un agrément pour l’exploitation d’un échaudoir (lieu de sacrifice rituel pour les musulmans) dès le 12 juin 1939 à Si Ahcène Djaafrani, leader de la confrérie Al-Alaouia à Paris depuis des années.
En fait, cette autorisation fut officiellement attribuée à la Mosquée de Paris, seul organisme musulman reconnu officiellement par les autorités métropolitaines. Mais cette substitution d’attribution fut conflictuelle. Et il est vrai que Si Kaddour n’usa point que d’arguments moralement dignes… Mais la police n’a pas grand chose à lui reprocher. En tout cas, cela n’a rien à voir avec la collaboration.

 

«pas de témoins directs»

Finalement Mohammed Aïssaoui, non seulement n’a pas été capable de fournir, au terme de sa quête, de témoignages vraiment irréfutables, mais il a même en partie déconsidéré ceux qui existaient préalablement (Salim Halali, Albert Assouline…) – ce que je savais déjà…. Et il avance, en plus, la preuve (p. 93-96) que Ben Ghabrit n’a pas toujours répondu en faveur de juifs dont le Commissariat aux Questions Juives lui demandait s’ils étaient musulmans ou non. Jean Laloum, chercheur au CNRS, a publié un article à ce sujet dans Le Monde du 7 novembre 2011.

Mohammed Aïssaoui finit par reconnaître : «Je n’ai pas à proprement parler de témoins directs» (p. 171). D'ailleurs l'auteur ne mentionne qu'allusivement, et sans jamais s'appuyer sur lui, le film Les hommes libres d'Ismaël Ferroukhi (septembre 2011) parce qu'au terme de son enquête il sent bien que cette production est totalement fictionnelle et ne repose sur rien de tangible.

Au final, la probabilité de vérité historique de sauvetage de juifs par la Mosquée de Paris se réduit peut-être à quelques cas – pour lesquels, cependant, aucune preuve ne peut être fournie sans conteste et sans croisement de sources – due à l’intervention personnelle de Si Kaddour Ben Ghabrit dont les motivations restent obscures.
Des présomptions mais pas de preuves. Jamais le personnage n’a revendiqué, après guerre, ces interventions. Si Kaddour Ben Ghabrit n’a pas été un collaborateur mais il est, pour le moment du moins, quasiment impossible de le considérer comme un «juste parmi les nations».

Michel Renard
7 novembre 2012

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Mohammed Aïssaoui

 liens

- http://etudescoloniales.canalblog.com/archives/2011/10/09/22292189.html

- http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/11/07/la-mosquee-de-paris-sous-l-occupation_1599082_3232.html

- http://etoilejaune-anniversaire.blogspot.fr/

 

couv Mohammed Aïssaoui

 

__________________________________

 

précision

Mon collègue Maxime Gauin me signale ceci à propos de la mention de musulmans au mémorial de Yad Vashem :

- «Son point de départ est un étonnement : pourquoi parmi les 23 000 "justes parmi les nations" gravés sur le mémorial Yad Vashem, à Jérusalem, ne figure-t-il aucun nom arabe ou musulman ?» S'il a vraiment écrit ça, c'est un ignorant. Selahattin Ülkümen (1914-2003), consul de Turquie à Rhodes pendant la Seconde Guerre mondiale a été reconnu comme Juste parmi les nations en 1990. http://www1.yadvashem.org/yv/en/righteous/stories/ulkumen.asp Un dossier est en cours pour l'ambassadeur turc à Paris, le consul à Marseille et quelques autres. 65 Albanais (en majorité musulmans) ont été faits Justes parmi les nations en 2010 : http://www.amb-albanie.fr/press.html

 

 

 

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21 octobre 2012

l'usage politique du 17 octobre 1961

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un militant sectaire et non un président

Bernard LUGAN

 

En reconnaissant la responsabilité de l’État et en rendant hommage aux «victimes» de la manifestation interdite du 17 octobre 1961 [1], François Hollande s’est comporté en militant sectaire, non en président de tous les Français.
D’autant plus que, pour les historiens de métier, les prétendus «massacres» du 17 octobre 1961 constituent un tel exemple de manipulation qu’ils sont étudiés comme un cas exemplaire de fabrication d’un mythe ; comme Timisoara en Roumanie, comme les «couveuses» au Koweit ou encore comme les «armes de destruction massive» en Irak !!!

Tout repose en effet sur des chiffres gonflés ou manipulés et sur des cadavres inventés. Dans une inflation du nombre des morts, les amis du FLN algérien et les porteurs de valises communistes ont ainsi joué sur les dates, additionnant aux 3 morts avérés du 17 octobre ceux des jours précédents ainsi que les décès postérieurs. Pour eux, tout Nord-Africain mort de mort violente durant le mois d’octobre 1961 est forcément une victime de la répression policière… même les victimes des accidents de la circulation.

Il est possible d’affirmer cela sans crainte d’être démenti car :

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D. Mandelkern

- En 1998, le Premier ministre de l’époque, le socialiste Lionel Jospin, constitua une commission présidée par le conseiller d’État Dieudonné Mandelkern qu’il chargea de faire la lumière sur ces évènements. Fondé sur l’ouverture d’archives jusque là fermées, le rapport remis par cette commission fit litière des accusations portées contre la police française [2]. Or, ce rapport consultable sur le net n’a visiblement pas été lu par François Hollande.

- En 1999, Jean-Paul Brunet, universitaire spécialiste de la période, publia un livre extrêmement documenté qui démontait la thèse du «massacre» du 17 octobre (Brunet, J-P., Police contre FLN. Le drame d’octobre 1961.Paris).

- En 2003, le même Jean-Paul Brunet publia un nouveau livre (Charonne, lumière sur une tragédie.Paris) dans lequel il démontrait que le prétendu «rapport de police» faisant état de 140 morts le 17 octobre, document qui sert de point de départ à J.-L. Einaudi, auteur du livre sur lequel repose toute la manipulation (Octobre 1961, un massacre à Paris), n’a jamais existé.

Reprenant la liste des morts donnée par Einaudi, il montre également que la majorité des décès remonte à des dates antérieures au 17 octobre et il prouve que ce dernier a manipulé les chiffres, additionnant les cadavres non identifiés reçus à l’Institut Médico Légal au nombre des disparus et même (!!!) à celui des Algériens transférés administrativement en Algérie après qu’ils eurent été arrêtés le 17 octobre. Il montre enfin qu’Einaudi a compté plusieurs fois les mêmes individus dont il orthographie différemment les noms…

Monsieur Hollande pouvait-il ignorer tout cela ? Si oui, la nullité ou l’aveuglement militant de ses conseillers laisse pantois.

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Quel est donc le vrai bilan de cette manifestation ?

- Le 17 octobre 1961, alors que se déroulait dans Paris un soi-disant massacre, l’Institut Médico Légal (la Morgue), n’a enregistré aucune entrée de corps de «N.-A.» (N.-A.= Nord-Africain dans la terminologie de l’époque).

- Le 17 octobre 1961, de 19h30 à 23 heures, il n’y eut qu’une seule victime dans le périmètre de la manifestation et ce ne fut pas un Algérien, mais un Français nommé Guy Chevallier, tué vers 21h devant le cinéma REX, crâne fracassé. Par qui ?

- En dehors du périmètre de la manifestation, «seuls» 2 morts furent à déplorer, Abdelkader Déroues tué par balle et retrouvé à Puteaux et Lamara Achenoune tué par balle et étranglé, gisant dans une camionnette, également à Puteaux. Rien ne permet de dire qu’ils furent tués par les forces de l’ordre.

Le 18 octobre, à 4 heures du matin, le bilan qui parvint à Maurice Legay le directeur général de la police parisienne fut donc de 3 morts. Nous sommes donc loin des dizaines de morts et de «noyés» auxquels l’actuel occupant de l’Elysée a rendu hommage !!!

Certes, nous dit-on, mais les cadavres ont été déposés à la morgue les jours suivants. Faux, car ce n’est pas ce qu’indiquent les archives de l’Institut Médico Légal de Paris puisque, entre le 18 et le 21 octobre, «seuls» 4 cadavres de «N.-A.» furent admis à la Morgue :

- Le 18 octobre, Achour Belkacem tué par un policier invoquant la légitime défense et Abdelkader Benhamar mort dans un accident de la circulation à Colombes.

- Le 20 octobre, Amar Malek tué par balles par un gendarme.

- Le 21 octobre Ramdane Mehani, mort dans des circonstances inconnues.

Nous voilà donc bien loin des 100, 200 ou même 300 morts «victimes de la répression» avancés par certains et pour lesquels M. François Hollande a reconnu la responsabilité de la France !!!

D’autant plus que le «Graphique des entrées de corps «N.-A.» (Nord-africains) par jour. Octobre 1961» [3], nous apprend que du 1er au 30 octobre 1961, sur les 90 corps de «N.-A.» entrés à l’Institut Médico Légal, la plupart étaient des victimes du FLN.

Plus encore, pour toute l’année 1961, 308 cadavres de «N.-A.» entrèrent à l’IML, la plupart ayant péri dans la guerre inexpiable que le FLN menait contre ses opposants partisans de l’Algérie française ou du MNA de Messali Hadj.
Ainsi, au mois d’octobre 1961, sur les 34 cadavres de «N.-A.» retirés de la Seine ou de la Marne, notamment aux barrages de Suresnes et de Bezons puis conduits à l’IML, la quasi totalité étaient des harkis, des partisans de la France ou des membres du MNA, une des méthodes d’assassinat du FLN consistant à noyer ses opposants. La police française n’est pour rien dans ces noyades.

François Hollande devra donc rendre compte au tribunal de l’Histoire car il a couvert de son autorité un mensonge, une manipulation, un montage grossier qui va être utilisé contre la France par ceux que son ministre de l’Intérieur a qualifiés d’«ennemis de l’intérieur ».

 

Pour en savoir plus :

- Brunet, J-P., (2002) «Enquête sur la nuit du 17 octobre 1961», Les Collections de l’Histoire, hors série n°15, mars 2002.

- Brunet, J-P., (2008) «Sur la méthodologie et la déontologie de l’historien. Retour sur le 17 octobre 1961». Commentaire, vol 31, n°122, été 2008.

- Brunet, J-P., (2011) «Combien y a-t-il eu de morts lors du drame du 17 octobre 1961 ?» Atlantico, 17 octobre 2011.

Bernard Lugan
17 octobre 2012

_______________________

[1] Voir à ce sujet le dossier spécial de l’Afrique réelle, novembre 2011 intitulé Pour en finir avec le mythe du «massacre» des Algériens à Paris le 17 octobre 1961.

[2] «Rapport sur les archives de la Préfecture de police relatives à la manifestation organisée par le FLN le 17 octobre 1961». Rapport établi à la demande du Premier ministre, M. Lionel Jospin et remis au mois de janvier 1998 par M. Dieudonné Mandelkern président de section au Conseil d’État, président ; M. André Wiehn, Inspecteur général de l’administration ; Mme Mireille Jean, Conservateur aux Archives nationales ; M. Werner Gagneron, Inspecteur de l’administration. En ligne.

[3] Voir l’Afrique réelle, novembre 2011.

 

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19 octobre 2012

la vérité historienne sur le 17 octobre 1961

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pour de Gaulle, il était hors de question

de laisser le FLN faire une démonstration

de force en plein Paris

Jean-Paul BRUNET

 

INTERVIEW - Jean-Paul Brunet, auteur de Police contre FLN, le drame du 17 octobre 1961, affirme que Maurice Papon a eu le tort de se laisser surprendre par l'ampleur de la manifestation.

LE FIGARO. - Comment expliquer le drame du 17 octobre 1961?

Jean-Paul BRUNET - La guerre d'Algérie durait depuis sept ans. De Gaulle menait des négociations avec le GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne), tandis que le FLN commettait de fréquents attentats contre la police parisienne. Les forces de l'ordre avaient déploré 48 tués et 140 blessés entre 1958 et 1961. La tension était extrême. Des barrières de béton armé et des guérites en ciment entouraient les commissariats. Certains agents étaient tentés de ne plus obéir à leur hiérarchie et de se faire justice eux-mêmes.

Quelle est la responsabilité de Maurice Papon, préfet de police de l'époque?

Sa responsabilité est pleinement engagée, mais il ne faut pas trop personnaliser cette affaire. Le préfet n'a fait qu'obéir aux instructions du général de Gaulle en réprimant la manifestation.

Pour le chef de l'État, il était hors de question de laisser le FLN faire une démonstration de force en plein Paris.

Papon a eu le tort de se laisser surprendre par la manifestation. Il n'en a été averti qu'au petit matin du 17 octobre et disposait de peu d'hommes pour réagir. Ce fait a joué un rôle non négligeable. Moins les policiers sont nombreux face à une manifestation, plus le risque existe qu'ils se montrent violents pour la contenir. En outre,

Papon avait tenu des propos très douteux qui semblaient encourager les policiers à commettre des bavures et promettre de les couvrir.

Que s'est-il passé exactement?

Le soir du 17 octobre, alors que la nuit était tombée, 20 000 à 30 000 Algériens encadrés par le FLN se rendent à Paris par toutes les voies d'accès. Certains sont venus sous la contrainte, de peur des représailles en cas de refus. Mais le FLN était aussi en train de réussir à fédérer le sentiment nationaliste des Algériens en métropole.

Au pont de Neuilly, le choc avec la police a été terrible. Le jour même, on ne compte que 4 ou 5 victimes parmi les manifestants. Mais plus de 11 000 sont arrêtés et internés. Une partie d'entre eux vont être passés à tabac le lendemain. En totalisant les morts du 17 octobre, ceux du 18, les blessés ultérieurement décédés et les victimes supposées d'éléments incontrôlés de la police en dehors de la manifestation, j'évalue les victimes à 14 certaines, 8 vraisemblables, 4 probables et 6 possibles, soit un total de 32 en comptant large.

Le chiffre de plusieurs centaines de victimes, souvent avancé, serait donc sans fondement?

On n'arrive à ce chiffre fantaisiste qu'en attribuant à la police des meurtres d'Algériens perpétrés par le FLN, qui cherchait à raffermir son contrôle sur les Algériens en métropole. Le FLN tuait des Algériens qui refusaient de rejoindre ses rangs, de payer leurs «cotisations» ou d'observer les préceptes coraniques. Des militants du mouvement rival de Messali Hadj ont aussi été assassinés au cours de ces semaines. Au total, plusieurs milliers d'Algériens ont été tués par le FLN en métropole pendant la guerre d'Algérie.

Que pensez-vous de l'idée de repentance?

Pour un historien, cette notion n'a pas de sens. Je suis atterré de voir ma discipline instrumentalisée pour conforter des positions moralisantes ou politiques. L'histoire n'a pas à porter de jugement moral, mais à tenter d'expliquer comment les événements ont pu survenir.

source : Le Figaro politique

 

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17 mai 2012

Eugène Bullard, par Claude Ribbe

Eugène Bulard, caporal

 
Eugène Bullard (1895-1961)
 
Claude RIBBE
 
 
Le premier récit en français consacré à l'aviateur, jazzman, boxeur, artiste de music-hall, agent secret, Eugène Bullard (1895-1961), premier et unique pilote de chasse d'origine africaine à avoir combattu dans les forces alliées pendant la Première Guerre mondiale.
 
A book recounting the adventurous and exemplary life of Eugène Bullard (1895-1961), an Afro-American who, fleeing segregation in his native Georgia, took refuge as a boxer in England, then moved to France where he enlisted during the First World War, became a fighter pilot, a jazz musician and the owner of a famous nightclub in Montmartre.
 
La vie d’Eugène Bullard (1895-1961), aviateur afro-américain, jazzman, activiste et francophile, est une suite ininterrompue de défis et de luttes contre les préjugés raciaux.
 
Né dans la Géorgie ségrégationniste de la fin du XIXe siècle, le jeune Bullard, traumatisé par une tentative de lynchage visant son père, s’enfuit en clandestin sur un steamer en partance vers une Europe qu’il idéalise.
 
Pour survivre, le voilà cible vivante dans une foire, artiste de music-hall, boxeur, avant de plonger dans le Paris de la Belle Époque au moment même où l’Europe s’embrase. C’est la Première Guerre mondiale.
 
D’abord engagé dans la Légion et frère d’armes du peintre Kisling, Bullard, blessé à Verdun, rejoint l’aviation française et devient l’un des premiers pilotes noirs de l’histoire.
 
Il participe ensuite à l’aventure du jazz à Montmartre puis connaîtra, sur fond de charleston, une trépidante histoire d’amour. Agent des services français de contre-espionnage, il quitta la France à l’arrivée des nazis et se construisit une nouvelle vie à New York où il se combattit pour les droits civiques.
 
Un récit flamboyant et exaltant où l’on croise Charles de Gaulle, Blaise Cendrars, Charles Nungesser, Sidney Bechet, Joséphine Baker, des héros et des salauds.
Claude Ribbe
 

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Claude Ribbe, écrivain et cinéaste, est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages – documents ou fictions – évoquant les grandes figures de l’histoire de la diversité. Eugène Bullard fait, dès à présent, l’objet d’une adaptation pour la télévision.
 

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13 mai 2012

sur un livre de Mohammed Telhine

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une histoire malmenée de l'islam en France

Michel RENARD

 

Mohammed Telhine a mené depuis de longues années – certains entretiens, avec Hamza Boubakeur ou Abdelkader Barakrok, remontent à 1989 – un travail de recherches sur la présence de l'islam en France. Le résultat s'appelle L'islam et les musulmans en France. Une histoire de mosquées, L'Harmattan, 2010/2011).

Il a utilisé des études déjà publiées par des historiens et poursuivi ses propres investigations. Au sujet des premières, il est étrange qu'il n'ait cité l'ouvrage collectif paru en 2006, sous la direction de Mohammed Arkoun, Histoire de l'islam et des musulmans en France du Moyen Âge à nos jours (Albin Michel) que sous la référence d'un seul auteur alors qu'il comporte soixante-et-onze contributeurs… Sa dette à l'égard de cette publication monumentale aurait pu être reconnue plus généreusement : cinq citations seulement pour les périodes médiévales et modernes… mais aucune pour la période contemporaine !

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mosquées aux XIXe et XXe siècles en France

Il est vrai que l'ampleur du livre dirigé par Mohammed Arkoun dépassait la seule problématique de Telhine (les mosquées) mais, tout de même, plusieurs articles concernaient directement son sujet en évoquant notamment le projet de mosquée à Paris en 1846, la mosquée du Père-Lachaise, le projet de mosquée de 1895 (sur ce point, il commet une petite erreur chronologique (p. 18) en faisant présider le Comité pour la construction d’une mosquée à Paris par Jules Cambon dès le 7 mai 1895 alors que ce dernier n'en devint président que fin juin de la même année), l'histoire de la Mosquée de Paris, celle de Fréjus, les différents projets à Marseille…

Sur cette dernière ville, Mohammed Telhine ne dit strictement rien alors que j'y ai consacré un article de 27 pages publié dans Outre-Mers, revue d'histoire dès 2003 (n° 340-341, p. 269-286). D'une manière générale, la dimension provinciale a échappé à cet auteur. Et pourtant, de Marseille à Saint-Étienne, en passant par le Nord (Auby), Nice et Bordeaux…, il y avait beaucoup à dire. Le titre de l'ouvrage ne tient donc pas sa promesse. Mohammed Telhine ne retrace pas "l'histoire de l'islam en France à travers sa mosquée" (p. 20).

Mohammed Telhine répercute l'antienne misérabiliste au sujet des mosquées en France aujourd'hui en affirmant (p. 19) qu'une "vingtaine de mosquées dans l'ensemble du territoire national métropolitain sont architecturalement identifiables en tant que mosquées". Faux.

Il y a en au moins le double : Mosquées de Paris, Angers, Strasbourg, Compiègne, Saint-Quentin, Vigneux-sur-Seine, Bondy, Farébersviller, Orléans, Mons-en-Baroeul, Corbeil, Cholet, Vauréal, Béziers, Lyon, Auch, Istres, Évry, Creil, Nîmes, Mantes-la-Jolie, Villeurbanne, Le Mans, Dijon, Clermont-Ferrand, Rodez, Tarbes, Lunel, Auxerre, Gennevilliers, Saint-Prix, Trappes, Nantes, Créteil, Besançon, Argenteuil, Nantes-nord, Saint-Étienne, Nanterre, Carcassonne, Guéret…

Sans compter tous les projets en cours de construction, et pour certains quasiment achevés : Strasbourg, Maubeuge, Montreuil, Villeneuve d'Ascq, Decazeville, Ermont, Le Havre, Tremblay-en-France, Mérignac, Montbéliard, Cholet, Reims, Mer, Vénissieux, Ensisheim, Épinal, Hérouville-Saint-Clair, Toulouse (Empalot), Villeneuve-la Garenne, Poitiers…

Auxquels, il faut ajouter les projets en cours de financement et qui finiront pas aboutir comme leurs prédécesseurs  (tant mieux) : Bagnolet, Blois, La Seyne-sur-Mer, Hagueneau, Longwy, Salon-de-Provence, Annemasse, Saint-Denis, Angers, Roubaix, Strasbourg (Elsau), Villejuif, Hem, Maing, Bobigny (il y a une dizaine d'années on m'avait demandé d'en être le trésorier…), Charleville-Mézières, Conflans-Sainte-Honorine, Tours, Toulouse (Bellefontaine), Stains, Sevran, Annecy, Rochefort, Béthune, Boulogne-Billancourt, Canteleu, Les Ulis, Sin-le-Noble, La Roche-sur-Yon, Rosny, Toulouse (Le Mirail)… J'abrège, mais il y en a d'autres encore…

Sur ce point, donc Mohammed Telhine est sacrément en retard sur la réalité… Par ailleurs, une mosquée ne se définit pas "architecturalement" comme il le prétend. Deux seuls critères valident, islamiquement parlant, l'espace appelé mosquée : un espace préservé (haram) et une orientation (qibla). Le reste est fonction des traditions monumentales et culturelles des pays ou régions où l'islam s'est implanté (cf. Michel Renard, "France, terre de mosquées ?", revue Hommes et migrations, n° 1220, juillet-août 1999 : http://www.hommes-et-migrations.fr/index.php?id=2277).

Pour ma part, je n'ai quasiment rien appris à la lecture cet ouvrage, travaillant depuis plusieurs années sur le sujet. Pour des raisons personnelles, je n'ai pu publier tout le résultat de mes recherches en archives. Mais, en toute déontologie universitaire, Mohammed Telhine aurait pu le mentionner et notamment citer, outre ce que j'ai déjà évoqué ci-dessus, l'article «Gratitude, contrôle, accompagnement : le traitement du religieux islamique en métropole (1914-1950)», "Répression, contrôle et encadrement dans le monde colonial au XXe siècle", Bulletin de l'Institut d'histoire du temps présent, IHTP-Cnrs, n° 83, premier semestre 2004 (juin), p. 54-69. Ou encore tout ce qui figure sur le blog "Islam en France, 1830-1962" : http://islamenfrance.canalblog.com/.

Mais bon… il semble que certaine fierté d'auteur s'accompagne mal des redevances dues à leurs pairs…

Cependant, celui qui ignorerait le livre dirigé par Mohammed Arkoun (Histoire de l'islam et des musulmans en France…), paru quatre ans avant celui de Telhine et réédité en Pochothèque en 2010, celui qui ignorerait – je le dis en toute modestie – mes propres publications, et bien d'autres… apprendra un peu en lisant ce livre.

 

Mahomet 

 

le Moyen Âge et l'époque moderne

Il n'y a rien dans le récit de Telhine qui ne soit déjà présent dans les travaux antérieurs ou dans les articles de synthèse dus à Françoise Micheau, Philippe Sénac, François Clément, Dominique Iogna-Prat, Jean Flori, Yann Gautron, Fanny Caroff, John Tolan, Gilles Veinstein, Géraud Poumarède (dont le nom est mal orthographié, p. 84 et 85 notamment : Poumrède), Guy Le Thiec, etc… dans Histoire de l'islam et des musulmans en France...

Tout ce que dit Telhine de l'enclos musulman du Père-Lachaise (1856) figure pour l'essentiel dans ma contribution au livre cité ci-dessus. L'auteur aurait pu y faire référence… Et s'il avait lu jusqu'au bout cette étude, il aurait vu que l'histoire administrative de l'enclos musulman du Père-Lachaise et de sa mosquée ne s'arrête pas en 1914 mais dure jusqu'en 1927 au sein des discussions de la Commission interministérielle des affaires musulmanes.

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recueil contenant les photos
de la "mosquée" du cimetière
du Père-Lachaise,
aux Archives de Paris

 

le projet de mosquée de 1895

Les citations de presse, virulentes pour la plupart, à l'égard de ce projet, mené par le Comité de l'Afrique française, sont mentionnées par le titre du journal et la date – qu'entre autres j'ai en partie publiées – mais pas par leur référence archivistique où seule on peut les trouver… D'ailleurs Mohammed Telhine tire le projet de relance d'une mosquée à Paris en 1905 par Léon Lambert en faisant référence à Sadek Sellam et non en citant les archives. Toujours donc de la seconde main…

Comité Afrique française
Source : Arch. dép. de la Drôme, 6 M 542

Sa sociologie des membres du Comité pour la construction d'une mosquée à Paris (25 personnes à la date du 8 mai 1895) est fautive alors que j'en ai fournie une identification très précise (Histoire de l'islam et des musulmans en France…, éd. Pochothèque, avril 2010, p. 612).

 

la Mosquée de Paris

Antérieurement à la décision d'édifier une mosquée dans la capitale se manifesta une politique de gratitude à l'égard de la religion musulmane qui était la confession d'un certain nombre de combattants de l'armée française durant la Première Guerre mondiale.
Cette inclination prit notamment la forme d'une politique de respect religieux des défunts par l'institution militaire (services de Santé).
J'avais expliqué tout cela dans un article datant de 2004 avec référence des sources d'archives («Gratitude, contrôle, accompagnement : le traitement du religieux islamique en métropole (1914-1950)», "Répression, contrôle et encadrement dans le monde colonial au XXe siècle", Bulletin de l'Institut d'histoire du temps présent, IHTP-Cnrs, n° 83, premier semestre 2004 (juin), p. 54-69) et publication iconographique des dessins de stèles (visibles également sur mon blog : http://islamenfrance.canalblog.com/archives/2006/09/09/2653571.html.

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dessin de stèles devant servir à l'inhumation
de soldats français de confession musulmane, ministère de la Guerre,
automne 1914 (archives de Paris)
iconographie publiée en 2004 par Michel Renard

 

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texte arabe de l'épitaphe inscrite sur la stèle de tête :
hadhâ qabr al-mahrûm
, [ceci est la tombe du rappelé à Dieu]
(archives de Paris)
iconographie publiée en 2004 par Michel Renard

Mohammed Telhine n'a pas cru bon y faire référence… Je ne trouve pas cela correct. Et tout le reste est à l'avenant.

Telhine répercute l'erreur sur la date de naissance de Si Kaddour ben Ghabrit (p. 141 de son livre) en évoquant l'année 1873 alors que depuis 2007 j'ai publié sur mon blog qu'il était né en 1868 (http://islamenfrance.canalblog.com/archives/2007/02/10/4057434.html) puisqu'il est embauché comme interprète et adel en Algérie dès juillet 1887 : il aurait alors eu 14 ans (…!) si sa date de naissance avait été 1873. Mes sources proviennent de son dossier administratif consultable aux archives du ministère des Affaires étrangères dont il était l'un des "agents".

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à Vichy, Si Kaddour ben Ghabrit à droite (1911 ou 1912)

 

Paul Bourdarie

On se demande aussi comment le rôle de Paul Bourdarie (la plupart du temps mal orthographié en "Bourdrarie) dans la gestation du projet de Mosquée à Paris peut être aussi facilement relégué à l'insignifiance à partir du seul témoignage de Léopold Justinard ?

J'ai longuement cité les témoignages de Paul Bourdarie, issus de La Revue Indigène sans que Telhine ne puisse les contredire…

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Le récit de Bourdarie est instructif sur la paternité du projet : «En mai et juin 1915, j'entrais en relations suivies avec un architecte, élève de Girault, de l'Institut, M. E. Tronquois. Nos causeries roulant fréquemment sur l'Islam et le rôle des musulmans français sur les champs de bataille, M. Tronquois émit un jour l'opinion que le véritable monument commémoratif de leur héroïsme et de leurs sacrifices serait une Mosquée. J'expliquai à M. Tronquois les faits et les points de vue précédemment évoqués et nous résolûmes de nous mettre au travail aussitôt. Et ce fut dans l'été 1916 qu'un certain nombre de musulmans habitant Paris et d'amis des musulmans se rencontrèrent à plusieurs reprises au siège de La Revue Indigène  pour examiner et, au besoin, critiquer les esquisses de l'architecte. Je puis nommer : l'émir Khaled, venant du front et de passage à Paris ; le Dr Benthami ; le muphti Mokrani ; le Dr Tamzali et son frère ; Halil Bey ; Ziane ; le peintre Dinet ; la comtesse d'Aubigny ; Lavenarde ; Christian Cherfils, A. Prat, député, etc... À la suite de ces réunions, un Comité fut constitué, dont la présidence fut offerte à M. Ed. Herriot, maire de Lyon, sénateur, et la vice-présidence à MM. Lucien Hubert, sénateur, Bénazet Marin et Prat, députés et A. Brisson, directeur des Annales politiques et littéraires. La Commission interministérielle des Affaires musulmanes, saisie du projet par M. Gout, ayant donné son approbation, et M. Pichon, ancien ministre des Affaires étrangères, son patronage, le projet fut apporté directement à M. Briand, président du Conseil qui approuva» (Paul Bourdarie, «L'Institut musulman et la Mosquée de Paris», La Revue indigène, n° 130-132, octobre-décembre 1919).

Autre erreur. Mohammed Telhine reprend, en citant Sadek Sellam, l'affirmation selon laquelle Simone Veil (orthographiée Weil…!) aurait été accueillie et protégée par la Mosquée de Paris durant l'Occupation Cela est faux. Je le prouverai prochainement.

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Hamza Boubakeur

le reste du livre

L'ouvrage aborde ensuite quelques aspects de l'administration de la Mosquée de Paris par Hamza Boubakeur, dont il ignore les raisons pour lesquelles il fut nommé à la tête de l'Institut Musulman en 1957. Je le révélerai prochainement également. Puis il se consacre à l'actualité des conflits entre les différentes composantes du paysage associatif musulman en France. Cela relève plus du journalisme que de l'histoire. Mais enfin…, quand on n'a jamais rien lu sur la question on peut y apprendre quelque chose…

Au final, ce livre comporte des connaissances pour celui qui ne comprendrait rien à l'histoire de l'islam en France. Mais le braconnage informatif de Mohammed Telhine n'est pas de bonne moralité intellectuelle.

Michel Renard

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Mohammed
Telhine

 

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18 avril 2012

Delanoë veut contrôler les historiens de la colonisation et de la guerre d'Algérie

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L'historien et le Revizor

Alain-Gérard SLAMA

 

Un demi-siècle s'est écoulé depuis les accords d'Evian, censés avoir mis fin aux hostilités en Algérie le 18 mars 1962. Ces accords, négociés dans une atmosphère d'apocalypse entretenue par le FLN et par l'OAS, abandonnèrent les pieds-noirs sans protection aux enlèvements, à la violence et à l'exode, et les harkis désarmés au massacre. On conçoit que le rappel de cette déchirure laisse encore un goût amer.

Dans l'ensemble, les grandes chaînes de télévision ont saisi cette occasion pour diffuser de manière relativement équilibrée des images de la guerre d'Algérie inédites, atroces, mais parfois aussi généreuses de part et d'autre, qui auront permis, on l'espère, de sortir du masochisme d'usage quand il est question du passé colonial.

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On ne prévoyait pas en revanche que des fonctionnaires de l'État ou des collectivités locales, inquiets sans doute des conséquences politiques intérieures et extérieures de l'anniversaire des accords d'Évian, s'immisceraient en toute bonne conscience dans le travail des historiens.

Au début de cette année, on apprenait qu'une longue note de Guy Pervillé, historien impeccable de la colonisation, avait été réduite à quelques lignes dans un bulletin du ministère de la Culture consacré aux commémorations de l'année en cours.

Ce sont à présent deux autres historiens, Jacques Frémeaux et Daniel Lefeuvre, qui reçoivent un courrier les convoquant auprès du directeur adjoint du cabinet de M. Delanoë, pour leur faire connaître les raisons qui ont conduit le comité d'histoire de la Ville de Paris à leur adjoindre deux nouveaux membres au sein du commissariat général de l'exposition «Paris et les Parisiens dans la guerre d'Algérie», dont la mission leur avait été confiée. La lettre qui leur a été adressée fait état du souhait de l'Administration de rechercher «une solution scientifiquement rigoureuse et politiquement consensuelle».

Inutile de préciser que, devant pareille mise en doute de leur conscience professionnelle, nos deux historiens ont envoyé à leur Revizor une lettre de protestation accompagnée de leur démission. Jacques Frémeaux est professeur à la Sorbonne et membre de l'Institut universitaire de France. Daniel Lefeuvre, professeur à Paris VIII, est un spécialiste non moins reconnu de l'histoire coloniale. On voit mal ce qu'on pourrait leur reprocher, sinon, au premier, d'être né à Alger et, au second, d'avoir publié en 2006 un essai salutaire intitulé Pour en finir avec la repentance coloniale.

Ainsi, après la Justice et le Parlement, il était temps que l'administration de la République veille à ce que le travail des historiens ne cause de trouble à aucune mémoire sur le territoire national, et à aucun intérêt hors de ses frontières ! On a pu vérifier l'efficacité de cette stratégie à propos du négationnisme du génocide des Arméniens par les Turcs, problème dont le pouvoir politique s'est emparé en espérant rendre justice aux victimes sans contrarier les bourreaux, et qui aura finalement achevé de le brouiller avec les uns et les autres.

Publié le 22 mars 2012 - Le Figaro

 

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12 avril 2012

la Mosquée de Paris, victime d'un délire anti-"illuminati" (ajout du 20 avril)

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manipulation et délire :

sur un prétendu symbole "illuminati"

à la Mosquée de Paris

Michel RENARD

 

Il circule depuis quelques semaines une vidéo affirmant que le minaret de la Mosquée de Paris comporte un symbole "illuminati". Après avoir visionné cette vidéo, je suis choqué et en colère contre l'indigence intellectuelle de l'auteur et la manipulation à laquelle il a procédé...!

1) l'essentiel de cette vidéo est constitué de ma propre parole...! recueillie par interview dans le documentaire "Musulmans de France, de 1904 à nos jours" (France Télévisions, 2009) ; entretien accordé à Mohamed Joseph qui était venu  chez moi l'année précédente.

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J'y explique seulement le paradoxe POLITIQUE d'un projet de mosquée à Paris soutenu par le Parti radical, dont une bonne partie est effectivement affiliée à la franc-maçonnerie et fer de lance de la laïcité. Mais le président du conseil, Édouard Herriot, qui inaugure la Mosquée le 16 juillet 1926 n'a jamais été franc-maçon, lui...!

Je n'ai jamais parlé d'influence occulte dans le décor architectural de la Mosquée de Paris...! Pourquoi utiliser, à mon insu, mon propos pour me faire dire l'opposé de ma pensée ?!

2) le triangle n'est pas une forme géométrique ignorée du décor islamique, même s'il est rarement représenté seul. Sa symbolique hérite du nombre 3 et est à la base de la mesure de l'espace par le procédé de triangulation bien connu des mathématiciens et astronomes arabes au Moyen Âge.
Le triangle est l'une des trente-sept pièces à géométrie simple utilisé par les zelligeurs dans les décors de mosaïque.

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le triangle, une des figures géométriques des zelliges

 

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le triangle, une des figures géométriques des zelliges


Au Maroc, les pierres tombales des souverains saadiens, à Marrakech, sont constitués d'une dalle surmontée d'un élément à base triangulaire.

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Et dans le décor des muqarnas, la forme du triangle termine souvent une pièce modulaire.

On trouve aussi des triangles, à la Mosquée de Paris, sur le décor du minbar offert par la Tunisie à l'époque...

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minbar offert par la Tunisie

 

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en voilà des triangles...


Il faut arrêter la paranoïa qui voit des symboles "illuminati" partout...!

Michel Renard
termine un livre sur l'histoire de la Mosquée de Paris

 

- le tableau des figures géométriques est issu du livre Arabesques. Art décoratif du Maroc, Jean-Marc Castera, ECR Éditions, 1996, p. 114-115.

 

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critique et réponse

Il m'a été répondu, le 14 avril : "Ce triangle a le sommet séparé du reste donc rien à voir avec votre description."

Voici ma réplique (15 avril) :

La comparaison de ce motif décoratif inséré dans le creux du mur du minaret de la Mosquée de Paris et l'image figurant sur le billet d'un dollar américain est infondée. Pourquoi ?

L'image reproduite sur le dollar n'est pas une pyramide dont le sommet serait séparé par le halo des rayons d'une lumière irradiante. En réalité, il y a deux éléments distinctifs : une pyramide tronquée dont la tridimensionnalité est signifiée par la vision de deux faces de l'édifice, et un triangle qui ne peut être le sommet de cette pyramide parce qu'il n'est pas tridimensionnel. C'est une figure triangulaire plate enfermant l'œil de la connaissance.

Sur le minaret de la Mosquée de Paris, on distingue deux éléments. À la base, ce n'est pas une pyramide, parce que se combinent deux types de lignes : des lignes obliques et des lignes verticales. Or, une pyramide ne comporte pas de lignes verticales.

Par ailleurs, le triangle supérieur ne peut, lui non plus évoquer le sommet d'une pyramide parce qu'il ne comporte aucune tridimensionnalité. On dirait plutôt une toile de tente canadienne…

Reste la question de savoir ce que signifie cette insertion en creux dans la pierre… Cela ne semble pas redevable d'une nécessité fonctionnelle. Seulement d'une intention décorative. Mais laquelle ?

Je continue à chercher. En tout cas, l'interprétation "symbole illuminati" est réduite à néant. La comparaison avec l'image du dollar ne tient pas debout. Il s'agit d'une sur-interprétation, d'un abus analogique.

Michel Renard
après discussion avec Jean-Marc Castera
auteur de Arabesques. Art décoratif du Maroc, ECR Éditions, 1996.

 

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ajouts interprétatifs

J'ajoute (17 avril) que le motif du triangle entaillé dans la pierre du minaret peut se trouver sur certaines mosquées au Maghreb, par exemple sur celle de Nédroma (Algérie). On ne pourra invoquer une prétendue symbolique "illuminati" ni franc-maçonne puisqu'elle fut édifiée en 1145 et le minaret en 1348 par l’architecte Muhammad al-Sîsî certainement influencé par le style des Almohades (source).

Michel Renard

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Nouvel ajout (18 avril) : on trouve sur la mosquée turque de Divrigi un dispositif décoratif géométriquement similaire à celui relevé sur le minaret de la Mosquée de Paris. À la base, une porte dont la partie supérieure est formée de lignes obliques et qui se poursuit vers le bas par des lignes verticales. Au-dessus, un empilement de quatre lignes horizontales portant des dessins et des calligraphies. Enfin, plusieurs triangles dont celui qui est au centre a le sommet exactement situé dans le prolongement des lignes obliques du haut de la porte.

Michel Renard

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mosquée de Divrigi (Turquie)

 

 

Nouvel ajout (20 avril) - Je reçois aujourd'hui de précieux renseignements de la part de François Gruson, architecte très compétent et spécialiste de "l'architecture maçonnique" ("pour autant que celle-ci existe", comme il dit) que j'avais sollicité à la recherche d'informations techniques et symboliques.

François Gruson écrit, à propos du minaret de la Mosquée de Paris : "il s'agit visiblement d'une réinterprétation d'un arc en tas de charge avec une traverse intermédiaire, comme cela se pratique avec les techniques de pisé (tas de charge en terre sèche et tirant en bois). Je pense que vous pourriez trouver cela entre le sud-marocain, le Mali ou la Mauritanie". C'est exact.

J'ai découvert deux exemples de ce type d'agencement. D'abord celui de la mosquée de Chinguetti, en Mauritanie, considérée par les fidèles comme le septième lieu saint de l'islam. Elle fut construite au XIIIe siècle… la franc-maçonnerie n'existait pas…! Le motif de décoration triangulaire y est traditionnel. En architecture, un arc en tas de charge désigne une assise de pierres à lits horizontaux que l'on place sur un point d'appui, ; là, apparemment on le place au-dessus d'une ouverture.

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J'ai déniché également une figure décorative, certes un peu différente, mais présentant des apparentements avec les précédentes. Il n'y a pas l'ébauche de lignes pyramidales mais la distribution entre une base, une travée la surmontant puis un triangle coiffant le tout est la même.

Il s'agit de la mosquée de Gaya au Sénégal, lieu de naissance d'el-Hadj Malik Sy (1855-1922), leader de la tariqa Tijaniyaa au Sénégal au lendemain de la conquête française.

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rien de maçonnique sur le minaret de la Mosquée

Enfin, François Gruson est formel : "Si je ne suis pas spécialiste de l'architecture islamique, je crois au contraire bien connaître l'architecture maçonnique, pour autant que celle-ci existe. Je puis affirmer sans réserve que le motif qu'on voit au pied du minaret n'a rien de maçonnique".

Il ajoute : "Un de vos contradicteurs dit que la franc-maçonnerie emprunte ses symboles à d'autres traditions : il a raison et c'est particulièrement vrai du triangle et de l'oeil, symbole cher à la contre-réforme (cela s'appelle une Gloire en termes iconographiques), et qu'on peut voir notamment sur le maître-autel de la chapelle royale du château de Versailles, lieu bien peu maçonnique s'il en est (à moins qu'on ne soit plus à un anachronisme près !).

C'est également particulièrement vrai du pentagone concave, ou pentagramme, qui est un symbole présent en franc-maçonnerie... comme en l'Islam : nos paranoïaques de service pourraient filmer toutes les étoiles à cinq branches qui figurent dans les mosquées et les balancer sur le net en parlant de symboles maçonniques ! Encore faudrait-il pour cela s'intéresser à ce qu'est réellement la franc-maçonnerie et ses symbole !

Votre contradicteur a également raison quand il affirme qu'en franc-maçonnerie "tout est symbole", à condition toutefois de comprendre ce que le terme de "symbole" signifie, et de ne pas le confondre, comme il le fait et comme c'est le plus souvent le cas, avec les notions de signe ou d'emblème. Comme vous le dites, cela nécessite un peu de culture, notamment dans la sémiologie, qui est la science des signes. 

Le plus amusant dans l'affaire, est d'imaginer de prétendus francs-maçons truffer leurs édifices et les villes de soit-disant symboles ! Dans quel but ? N'ont-ils que cela à faire ? Ne leur reproche-t-on pas, au contraire, de se consacrer à d'autres chantiers bien plus impactants pour la société ? "

Merci à François Gruson de son érudition et de toutes ces précisions.

Michel Renard

 

 

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28 mars 2012

immigration algérienne en France, années 1950

ARTICLE-CHIBANI

 

combien d'Algériens

en France dans les années 1950/1960 ?

Daniel LEFEUVRE

 

Un étudiant qui prépare Sciences Po Grenoble demande à Daniel Lefeuvre, auteur de Pour en finir avec la repentance coloniale, livre proposé à ce concours d'entrée :

"Au chapitre 10: Qui a reconstruit la France après 1945 ?, à la plage 155 vous affirmez que l'on compte près de "160 000 coloniaux" en France en 1951. Aux pages 153 et 154, on peut lire que 320 000 Algériens débarquent en France (entre 1947 et 1950), et que ce chiffre ne cesse d'augmenter jusqu'à l'indépendance algérienne en 1962.
Je ne comprends donc pas... comment expliquer cette différence de chiffres assez importante ? "

immigration_algerie-0f407 

 

Cette question appelle deux réponses

D'une part, si vous avez bien lu, je ne dis pas que l'immigration algérienne en France augmente jusqu'à la fin de la guerre d'Algérie, mais que, s'amplifiant après 1946, le courant s'inverse au cours de la guerre d'Algérie.

D'autre part, attention à ne pas omettre que si il y a des entrées sur le territoire métropolitains il y a aussi, chaque année des départs (retour vers l'Algérie). Le nombre de 160 000 représente donc le "solde" entre les effectifs déjà en France en 1946, augmenté des arrivées, diminué des départs (ne pas confondre "flux" et "stocks" pour prendre une comparaison commerciale ou financière).

Les entrées se sont élevées à 320 000 entre 1947 et 1950, les retours en Algérie à 217 000 (chiffres arrondis). Le solde est donc de 103 000 auquel s'ajoutent les Algériens présents sur le territoire métropolitain en 1946 et les arrivées de l'année 1946. Soit, au final, environ 160 000 personnes.

Daniel Lefeuvre

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20 mars 2012

l'Europe et son passé colonial - Olivier Dard

39183823

 

 

Comment l'Europe fait face à son passé colonial

Olivier DARD

 

Le 18 mars a eu lieu le 50e anniversaire des accords d’Évian. Les relations des États européens avec leurs anciennes colonies sont-elles aujourd'hui aussi problématiques qu'entre la France et l'Algérie ? Réponse avec l'historien français Olivier Dard, co-directeur avec Daniel Lefeuvre de L'Europe face à son passé colonial.

Touteleurope.eu : Vous attendiez-vous à une importante commémoration du 50e anniversaire des accords d'Evian, le 18 mars ?

120319_Dard_150_100Olivier DARD : On pouvait s'attendre, c'était en tout cas l'avis de plusieurs historiens parmi lesquels Jean-Charles Jauffret, à ce que les diplomaties ne parlent pas beaucoup de cet anniversaire. D'une part le traité d'amitié franco-algérien n'a toujours pas vu le jour, et plusieurs éléments conflictuels entre les pays demeurent. D'autre part, la France apporterait actuellement une aide militaire précieuse à l'État algérien contre Al Qaïda au Maghreb islamique.
Cela n'a pas empêché la presse d'en parler, en particulier la presse régionale du sud de la France et les grands hebdomadaires, qui ont tous fait leurs numéros sur la Guerre d'Algérie.

Touteleurope.eu : Dans le reste de l'Europe, l'indépendance des anciennes colonies donne-t-elle lieu à des commémorations équivalentes ?

Olivier DARD : Dans l'ensemble, non. L'empreinte coloniale varie selon les pays d'Europe. Deux pays se rapprochent de la France : le Portugal et la Belgique. À l'instar des Français en Algérie, le premier a connu un phénomène de rapatriés, les "Retornados". Ceux-ci sont revenus de l'Angola et du Mozambique suite à la proclamation de l'indépendance par ces pays, et ont rencontré des problèmes d'adaptation, cependant moindres que les pieds-noirs en France.

Retornados
retornados : Portugais revenus d'Angola après l'indépendance

Il est intéressant de noter par ailleurs que l'effondrement de l'empire au Portugal dans les années 1970 correspond à la fois à l'avènement de la démocratie et à l'intégration européenne. Or l'Europe marque, pour ce pays structuré par l'attachement à son ancien Empire colonial, une transformation fondamentale.

Mais c'est en Belgique qu'on peut retrouver le plus de ressemblances avec la mémoire coloniale française. La "repentance coloniale" dont parle Daniel Lefeuvre y est aussi très présente, avec des amalgames réguliers entre Seconde Guerre mondiale, décolonisation et immigration.
Depuis les années 1960 existe également une polémique relative à l'implication de l'État belge dans l'assassinat du Premier ministre de RDC, Patrice Lumumba, en 1961.

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Patrice Lumumba

Bien qu'aujourd'hui la communauté scientifique s'accorde à innocenter la Belgique, la question n'en continue pas moins de susciter le doute chez certains. Comme l'Algérie pour la France, le Congo est ainsi restée une épine plantée dans le pied de la Belgique. Et le parallèle est d'autant plus saisissant si l'on se rappelle d'un slogan des adversaires français de l'indépendance lancé en Belgique : "Alger-Léo : deux fronts, une seule guerre !".

 Enfin, partout les conflits coloniaux sont absolument inséparables de la Seconde Guerre mondiale et de sa mémoire. Dans tous les camps, colonialistes et indépendantistes, on se bat au nom de la "résistance".

Touteleurope.eu : La mémoire coloniale est-elle plus apaisée dans les autres pays d'Europe ?

Olivier DARD : Globalement, les relations des anciennes puissances coloniales avec leurs anciennes colonies sont aujourd'hui normalisées. C'est d'ailleurs le cas de la France avec le Maroc, la Tunisie, l'ancienne Indochine…

Il n'en reste pas moins partout des souvenirs douloureux. Par exemple, les Anglais considèrent qu'ils ont "réussi" leur décolonisation, mais ce n'est pas aussi évident pour un certain nombre d'historiens, dont je fais partie. Il faut comparer ce qui est comparable : l'Angleterre n'avait pratiquement pas de colonies de peuplement, mais lorsque c'était le cas comme au Kenya, cela s'est plutôt mal passé. Et pour cause : les Européens présents sur le territoire colonial depuis plusieurs générations ont eu quelques difficultés à admettre un tel changement.

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l'armée britannique et les Mau Mau au Kenya

Notons par ailleurs que, comme pour le Portugal, la construction européenne prend le relais de l'idéal impérial : les premières demandes d'adhésion des Anglais se déroulent au début des années 1960, à l'époque où le commerce britannique se déplace rapidement du Commonwealth vers le continent européen. Ce qui semble indiquer que pour les Britanniques, l'ère des empires est à l'époque définitivement close.

La conquête italienne de l'Ethiopie en 1935-36 a longtemps été perçue comme n'ayant pas posé de difficultés particulières. Par conséquent, cet épisode s'inscrit dans une mémoire collective qui pense la colonisation italienne comme "douce", à l'opposé de l'occupation allemande. Or l'historiographie a montré que le régime fasciste avait utilisé des gaz de combats, normalement interdits. Ce qui prouve que le conflit a été particulièrement violent. Du côté libyen, Silvio Berlusconi avait trouvé un certain nombre d'accommodements avec le colonel Kadhafi, y compris des excuses de l'État italien. L'avenir nous dira si ces relations restent normalisées avec le nouveau régime libyen.

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En Espagne aujourd'hui, la question coloniale semble être passée au second plan, malgré les questions liées à l'immigration notamment marocaine. Aux Pays-Bas, le traumatisme suscité par la perte de l'Indonésie au lendemain du second conflit mondial a ressurgi dans les années 1970 et est encore présent, comme en témoignent le radicalisme de certains discours anti-islam. Enfin, le cas allemand est intéressant malgré la relative modestie de son ancien empire colonial : le pays a en effet réussi à normaliser ses relations avec ses anciennes possessions du Sud de l'Afrique, évitant ainsi de voir ressurgir des amalgames entre le massacre des Hereros du début du XXe siècle et la déportation des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.

Olivier Dard
professeur à l'université de Metz

source

39183823 

 

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13 mars 2012

culture du maintien de l'ordre (Jean-Marc Berlière)

metro-charonne

 

policiers et manifestants, années 1950-1960

Jean-Marc BERLIÈRE

 

Dans le climat particulier de la guerre froide et de la guerre d'Algérie, les années 1950 et 1960 démontrent la permanence d'une culture de maintien de l'ordre largement marquée par la violence parfois démesurée. Le 14 juillet 1953, le 17 octobre 1961, le 8 février 1962 constituent autant de drames humains dont la police parisienne porte une grande responsabilité [...]

Observons d'abord que ces déchaînements de violence meurtrière concernent des Nords africains et des militants de gauche, en majorité communistes. Ce n'est pas par hasard.

Les représentations policières de Français musulmans systématiquement perçus comme des fauteurs de troubles et des délinquants, déjà fortement teintées d'influences "coloniales" en 1953 ont été encore noircies par les attentats perpétrés contre les policiers par le FLN à partir de 1960.

Quant à l'anticommunisme des policiers de la Préfecture de police qui s'est déchaîné à Charonne, déjà très développée avant la guerre par les affrontements qui opposaient depuis les années 1920 la police municipale aux "salopards en casquette", il est sorti exacerbé de l'Occupation par les attentats individuels commis par les "communo-terroristes" contre les policiers et par le rôle des communistes dans l'épuration de la Préfecture de police à la Libération.

Le déchaînement d'une violence largement partagée par les deux camps lors des affrontements liés à la guerre froide, par exemple à l'occasion de la manifestation contre le général Ridgway en mai 1952 (cf. Michel Pigennet, Au coeur de l'activisme communiste des années de guerre froide. La manifestation Ridgway, L'Harmattan, 1990), ont définitivement envenimé des rapports difficiles.

 

violences institutionnalisées et débordements

Aux désirs obsessionnels de vengeance couvant dans les commissariats et les cars de police, il faut certes ajouter les tensions au sein du FLN ou la stratégie de provocation de l'OAS.

Mais les événements, indignes d'un État de droit du 17 octobre 1961 et du 8 février 1962 résultent également d'une volonté délibérée de choc frontal de la part de la Préfecture de police, de la violence d'État institutionnalisée par un pouvoir gaullien autoritaire, et de la perte de contrôle par la hiérarchie de troupes conditionnées puis déchaînées par l'attitude du gouvernement et du préfet de police ressentie comme un encouragement tacite, une tolérance, un droit de tuer. Entre des débordements dramatiques que le premier ministre Michel Debré n'ignore pas et un risque de subversion par l'OAS d'un des derniers remparts de l'État, le choix du gouvernement est vite fait : la raison d'État, la volonté d'imposer l'ordre public dans une situation lourde de menaces commandent une fermeté sans rapport avec les manifestations concernées, comme elles imposeront ensuite le mensonge, le silence.

Si la dimension politique de ces tueries, assimilées par certains analystes à des "meurtres d'État" (cf. Alain Dewerpe, Charonne, 8 février 1962 : anthropologie historique d'un massacre d'État, Paris, Gallimard, 2006), ne surait être minorée, on se contentera ici d'apprécier les événements au regard de l'histoire du maintien de l'ordre, notamment en terme de fautes ou d'aberrations techniques.

L'étude des archives internes, les témoignages des acteurs démontrent l'incompétence, les erreurs tactiques, les fautes techniques accumulées et surtout la perte de contrôle de leurs troupes par les différentes hiérarchies. C'est très net pour la répression de la manifestation algérienne du 14 juillet 1953 marquée par un usage irraisonné et illégitime des armes hors de tout contrôle, mais c'est également vrai du 17 octobre 1961 et de la tuerie de Charonne. Des policiers déchaînés, aidés par une partie de la population le 17 octobre, se sont livrés, de longues heures durant, à des représailles et àdesactes de barbarie hors de tout contrôle ou en ignorant délibérément les rappels à l'odre de commissaires dépassés, parfois menacés par ses [sic !] propres troupes.

17-octobre-1961-elie-kagan-tous-droits-reserves-bdic-117 octobre 1961

Il semble légitime de lire ce déchaînement sans frein de brutalité sauvage, ces scènes de meurtres et de barbarie comme la négation radicale d'un demi-siècle de réformes et d'efforts pour apaiser et civiliser le maintien de l'ordre. On notera toutefois que ces exactions furent le fait "d'amateurs" : pour l'essentiel les gardiens de la paix des compagnies d'intervention dites de district de la Préfecture de police.

Armés de "bidules" redoutables, mal ou peu encadrés, ces policiers n'avaient ni la formation, ni l'entraînement, ni la discipline des "professionnels" - CRS, Gardes mobiles - qui, présents sur chacun de ces événements, ne semblent pas avoir participé aux exactions et notamment aux charges et chocs frontaux que tout leur entraînement et leur culture leur apprenaient à éviter, pas plus qu'aux "ratissages" et déchaînements qui succédèrent aux affrontements et n'épargnèrent ni les badauds ni les passants."

Jean-Marc Berlière, Policiers et manifestants : un siècle de mutation,
in Danielle Tartakowsky, Paris Manif', les manifestations de rue à Paris de 1880 à nos jours,
Comité d'Histoire de la Ville de Paris, Presses universitaires de Rennes, p. 255 à 257.

 

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