images de la guerre d'Algérie
Retour en images sur la guerre d’Algérie
général Maurice FAIVRE
Une étude en partenariat a été engagée en 2010-2011 entre l’ECPAD et le Département Médiation de l’Université Paris III Sorbonne-Nouvelle (Censier).
Les étudiants en Licence sur la production culturelleont eu accès aux archives audiovisuelles de l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense, qui détient sur la guerre d’Algérie 145.000 clichés dans trois recueils : SCA Algérie, Journal Bled et collection Flament.
Après avoir étudié l’histoire des archives audiovisuelles, les étudiants ont effectué un parcours en images dont ils ont fait une approche historique et esthétique autour de trois thématiques : - de Gaulle homme médiatique – la pacification en Algérie, réalité complexe – l’engagement des harkis.
Le résultat de cette recherche a été présenté le 12 novembre 2011 à Ivry sous la forme d’une exposition de photos et d’une projection de films accompagnée d’un exposé historique de Benjamin Stora, suivi d’un débat avec les spectateurs.
Les films et les rush présentés sur de Gaulle, homme médiatique et rassembleur du peuple, ont été centrés sur ses déclarations politiques et sur ses voyages en Algérie. Les fraternisations de mai 1958 ont été en particulier mises en valeur de façon impressionnante.
Les films sur la pacification ont bien montré le rôle social de l’armée, le coté humanitaire de la pacification. L’aspect guerrier n’a été montré que sous forme d’arrestations de suspects et de cadavres exposés, sans combat réellement filmé.
Les films sur les harkis ont souligné l’engagement volontaire de ceux-ci, qui n’étaient ni des traîtres ni des collaborateurs, mais des citoyens attachés à la défense de leurs villages contre le terrorisme du FLN.
Critique de l'exposé de Benjamin Stora
L’exposé de Stora, brillant, portait sur la personnalité et la politique du général de Gaulle, homme providentiel qui donne le droit de vote aux musulmans et séduit une population avide de paix, ce qui expliquerait les fraternisations de mai 1958.
En 1959 il se rend compte que la solution militaire n’est pas viable et il observe que l’opinion française souhaite la fin du conflit. En 1960-61, il est confronté à l’évolution de l’opinion internationale, qui conduit nécessairement à l’indépendance, solution qui en revanche déchire les partisans militaires et civils de l’Algérie française.
Cette interprétation est habile, mais ne rend pas compte de la réalité historique. Les raisons invoquées ont amené la chef de l’État à changer trois fois de politique :
- en 1958, il est pour l’intégration, tous les Algériens sont des Français à part entière
- en 1959 de Gaulle prône l’association ; c’est d’ailleurs la solution des cadres militaires qui selon le général Ely, sont seuls à avoir le contact avec la population. C’était déjà la solution de la loi-cadre de Robert Lacoste, et le plan Challe comportait aussi un volet politique, à savoir l’auto-défense active des Quartiers de pacification, et la Fédération amicale des Unités territoriales et des autodéfenses, qui allaient dans le même sens.
- le 4 novembre 1960, de Gaulle annonce la République algérienne… qui existera un jour ; il ne reste plus qu’à lui abandonner le Sahara. Cela explique, sans les justifier, la révolte de certains militaires et la naissance de l’OAS. L’aboutissement de la guerre de libération des Algériens sera en fait la dictature militaire du colonel Boumédiene (voir l’histoire interne du FLN de Gilbert Meynier).
- un autre non-dit, c’est que la fraternisation a été proposée aux habitants de la casbah par les capitaines Léger et Sirvent le 16 mai, douze jours avant que le général de Gaulle n’accepte de former le gouvernement. Il n’est donc pas le promoteur de la fraternisation. Bien plus, il a cassé les Comités de Salut public qui, sous l’égide des militaires, poursuivaient la réconciliation des communautés.
- dernière erreur, le président de Gaulle n’a pas donné aux Algériens un droit de vote qui existait depuis 1863, mais de façon inégalitaire ; c’est Robert Lacoste qui a institué le collège unique en novembre 1957.
limites informatives des images
Ce retour en images sur la guerre d’Algérie pose deux séries de questions :
- Les photos et les films peuvent illustrer une situation particulière. Les manifestations de foule par exemple sont très parlantes. Mais les films ne montrent pas toute la réalité ; le combat en particulier ne peut être présenté que par des fictions (voir les films américains du Vietnam) ; les questions politiques, sociales, juridiques, morales, appellent l’analyse des journalistes et des historiens.
- Certains spectateurs ont souligné la partialité des images prises par des cinéastes militaires, et surtout des commentaires qui les accompagnaient. Il est vrai que l’action psychologique par tracts et haut-parleur ne suscitait pas l’adhésion du public, alors qu’elle se contentait de commenter le programme du gouvernement de l’époque.
D’autres moyens plus concrets étaient nécessaires pour gagner le cœur et l’esprit des auditeurs ; cela aussi était montré par les SAS, les médecins de l’AMG, les soldats instituteurs, les moniteurs sportifs et les foyers féminins.
On a pu noter que les spectateurs qui accusaient l’armée de faire de la propagande développaient de leur côté une contre-propagande favorable aux ennemis de la France.
Cette remarque relativise les accusations de partialité.
Maurice Faivre
historien militaire