Yvan-Georges Paillard
Yvan-Georges Paillard (1928-2007)
historien de Madagascar au temps colonial
Yvan-Georges Paillard, né en 1928, historien de Madagascar, est décédé le 22 novembre 2007. Il était maître de conférence honoraire à l'université de Provence et ancien directeur adjoint de l'institut d'histoire des pays d'outre-mer (IHPOM). Il avait aussi enseigné à l'université de Madagascar et assuré un service de cours à l'université de Berkeley. Ses recherches et ses publications étaient principalement consacrées à l'histoire de Madagascar aux XIXe et XXe siècles et à celle du colonialisme français.
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un homme chaleureux, un historien scrupuleux
J’ai été le collègue d’Yvan Paillard depuis 1985-1986. J’ai trouvé auprès de lui une amitié spontanée et une collaboration jamais démentie. Nous avons eu souvent les mêmes étudiants ; ceux-ci trouvèrent chez lui toujours la même disponibilité, la même écoute attentive.
Yvan Paillard fut longtemps l’animateur dévoué de l’Institut d’Histoire des Pays d’Outre-Mer aux côtés d’Anciens de l’Université de Provence comme Régine Goutalier et sous la direction de Jean-Louis Miège qui lui confia la responsabilité de nombreuses rencontres.
Tout le monde connaissait et estimait l’enseignant compétent et apprécié, l’Homme discret et chaleureux, l’Historien auteur de nombreux travaux sur et l’auteur d’une magistrale synthèse publiée en 1994, Expansion occidentale et dépendance mondiale. Yvan Paillard appartenait à la première génération de l’Université de Madagascar, après l’indépendance de ce pays. Il avait participé activement à sa genèse et il a été un spécialiste reconnu de l’histoire de la Grande Ile. Il fut historien scrupuleux, soucieux de ne rien avancer sans la preuve des archives et, à cet égard, il a été un modèle pour les jeunes chercheurs.
Marc MICHEL
professeur émérite à l'université de Provence
les ouvrages et articles d'Yvan-Georges Paillard
- Les incertitudes du colonialisme. Jean Carol à Madagascar, l'Harmattan, 1990. [Jean Carol, 1848-1922]
- Expansion occidentale et dépendance mondiale, fin du XVIIIe siècle-1914, éd. Armand Colin, coll. "U", 1994 et 1999.
- Australes : études historiques aixoises sur l'Afrique australe et l'océan Indien occidental, préf. [et présentation de] Marc Michel et Yvan-G. Paillard, l'Harmattan et IHCC d'Aix-en-Provence, 1996.
- «Les échanges de population entre la Réunion et Madagascar à la fin du XIXe : un marché de dupes», in Minorités et gens de mer dans l'océan Indien, XIXe siècle, n° 12, 1979.
- «Les recherches démographiques sur Madagascar au début de l'expansion coloniale et les documents de l'"AMI"», Cahiers d'études africaines, 1987, vol. vol. 27, no 105-106, p. p. 17-42.
- «Domination coloniale et récupération des traditions autochtones. Le cas de Madagascar de 1896 à 1914», Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, janvier-mars 1991, p.73-104.
- «Les avatars de la "Grande Nation" à Madagascar de 1895 à 1914», in Révolution française et océan Indien, prémices, paroxysme, héritages et déviances, textes réunis par Claude Wanquet et Benoît Jullien, l'Harmattan, 1996.
- «De l’exploration à la reconnaissance : Madagascar dans la seconde moitié du XIXe siècle», Sources, Travaux Historiques, n°34-35, Actes du colloque International de Bordeaux, «Découvertes et Explorateurs», Paris, L’Harmattan, 1994, p. 289-299.
- «Faut-il admettre les jeunes "indigènes" dans les collèges français de Madagascar (1913)», in L’Information Historique, n° 33, Mai-Juin 1971, p. 115-120.
- «Victor Augagneur, socialisme et colonisation», in Bulletin de l’Académie malgache, tome 52/1-2, Tananarive, 1974, p. 65-79.
- «Les premières générations d’auxiliaires merina de l’administration coloniale et l’identification d’une nation moderne (1896-1914)», La nation malgache au défi de l’ethnicité, dir. Françoise Raison-Jourde et Solofo Randrianja, Khartala, 2002, p. 153-168.
- (2000). «La Colonisation par le verbe ? Le discours colonial et la diffusion de la langue française (fin XIXe-début XXe s.)», dans Dubois, C., Kasbarian, J.-M. & Queffélec, A. (éds), L'expansion du français dans les Suds (XVe-XXe siècles). Hommages à D. Baggioni (Actes du colloque international d'Aix-en-Provence, Mai 1998), Aix-en-Provence, Publications de l'Université de Provence, 2000, p. 191-197.
- «Les étapes de la colonisation de l’Afrique subsaharienne», Historiens et géographes, juillet-août 1999, n° 367, p. 137-150.
- «Les Rova de Tananarive et Ambohimanga : représentations et manipulations coloniales (fin XIXe siècle-1939)», Annuaire des pays de l'océan Indien, 1999/2000, vol. 16, p. 325-356.
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textes d'Yvan-Georges Paillard
Les incertitudes du colonialisme
A-t-on moralement le droit de priver par la conquête coloniale des nations lointaines de leur liberté ? Leur assurances de "civilisés" face à des peuples réputés inférieurs rassure très vite les rares Européens qui, à la fin du XIXe siècle, se posèrent la question.
Romancier, journaliste Gabriel Laffaille, alias Jean Carol, partage cette bonne conscience. Mais le voici qui, fin 1895, s'embarque pour Madagascar comme secrétaire particulier du résident général Laroche, chargé de mettre en place un régime de protectorat français. Hommes de bonne volonté, Laroche et Carol découvrent dans les "Hova" (les Mérina) une nation certes techniquement en retard, mais qui possède une civilisation originale avec ses propres valeurs et qui, éprise de progrès, souhaite n'adopter des Européens que les innovations convenant à son génie particulier.
Avec les cadres Mérina Laroche organise une collaboration qui ménage leur susceptibilité tout en préservant les intérêts métropolitains. Carol envoie au Times des correspondances où, faisant part de ses étonnements, il veut éveiller la curiosité et la sympathie de ses compatriotes pour les dominés.
Mais le protectorat devient rapidement colonie pure et simple. Laroche cède la place à Gallieni : dans la "paix française" que Gallieni doit faire régner, plus question de dialoguer avec les Malgaches. Dénonçant dans Le Temps les méthodes militaires qui le révulsent, Carol est bientôt prié de se réembarquer. À Paris, il regroupe ses articles dans le livre Chez les Hova..., publié en 1898.
Solidaire par patriotisme de la prise de possession, mais le coeur torturé, il se fait un devoir de témoigner, rejoignant le petit groupe de ceux par la faute de qui l'européocentrisme cesse d'être tranquille.
Les incertitudes du colonialisme. Jean Carol à Madagascar,
Yvan-Georges Paillard,
l'Harmattan, 1990, quatrième de couverture
une femme hova en filanzane (chaise à porteurs)
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«Les Rova de Tananarive et Ambohimanga : représentations et manipulations coloniales (fin XIXe siècle-1939)», résumé
Le terme malgache de rova, enceinte entourant la résidence royale et se situant toujours sur une hauteur, est aussi traduit par celui de "colline sacrée". Cet article pose la question de savoir si les Français, à partir de la fin du XIXe siècle, coloniaux ou métropolitains, étaient conscients de la signification de ces rova pour leurs nouveaux sujets les Malgaches, l'importance de cette image transparaissant ou non dans les expositions universelles (Paris 1889, Marseille 1906 et 1922, Vincennes 1931) et les récits de voyage.
Sous le gouverneur général Albert Picquié, le site d'Ambohimanga, dans les environs de Tananarive, redevient un haut lieu historique reconnu. C'est une manifestation de la "politique d'association" que le gouverneur général veut mettre en place à Madagascar, visant à se rapprocher des autochtones et à les ouvrir aux techniques modernes tout en les préservant de tout déracinement culturel. Le rapatriement des cendres de l'ex-reine Ranavalona III en 1938 favorise un regain de fidélité à la famille royale. Mais les diverses célébrations coloniales aux rova de l'après-guerre n'empêcheront pas l'avènement de l'indépendance.
«Les Rova de Tananarive et Ambohimanga : représentations et manipulations coloniales (fin XIXe siècle-1939)», Annuaire des pays de l'océan Indien, 1999/2000, vol. 16, p. 325-356.
la reine Rasoherina (1863-1868)
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Les recherches démographiques sur Madagascar
au début de l'expansion coloniale - résumé
L'exploitation des archives coloniales, et précisement des archives médicales de l'AMI (Assistance Médicale Indigène), mise en place à Madagascar des 1898, fournit de précieuses informations sur : la population de l'île au début du XXe siecle (estimée à 2,5 ou 3 millions), sa distribution, les variations dans les taux de natalité et de mortalité, ainsi que sur les maladies, leur diffusion et leurs effets démographiques.
«Les recherches démographiques sur Madagascar au début de l'expansion
coloniale et les documents de l'"AMI"», Cahiers d'études africaines, 1987,
vol. vol. 27, no 105-106, p. p. 17-42
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débarquement à Madagascar, mai 1895
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témoignages
J'ignorais la disparition de M. Paillard dont je garde un excellent souvenir. Ayant perdu le contact avec l'IHPOM (j'avais déposé un sujet de thèse sur Léon Cayla à Madagascar en 1988, mais je n'ai pu mener à bien ce projet), c'est donc par vous que j'apprends son décès.
J'étais coopérant en Algérie quand je rencontrai le fils de Léon Cayla qui y travaillait. Il me parla de son père et me proposa de consulter ses archives à son domicile à Saint-Germain-en-Laye. Je fis part à M. Paillard de cette découverte, et il me conseilla vivement d'en tirer parti. J'avais soutenu une maîtrise avec Jacques Valette sur l'Algérie en 1983 à Poitiers, mais M. Valette n'était pas intéressé par Léon Cayla.
Il m'accueillit à Aix avec la plus grande cordialité, et me donna tous les conseils nécessaires pour ce travail. Les archives étaient très importantes, je mis du temps à les dépouiller. Il y avait un très grand nombre de photos notamment, la correspondance avec Lyautey, dont Cayla était le disciple et l'ami, etc.
Je rencontrai M. Paillard à plusieurs reprises avant la soutenance du DEA, notamment au cours d'un colloque à Aix en 1988 à l'IHPOM dirigé par Jean-Louis Miège, et il fit preuve à chaque fois de la même gentillesse, et j'avais besoin d'être rassuré car M. Miège était impressionnant...
Après la soutenance (le jury était composé de Miège et lui-même), il m'encouragea à poursuivre mon travail et me parla de Madagascar où il avait enseigné, et dont il gardait un souvenir enthousiaste.
Jean-Pierre Jourdain
(Montgeron, Essonne)
Yvan-Georges Paillard, 1928-2007