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études-coloniales
25 septembre 2006

Les harkis, prisonniers de mémoire (Fatima Besnaci-Lancou et Claude Liauzu)

 

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(source)

25 septembre : journée nationale
d'hommage aux harkis

 

Les harkis, prisonniers de mémoire

Il faut lever l'opprobre qui

pèse sur ces anciens soldats autochtones supplétifs

de l'armée française en Algérie

Fatima BESNACI-LANCOU et Claude LIAUZU

 

Libération - mardi 02 août 2005

À Madagascar, le président Chirac a pris ses distances avec la loi du 23 février 2005, dont l'article 4 impose la reconnaissance dans les programmes scolaires du «rôle positif de la colonisation» ; et avec les commémorations en l'honneur de l'OAS en rappelant «le caractère inacceptable des répressions engendrées par les dérives du système colonial». A sa majorité d'en tirer les conclusions et de revenir sur la faute qu'a été le vote de cet article de loi, qui a suscité en France des protestations grandissantes, bien au-delà du milieu des historiens, et en Algérie des réactions très vives. Il n'est que temps d'abroger cet article. C'est là une condition nécessaire pour fermer «la boîte à chagrin algérienne». Elle n'est pas suffisante, il faut aller plus loin et cela nontimbre_hommage_aux_harkis seulement à Paris mais aussi à Alger. Selon les mots de Chirac, «on doit assumer son histoire, ne pas oublier les événements ni nourrir indéfiniment aigreur et haine».

Des mémoires blessées ne peuvent que cultiver les rancoeurs. La légitimité de l'indépendance de l'Algérie ne doit pas laisser dans l'ombre la douleur des pieds-noirs qui ont perdu une terre, leurs biens, leurs cimetières, ni la détresse des appelés lancés dans une guerre sale, ni le massacre et le bannissement des familles de harkis, poursuivies parfois au-delà de la mort. Ainsi, la dépouille d'un Français, ancien harki, venue de Normandie pour être inhumée dans sa terre natale des Aurès a été refoulée au printemps dernier. Le défunt bénéficiait pourtant aussi de la nationalité algérienne. Harki ! Ce cas n'est pas rare. Qui ignore l'importance symbolique du repos en terre d'islam ? Pourquoi cette humiliation, se demandent ses enfants ? Dans un autre contexte, à l'occasion de la visite à Batna du conseil municipal de Rouen, un des élus, unDESTIN DE HARKI seul, Brahim Sadouni, auteur de Destin de harki (1), considéré comme persona non grata, s'est vu interdire le sol algérien. Harki !

Pourquoi Paris laisse-t-il faire ? Est-ce pour préserver des intérêts économiques et diplomatiques ? Ne serait-ce pas simplement de l'indifférence, quand l'on sait que la première commémoration en l'honneur des anciens harkis remonte au 25 septembre 2001, quarante ans après ! Le cynisme, cette communauté de destin en connaît bien le goût, tellement amer qu'il lui faudrait des générations pour s'en débarrasser.

La «boîte à chagrin algérienne» n'est pas facile à fermer. En France, le silence officiel a laissé le champ libre aux guerres de mémoire. En Algérie, la mémoire officielle est ressentie de plus en plus comme un alibi justifiant le pouvoir des pères du Maghreb, le Maghreb des pères, où les jeunes ne trouvent pas leur place.

Dans ce paysage confus, les surenchères se multiplient. L'association Harkis et droits de l'homme a, dès le 28 février, désapprouvé par un communiqué de presse les articles de la loi du 23 février qui les associent, à leur corps défendant, à la réhabilitation du colonialisme et des anciens membres de l'OAS. La seule décision pouvant leur rendre justice est de reconnaître les responsabilités de la gauche comme de la droite dans cette guerre, dans les pouvoirs spéciaux attribués à l'armée, la responsabilité de l'Etat dans la fin tragique de cent trente-deux ans de domination française.

Il n'est pas d'abus de mémoire ni d'occultation qui résiste à un peu d'histoire. Qui sont donc les harkis ? Le terme vient de l'arabe harka, qui signifie mouvement. Les harkis sont les soldats de certaines unités supplétives autochtones recrutés par l'armée française pendant la guerre d'Algérie. Leur contrat était très précaire, hors du droit civil, d'une durée d'un mois, révocable à tout moment. Cette appellation recouvre une réalité complexe et hétérogène. Il y eut ceux qui étaient des instruments du colonialisme, bien sûr. D'autres, anciens soldats et gradés, ont pu être sensibles à la «fraternité des tranchées», à certaines valeurs de la vie militaire. L'importance des troupes coloniales lors des guerres mondiales et outre-mer est une évidence.

Mais tous les protagonistes n'ont pas eu la possibilité de choisir : la violence française a été accompagnéemelouza d'enrôlements forcés, et la propagande de guerre a tiré parti de l'image de ce «loyalisme». Le FLN, lui aussi, a tout autant usé de la terreur comme moyen de pouvoir sur la société : on citera seulement le massacre des partisans de Messali Hadj, qui a fait 374 morts en mai 1957 dans le village de Melouza [photo ci-contre]. Mouloud Feraoun, assassiné par l'OAS en 1962, écrivait le 8 novembre 1956 dans son Journal 1955-1962 (Seuil) : «Les prétentions des rebelles sont exorbitantes, décevantes, elles comportent des interdits de toutes sortes, des interdits dictés par le fanatisme le plus obtus, le racisme le plus intransigeant, la poigne la plus autoritaire... Défense de faire appel au toubib (?), à la sage-femme (?), au pharmacien (?). Et puis, il faut recevoir selon notre tradition hospitalière nos braves invités qui prennent des allures de héros et d'apôtres tout comme les grands saints de l'islam d'illustre mémoire... Il ne reste aux femmes qu'à youyouter avec entrain en l'honneur de la nouvelle ère de libération qui semble pointer pour elles à l'horizon qui barre inexorablement nos montagnes sombres.»

De plus, les vengeances personnelles, assassinat d'un proche, haines ancestrales, code de l'honneur ont aussi parfois imposé de s'enrôler dans un camp ou dans l'autre. On est loin des grands choix idéologiques tels que les présentent les discours nationalistes. Combien de familles sont traversées par des allégeances opposées ? Combien d'individus ont traversé les camps ? Les harkis ont subi le vae victis, malheur aux vaincus.

Victimes de la haine des vainqueurs, soumis à des supplices épouvantables, privés de toute dignité, traqués, combien sont morts lors de «l'été rouge» ? Ceux qui ont pu parvenir ici, malgré le pouvoir gaulliste, qui arivesaltes_1962_1 tout fait pour les en empêcher, ont été parqués dans des sortes de réserves indiennes, maintenus dans une dépendance coloniale, perçus par une bonne partie de la gauche comme des suppôts du colonialisme et par la France profonde comme des tribus indignes de la citoyenneté à part entière. Cependant, les nouvelles générations ont bénéficié de la scolarisation : une élite s'est constituée, qui, à l'image des enfants issus de l'immigration, a entrepris un travail de mémoire, de réhabilitation de la figure humiliée du père.

Comment ne pas voir que, dans les deux cas, ces paysans souvent pauvres, non scolarisés, ont été victimes des nationalismes français et algérien ? Même origine sociale et ethnique, même ségrégation par la population dominante, même déchirure identitaire ! C'est le sort de tous les êtres et groupes frontières. C'est le sort de ce chrétien venu de l'islam, de ce citoyen français qui se voulait aussi algérien, du grand écrivain Jean Amrouche, mort lui aussi à la veille de l'indépendance, auteur de Un Algérien s'adresse aux Français. «Les hybrides culturels sont des monstres. Je me considère donc comme condamné par l'Histoire. Le Jean Amrouche qui existe aujourd'hui, algérien cent pour cent par le sang ; né de père et de mère kabyles, appartenant à la famille musulmane et cependant élevé dans la religion catholique, avec comme langue principale (bien que le kabyle soit aussi ma langue maternelle) le français, harkis_femmesce Jean Amrouche n'a aucun avenir.»

Mais en 2005, les conditions ne sont plus les mêmes. «La guerre est faite à deux/L'un est mort/Et l'autre aussi», comme le dit Siham Jabbar, écrivaine irakienne. N'est-il pas temps que les vivants comprennent que cette guerre les traverse tous, qu'ils ont tous du fellaga et du harki, de l'immigré ou de l'émigré en eux ? Que des convergences s'affirment à partir de mémoires partagées ? Que les millions de passeurs de rives obtiennent enfin d'être reconnus comme des fruits de cette histoire ?

(1) Editions Cosmopole, 2002.

Fatima BESNACI-LANCOU présidente de l'association
Harkis et droits de l'homme
Claude LIAUZU professeur à Paris-VII

 

 

______________________________________________________________________

 

 

Harkis_150_000_tu_s_SHAT
lettre du général Forret, chef du Service historique de l'Armée de Terre, en 1977,
citant un document (1975) du "Bureau d'aide aux musulmans français"
(Hôtel National des Invalides) qui fait état de 150 000 "supplétifs disparus ou exécutés
par le F.L.N.". Reste à établir la généalogie de ce document et de cette estimation.
(source internet de cette image)
- cliquer pour agrandir

 

harkis_drapeau_et_m_dailles
rassemblement d'anciens harkis en 2006 (source)

 

 

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Commentaires
D
HARKIS RECONDUITS ET LIVRES<br /> <br /> "Avril 62, Daniel, un Français, fait son service dans la Marne. Il se voit confier la mission de ramener en Algérie des harkis réfugiés en France depuis plusieurs mois. <br /> <br /> Témoignage :<br /> <br /> <br /> <br /> « Nous les avons descendus jusqu’au port de Marseille dans les fameux camions FIAT et lorsqu’on est arrivé, on a vu arriver d’autres camions qui venaient de <br /> <br /> plusieurs villes de France dont Tours, Orléans et Clermont-Ferrand et qui transportaient, aussi, des harkis à renvoyer en Algérie. On s’est retrouvé avec 400 ou 500 harkis. On a <br /> <br /> eu beaucoup de mal à les canaliser pour les faire monter dans le bateau, le soir même sur « Le ville d’Alger ». C’est sûr que là, il y en a qui reculaient… Il y a eu des <br /> <br /> regards qui étaient terribles… <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> On a passé avec difficulté la nuit de la traversée parce qu’ils ne voulaient pas rentrer. C’était une décision militaire et politique à laquelle, nous, nous étions obligés <br /> <br /> d’obtempérer. D’ailleurs, on nous a imposé un comptage régulier de l’effectif la nuit, pendant le voyage en mer. On n’avait jamais le même nombre. On ne savait pas forcément où ils étaient.<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> La traversée de nuit a été angoissante parce qu’il y avait là plusieurs centaines de types couchés, debout, accroupis dans des conditions pas toujours très propres et <br /> <br /> nous avions une trouille terrible car nous étions seulement une dizaine d’hommes de troupe et trois sous-officiers pour tout ce monde. S’ils s’étaient rebellés, je l’aurais compris.<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> On sentait chez ses hommes une certaine rancœur. Ils étaient prêts à se révolter. Avec un copain sous-officier, on a vraiment eu la trouille et ça nous prenait aux <br /> <br /> tripes. Les harkis nous disaient mais pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ils nous renvoient ?<br /> <br /> > Et le problème est que nous avions les PM (des pistolets mitrailleurs) armés. Nous les avions parce que c’était un ordre. S’il avait fallu tirer… J’avais 20 ans et je ne sais <br /> <br /> pas ce que j’aurais fait… Je n’aurai sûrement pas tiré… mais avec la peur ?... On ne sait jamais quelle attitude adopter dans ce genre de situation surtout à 20 ans… On <br /> <br /> a eu la trouille parce qu’on a senti une espèce de haine… On était devant un fait…<br /> <br /> <br /> <br /> Ce qui a été terrible, c’est lorsqu’on les comptait dans la nuit et que l’on ne retrouvait pas un que l’on avait repéré, on nous disait« Il n’est plus là… ». On demandait « <br /> <br /> Mais il est où ? ». On nous répondait : « Il a sauté du bateau ». Je répliquais « Ce n’est pas possible ! ». On avait du mal à croire qu’ils s’étaient suicidés. Lorsqu’on était au <br /> <br /> trois quart du voyage, on s’était rendu compte, qu’il en manquait vraiment… On ne pouvait pas dire le nombre exact parce que c’était une ruche… Ca bougeait de <br /> <br /> partout dans la cale… On était ébahi, étonné que plusieurs aient sauté dans l’eau… C’était très triste…<br /> <br /> <br /> <br /> J’ai voulu raconter cette expérience. C’était une injustice, même à l’époque… Et pourtant on ne parlait pas de politique à 20 ans… Mais cette injustice… Que de Gaulle prenne la décision de renvoyer des harkis, des gars qui normalement nous ont aidés certainement du mieux qu’ils pouvaient et de leur avoir promis de les loger, de les accueillir puis les renvoyer six mois après… Moi, j’ai trouvé ça, là maintenant, parce qu’à l’époque je ne savais pas… pour être clair… J’ai trouvé ça dégueulasse… <br /> <br /> C’est pas normal, … C’est tout !<br /> <br /> <br /> <br /> Nous sommes arrivés à Alger dans la matinée et ils ont été débarqués purement et simplement. Et là, vogue la galère, on ne sait pas trop ce qu’ils sont devenus. On n’a jamais eu de nouvelles particulières.<br /> <br /> <br /> <br /> En fait on n’a pas su ce qu’ils sont devenus. Je sais, qu’il y en a qui m’ont dit en sortant que de toute façon ils auraient forcément le sourire kabyle (la gorge tranchée) dans très peu de temps. Ce qui était clair. Nous, on connaissait bien l’expression… A 20 ans, on ne mesurait pas…». <br /> <br /> <br /> <br /> ce témoignage complet de Daniel est à retrouver dans le numéro 666 de la revue « Les Temps Modernes » de décembre 2011. "
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A
MASSACRE DES HARKIS ETAIT PREVISIBLE<br /> <br /> <br /> <br /> SUITE A CE DISCOURS DELIRANT ET GAUCHISTE QUI DENATURE L'ENGAGEMENT DES MUSULMANS POUR L 'ALGERIE FRANCAISE<br /> <br /> <br /> <br /> Une info peu connue<br /> <br /> "Directive de la Willaya V Oranie" <br /> <br /> Dans certaines archives, il existe un tract significatif de l'OAS Oranie référence T 649 texte d'une émission pirate du 26 Mai 1962 qui révélait une directive secrète du FLN avec un commentaire très explicite à propos du sort réservé aux harkis après l'indépendance. Ce document de la Willaya V (Oranie) avait été remis par des correspondants placés dans les services de renseignement de l’armée qui faisaient bien leur travail même si leurs efforts n'étaient plus utilisés contre le FLN.<br /> <br /> Ces directives interceptées par l'armée Françaises sont classifiées dans les archives à Vincennes mais on ne signale pas que l'OAS Oranie les avait fait connaitre alors qu'elles étaient tenues cachées.<br /> <br /> Donc les plus hautes autorités étaient au courant des crimes qui se préparaient et contrairement à 1941 où aucun tract de la résistance, aucune émission radio n’avait évoqué la "solution finale". Ce drame algérien pouvait être prévu.<br /> <br /> JF Paya <br /> <br /> Références :<br /> <br /> Recueil de Messages, Directives et Commentaires de l'OAS Zone III par Guy Pujante ex responsable OAS diffusés par voie de Tracts et émissions pirates Radio et Télévision.<br /> <br /> Citation de la Directive secrète FLN "Archives inédites de la Politique Algérienne interceptée par l'Armée Française" et classifiée Général Maurice Faivre P137<br /> <br /> Extrait "ces valets du régime ne trouverons le repos que dans la tombe"
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H
Mme Veuve HADJI BRAHIM Marseille le 15-11-2006 <br /> Née Messoubeur Yamina <br /> 72 Rue KLEBER <br /> Marseille 13003 <br /> <br /> A l’attention de Monsieur Abdelkrim Klech<br /> Madame – Bensnaci Lancou Fatima<br /> Seine Saint Denis<br /> <br /> <br /> Objet : Demande d’intervention <br /> (lettre de rappel) <br /> <br /> <br /> Monsieur et Madame <br /> <br /> J’ai l’honneur de venir très respectueusement vous rappeler en tant que responsables de l’amicale d’anciens combattants d’Algérie pour une intervention juste auprès des autorités Française succeptibles de régularisation ma situation jusqu'à l’heure actuelle en suspend pour que ce soit ma demande de réintégration qui suit celle de feu mon époux (réintégration faite en 1987) <br /> Sans réponse a ce jour malgré plus de Quinze ans domicilié en France, ni même du droit aux rapatriement puisque mon époux supletif sous officier (Sergent Chef) Harki et plus de Vingt années au service de la France Militaire ancien combattant (Allemagne – Indochine – Algérie) hautement distinguée que les services financières me demande de régulariser un fisc droit sur reversions de la pension qui ne peut être admissible pour une personne âgée comme moi sans autres ressources <br /> Portant je vous rappelle que Madame la Ministre en ce mois d’Octobre a rendu hommage a la dignité exemplaire des Harkis qualifié d’homme d’honneur, qui on combattu par fidélité a nos valeurs de la république qui ont fait preuve d’une dignité exemplaire.<br /> C’est pour quoi je ne cesse de m’adresser à votre parfaite compréhension pour m’aider. <br /> Je me tiens a votre disposition pour toutes autres renseignements dont vous jugerez utile a l’heure et au jour qui vous plaira <br /> J’espère que cette fois vous ne m’oubliez pas <br /> Pour cela je ne sais combien vous remerciez de votre entière collaboration <br /> Veuillez agréer, Monsieur et Madame dans l’assurance de mes salutations les plus distinguées. <br /> <br /> Mme Veuve HADJI BRAHIM<br /> née Messoubeur Yamina
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