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études-coloniales
1 février 2008

compte rendu de lecture : Le Dê Tham par Claude Gendre (Jean-Pierre Renaud)

Diapositive1

 

 

Le Dê Tham, un livre de Claude Gendre

Jean-Pierre RENAUD



Livre intéressant, très documenté et illustré de beaucoup d’images sur un personnage méconnu, en tout cas en France, de l’histoire du Tonkin au cours de la période 1885-1913. Véritable héros de roman, chef de bande de pirates, mais aussi rebelle à la présence française au Tonkin, l’ouvrage de Claude Gendre nous donne la chronologie minutieuse de la vie aventureuse du Dê Tham. Le sous-titre Un résistant vietnamien à la colonisation française mérite un commentaire particulier.

Dans son rapport de mission (1902), en qualité de Gouverneur Général de l’Indochine (1897- 1901), le décrivait effectivement comme rebelle «Le Dê Tham n’était pas un bandit, mais un chef annamite rebelle qui tenait la campagne contre nous depuis dix ans» (p.74), et il avait réussi, au cours de son mandat, à obtenir sa soumission en 1897, en combinant les opérations militaires et la négociation.

Il convient de rappeler que le Gouverneur Général avait absolument besoin de cette soumission, car comme l’a fort bien rappelé l’auteur, le Yen Thé, situé à une soixantaine de kilomètres de Hanoï, menaçait la présence française au Tonkin, alors qu’il avait besoin de la paix pour négocier en métropole un grand emprunt d’équipement  de 200 millions de francs, de l’ordre de 200 millions d’euros. L’auteur reprend les descriptions du Yen Thé dues à différents auteurs - notamment Gallieni et Lyautey - confrontés à sa pacification, précisément en qualité d’adversaires du Dê Tham, l’année précédant sa soumission supposée. Le Yen Thé était une jungle inextricable qui couvrait un relief aussi inextricable !

Le même rapport Doumer évoquait le démantèlement de deux bandes de pirates chinois dans les hautes régions du Tonkin, et cette évocation nous conduit à élargir la réflexion sur le rôle du Dê Tham au cours de cette période historique.

 

 

Pirate ou patriote ?

Car il est très difficile de démêler dans les hauts faits de ce rebelle ce qui relevait de la piraterie endémique du Tonkin et de ses convictions politiques, qualifiées aujourd’hui de nationales.

Aux yeux de Gallieni et de Lyautey, le Dê Tham était le chef d’une bandes de pirates, donc au cours de la première période de sa vie, au cours de laquelle les troupes coloniales ont combattu de nombreuses bandes de pirates, chinois et annamites. Gallieni avait réussi à pacifier les hautes terres du Tonkin, en obtenant la collaboration du Maréchal Sou, représentant de l’Empereur de Chine dans le Quang-Si.

Deux périodes méritent, à mon avis, d’être distinguées, la démarcation étant celle de la soumission du Dê Tham en 1897, soumission à plusieurs détentes, dans sa chronologie et son sens rituel. Car, que faut-il penser de cette soumission qui conduit le rebelle à bénéficier d’une «concession»  coloniale, contestable, comme celles attribuées alors à plusieurs centaines d’européens ?

Double jeu à l’asiatique, peut-être, mais doublée plus tard d’une cérémonie de soumission rituelle qui ne pouvait manquer d’avoir un retentissement politique dans l’univers confucéen du respect du pouvoir de la cour de Hué.

À la date de cette soumission, toutes les autres bandes avaient été décimées, chinoises, chinoises et annamites, ou annamites, car il était, une fois de plus, difficile de faire le partage entre la piraterie chinoise et la piraterie annamite, et les gouverneurs généraux ont été obligés d’obtenir la coopération de la Chine pour mettre fin à la piraterie chinoise du Tonkin.

pirates_D__Tham
groupe de pirates des bandes du Dê Tham

Les chefs des bandes pirates du Tonkin ont toujours manœuvré habilement entre les deux cours des fils du ciel, celles de Hué et de Pékin, la première se reconnaissant selon les rapports de force, comme plus ou moins vassale de celle de Chine.

Une situation politique et internationale aussi inextricable que celle du Yen Thé !

D’ailleurs le Dê Tham, au cours de la deuxième période de rébellion, postérieure à 1897, s’est trouvé l’allié paradoxal de rebelles chinois réformistes qui prônaient la république en Chine, alors que, lui, se plaçait toujours sous le «ciel» de Hué. C’est une fois de plus la coopération entre la France et la Chine qui mit fin à cette révolte.

Il est donc délicat d’examiner le parcours de ce rebelle sans  appeler en garantie l’arrière plan des relations entre France, Chine, et Annam, aussi bien au cours de la première période de rébellion qu’au cours de la deuxième, qui vit l’intervention d’un nouveau facteur international, la victoire maritime du Japon sur la Russie, en 1905, victoire qui eut un immense retentissement en Asie. Cette victoire était de nature à donner des ailes à la rébellion du Yen Thé, ce qui fut le cas. Le livre de Claude Gendre montre bien le type de relations qui pouvait exister alors entre le Tonkin et le Japon, lequel n’était pas encore perçu comme le nouveau conquérant de l’Indochine.

Alors double, triple, quadruple jeu ? Personne ne le saura, mais assimiler le Dê Tham à nos résistants de la Deuxième Guerre mondiale, me parait exagéré, sauf à souligner que la France eut en effet beaucoup plus de résistants de la dernière heure que de résistants de la première heure, mais laissons de côté les paroles de l’Évangile.

D’aucuns diraient sans doute que le regard de l’auteur est un peu trop marqué par une empathie pour son héros, et que l’esprit de son récit exprime peut être une sorte de remords colonial.

Mettre sur le même plan le Dê Tham et Hô Chi Minh, parait excessif, même si le roman national du Vietnam en a fait un héros de l’indépendance, car à partir de 1897, le Dê Tham n’eut pas vraiment de rivaux. Ils étaient tous morts ou ralliés.

Encore un mot sur les campagnes de presse évoquées par l’auteur (p.79) : le Tonkin d’alors ne comptait pas beaucoup de lecteurs, et la plupart d’entre eux étaient directement ou indirectement des salariés ou des «obligés» de la colonie, de l’ordre de quatre à cinq cents citoyens français. Doumer écrivait d’ailleurs qu’il ne lisait jamais les journaux locaux. Il ne leur trouvait aucun intérêt. Le sujet de la presse coloniale de la métropole et des colonies mériterait de faire l’objet de thèses, si ce n’a déjà été fait,  afin de mesurer le rôle de ces journaux, lequel, à mon sens, est souvent largement surestimé. En tout cas pour la période antérieure à 1914, et sans doute aussi entre les deux guerres.

Jean-Pierre Renaud
le 24 janvier 2008

- voir : le Dê Tham, résistant vietnamien à la colonisation française, Claude Gendre

 

partisan_D__Tham
soumission du plus vieux partisan du Dê Tham et
de son gendre (carte postale ancienne)



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Commentaires
N
Recherchez Rodolphe Miéville sur Google.
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N
Le Dê tham a été la première "Superbe" fake news de notre histoire !<br /> <br /> Créé par un photo/reporter amateur Rodolphe Miéville (1875-1930)<br /> <br /> Vous avez la preuve' en images sur le site https://papipub.fr/inde2.html<br /> <br /> Bonne lecture.<br /> <br /> Norberto
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C
Avant tout veuillez m'excouser pour ma mauvais langue francaise, parce que je suis italien. J'ai lu ce dernier commentaire concernant De thamn et je veut rappeller au lecteurs que le rebellisme comme cet du De Tham a toujours caracterisè tous les revoltes contre les authoritès qui avait la constitution sur les territoires sous forme de loi.Le commentaires au dessus -il me semblent - que ne prend pas en consideration le rol de la France comme puissance colonial que avec l'accord finalisè avec les royaumes et la bourjoisie national du tonkin pouvait exploiter les resources qui voulait et les fair parvenir dedans son territoire en europe, ou non ?Ca c'est la premier chose a tenier en evidence et puis nous pouvons considerer aussi les De Thams si c'etaient des pirates ou des rebels. L'indagine histotique que vous faites il me semble qu'elle ne considere pas tout ca et de vouloir considerer les De Thams comme de pirates ou mieux comme de resistents a moitiè entre les faits d' enrichements personel et la defense de son territoire contre l'exploitation et la pauvertè des gens.Mais vous vous etes demandèes a vous memes quoi faisait la France au dehors de son territoire et au quel but elle etai la et comme elle protegeait celles que considerait propres interesses ? svp votre reponse a ma e-mail carlosaccophot@alice.it sera attendu. Si HochiMinh(aussi lui avait dans sa famille quelqu'un de de Tham)ne commencait pas sa lutte pour le partagement de richesses exploitiès entre les paysans et le peuple du Tonkin apres, en se basant sur les conditions de personnes, La France etait toujours la pour faire ce que faisaient les pirates!Ou non ?Faire des indagines historiques comme j'ai lu dans les lettres de vos lecteurs je pense que il soit reductif si c'est pas fait en comprenant tout l'histoire economique et social qui est autour ces problemes et on parle on parle sans rien a arriver, et on produce dedans les lecteurs confusion que serve a perpetuer un seul but, ce de toujours !!:l'exploitation. Excousez encore pour ma langue, mais je vous demande si c'est possible une reponse, aussi directe a ma e-mail pour mon plaisir de lire le pensèe des lecteurs.merci. carlo sacco.( aussi les maquis italiens pendant le fascisme allait au bois pour se sauver de la mort et de la deportation en allemagne mais aussi ils onr servi un but juste:<br /> la libertè de sa nation et aussi d'eux memes. Seulement pour ca on peut dire qu'ils etaient de pirates a moitiè entre la piratisme pour l'enrichissement personel et entre la lutte pour la justice et la libertè ? Je pense de non !!)
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T
Poser la question si De Tham était pirate ou résistant me paraît tellement déplacé.<br /> Dans les 2 cas ce sont des gens qui ne respectent pas les lois imposées par l'autorité en place. Pour l’un c’est dans un but d’enrichissement personnel et pour l’autre c’est pour des motifs politiques. Il faut savoir qu’en Indochine à l’époque, tous ceux qui se révoltent contre les francais sont appelés pirates. Même les compagnons de Phan Dinh Phung sont qualifiés de pirates (voir cartes postales de P. Dieulefils), c’est pour vous dire. Ceux qui gouvernent l’Indochine à l’époque avaient tout intérêt à dire qu’ils ont affaire à des bandits plutôt qu’à des révoltes populaires. <br /> <br /> Si De Tham voulait devenir riche, il pourrait arrêter le combat après la trève de 1894 (trève et pas soumission :-)) et garder les 4 arrondissements cédés par les francais.<br /> Sa devise « Trung Chân Ung Nghia Dao » n’avait rien de l’esprit d’un pirate.<br /> Avez vous déjà vu un pirate qui a le support d’autant de soldats viets travaillant pour les francais (des collabos si vous voulez) dans l’affaire Ha Thanh Dau Doc en 1908 ?<br /> Pensez vous que Phan Chau Trinh et Phan Boi Chau avaient l’habitude de discuter avec des pirates ?<br /> <br /> Pourquoi ne pas comparer De Tham aux résistants francais sous l’occupation allemandes ? Francois Mitterand était bien considéré comme un résistant et pourtant il a travaillé pour Vichy, félicité par Pétain et a même recu l’ordre de la Francisque. Son cas me paraît plus discutable.<br /> <br /> Pourquoi ne pas le comparer à Ho Chi Minh ? L’oncle Hô avait pu chasser les francais car il a fait ca au bon moment, la France était écrasée par l ‘Allemagne, sauvée par les US et survivait grâce au plan Marshall.
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