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études-coloniales
12 août 2012

une exposition idéologique, au détriment de la réalité historique

bandeau

affiche_algerie

 

une exposition iconoclaste

le général de Corps d'Armée FOURNIER

 

Si j’avais été un ancien «fell», j’aurais particulièrement apprécié l’exposition intitulée «Algérie 1830–1962» que le Musée de l’Armée a offert au public du 16 mai au 29 juillet, au cœur de l’Hôtel des Invalides.

Car c’est dans ce haut-lieu de la mémoire des soldats de France, où l’on ne pénètre jamais sans émotion, que l’on a osé présenter, sous couvert d’objectivité, une rétrospective de la guerre d’Algérie, dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle est conforme à la «bien-pensance» intellectuelle et médiatique. Les organisateurs ont voulu, disent-ils, faire œuvre de pédagogie en s’inscrivant dans le «temps long» de l’histoire pour éclairer ce drame de l’histoire de notre pays.

affiche-algerie

S’appuyant sur les réflexions d’un comité scientifique qualifié, et on le regrette, d’informel par les organisateurs eux-mêmes, cette exposition s’appuie notamment, dans ce temple de l’histoire militaire, sur une bande dessinée qui est loin d’être une œuvre d’historien, mais qui, au siècle de l’image, incruste dans la mémoire du visiteur et notamment des plus jeunes, auxquels elle est visiblement destinée, des idées fausses ou pour le moins sommaires.

Le spectateur averti découvre, quant à lui, de nombreuses contre-vérités, accentuées par des jugements exprimés sans aucune modération ni respect pour la mémoire des victimes de cette époque. Car si les organisateurs affichent le souci de ne pas prendre parti, ils en arrivent pour cela à présenter l’histoire de la guerre d’Algérie en plaçant l’armée française sur un même plan que l’armée de libération nationale algérienne.

Dès les premières salles, consacrées à la période antérieure à 1954, le visiteur est pris en main : l’Algérie était, avant le débarquement français de 1830, un pays, avec ses traditions et ses chefs, tels qu’Abd-el-Kader, qui ne pouvait que se rebeller contre cette invasion. Il est même précisé que celui-ci disposait d’une armée régulière et qu’il avait jeté les bases d’un État moderne. Sans doute les organisateurs ont-ils puisé leurs informations auprès du gouvernement algérien qui martèle ce message depuis cinquante ans.

parcours-abd-el-kader
Abd el-Kader (1807-1883)
par Godefroid Marie Eleonore (1778-1849),
peint vers 1830-1844 à Paris

On va même jusqu’à transformer en «victoire» remportée par Abd-el-Kader le combat de Sidi-Brahim, à 1 contre 20. Les mânes du capitaine Dutertre, du 8ème bataillon de Chasseurs, qui eut la tête tranchée après avoir été fait prisonnier, apprécieront, tandis que, dans le lointain, on entend désespérément résonner la charge du clairon Rolland.

Pour confirmer ce point de vue de l’existence d’un État, on insiste lourdement sur le «royaume arabe» imaginé par Napoléon III, mais qui n’a jamais connu la moindre réalité… puisqu’il n’existait pas !

Mais ceci n’est encore qu’anecdotique et seuls les historiens y verront malice. Le plus grave est ailleurs.

Car dans la volonté de démontrer le bien-fondé de l’insurrection conduite par le F.L.N., on n’hésite pas à employer, sans l’habituelle objectivité des historiens, des termes qui ne peuvent que choquer lorsque l’on connaît la réalité des faits.

Ainsi parle-t-on de «sanglante» répression lors des événements de Sétif, qui entraîne un «bain de sang», en mai 1945. Ainsi baptise-t-on d’emblée de «début de la guerre d’indépendance» la date du 1er novembre 1954, plus connue, côté français, sous le nom de «Toussaint rouge».

63438313

Ainsi évoque-t-on à nouveau une «contre-terreur sanglante» à la suite des massacres de Philippeville en août 1955.

Ainsi chiffre-t-on à 200 les victimes du fameux 17 octobre 1961 à Paris.

Le souci de placer l’ALN sur le même plan que l’armée française conduit également à quelques raccourcis d’autant plus surprenants qu’ils figurent sur l’un des panneaux destinés aux enfants, qui jalonnent le parcours de l’exposition : l’armée française torture et exécute, le FLN, lui, ne commet que des attentats et des assassinats d’opposants.

Guerre-d-algerie
armée française en Algérie

On ne renonce pas non plus à quelques approximations purement militaires : ainsi, l’attaque dite des «1000 djounouds» qui tentèrent, à une seule reprise, un franchissement de force du barrage tunisien devient-elle, cinquante ans après, «des percées en masse du barrage par l’ALN». Sans oublier quelques images complaisantes d’unités de l’A.L.N., défilant ou s’entraînant, à l’abri de la frontière tunisienne, loin des combats, sous les objectifs de quelques photographes étrangers.

Toujours pour donner une allure de troupe «régulière» aux bandes de fellaghas, on présente une note de service du F.L.N. précisant la (bonne) conduite à tenir vis-à-vis des «prisonniers de guerre» français capturés par l’A.LN. Les fantômes des 600 disparus de l’armée française en Algérie apprécieront.

Certes, par souci de paraître objectif, on présente aussi une note du chef rebelle Amirouche ordonnant de torturer systématiquement les captifs avant de les abattre : enfin une vérité !

Vérité aussitôt atténuée par divers commentaires d’une vaste salle consacrée à la torture (par l’armée française) où l’on explique savamment, en se référant à la conquête, que «la violence exacerbée du F.L.N. répond à la violence coloniale initiale» (sic), que «les mutilations spectaculaires renvoient le pouvoir colonial à ses propres violences» (re-sic).

On y présente d’ailleurs des photographies d’un Jean-Philippe Charbonnier, publiées sous le titre de «torture ordinaire», en précisant quand même, par un scrupule tardif, que l’on ne connaît pas l’origine ni les circonstances de ces photos !

Le tout conforté par une interview télévisée, tournant en boucle, de Mme Raphaëlle Branche, qui répète à l’infini ses thèses sur la torture et ses accusations, pourtant déniées par des décisions de justice.

Enfin, insiste-t-on sur le rôle des médias officiels de l’époque, qui «donnent une image négative et caricaturale du F.L.N.».

D’autant plus que les malheureux combattants du F.L.N. sont dix fois moins nombreux que l’armée française, qu’ils vont pourtant tenir en échec, malgré les impressionnants moyens de celle-ci.

charnier
armée française en Algérie

Le terme de «rebelle» est d’ailleurs relativisé par les guillemets dont il est systématiquement accompagné, puisqu’il s’agit, dans l’esprit des organisateurs, de véritables résistants. De même, la «pacification» est également encadrée de guillemets, puisqu’elle n’est en fait que le fruit de la propagande déployée par l’armée française.

En revanche, l’utilisation par le F.L.N. de véritables films de montages (tel que celui de la Fox Movietone, par exemple, où l’on voit un gendarme français abattre tranquillement un algérien, tel un perdreau) relève des opérations d’information réalisées par le F.L.N. pour défendre sa cause.

D’ailleurs, comme il convient d’accréditer l’idée d’un soulèvement général, bénéficiant du soutien massif de la population algérienne, on explique aux visiteurs que seuls 180 000 français de souche nord-africaine ont servi dans les rangs de l’armée française, en omettant soigneusement de comparer ce chiffre aux effectifs des combattants ralliés, de gré ou de force, à l’A.L.N.

Il est douteux que, en dehors de quelques images éparses, les anciens d’Algérie se retrouvent dans cette exposition. Mais il est certain que les jeunes maghrébins du «9-3» pourront y trouver une raison supplémentaire d’en vouloir à la France, car ils trouveront reconnue, dans le sanctuaire historique de l’armée française, la preuve que le combat de leurs pères était juste, qu’il répondait à une aspiration de leur peuple à l’indépendance et qu’il répondait à un nationalisme constamment exprimé depuis le débarquement de Sidi-Ferruch et accru par le manque de reconnaissance de la France, notamment à l’issue de la Première Guerre mondiale, où les soldats de souche nord-africaine ont été abondamment mis à contribution.

Ces jeunes du 9-3 (et d’ailleurs…) trouveront enfin une légitime fierté à voir des termes arabes passés dans la langue française et que l’on invite les jeunes visiteurs à identifier en… écriture arabe, histoire de leur montrer que si la France n’a pas réussi à faire de l’Algérie une province française, l’inverse est en train de se produire !

Voilà où mène la volonté iconoclaste de mélanger imagination et histoire, de confondre histoire des faits et histoire des représentations de ces faits.

Voilà où mène le souci de privilégier l’image au détriment du texte historique : le fil directeur de l’exposition est en effet fourni par la BD de Jacques Ferrandez (qui est par ailleurs d’une excellente qualité graphique) ou par le film «Les Chevaux du soleil» d’après l’œuvre romanesque de Jules ROY, au risque de laisser dans les esprits des «images» fruits de l’imagination artistique mais pas de l’histoire.

jacques-ferrandez
le dessinateur Jacques Ferrandez

Ce qui est quand même le comble pour un établissement baignant dans l’Histoire de France…

On laissera cependant le dernier commentaire à un personnage de la BD, harki s’adressant à son officier en train de lire, avec admiration, une vie d’Abd-el-Kader : «Je ne comprends pas, mon Lieutenant. C’est vous, les Français, qui donnez à vos ennemis l’importance qu’ils ont… Vous aimez vos ennemis plus que vous-mêmes !»

Oui, si j’étais fils ou petit-fils de «fell», j’aurais apprécié cette exposition.

Général (2S) Henry-Jean Fournier

 

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Commentaires
R
Comme toujours avis trés orienté sur ce sujet <br /> <br /> suivant son opinion basique où personne ne fera changer le point de vue de personne! Un seul suggéstion méme COMME ELLE EST demander la réciproque pour présenter cette exposition en Algérie!Qoique "bien documentée dit Michéle <br /> <br /> pas si bien sans rien elever on pourait en ajouter <br /> <br /> beaucoup plus donc mensonges par omission à mon gout et c'est mon droit ;mais qui n'est pas revenu "ravagé" d'une guérre? meme lorsqu'on croit etre du bon coté!"Dieu avec nous" A suivre demande d'un étudiant Algérien :<br /> <br /> "Je suis l'étudiant Ali Boutera, classe doctorat <br /> <br /> je prepare ma these pour histoire d'algerie <br /> <br /> titre: les crimes francaise colonial en Algerie <br /> <br /> manque de documentation d'origine" Réponse <br /> <br /> Cher étudiant Algérien votre sujet de thèse est très banal et défonce des portes ouvertes dans votre pays où Il suffit de prendre les revues de presse pour le " meubler " Puisque " La guerre d’Algérie " est admise par les deux camps :pourquoi ne pas titrer " crimes de guerre pendant la guerre de libération nationale " Plus équilibré en partant de la Définition internationale communément admise et en particulier comme des violations graves de la convention de Genève . Ceci inclut les cas où une où les deux parties en conflit s'en prennent volontairement à des objectifs (aussi bien humains que matériels) non militaires. Un objectif non-militaire comprend les civils, les prisonniers de guerres et les blessés. ;tortures opérationnelles où gratuites ;mutilations volontaires et massacres de civils pour terroriser <br /> <br /> Sur une base ethnique où religieuse ;une épuration ethnique où politique s’apparentant " aux crimes contre l’humanité " imprescriptibles surtout une fois le conflit terminé Alors que les autres crimes de plus de 10 ans sont prescriptibles et de plus couverts Par les fameux " Accords d’Evian " qui prévoyaient une amnistie réciproque ;signés par les deux parties et votés Massivement par les deux Peuples Ce qui ne vous empêche pas de les étudier quant aux archives difficile d’en trouver coté FLN en Algérie je vous le concède On annonce (Mohammed Harbi) Prochaine sortie en 2012 (à 50 Ans) des archives du MALG (services secrets Algériens) que ce dernier à qualifié " d’explosifs " Bon travail et bon courage <br /> <br /> L historien G Pervillé dans son dernier livre "laFrance en Algérie" indique P373 "ces condamnations ont été amnistiées soit par la loi du 9 mars 46 soit par décret du 22 Mars 62 pris en application ACCORDS D EVIAN (adoptés ensuite par <br /> <br /> les Algériens le 1er juillet 62)"seront amnistiés <br /> <br /> toutes infractions commises AVANT le 30 Octobre 1954 dans le cadre d entreprises tendant à modifier le régime politique de l'Algérie" <br /> <br /> Euphémisme adopté par les 2 Parties qui amnistie tous les actes de violence Mais aussi de MANIERE RECIPROQUE COMME TOUJOURS DANS CE CAS POUR LA PEPRESSION Délictueuse / Nationalistes/ anti Nat FLN anti/ FLN ET DONC LES MASSACRES DES 2 COTES <br /> <br /> DE MAI 45 voilà pour le Droit si non pour l'histoire <br /> <br /> http://www.algeria-watch.org/fr/article/tribune/aube_verite_massacres.htm
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M
"Oui, si j’étais fils ou petit-fils de «fell», j’aurais apprécié cette exposition."dires vous :<br /> <br /> je ne suis ni fell ni fille de fell et pourtant j'ai trouvé cette expo très intéressante ,très bien documentée ;<br /> <br /> évidemment voir des scènes de tortures et autres auxquelles des militaires ont participé, certes cela est dur ; <br /> <br /> à lire un livre d'Antonnin Varenne sur son père Pascale qui a participé à tout cela en est revenu ravagé , il lui a été impossible d'en parler . Une famille sur 3 en France a un parent qui a fait l’Algérie ;un secret bien partagé,donc. .
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