accords d’Évian : crime d’État et/ou crime contre l’humanité ?
réponse à Bernard Coll
Guy PERVILLÉ
Maurice Allais
- Questionnaire adressé à Guy Pervillé :
1) Quelle est votre définition du «crime d’État» ?
2) Quelle est votre définition du «crime contre l’Humanité» ?
3) Qui a conçu, préparé, choisi les interlocuteurs et mené à terme les Accords d’Évian ?
4) Par qui ont-ils été signés ? Qui engageaient-ils ?
5) Qui était responsable de leur application après le 19 mars 1962 ?
6) Les signataires ont-ils respecté les clauses des Accords d’Évian ?
7) Jusqu’à quelle date la France a-t-elle été souveraine en Algérie ?
8) Après cette date, par quels accords la France et l’Algérie étaient-elle engagées ?
Théoriquement, par les accords d’Évian, qui selon la théorie juridique française avaient été ratifiés par le référendum du 1er juillet 1962, et devaient donc s’imposer aux futurs dirigeants algériens
9) Quelles ont été les conséquences humaines et matérielles des Accords d’Évian ?
10) Pour vous les Accords d’Evian sont-ils un crime d’État comme l’a affirmé Michel TUBIANA, alors président de la LDH, dans Libération du 10 septembre 2001 ?
11) Pour vous les Accords d’Évian sont-ils un crime contre l’Humanité comme vient de la confirmer le Colloque international organisé le 4 février 2012 à Paris par le LICRA et la LDH ?
12) Qui porte la responsabilité de ces crimes ? L’État français en la personne de son Président de la République, le général De Gaulle, et son gouvernement ? Le FLN en la personne de ses dirigeants ?
13) 50 ans après, quels actes officiels permettraient la reconnaissance par la Nation de la vérité historique ?
J’ai ensuite été informé des conclusions du colloque, fondées sur les analyses de Pierre Descaves et de Gérard Lehmann (voir dans JPN information, n° 273-220312) lesquelles ne correspondaient pas à mes arguments ni à mes conclusions :
- DEFINITIONS ADOPTEES des notions de "crime d’État" et de "crime contre l’humanité" après vote des participants :
Crime d’État : crime prémédité commis par un État dont les conséquences sont prévisibles.
Crime contre l’Humanité : crime impliquant la négation de l’humanité des victimes par les bourreaux (définition internationale actuelle).
CONCLUSION : Les accords d’Évian sont bien un crime d’État et un crime contre l’Humanité. Depuis 1990, il est possible d’affirmer que le général De Gaulle est responsable d’un crime d’État dont les conséquences furent un "crime contre l’Humanité".
J’ignore comment cette conclusion fut obtenue, mais je constate qu’elle n’a tenu aucun compte de mes arguments.
les critiques de Maurice Allais
Je dois cependant signaler à Bernard Coll que cette conclusion me paraît également contraire à ce que Maurice Allais a plus d’une fois dit et écrit sur ce sujet. Qu’on en juge d’après ce passage très clair de l’avant-propos de son livre, publié au printemps de 1962 et reproduit dans la nouvelle édition (pp. 15-17) :
"C’est la conviction que les conséquences, non pas tant des accords d’Évian que de leur violation possible contre laquelle rien ne nous prémunit, peuvent constituer pour les Français d’Algérie et pour les Musulmans pro-français une immense injustice qui a décidé l’auteur de cet ouvrage à l’écrire. (...) Je suis convaincu que l’opinion publique française a été égarée et abusée, qu’elle n’a pas réalisé pleinement les implications possibles des accords qu’on lui a fait approuver. Je suis également convaincu que ces accords peuvent être facilement amendés en en précisant simplement les conditions d’application et en les assortissant de sanctions efficaces en cas de violation du statut de la minorité par la majorité, et qu’au surplus faute d’apporter les amendements nécessaires nous risquons d’être entraînés vers des situations qu’il sera de plus en plus difficile de contrôler.
Quelles que soient les critiques que je présente dans les deux premières parties de cet ouvrage, je ne pense d’ailleurs pas que qu’aucune des modalités d’application des accords d’Évian que je préconise dans la troisième partie puisse être valablement refusée, soit par le Gouvernement Français, soit par le GPRA, dans la mesure où leur objectif réel est de réaliser un État algérien respectant pleinement les accords d’Évian.
Sur le plan constructif, ce que je propose en effet, ce n’est pas de revenir sur ces accords, c’est de les assortir d’un contexte juridique et politique tel que la majorité nationaliste soit réellement contrainte à les respecter.
Il n’est pas nécessaire de modifier les accords d’Évian en quoi que ce soit. Il suffit de les compléter par deux sanctions efficaces réellement contraignantes, la première juridique, la seconde politique : celle du droit pour la minorité à la sécession s’il est passé outre à ce droit de véto, ces deux sanctions faisant également l’objet de garanties internationales.
La question essentielle que posent les accords d’Évian c’est : quelle garantie est donnée qu’ils soient réellement appliqués ? Quelle disposition peut effectivement contraindre la majorité à respecter les garanties accordées à la minorité ?
Les accords d’Évian n’apportent aucune réponse valable à ces questions et dès lors ils sont inacceptables. Mais si, tels qu’ils sont, ils venaient à être complétés par des sanctions réellement contraignantes, alors je pense que malgré certains défauts trop visibles, ils pourraient sans doute être acceptés et constituer la base du futur État algérien".
De même, il avait retracé ses prises de position sur les accords d’Évian dans son introduction à la deuxième édition de son livre en janvier 1999 :
"À la suite de mes premiers articles des amis m’ont mis en contact avec quelques députés d’Algérie française et des pieds-noirs. J’ai vivement plaidé auprès d’eux que la thèse de l’Algérie française n’était pas la bonne solution, qu’il ne pouvait être question d’imposer à une France qui, à tort ou à raison, n’en voulait pas, le maintien de sa domination politique en Algérie, qu’il fallait absolument renoncer à toute tentative de coup de force en métropole, que la seule cause susceptible d’être efficacement défendue était celle des minorités, et que la seule question essentielle était celle des garanties des accords d’Évian" (p. 19).
Cette analyse est-elle vraiment conforme aux conclusions du colloque en question ?
Guy Pervillé
- cf. l'article de Bernard Coll
7 avril 1962, allocution d'Abderrahmane Farès en présence
des délégués français et algériens