Mémoires du général-major Benmaalem
le général Benmaalem : un point de vue
assez objectif, sur plusieurs affaires du FLN
général Maurice FAIVRE
Benmaalem Hocine, Mémoires du général-major Benmaalem, tome I, La guerre de libération nationale, éditions Casbah 2014, 268 pages.
Originaire d'El Kalaa, la forteresse naturelle des Beni Abbès, Hocine Benmaalem s'est engagé en 1956 dans l'ALN, à 17 ans et demi ; il a été Commandant de Région et ministre, et a terminé sa carrière aux cotés du président Chadli en 1992. Il rapporte avec un grand souci d'objectivité les évènements qu'il a vécus pendant la guerre de libération. Les tomes suivants ne devraient pas manquer d'intérêt.
l'auteur dédicace ses mémoires
Il revient sur l'histoire de son douar, attaché à son autonomie et à l'idéologie des oulemas, classé en zone interdite en 1959 ; l'auteur a été formé par un instituteur engagé, dans une école publique incendiée par le FLN, avant d'intégrer le lycée de Sétif où il souffre de l'inégalité sociale. À la suite de la grève étudiante de mai 1956, il rejoint le maquis et se trouve à Ifri au moment du Congrès de la Soummam.
Repéré par Amirouche, il devient son secrétaire et l'accompagne dans son enquête de septembre-octobre 1956 en Wilaya des Aurès, puis dans sa mission à Tunis en 1957 (date non précisée). De juin 1957 à avril 1959, il suit les cours des académies militaires de Syrie et du Caire. Sous-lieutenant dans l'ALN de Tunisie, il est brimé par le capitaine Chabou et le colonel Mohammedi ; exfiltré par Ahmed Bencherif, il sert dans un bataillon frontalier avant d'être affecté en 1960 à la Direction générale de l'instruction. En avril 1961, il suit un stage d'artillerie en Tchécoslovaquie. Après l'indépendance, il se rend à Sétif et est intégré dans la wilaya 1 par le colonel Zbiri.
La relation par l'auteur du Congrès de la Soummam confirme les décisions importantes prises pour l'organisation politique et militaire de la Révolution ; mais la primauté du politique et de l'intérieur sur l'extérieur sera rejetée par le CNRA d'août 1957. Le rapport de mission d'Amirouche dans l'Aurès est très intéressant, il décrit ses relations conflictuelles avec Omar Benboulaid et Adjoul. Le déplacement à Tunis, parfois menacé par les opérations françaises, permit à Amirouche de dialoguer avec Ouamrane, Bouglez, Mahsas, le Cdt Kaci, F. Fanon, de recueillir Noël Favrelière, et de s'opposer au CCE qui voulait l'envoyer au Maroc.
Benmaalem exprime son admiration de la personnalité du colonel Amirouche, qui n'était ni sanguinaire, ni anti-intellectuel, mais actif et infatigable (contrairement à Mohammedi Said) ; il est attentif au moral des combattants et de la population. Il est cependant responsable des arrestations lors de la bleuïte, dont les erreurs sont estimées à 10 % ; les manoeuvres du capitaine Léger sont relatées avec précision. L'ALN extérieure, l'organisation de l'instruction (DGI) et la formation des officiers au Moyen-Orient sont bien présentées, avec de légères différences avec l'évaluation du 2ème Bureau (25.000 hommes en Tunisie, manque deux bataillons).
L'auteur donne le point de vue du FLN, assez objectif, sur plusieurs affaires : Oiseau bleu, Melouza, complot de Boudaoui, dissidence de la base de l'Est, népotisme en petite Kabylie, assassinat d'Abane Ramdane, élimination de Lotfi par le colonel Jacquin, les 100 jours du conseil des wilayas.
Il est enfin un observateur impartial de la crise du FLN-ALN, depuis la réorganisation du commandement en janvier 1960, la création conjointe de l'EMG et du CIG, la démission refusée et la dégradation de Boumediene, le contrat de carence au CNRA de Tripoli, la constitution du Bureau politique, et les combats fratricides du 30-31 août 1962 (1.000 morts). Les responsabilités de la crise, qui a porté un coup sévère au prestige de la Révolution, sont partagées entre l'EMG, le GPRA et les Wilayas 3 et 4.
Il estime en conclusion que Krim Belkacem a été brillant à Evian, et que Boumediene a créé une armée efficace, reconvertie en Armée nationale populaire ; mais il a maintenu leurs grades à des officiers supérieurs incompétents. En définitive, il a manqué un chef incontesté à la tête de la Révolution. L'observateur extérieur peut se demander si les ambitions personnelles de plusieurs chefs n'ont pas compromis l'instauration d'un régime démocratique en Algérie, et entraîné l'échec de la Révolution.
Maurice Faivre, le 31 juillet 201