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études-coloniales
9 novembre 2011

les disparus européens de la guerre d'Algérie

9782916385563FS 

 

les disparus civils européens en Algérie,

1954-1963

un scandale d'État ?

 Roger VÉTILLARD

 

Il s'agit d'un sujet très sensible. Les recherches sur les disparus européens de la guerre d'Algérie n'ont pas été rares. Mais elles ont toujours été approximatives faute de pouvoir recourir aux documents et archives mises à part celles de Jean Monneret qui a pu en utiliser quelques-unes.

La plupart de ces recherches n'ont utilisé que des témoignages parfois imprécis, parfois convergents mais critiquables car difficilement vérifiables. Et en la matière quand on ne sait pas tout, la tendance est à l'exagération ou à la récusation, selon le côté où l'on se situe.

Le travail de Jean-Jacques Jordi, historien universitaire spécialiste de l'Algérie, vient combler les incertitudes. Il a pu – enfin, avec un demi-siècle de retard – accéder aux archives du Comité International de la Croix Rouge, des ANOM, du CHAN–CARAN, du Ministère des Affaires Étrangères, du CAC de Fontainebleau, du SHD, du Cabinet Militaire de la délégation générale du gouvernement en Algérie et du Service Central des Rapatriés. La consultation de la quasi-totalité de ces archives reste soumise à autorisation dérogatoire. Il a ainsi pu consulter près de 12 000 dossiers.

des révélations impressionnantes

Ce qui est révélé dans ce livre est saisissant. Ce que beaucoup d'Européens d'Algérie affirmaient pour l'avoir vécu est ici confirmé par les archives, rapports, références précises et témoignages. L'enquête est très transparente. Rien n'est avancé sans que la source, toujours vérifiable, ne soit précisée. C'est un travail d'histoire scientifique qui ne peut être contesté. Mais peut-être sera-t-il occulté, ignoré et escamoté ?

Ainsi est-il affirmé, preuves à l'appui, qu'au moins 1583 personnes dont l'état-civil est précisé sont présumées décédées, que le sort de 171 autres personnes est incertain et que les corps de 123 autres personnes ont été retrouvés. Ainsi donc, il n'est plus possible de dire que moins de 1877 personnes sont concernées par ces disparitions.

Et qui dit disparition veut parler des personnes victimes d'un enlèvement, c'est-à-dire d'une mise au secret, d' une privation de liberté avec une dénégation complète des responsables de l'enlèvement et une dissimulation du sort réservé à la personne disparue. On ne parle pas ici des personnes dont le corps a été retrouvé ou qui ont été tuées sans être enlevées.

Et pourtant les archives confirment que les autorités françaises savaient que des Européens étaient disparus, que bien souvent elles connaissaient les ravisseurs, les lieux de détention et qu'elles ont toujours refusé d'intervenir en particulier après le 19 mars 1962 période où se situe la plupart des enlèvements et même quand il s'agissait encore d'un territoire où les forces de l'ordre françaises pouvaient intervenir sans difficultés.

Elles savaient que ces personnes enlevées subissaient des sévices corporels importants, qu'elles étaient parfois, donneurs de sang forcés, saignées à blanc jusqu'à ce que mort s'ensuive, qu'elles étaient torturées puis exécutées, que les femmes étaient violées et parfois enfermées dans des bordels. Dès lors les autorités militaires et civiles françaises peuvent être accusées de non assistance à personne en danger et on peut affirmer que ces exactions de l'ALN envers les Européens d'Algérie sont également des crimes contre l'humanité (Commission de droit international - 1995- vol. II -2ème partie). Et leurs auteurs parfois parfaitement identifiés (par exemple Attou à Oran) ne sont jamais inquiétés.

viviane4 026

 

une épuration ethnique

Il faut rappeler que sous couvert de lutte contre l'OAS, c'est en fait à une épuration ethnique que nous avons assisté en Algérie sur un mode "mineur" avant la signature des accords d'Evian (il s'agit de 320 personnes) , d'une façon méthodique après le 19 mars 1962 (cela concerne près de 3000 personnes) avec parfois le concours de l'administration française ou des "barbouzes" qui n'hésitaient pas à livrer des pieds-noirs au FLN, voire même à remettre à l'ALN des personnes qui avaient réussi à échapper à leurs agresseurs et qui croyaient naïvement que demander la protection de la gendarmerie française leur épargnerait d'être renvoyés vers leurs tortionnaires.

Les noms de ces Français coupables qui ont laissé faire ce massacre sont cités de Fouchet à Katz, de Lemarchand à Louis Joxe… Les archives du CICR et les autres sont éloquentes sur ce sujet. En effet à partir du cessez-le-feu l'ennemi en Algérie pour l'armée et la gendarmerie c'est l'OAS. Et comme les Européens sont réputés dans leur grande majorité être favorables à cette organisation clandestine, ils deviennent tous présumés coupables d'assistance à organisation terroriste. Et une justice immanente est dès lors légitimée.

 

faire fuir le Français d'Algérie par la terreur

Les exactions algériennes se sont poursuivies plusieurs mois après l'indépendance. On en recense 1128 entre le 19 mars et le 1er juillet 1962, 1849 au cours du second semestre de cette année 1962, 367 entre le 1er janvier le 30 septembre 1963. Il est désormais difficile de continuer à soutenir que la guerre d'Algérie a pris fin le 19 mars 1962 et il est impossible d'affirmer que le déchaînement de violence, fin 1961 - début 1962, venait essentiellement de l’OAS, comme le soutient Pierre Daum. Car la stratégie, des commandos du FLN est claire : faire fuir le Français d'Algérie par la terreur.

L'auteur s'attarde 34 pages durant sur les massacres survenus à Oran en juin et Juillet 1962. Ici les documents parlent. Il n'est nul besoin de les commenter ; ils accablent le général Katz en dépit des interventions de plusieurs officiers qui ont bravé les interdits de leur hiérarchie. Un général Katz à la mémoire défaillante dans le livre qu'il a publié en 1992 où il contredit ses propres rapports dans cet ouvrage qu'il a osé intituler L'Honneur d'un Général !

Il faut lire cet ouvrage de Jean-Jacques Jordi. Il qui se situe bien au-delà de ce que beaucoup imaginaient et il est écrit par un historien rigoureux et averti qui parait surpris par ce qu'il a découvert. Alors Silence d'État ou Scandales d'États ?

Il reste à écrire au moins trois autres études du même calibre concernant les militaires, les civils musulmans et les harkis disparus.

 Roger Vétillard
historien

Jean-Jacques Jordi, Un silence d'État – Les disparus européens de la guerre d'Algérie, SOTECA éd. St Cloud, 2011 – 200 p - ISBN 978 2 9163 8556 3

Disparus Marseille 5 juillet 2006 C Garcia 16060 JOURS

 

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Commentaires
L
mon frere a du etre tue en 1962 ou sont les indemnites prevues par l etat mes parents les ont attendues et sont morts en 1966 merci de me renseigner
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J
fille de disparu reconnu mort pour la france! en temp que pupille de la nation je me bat pour obtenir reparation pour prejudice moral que j'ai en moi depuis l'age de 17 ans c'est horrible de ne pas SAVOIR et cela depuis 1958j'ai cette plaie au fond de moi qui ne se fermeras jamais OU EST MON PERE ????connaissant les methodes employées par ces barbares je .................
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A
Excuses à l'Algérie ? Posté par Karim sur son blog<br /> <br /> J'ai trente-sept ans, je suis fils de résistants algériens et je ne vois pas l'intérêt de présenter des excuses a l'Algérie à moins que le gouvernement algérien lui-même ne présente des excuses à son peuple pour 250 000 mille morts sans la présence d'un seul colon, pour une démocratie ratée parce que trop militaire, pour avoir laissé et laisser les richesses de tout un pays aux mains d'une minorité d'apparatchiks sanguinaires, pour avoir utilisé les islamistes comme un contre-feu à la démocratie réclamée par la rue. <br /> <br /> <br /> <br /> Alors peut-être l'Algérie aura un intérêt à se retourner sur son passé français aussi cruel qu'il a put être. L'ennemi français n'a pas vu cette guerre comme fratricide, celle qui a suivi et qui laisse le peuple exsangue et les dirigeants gras et grossiers, aura fait bien plus de mal. Enterrons les excuses et les amertumes nous avons tous mieux à faire que d'entretenir des feux inutiles qui couvent encore malgré le temps et l'eau coulée entre les deux rives. Je pense aussi à ceux qui malgré tout le mal éprouvé se sentent encore algériens : Les harkis, les pieds noirs, sans oublier les juifs algériens antérieurs à la colonisation. Que doit-on a ces gens là ? Ils sont plus algériens et plus français que moi, je leur donne ce qu'ils réclament sans même connaître leurs exigences tellement leur sort m'afflige. A l'heure des concordes avec les islamistes, quand le sang du peuple a peine sec, ce ministre de la honte voudrait orchestrer les mémoires pour faire passer la pilule. Ne croyez pas que je vole maladroitement au secours de NS, non ces difficultés me font jubiler. Marianne elle n'est plus comptable de ces dettes là, il ne fallait pas boire l'eau d'Évian, il ne fallait pas livrer la blanche dame a l'oued de sang. Je ne prends pas de souffrance en héritage avec tout le respect dû à ceux qui sont mort en libérant l'Algérie ou en défendant la France. Il est seulement triste que vous n'ayez pas partagé leur sort puisque vos projets morbides <br /> <br /> <br /> <br /> montrent le fantôme que vous êtes monsieur le ministre. L'Algérie doit couper le cordon avec la France, cesser d'y puiser des excuses pour expliquer ces maux qui sont de l'entière responsabilité du pouvoir en place. C'est pour toutes ces raisons que je signe l'appel du contentieux historique
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H
vous evoquer les disparus de cette guerre<br /> <br /> la verite qu\il n y a jamais des dsiparus parceque ils ont choisis de rester en algerie
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J
Pouvait on prévoir les massacres du 5 Juillet ORAN ?<br /> > Supputations découlant de la situation stratégique d'Oran mais non fondées à priori à moins de bien connaitre les luttes internes du FLN et le fait que l'armée Francaise ne protégerait pas ses ressortissants Or se souvenir<br /> > Note aux chefs de Corps n°99 /saor/3/ope du 20 juin signée général Katz qui prévoit l'usage de la " légitime défense " y compris pour les ressortissants Français après le 3 juillet (non appliquée sur l'ordre du pouvoir central la veille de l'indépendance, avec l'ordre strict de consigner les troupes)<br /> > Ordre d'autant plus criminel sur le plan local si on avait su à l'avance mais rien ne l'indique dans les rapports du 2em Bureau méme favorables aux PN ni dans ceux de la partie du FLN locale vite débordée par l'extérieur Pour moi la question reste posée d'un "deal" au plus haut niveau avec ceux qui allaient réellement prendre le pouvoir en Algérie!<br /> <br /> > Deal de facto; Non pour le massacre bien sùr ; Mais pour ne pas intervenir<br /> <br /> > Se souvenir de la note (doc 64 M Harbi) du groupe FLN de l'exécutif provisoire au GPRA du 27 Juin 62 qui faute de directives se plaint de ne pouvoir signer le protocole prévu sur le maintien de l'ordre D'où "Porte ouverte aux risques d'interventions de l'Armée Française après le 2 Juillet en cas de débordements" Dicit (ce protocole ne fut jamais signé )<br /> <br /> > A la demande de certains J'explicite "le Deal" possible en marge des "accords d'Evian" non signés par ceux de l'ALN du Maroc qui allaient prendre le pouvoir c'est à dire consérvation des bases militaires et surtout d'éssais Atomiques Françaises contre appuis tacites pour prise de pouvoir ,ouverture des fontiéres et non possibilité d"enclave Européenne à Oran Kébir en sachant que "la charte de Tripoli"du FLN du 27 Mai 62 prévoyait dans une clause secrète "qu'il fallait encourager les Français d'Algérieà partir" et qu'il faudrait progréssivement "liquider les accords d 'Evian"<br /> > En tout cas c"est ce qui s"est bien passé! L'objectif de De Gaulle était avant tout de terminer les éssais de sa Bombe le sort des PN et des Harkis lui était indifférent ;Si on réfléchis bien jamais un mot de compassion ne fut prononcé par lui !
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