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études-coloniales
24 mars 2007

Partis, organisation et travail politique en situation coloniale (29 mars 2007)

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Partis, organisation et travail politique

en situation coloniale

Malika RAHAL, Éric SORIANO

 

Journée d’étude organisée par le GRHISPO et l’IHTP

jeudi 29 mars 2007 de 10h à 17h

à l’IHTP, 59-61 rue Pouchet, 75849 Paris

renseignements :

rahal@ihtp.cnrs.fr
ou
eric.soriano@univ-montp3.fr

 

udma
meeting de l'U.D.M.A. en 1946

 

Dans les colonies aussi, les années d’après-guerre constituent «l’ère des partis». L'extension progressive du suffrage aux populations colonisées se conjugue à la création spectaculaire de nouvelles organisations (MTLD et UDMA en Algérie, RDA en Afrique de l’ouest…) et à l’apparition de représentants spécifiques au Parlement français. Cette période voit ainsi l’émergence du parti comme forme d’organisation privilégiée de la vie politique pour ceux que la loi Lamine-Gueye a rendu, théoriquement, citoyens – même si la visibilité de certains exemples connus ne doit pas faire conclure trop rapidement à la généralisation du phénomène –.

Pourtant, l'historiographie classique privilégie d'abord des études en termes «d’agitations» ou de «vagues» nationalistes comme pour désigner le caractère simplement réactif, spontané des mobilisations qui prennent corps durant cette période. Elles n'entrevoient pas toujours ou ne rendent pas compte de la dimension organisée, institutionnalisée des mouvements politiques qui se structurent progressivement (tout en n'étant d’ailleurs pas nécessairement nationalistes).

délégitimation des formes de la vie politique des colonisés

En outre, les pratiques et les discours des nouveaux et/ou futurs dirigeants issus des sociétés colonisées contribuent à accentuer l'illisibilité des organisations politiques en formation. En fondant leur organisation sur le parti, les sections, les militants, les adhérents, les sympathisants, leurs activités laissent parfois le sentiment d’une simple «importation» ou «imitation» des formes d’organisation considérés comme légitimes en métropole. Dans bien des cas, ces nouveaux dirigeants sont tentés au contraire de cantonner le politique dans des formes résolument étrangères au colonisateur, afin de se soustraire à son regard (autorités religieuses, néo-traditionnelles, parenté, magie…), voire à exacerber la rupture avec les modes de validation de l'État colonial. Il est dès lors aisé pour leurs adversaires de chercher à les délégitimer par la critique ou la dérision afin de minimiser leur impact sur la société colonisée.

Cette délégitimation des formes de la vie politique des populations colonisées s’exprime de façon particulièrement outrée dans les archives de surveillance administrative et policière, qui constituent une source privilégiée pour l’historien. Mais on en trouve également parfois des traces dans des travaux scientifiques qui, se fondant sur les définitions classiques des partis politiques, se demandent, parfois pesamment, si l’on a affaire, dans les colonies, à de «véritables» activités partisanes. Leurs approches se déclinent souvent en termes d’activités «pré-politiques», ou au moins «pré-partisanes», imposant une vision à la fois développementaliste et culturaliste fondée sur une opposition entre pratiques politiques modernes et survivances de pratiques traditionnelles. Cette vision n’est évidemment pas exempte d’arrière-pensées ou, tout du moins, d’impensés quant aux présupposés qu’elle renferme. Elle recoupe en partie, et à une autre échelle, la perspective par «l'apprentissage de la politique» développée par certains politistes et historiens de la politisation des campagnes françaises au XIXème.

En conséquence, le débat autour du caractère «réellement partisan» ou «réellement politique» des pratiques qui se mettent en place à l'initiative de nouveaux dirigeants et dont la vocation principale est notamment d'assurer la sélection de représentants (ainsi que leur possible professionnalisation), nous semble ici une impasse méthodologique. Nous voudrions plutôt revenir sur le «travail politique» réalisé par des cadres politiques émergeants, souvent issus de nouvelles couches sociales, et consistant notamment à "se construire" une légitimité, entre administration coloniale et sociétés colonisées.

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En effet, l’activité partisane en situation coloniale se heurte à plusieurs contraintes qui en modifient la nature et les évolutions par rapport aux formes identifiées par les historiens et politistes du contexte européen. La première tient à la nature du régime colonial, entendu comme une configuration socio-politique, et qui constitue le cadre du développement de l’activité politique. Souvent considéré comme jouant un rôle dans l’émergence des partis dans les pays occidentaux, l’élargissement du suffrage varie au gré des situations coloniales particulières et des stratégies des administrations locales. Pour autant, la pluralité des situations donne lieu à de multiples usages de cette technologie démocratique, les dirigeants n’hésitant pas à s’emparer des ressources institutionnelles pour créer les conditions d’une mobilisation des populations colonisées.

Limité et surtout contrebalancé par des pratiques antidémocratiques dans certains cas (l'Algérie…), l'activité partisane peut être un lieu de consensus favorisant le contrôle social des populations colonisées dans d'autres situations (la Nouvelle-Calédonie…). Dès lors, si dans certains contextes, les partis doivent se créer et se maintenir, malgré un jeu électoral biaisé et la surveillance constante de l’administration, ils ne sont pas nécessairement perçus comme contradictoire avec l'imposition coloniale dans d'autres. La pluralité des configurations coloniales conditionne, pour partie, la forme donnée aux nouvelles organisations, en favorisant éventuellement le développement de pratiques clandestines ou semi-clandestines.

Par ailleurs, la prégnance d'une lutte contre l'État colonial crée, dans bien des cas, les conditions d'un unanimisme nationaliste qui peut s’opposer au travail de construction d’identités partisanes multiples. Cet unanimisme est d’autant plus puissant qu’il est considéré comme une arme contre un régime colonial refusant la réforme. Le régime de parti unique des post-indépendances peut d’ailleurs être lu comme une victoire de l’unanimisme nationaliste, trempé dans la lutte pour l’indépendance (surtout lorsqu’elle est armée) contre la pluralité des identités partisanes. Dans d'autre cas, ce sont au contraire les mécanismes de l'intégration et/ou de l'imposition coloniale qui jouèrent à plein pour créer les conditions d'une adhésion électorale à l'ensemble français lors du référendum de 1958.

contrainte coloniale et unanimisme nationaliste

La prégnance de ces deux formes de contraintes, contrainte coloniale et unanimisme nationaliste, qui conditionnent également la production des sources nécessaires au travail des historiens, justifie à elle seule une réflexion spécifique autour de plusieurs séries de problématiques :

- Tout d'abord, dans un contexte où apparaissent des formes de citoyenneté limitées et variables d’un territoire à l’autre, comment les acteurs font-ils évoluer les organisations politiques vers une institutionnalisation accrue et vers une forme partisane ? En particulier, peut-on identifier les groupes sociaux porteurs des différents projets partisans ? Si oui, quelles ont été les modalités de leur(s) socialisation(s) politique(s) ? Quels sont les modèles dont ils s’inspirent pour créer et imposer un corps de règles, une discipline militante ?

- Ensuite, afin de mobiliser, le projet partisan «travaille» le tissu social de manière différente selon les lieux et les milieux. Il investit, et se nourrit de dynamiques sociales faites de rapports de parenté, du respect de rituels et de cadres de domination spécifiques. D’autres instances de socialisation, comme l’école, l’association, les syndicats, certaines pratiques religieuses ou formes de sociabilité peuvent préparer le terrain au développement du parti. Les partis se constituent autour du recyclage ces expériences, devenues autant de leviers de la mobilisation politique.

- Dès lors, quelles sont les pratiques qui naissent sur le terrain ? Comment l’organisation partisane parvient-elle à valoriser des réseaux et des pratiques lui préexistent ? Certaines pratiques ou formes d’organisation sociale sont-elles au contraire plus résistantes à l’imposition d’un projet partisan (notamment chefferies traditionnelles, notabilités nouvelles liées à l’administration coloniale, communautés religieuses, associatives, syndicales diverses) ? Il nous semble intéressant d’ouvrir la discussion, même s’il s’agit d’un puits sans fond, sur le politique qui se loge ainsi dans les pratiques associatives, religieuses, magiques ou familiales.

- Au final, dans ce contexte d’émergence des partis politiques, qu’est-ce que faire de la politique en milieu colonial ? Que signifie, pour des adhérents comme pour des dirigeants, de militer, d’appartenir, de s'engager dans un processus de construction partisane ?

Malika RAHAL (IHTP) et Éric SORIANO (CSU)


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Programme de la journée


10h - Introduction de la journée, E. Soriano et M. Rahal.

10h15 - Catherine Atlan (CEMAF) : L'invention de la politique au Sénégal : contrainte coloniale et pratiques partisanes dans les Quatre Communes avant la Seconde guerre mondiale.
10h50 - Estelle Richard (Université de Montpellier) : Une professionnalisation cosmopolite. La trajectoire politique de Marcel Henri dans l'archipel des Comores.
11h30 – Interventions des discutants, Michel Offerlé et Fabrice d’Almeida, et débats.

12h30-14h - Pause déjeuner.

14h - Malika Rahal (IHTP/CERMA) : «L'UDMA a-t-elle existé?» Un projet partisan entre répression coloniale et unanimisme nationaliste (Algérie, 1946-1956).
14h40 - Éric Soriano (CSU) : Un régime de fidélités. Les logiques du recrutement politique mélanésien en Nouvelle Calédonie (1946-1969).
15h20 – Interventions des discutants, Jérôme Heurtaux et Laure Pitti, et débats.

16h20 – Romain Bertrand (CERI) : Conclusion de la journée.


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