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études-coloniales
5 février 2007

"une histoire idyllique du colonialisme"... selon Jack Lang

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"une histoire idyllique du colonialisme" : le n'importe-quoi jacklanguien

 

"une histoire idyllique du colonialisme"

la repentance comme monnaie d'échange

diplomatique avec Alger

Michel RENARD



Longtemps, l'historien a passé pour une manière de juge des Enfers,
chargé de distribuer aux héros morts l'éloge ou le blâme.
Il faut croire que cette attitude répond à un instinct puissamment enraciné.

Marc Bloch, Apologie pour l'histoire (1941)

 

"Il faut réformer les manuels scolaires français (...) qui présentent une histoire idyllique du colonialisme", Jack Lang, conseiller spécial de Ségolène Royal, en voyage en Algérie le 4 février 2007. (lemonde.fr, 4 février 2007).

Disons tranquillement que le discours historique, classiquement lié à la recherche de la vérité et à la construction d'une conscience critique, républicaine et démocratique, vient d'en prendre un coup. Face à la surenchère victimaire des prises de position répétées du président Bouteflika, des dirigeants politiques français instrumentalisent l'histoire en escomptant le bénéfice d'une mansuétude officielle du pouvoir algérien. Pour faire plaisir à leurs interlocuteurs, ils inventent une "histoire idyllique du colonialisme" que colporteraient les manuels scolaires français. Ridicule. Et irresponsable.

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Si cela était, quand Jack Lang était ministre, que n'a-t-il "réformé" ces manuels prétendument mensongers...? En réalité, Jack Lang ne connaît rien à ces questions. Son ignorance et ses préjugés ont été mis en évidence lors d'une émisison télévisée il y a peu (2 octobre 2006) :

http://www.wideo.fr/video/iLyROoaftsTH.html

François Bayrou, a qualifié le 5 février sur LCI de "grave imprudence" les déclarations du conseiller spécial de Ségolène Royal en faveur d'une reconnaissance par la France "des crimes commis par la colonisation" en Algérie : "Chaque fois qu'on essaie d'instruire le procès, en injuriant ou en insultant ceux qui ont donné leur vie", qui ont participé à "un effort dont je rappelle qu'il était l'effort de la République et spécialement de la gauche, on creuse à nouveau les blessures du pays", a estimé François Bayrou.

 

il faut résister à toutes les histoires instrumentalisées


On ne peut à la fois récuser la loi de février 2005 au nom du refus d'une histoire officielle (française) et acquiescer aux formulations surpolitisées d'une autre histoire officielle (algérienne). On attend avec curiosité le dossier de preuves de Jack Lang pour illustrer cette "histoire idyllique du colonialisme" diffusée par nos manuels scolaires... Il y a fort à parier que le "conseiller spécial" de Ségolène Royal n'a jamais ouvert un manuel scolaire d'Histoire.

Pour l'aider à constituer son dossier, voici quelques développements tirés des ouvrages de la classe de 4e. Il n'a pas été tenu compte des documents qui sont, plus encore que les résumés, une contre-preuve. On verra qu'on est loin d'une histoire idyllique.

ce que disent les manuels scolaires,

du colonialisme

270114276- "L'exploitation économique
les colons s'approprient de meilleures terres agricoles sur lesquelles ils développent des cultures d'exportation tandis que des entreprises européennes exploitent les richesses minières. Les colonies reçoivent les produits manufacturés de la métropole, ce qui ruine l'artisanat local. Les colons construisent des routes, des ports et des voies de chemin de fer, nécessaires au commerce. Ils ont recours au travail forcé des autochtones.
La domination culturelle
Les pays européens imposent souvent leurs langues, leurs religions [ce qui est faux...] et leurs modes de vie. Cette domination, qui s'ajoute à l'exploitation, suscite des révoltes qui sont impitoyablement réprimées. En Europe, quelques voix s'élèvent pour dénoncer la colonisation."

éd. Belin, 2006, dir. Éric Chaudron, Rémy Knafou, p. 163

 

 

167000g- "L'exploitation économique
Les colonies sont considérées comme des terres vierges où tout est à faire. La plupart des hommes politiques et la majorité des milieux d'affaires pensent qu'elles doivent offrir des débouchés à l'industrie et aux capitaux de la métropole. Les richesses minières sont rapidement exploitées. Les plantations fournissent du caoutchouc ou de l'huile de palme pour la fabrication du savon. Ces matières premières alimentent les industries de la métropole.
En échange, les colonies reçoivent des produits manufacturés et, par conséquent, restent largement sous-industrialisés. L'aménagement de ports et la construction de lignes ferroviaires entre les côtes et l'intérieur des continents favorisent des échanges inégaux.
La domination coloniale
Dans les colonies de peuplement, la population européenne pratique une agriculture commerciale basée sur des productions exportées vers la métropole (culture de la vigne en Algérie). Dans ce but, de vastes domaines se sont constitués par la confiscation des meilleures terres aux indigènes qui deviennent alors de simples ouvriers agricoles.
Pour l'exploitation de ces grands domaines, celle des mines ou la réalisation des grandes lignes de chemins de fer, les grandes entreprises ont largement recours à la main d'oeuvre indigène. Elles n'hésitent pas à procéder à des déplacements massifs de population. Les conditions de travail sont épouvantables et le nombre de victimes se chiffre parfois par milliers."

éd. Magnard 2002, dir. Michel Casta et Philippe Guizard, p. 149

 

9782011253927_G- "Les raisons de la colonisation
Pour les États européens, les colonies représentent un débouché à leurs produits industriels et à leurs capitaux, ainsi qu'une zone d'exploitation des matières premières. Politiquement, la possession de colonies est l'expression de la puissance d'un État. Les pays européens justifient aussi leurs conquêtes par la nécessité de "civiliser" des peuples présentés comme inférieurs.
L'idée de la supériorité de "l'homme blanc" s'appuie sur la théorie de la "hiérarchie des races" largement diffusée par la presse, les manuels scolaires, les expositions avec leurs spectacles "indigènes" et les zoos humains. Le colonisé est représenté comme un sauvage à peine humain qu'il faut éduquer. Les voix qui s'élèvent contre la colonisation et le racisme qui la justifie sont très peu nombreuses en Europe."

Une domination par la force
(...) La conquête a été très violente. Les résistances des populations locales ont été réelles mais la supériorité de l'armement des Européens leur a permis d'en venir à bout au prix de nombreux massacres, comme celui des Hereros du Sud-Ouest africain par les Allemands.
La gestion des colonies
(...) Les colonies de peuplement sont moins nombreuses que les colonies d'exploitation mais, quel que soit le statut, la population locale est toujours encadrée par l'administration coloniale. Leurs productions (thé, cacao, huile de palme, bois, richesses minières), souvent aux mains des colons, sont destinées à l'exportation vers l'Europe.
Les colonies reçoivent les produits manufacturés des métropoles, ce qui ruine l'artisanat local et empêche la naissance d'une industrie. Les Européens réalisent les infrastructures nécessaires à ce commerce (chemins de fer, routes, ports). Ces chantiers, financés par les impôts des populations colonisées, utilisent la main d'oeuvre locale dans le cadre du travail forcé."

éd. Hachette, 2006, dir. Vincent Adoumié, p. 174

Où donc Jack Lang a-t-il trouvé une "histoire idyllique du colonialisme" ?

Michel Renard

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sans doute une image idyllique...?
manuel Hachette, 2006, p. 176



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Commentaires
N
Bonjour,<br /> <br /> Trés content en tant qu'Algérien de cette analyse ! Avant de condamner les manuels, il faut certes les ouvrir, ce que le "ministre éternel de la culture" a oublié de faire lol !<br /> Elémentaire ;-)
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F
La france devra tot ou tard exprimer ses regrets que l'on veuille ou non
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E
Je vous demande pardon de vous avoir agressé dans un moment d'agacement incontrôlé. Mais foin de mon allergie à la doxa. Où suis-je allé chercher la "punition" ? Pas sous votre plume, mais sur votre site :<br /> Mercredi 10 mai 2006. Coloniser Exterminer : de vérités bonnes à dire à l'art de la simplification idéologique, par Gilbert Meynier et Pierre Vidal-Naquet : "...les méthodes sanglantes de la punition de celle [la révolte] de Vendée en 1794..."<br /> Qui a formulé un jugement ?
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M
J'avoue ma perplexité devant la cohérence (?) de ce message… Mais enfin…<br /> L'affirmation selon laquelle le discours historique est lié à la construction d'une conscience critique, républicaine et démocratique semble vous indisposer.<br /> Et pourtant, face à l'ignorance générant les obscurantismes, face à l'instrumentalisation violant la vérité, face aux "tyrannies" mémorielles, l'histoire a pour fonction, d'établir la connaissance et la complexité du passé. Et donc de proposer des références critiques à la conscience démocratique de nos sociétés.<br /> <br /> "Donc, vous êtes contre la liberté religieuse, contre le respect de la coutume, pour la "punition" des Vendéens", écrivez-vous. Je ne sais où vous allez chercher cela.<br /> <br /> - Je suis, au contraire, pour la liberté religieuse, en tout cas pour la liberté de conscience religieuse, car la liberté de manifestation religieuse doit parfois être limitée, précisément pour préserver la liberté de conscience.<br /> - À quelle coutume pensez-vous ? Il faut se prononcer au cas par cas. Une coutume qui affermit la dignité humaine, qui élève l'esprit et suggère l'altruisme, je suis pour. Une coutume qui avilit l'individu, qui mutile le corps de la femme, je suis contre.<br /> - La "punition des Vendéens"…? L'histoire n'a pas à être pour ou contre tel événement antérieur. Elle a à établir la réalité (ou la probabilité de réalité) du passé et à en comprendre les significations pour l'époque, sans tomber dans l'anachronisme du jugement par application rétroactive de nos catégories morales.<br /> Michel Renard
Répondre
E
J'apprends que le discours historique est lié à la "construction d'une conscience... républicaine et démocratique". Donc, vous êtes contre la liberté religieuse, contre le respect de la coutume, pour la "punition" des Vendéens, mais, paradoxalement, pour le referendum sur initiative populaire. Mais peut-être dois-je, au lieu de vous prendre au pied de la lettre, considérer vos deux adjectifs comme des emblèmes fastes, qui ne veulent rien dire, mais protègent contre le mauvais oeil ?
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