le point de vue de Khalil Oudainia
l'Algérie après 50 ans de l'indépendance
l'impact de l'histoire sur la relation complexe
et controversée avec la France
le point de vue de Khalil OUDAINIA
Dans le cadre d'une série d'articles d'histoire concernant l'Algérie colonisée, j'ai voulu commencer par la fin, analyser les résultats, avant de revenir aux origines, durant la présence française en Algérie, en essayant, le plus possible, d'écarter mes opinions politiques, pour faire une analyse, le moins politisée possible, en collaboration avec le site Études Coloniales, auquel j'ai choisi de participer, surtout, je dis bien surtout, puisqu'il contient un nombre d'analyses, que je considère d'esprit colonialiste.
Cela suscitera un débat, que j'espère constructif. Il sera un jour répandu à une plus grand échelle, sans dénigrement ni péjoration, mais aussi pour son ouverture d'esprit et l'ensemble d'avis variés qu'elle contient.
En tant que jeune algérien, j'ai grandi dans un esprit de doute envers tout ce qui vient de la France, je me suis habitué à être sceptique et même hostile aux politiciens français, en accusant les ministres et les hommes du pouvoir algérien d'être pro-français et de serviteurs de la France, avant mon repentir, si je puisse le nommer ainsi ou prise de conscience, tout étant en même temps, pour l'apprentissage de la langue française, un grand admirateur de la culture française. Pour la petite histoire, je regardais la plupart du temps les chaînes de télévision française, par rapport aux chaînes arabes et anglophones.
De plus si j'avais eu le choix entre l'étude dans une université algérienne ou française, j'aurais certainement choisi la française. On peut donc parler de relation controversée envers notre France bien-aimée.
Pourquoi cette contradiction, qui trouve audience à mon avis chez une grande partie des jeunes algériens?
En fuyant librement dans l'histoire non officielle de l'Algérie, j'ai été stupéfié à la découverte de beaucoup de vérités qu'on nous a jamais dites. Et au contraire, desquelles on nous apprenait des falsifications. Je pense que beaucoup d'historiens qui se sont consacrés à l'histoire de l'Algérie ont pu bénéficier de leur existence dans les deux rives de la Méditerranée, Benjamin Stora, Henri Alleg, etc. ; je n'ai pas eu cette occasion.
Par contre, je pense qu'étant fils d'une école d'histoire officielle, révolté par la suite, me donne la possibilité d'une vision particulière à l'histoire de l'Algérie ; privilège que j'essaierai d'exploiter le plus utilement possible.
J'ai découvert combien de français, qui ont aidé le FLN, étaient emprisonnés, torturés et même tués pour l'indépendance de l'Algérie.
Comme j'ai découvert les atrocités faites par d'autres français, également, militaires surtout, et les tortures qui peuvent être traitées de toutes les qualifications, notamment dans les autobiographies si différentes de la grande histoire des évènements politiques.
J'ai compris que le FLN n'était pas seul à combattre l'armée française, mais que d'autres fractions le faisaient aussi (MNA, Communistes, …), desquelles on contestait la légitimité de le faire, pour des raisons qui peuvent être justifiées à l'époque, au nom de l'unité de l'action, et la guerre fratricide pour gagner le devant de la scène ! FLN-MNA.
J'ai aussi découvert que durant l'invasion française en 1830 - sous le prétexte fallacieux du coup de l'éventail - il y avait des compagnies d'indigènes, ainsi qualifiées à ce moment, qui combattaient à côté de l'armée française au cours de la conquête.
lors de la conquête de l’Algérie s’est formé le premier bataillon de zouaves
(500 hommes), majoritairement composé de kabyles
Les massacres des Harkis et des Européens d'Algérie après le 19 mars et le 5 juillet 1962.
Et également les écrits des historiens, notamment des Algérianistes de l'autre côté de la Méditerranée d'une autre histoire si différente et parfois raciste envers des indigènes à qui ils ont amené la civilisation et la prospérité !
J'étais impressionné par le fait que l'indication des massacres contre les indigènes passait toujours au deuxième plan, et par la contestation des chiffres, notamment des morts, chiffres dont j'admets qu'ils sont fortement à reconsidérer pour se libérer des exagérations faites, mais en même temps constater que la réduction des chiffres exclura toute thèse de crime ou de massacre !
Je ne serai d'aucune courtoisie pour cette part ou l'autre, on n'est pas ici pour faire plaire, ou juger, c'est pour ça il se pourrait bien que j'aie des adversaires intellectuellement parlons, algériens et français également, mais c'est un prix à payer.
J'admets que le dicton "Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire" est très juste, mais seulement pour un moment et non pas éternellement comme on essaie de faire en Algérie. Après cinquante ans, je pense que nous avons atteint un certain niveau de maturité qui permet de relater l'histoire de "l'Algérie française" sans complexe, même si cela peut-être difficile, notamment la découverte que la révolution n'était pas si sainte comme on le faisait comprendre.
Je ne vais pas faire le procès des officiels algériens d'après l'indépendance ; ils ont opté pour un choix concernant la présentation de l'histoire algérienne, que je peux comprendre en partie, notamment avec les circonstances d'un pays dévasté par la guerre contre une force déterminée à anéantir la rébellion, même si cela conduisit à détruire le pays, et une courte guerre fratricide après 1962 (les vérités concernant l'histoire du Gouvernement Vichy en sont un exemple clairvoyant), mais je ne vois pas la raison pour laquelle les responsables d'aujourd'hui continuent à le faire!
Le fait historique est omniprésent dans la conscience algérienne, en ce qui concerne l'attitude vis-à-vis de la France, même chez les plus analphabètes qui ne connaissent même pas le groupe des 22 ou 23, selon la divergence des historiens, qui a déclenché l'insurrection.
Il est difficile à beaucoup d'algériens d'admettre que les indépendantistes étaient une minorité bien écartée et que c'est les évènements du Constantinois (1945) qui ont fait basculer beaucoup de partisans de l'assimilation (modérés), comme on les appelait à ce moment, vers l'approche de l'indépendance.
Donc l'Algérie pouvait bien être française pour plus de temps. C'est à peu près ce qu'a dit le ministre des affaires étrangères algérien, qui est l'objet d'une compagne de dénigrement à cause de ce que tout le monde ressent et ne peut le dire publiquement.
Ce n'est pas que l'Algérie n'allait pas vers l'indépendance, mais les choses pouvaient se dérouler autrement, comme c'est le cas dans toute histoire certainement. Mais il y eut ce code d'indigénat qui séparait la société en deux classes, supérieure et inférieure, les événements de mai 1945, la séparation entre ces deux communautés que peu de choses reliaient.
Personnellement, en écrivant sur ces sujets, je sais que je pourrai bien être, l'objet d'une campagne de qualifications de traître, serviteur de la France, et de francophile, mais cela ne me surprendra nullement, car l'Algérie est une jeune nation. N'oublions pas que la Suisse présentée comme modèle de liberté et de civilisation, a connu deux guerres civiles atroces avant d'atteindre ce stade, et nous avons beaucoup devant nous pour apprendre à s'accepter les uns et les autres.
Il va sans dire, que je ne me vois pas comme détenteur de la seule et unique vérité historique, car c'est clair qu'il y a beaucoup de ressources que je n'ai pas pu consulter ; d'où la critique de mes visions et analyses est très possible, et je suis prêt à en débattre.
archives d'Outre-mer à Aix-en-Provence
Cette analyse ne contienne pas tant de faits historiques, mais j'ai considéré qu'elle est nécessaire pour la compréhension de la suite.
C'est pour dire que l'éclaircissement de certains points qui restent peu connus dans cette histoire, en Algérie notamment, influencera et pourra même modifier les relations franco-algériennes, de deux communautés liées à jamais par cette histoire commune, douloureuse et ambitieuse au même temps.
L'histoire en Algérie n'est pas une illusion, laissée pour des romanciers rêveurs ; bien qu'elle n'ait pas connue et ne fait pas l'actualité, en tant que faits substantiels, elle marque indirectement, en la pensée des nouvelles générations, les relations de l'Algérie avec le monde extérieur.
Le cas de la réaction, individuelle et populaire, dans le cas de l'intervention de l'OTAN en Libye est révélateur. Le fait historique est essentiel et ce n'est nullement à cause de quelconque soutien à l'ancien régime libyen.
Certainement la position du gouvernement s'appuie sur d'autres prétextes, que ce champs n'est pas approprié à les analyser.
Ainsi, loin d'une démarche de victimisation, qui peut être utilisée légitimement ailleurs, mais pas dans l'analyse historique, l'examen nous ouvrira des champs larges à exploiter.
Mon prochain article sera intitulé : ce qu'on ne dit pas à propos de la relation des chefs rebelles algériens avec l'administration française.
Khalil Oudainia
7 août 2012