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études-coloniales

23 septembre 2006

Les déportés Maghrébins en Nouvelle-Calédonie (Mélica Ouennoughi)

 

 

Les déportés Maghrébins en

Nouvelle-Calédonie

Mélica OUENNOUGHI



- Les déportés maghrébins en Nouvelle-Calédonie et la culture du palmier-dattier (1864 à nos jours), Melica Ouennoughi, L'Harmattan, 2006.

- présentation de l'éditeur : L'auteur analyse la situation des descendants de Maghrébins en Nouvelle-Calédonie dont les ancêtres ont été déportés à la suite des insurrections algériennes et le ralliement d'autres clans tunisiens et marocains. De plus, l'auteur suit également l'histoire de ce lien entre le Maghreb ancien et la Nouvelle-Calédonie, grâce au fil conducteur que constitue l'introduction par les déportés de la culture du palmier dattier. Un éclairage sur la complexité historique de la colonisation française en Algérie puis en Nouvelle-Calédonie.

- note de l'éditeur : L'ouvrage se présente comme un recherche interdisciplinaire et transversale. L'auteur analyse la situation des descendants de Maghrébins en Nouvelle-Calédonie dont les ancêtres ont été déportés à la suite des insurrections algériennes et le ralliement d'autres clans tunisiens et marocains. Durant les années 1860, la France met en place un essai de colonisation pénale qui deviendra le centre pénitentiaire de Bourail.
Cette enquête réalisée sur le terrain et l'ensemble de la mémoire orale exposés sont confrontés avec de nombreuses sources écrites. Notamment des listes généalogiques des déportés, des listes des mariages mixtes qui ont donné quelques milliers d'hommes et de femmes calédoniens formant la descendance aujourd'hui, des listes d'attribution des lots de terre visant à utiliser les déportés en tant que concessionnaires pour la mise en valeur agricole de l'île et aussi avec des sources relatives aux insurrections algériennes elles-mêmes.

L'auteur suit également l'histoire du lien entre le Maghreb ancien et la Nouvelle-Calédonie grâce au fil conducteur de la culture du palmier dattier. La reconstruction identitaire d'une communauté maghrébine dans les pays d'Outre-mer ne pouvait être compréhensible, qu'après avoir reconstitué les étapes anthropologiques de leur histoire sociale, religieuse, économique et botanique. La formation de palmeraies pour souder la communauté ainsi que les effets au niveau de techniques et de l'outillage nous révèlent l'existence d'un héritage almoravide berbère qui prend son origine en Espagne médiévale (XIe siècle), dont l'auteur analyse les modes de diffusion permettant de suivre les mouvements migratoires des groupes humains. La rencontre entre savoir-faire traditionnel et savoir-faire moderne, l'étude des différents types de dattes, ouvrent des perspectives très intéressantes, aussi bien pour les agronomes et historiens professionnels que pour les recherches généalogiques des familles.

Voici la première thèse universitaire qui apporte des éclairages sur la complexité historique en remontant aux origines du processus de la colonisation française en Algérie puis en Nouvelle-Calédonie.

 

Mélica Ouennoughi est docteur en anthropologie historique. Membre-chercheur rattachée au Laboratoire d'Histoire contemporaine de l'Université de Nouméa. Spécialisée sur les migrations maghrébines et sahariennes en Océanie, elle a consacré de nombreuses publications à la question des Calédoniens maghrébins en Nouvelle-Calédonie et leur rôle dans la mixité sociale avec les autres communautés (françaises, européennes, mélanésiennes, indonésiennes, japonaises).

 

 

melica- entretien avec Melica Ouennoughi dans : Bordj Bou Arreridj info (18 mars 2006) : "Lorsque je suis arrivée sur le territoire calédonien, pour retrouver les descendants d’algériens, je demandais l’itinéraire aux Kanaks. La première réponse qu’ils m’ont donné, c’est : lorsque tu vois un dattier, c’est qu’il y a un «Viel arab » qui est passé par là".

 

 

 

 

- un commentaire de Rafik Darragi, paru dans la Presse de Tunisie (9 mars 2006)

- un commentaire de Rachid Sellal sur le site Afrique du Nord north africa (18 avril 2006)

- le site de Mel
ica Ouennoughi

contact : melica.ouennoughi@voila.fr


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Nouvelle-Calédonie : lieu de déportation...

source : Chocolat Télévision

 


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22 septembre 2006

le débat sur la Repentance coloniale est lancé

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le débat sur

la Repentance coloniale

est lancé



Le livre de Daniel Lefeuvre, Pour en finir avec la repentance coloniale est disponible en librairie. En voici la présentation :

Après celle de la guerre d'Algérie, une nouvelle génération d'anticolonialistes s'est levée, qui mène combat couv_Daniel_newpour dénoncer le péché capital que nous devons tous expier : notre passé colonial, à nous Français. Battons notre coulpe, car la liste de nos crimes est longue Nous avons pressuré les colonies pour nourrir notre prospérité, les laissant exsangues à l'heure de leur indépendance ; nous avons fait venir les "indigènes" au lendemain des deux guerres mondiales pour reconstruire la France, quitte à les sommer de s'en aller quand nous n'avions plus besoin d'eux ; surtout, nous avons bâti cet empire colonial dans le sang et les larmes, puisque lacouv_Daniel_new colonisation a été rien moins qu'une entreprise de génocide : Jules Ferry, c'était, déjà, Hitler ! Contrevérités, billevesées, bricolage... voilà en quoi consiste le réquisitoire des Repentants, que l'auteur de ce livre, spécialiste de l'Algérie coloniale et professeur d'histoire à l'université Paris-8, a entrepris de démonter, à l'aide des bons vieux outils de l'historien - les sources, les chiffres, le contexte. Pas pour se faire le chantre de la colonisation, mais pour en finir avec la repentance, avant qu'elle ne transforme notre Histoire en un album bien commode à feuilleter, où s'affrontent les gentils et les méchants.

 

 


Ils vous donnent du pain. Donnez leur de quoi se vêtir (...) 28 mai 1942
journée nationale nord-africaine de collecte des textiles
(...). Affiche en couleurs illustrée,
ministère de l'Information, 1942
(source)

 

 

Sur le site herodote.net, André Larané livre son sentiment à la lecture de l'ouvrage : "Voilà plusieurs mois que monte en France un débat autour du passé colonial avec une question très actuelle : les jeunes Français issus des anciennes colonies (Antilles, Afrique du nord, Afrique noire) doivent-ils se considérer comme des victimes de ce passé ? (...)  La repentance ne risque-t-elle pas en définitive de réussir là où les colonistes et les racistes d'antan ont échoué, en enfermant dans un statut de victimes les Français originaires des Antilles, d'Afrique du Nord ou d'Afrique noire et en les convainquant qu'il leur est impossible d'en sortir par leur effort personnel ?". Cet article est repris sur le blog de Orlando de Rudder et sur celui de Guadeloupe attitude.

Le 19 septembre, le site de la Ligue des Droits de l'homme de Toulon, indique qu'il ne "s'adonne pas à la repentance coloniale" : "les adhérents de la section LDH de Toulon ne s’adonnent pas à la repentance. Nous ne sommes ni des pénitents, ni des flagellants, et nous ne nous recouvrons pas la tête - ni celle des autres - de cendre. Le contexte local - c’est dans le midi méditerranéen que sont venus s’installer beaucoup des rapatriés d’Afrique du Nord, et Toulon a été la plus importante des villes gagnées par l’extrême-droite - nous a amenés à développer notre réflexion sur notre passé colonial et notamment en Algérie. Mais il n’a jamais été question pour nous d’envisager des excuses ou de demander pardon pour des faits - dont nous ne portons d’ailleurs aucune responsabilité individuelle. Nous n’avons pas davantage cherché à juger les hommes."

 

 

 

couv_Daniel_new

Daniel_Lefeuvre







Daniel Lefeuvre, professeur d'Histoire
à l'université Paris VIII-Saint-Denis

 

 

 

- démonter le réquisitoire des Repentants, à l'aide des bons vieux outils de l'historien - les sources, les chiffres, le contexte. Pas pour se faire le chantre de la colonisation, mais pour en finir avec la repentance, avant qu'elle ne transforme notre Histoire en un album bien commode à feuilleter, où s'affrontent les gentils et les méchants.

Pour en finir avec la repentance coloniale, Daniel Lefeuvre
Flammarion, 230 p, 18 euros.

 

 

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21 septembre 2006

Le vrai visage des tirailleurs (interview Daniel Lefeuvre)

embarquement_marocains_1943http://www.military-photos.com/DETTA.jpg
Embarquement de tirailleurs et spahis marocains à Oran en 1943
(source)

 

Le vrai visage des tirailleurs

 

La vérité sur le sacrifice des troupes indigènes selon Daniel Lefeuvre, auteur de Pour en finir avec la repentance coloniale (Flammarion)

L'Express du 21/09/2006
Propos recueillis par Christian Makarian

 

Daniel_Lefeuvre- À partir de quand trouve-t-on des troupes coloniales sous le drapeau français ?
- Daniel Lefeuvre: Dès la guerre franco-allemande de 1870. Antérieurement, il ne faut pas oublier le rôle des Algériens, les Zwava (ce qui a donné le mot zouave), recrutés par l'armée pour participer à la conquête de l'Algérie, dès l'été 1830. Mais c'est avec la guerre de 1914 que l'appel aux colonies a été le plus massif. Plus de 600 000 soldats coloniaux sont mobilisés. Il faut préciser que le service militaire obligatoire est étendu, en 1912, aux jeunes Algériens musulmans sans pour autant qu'ils obtiennent la citoyenneté.

- La France saura-t-elle remercier ces hommes après 1918 ?
Daniel Lefeuvre : Des réformes partielles sont introduites en 1919, mais il n'y a pas d'extension à tous d'une pleine et entière citoyenneté. Il y a des améliorations matérielles, des droits accordés, des pensions, des privilèges d'emploi pour les mutilés ou les veuves de guerre. Des reconnaissances symboliques sont également accordées. L'armée a toujours été très scrupuleuse sur le respect des rites religieux, que ce soit en termes de nourriture ou de sépulture. Une mosquée en bois itinérante a même été construite. C'est au grand peintre Etienne Dinet que l'armée demande de dessiner les tombes des soldats musulmans tués au combat. Après la guerre, on inaugure la Grande Mosquée de Paris. L'Etat français finance l'acquisition d'une hôtellerie à La Mecque, pour accueillir les pèlerins venant des colonies françaises.

- Faut-il parler d'une «saignée coloniale» ?
Daniel Lefeuvre : Les statistiques ne montrent pas de surmortalité des troupes coloniales, l'horreur étant partagée par tous les combattants. Au sens de l'assimilation, même si c'est une assimilation par la guerre, la France montre une sacrée confiance dans ses troupes coloniales pour en arriver à les mobiliser massivement, à les armer, à les instruire, sachant qu'ensuite c'étaient des soldats aguerris que l'on allait renvoyer chez eux et non des paysans désarmés. Et, dernière marque de reconnaissance, les troupes coloniales sont les plus applaudies, avec la Légion, lors des défilés militaires de l'après-guerre de 1914. Elles sont ovationnées. Un signe de cette popularité vient de ce qu'une grande marque de petits déjeuners pour enfants change son image - c'était une Antillaise avec des bananes - pour adopter un tirailleur sénégalais. Aujourd'hui, on voit dans Banania un stéréotype raciste ; dans l'esprit de l'époque, c'était l'inverse. On n'aurait pas vendu un petit déjeuner pour enfants avec une image répulsive.

- Comment évaluer le sacrifice des troupes «indigènes» entre 1942 et 1945 ?
Daniel Lefeuvre : Il faut rappeler qu'il y a 176 000 Français, Européens d'Afrique du Nord, engagés sous les armes ; ce qui représente environ 45% d'une classe d'âge mobilisée. C'est énorme ! Puis on compte 253 000 soldats pour toute l'Afrique du Nord et l'Afrique noire réunies. Ces derniers forment une armée de fantassins. Mais il y a des lieutenants et des capitaines musulmans. Avant la guerre, on remarquait déjà un colonel algérien musulman, polytechnicien.

- Quel est l'état réel de leurs pertes ?
- Daniel Lefeuvre : Parmi les 253 000 soldats nord-africains, au moment de la capitulation, on compte un peu moins de 12 000 tués et de 40 000 blessés. Soit un taux de mortalité de 5%. Pour les 100 000 soldats d'Afrique noire, 4 500 tués, c'est-à-dire un taux de mortalité de 5%. Au sein des troupes françaises d'origine européenne, il y a 40 000 tués, soit un peu moins de 6% de pertes. Enfin, parmi les 176 000 pieds-noirs, on dénombre 14 000 tués, ce qui équivaut à un taux record de 8%.

 

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tirailleurs sénégalais sur une plage de Fréjus (1914-1918) (source)

 

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19 septembre 2006

Histoire économique du temps colonial

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Histoire économique du temps colonial

résumé

 

Les colonies ont-elles été une bonne affaire pour la France ? Jacques Marseille le pensait JMquand il entreprit de dresser le bilan de la colonisation. Il lui aura fallu établir les comptes de 469 sociétés coloniales, examiner les chiffres du commerce extérieur de la France de 1880 à 1960, dépouiller les archives ministérielles et les papiers privés de Paul Reynaud, Marius Moutet et de l'ancienne Union coloniale pour comprendre, au contraire, à quel point l'empire a constitué un boulet entravant la modernisation du capitalisme français.
C'est l'histoire d'un divorce que cet ouvrage retrace. Divorce entre une opinion progressivement gagnée à la conscience impériale, par les fastes de l'Exposition de 1931, la virile propagande des films campant les héros du bled, la géographie coloniale des manuels scolaires, et un mouvement rassemblant la fraction la plus moderne du patronat et des responsables publics pour lesquels, comme le dira de Gaulle, "la décolonisation est notre intérêt, donc notre politique".

 

commentaire

Soyons équitables

Soyons clairs : il ne s'agit pas aujourd'hui de justifier d'une quelconque manière le colonialisme, c'est-à-dire l'occupation d'un pays par un autre,  sous prétexte que le pays colonisateur a le droit, en raison-de-sa-puissance-militaire, économique, religieuse ou intellectuelle, de créer un empire qui assimile des peuples considérés comme inférieurs. L'histoire de la colonisation est aussi vieille que celle des civilisations, puisque dès le IIIe millénaire, des Mésopotamiens s'installaient loin de leurs villes natales, et il n'est aucun grand pays par le passé qui n'ait établi des comptoirs ou géré des territoires fort éloignés de ses centres vitaux. Le mouvement colonisateur qui s'amplifie au XIXe siècle et au début du XXe siècle s'inscrit donc dans une logique que le progrès technique accélère. Un excellent livre de Jacques Marseille qui vient d'être réédité (il parut en 1984) développe des analyses qui présentent le colonialisme d'une nouvelle manière, se plaçant d'abord sur le plan de l'économie et de l'histoire, non sur celui de la politique ou de la philosophie.

Alors que l'on croit encore que le colonialisme a toujours été le fer de lance du capitalisme, Jacques Marseille montre que ce ne fut le cas que jusqu'en 1930, moment où le divorce éclata. Chiffres à l'appui - comptes de 469 sociétés, bilans du commerce extérieur, archives ministérielles... difficilement réfutables -, il conclut que, loin d'avoir favorisé le capitalisme français, les colonies l'ont sérieusement handicapé et que la décolonisation "n'avait causé aucun dommage au capitalisme français, qu'apparemment même, elle avait été l'une des conditions et l'accompagnement logique de sa modernisation". Il détruit aussi un autre cliché né dans la seconde moitié du XXe siècle autour du clivage entre la droite et la gauche, démontrant, citations et sondages à l'appui, que les partisans de la colonisation - en 1949, 81 % des Français - se trouvaient au moins autant à gauche qu'à droite En 1925. Léon Blum ne déclarait-il pas : "Nous admettons le droit et même le devoir des races supérieures d'attirer à elles celles qui ne sont pas parvenues au même degré de culture et de les appeler aux progrès" ? En 1944, le député communiste Mercier affirmait encore qu'il fallait "souder" la métropole et l'ensemble des colonies. Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, au moins, un large consensus réunissait donc les Français autour de "leurs" colonies.

Il sera toujours impossible de dresser un bilan moral : comment y intégrer, par exempte, la mort des quelque 75 000 "coloniaux" lors de la Grande Guerre ? Le progrès, dans ce qu'il a de meilleur - médecine, droits de l'homme, de la femme, de l'enfant, allongement de la durée de vie justifie-t-il la disparition des sociétés traditionnelles, d'autant que le meilleur est indissociablement lié au pire ? Comment juger d'autre part le rôle des missions ? Les bénéfices - et les pertes - liés aux colonies ne sont donc pas aussi clairement répartis que ce qu'on a voulu le dire. Car, remarque enfin l'auteur "en longue durée, les pays riches ont toujours été de meilleures "affaires" pour les pays riches que les pays pauvres".

Jacques Marseille, Empire colonial et capitalisme français. Histoire d'un divorce, Albin Michel. 644 pages.

Notre Histoire, 1er avril 2005



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18 septembre 2006

La naissance du monde moderne, 1780-1914 (C. A. Bayly)

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La naissance du monde moderne,

1780-1914

de l'historien britannique
Christopher Alan Bayly

 

«Le monde est devenu grand. Avoir des idées sommaires, mais claires et justes sur la société chinoise, sur l’Inde et sur l’islam, importe aujourd’hui davantage à un citoyen français que de connaître avec beaucoup de précision l’histoire diplomatique du XVIIIe siècle ou l’histoire parlementaire de la Restauration». Cette réflexion de Marc Bloch en 1921, plus valable que jamais, est loin de s’être imposée dans les études historiques françaises. La traduction de ce livre est donc particulièrement bienvenue.

Dans quelles conditions est né le monde moderne, pourquoi l’Europe en a-t-elle été le centre au XIXe siècle ? Ceux qui se posent ces questions loin des réponses toutes faites vantant la supériorité du marché ou de la civilisation occidentale et cherchent une alternative à la pensée unique de la guerre des cultures trouveront matière à réflexion dans ce beau livre. Ce n’est pas un des essais aussi vite lus que faits et oubliés qui encombrent les médias.

Il ne se lit pas d’une traite ! Les faits dont il fourmille, les croisements d’histoires qui sont saisis d’ordinaire de manière dissociée ne peuvent être résumés en quelques lignes.
Certains traits ressortent avec force : l’écart n’était pas si grand jusqu’au XVIIIe siècle entre l’Europe et les sociétés qu’elle va dominer. La flotte des Ming atteignait l’Afrique et les côtes arabes au XVIe siècle, et l’Inde n’était pas inerte. Des mouvements porteurs de liberté et d’égalité s’affirment à la fin du siècle un peu partout sur la planète. Des dynamiques nouvelles se manifestent.

C’est dans la plus petite partie du monde, comme le souligne l’Encyclopédie de Diderot, qu’elles s’imposent avec la puissance industrielle, la maîtrise des règles du commerce, la supériorité militaire, l’affirmation de l’Etat nation... Une société civile émerge dans ce grand mouvement.bayly_couv
Mais les forces à l’oeuvre, les tendances que ce livre a mises en lumière sont multipolaires. Et il débouche sur la grande question de la genèse du one world, dont la péninsule Europe n’est plus, aujourd’hui, la mesure. L’illustration de couverture – ce chef «tribal» néo-zélandais, le visage couvert de tatouages et vêtu d’un costume britannique très strict - montre les métissages à l’oeuvre. Son monde, le nôtre, est en effet celui des hybridations, des réseaux cablant la planète. C.A. Bayly fournit un guide passionnant pour ce grand voyage dans le temps et dans l’espace.

Claude Liauzu, professeur émérite,
université Denis Diderot

 

 

C.A. BAYLY, La naissance du monde moderne (1780-1914), éd. De l’Atelier, 2006, 608 pages, 30 euros

 

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Présentation de l'éditeur
Comment est né le monde moderne ? Pourquoi l'Europe s'est-elle imposée comme le centre de la planète au baylyXIXe siècle ? Cette domination est-elle le résultat d'une "culture" particulière qui serait supérieure à celle des autres continents ? Comment expliquer alors qu'à la fin du XVIIIe siècle l'Inde et la Chine fabriquaient plus de produits manufacturés et éditaient davantage de journaux que la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne ? C'est à ces questions et à de nombreuses autres que répond la fresque magistrale de l'historien britannique C. A. Bayly. Au terme d'une investigation historique couvrant les cinq continents, cet ouvrage croise un ensemble de données économiques, politiques, artistiques et religieuses et démontre que la domination occidentale sur le monde ne prend véritablement effet qu'au XIXe siècle. À la fin du XVIIIe siècle, une aspiration à la liberté et à l'égalité se diffuse sur la planète entière et met à mal les régimes en place. L'hégémonie des nations occidentales va se manifester quelques décennies plus tard grâce à des armées plus aguerries, à la maîtrise des règles du commerce et à l'essor en leur sein d'une société civile plus indépendante des pouvoirs politiques. D'une grande qualité pédagogique, embrassant dans son étude non seulement l'Europe, mais aussi l'Inde, l'Afrique, la Chine, ou encore l'Empire ottoman, ce livre, devenu une référence en Grande-Bretagne, met en perspective la naissance du monde moderne dans les différentes régions de la planète. Il apporte un éclairage historique inédit aux polémiques actuelles sur la prétendue "guerre des civilisations" ainsi que sur la colonisation et son bilan.

Biographie de l'auteur
C.A. Bayly est professeur d'histoire, spécialiste de la colonisation à l'université de Cambridge. Il a écrit de nombreux ouvrages sur les empires coloniaux publiés en Grande-Bretagne. La parution de La naissance du monde moderne en Grande-Bretagne a été saluée comme un événement par la presse britannique et américaine (Newsweek, Sunday Times, Daily Telegraph, The Independent).
Michel Cordillot, traducteur de cet ouvrage, est professeur de civilisation américaine à l'université Paris VIII. Il a notamment publié La sociale en Amérique. Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier francophone aux États-Unis (1848-1922) (Les Editions de L'Atelier, 2002).

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p1010370
le professeur Christopher Alan Bayly

Liens

rubon1749- la naissance du monde moderne : introduction à la Naissance du monde moderne, par Christopher Alan Bayly, professeur d’histoire, spécialiste britannique de la colonisation à l’université de Cambridge

- les causes de l'exception européenne, extrait de la Naissance du monde moderne, parhall Christopher Alan Bayly

- le point de vue de Rich Ngapi, dans Le Potentiel, Kinshasa (20 mars 2006)

- compte-rendu de The Birth of the Modern World 1780–1914. Global Connections and Comparisons (2004), en langue anglaise, par Catherine Hall (University College London) en octobre 2004 :

The Birth of the Modern World is a wonderfully ambitious book that effectively demonstrates the global nature of the modern world and the need to decentre national histories and think big. It is a 'thematic history' demonstrating how 'historical trends and sequences of events, which have been treated separately in regional or national histories, can be brought together'. Bayly's emphasis is on the interdependencies and interconnectedness of political and social changes across the world in a period well before contemporary globalisation. It is in part a culmination of his own work over a long period – using his rich and detailed knowledge of Indian and South Asian history as he did previously in Imperial Meridian – as a basis from which to reflect on national, imperial and global concerns. It is an intervention in the current debates over globalisation, for he shares the insistence of A. G. Hopkins and others that the contemporary version of this is not the first; theorists must be more careful to specify the particularities of phases of globalisation given its long history. It is also an attempt to put a particular reading of connection and interdependence at the heart of the making of the modern world, thereby unseating E. J. Hobsbawm's magisterial four volumes on the long nineteenth century, The Age of Revolution, Industry and Empire, The Age of Capital and The Age of Empire with its drama of the unfolding logic of capitalism and exploitation, and providing a new account for these post-Marxist times. (lire l'article en entier)

- évocation du livre, en langue allemande, par Andreas Eckert (Université de Hamburg) : "HistLit 2005-4 : Kategorie Außereuropäische Geschichte und Weltgeschichte"

- recension du livre, en langue allemande, par Sebastian Conrad (institut Friedriech Meinecke, Berlin) :conrad

"The Birth of the Modern World", die 2004 erschienene Globalgeschichte des ‚langen’ 19. Jahrhunderts aus der Feder des Cambridger Historikers C.A. Bayly, ist ein großer Wurf. Ambitionierte Visionen einer zukünftigen global history haben seit einigen Jahren Konjunktur, aber Baylys Buch ist eine der ersten Studien, die diese Programmatik empirisch und darstellerisch einholen. Sein Werk versucht sich an einer Analyse der übergreifenden Trends der Herausbildung der globalen Moderne, ist zugleich voller Einzelheiten und überraschende empirische Befunde; es dokumentiert überzeugend die Notwendigkeit, die Entstehung der modernen Welt als dezentralen und zugleich zusammenhängenden Prozess zu begreifen. (lire la suite)

 

 

- compte-rendu dans l'Express (20 juillet 2006) par Olivier Pétré-Grenouilleau : "la mondialisation, une vieille histoire"

- bio-biblio (juin 2006)

- interview de C. A. Bayly dans Télérama du 8 juillet 2006

 

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18 septembre 2006

Quelle critique historique de la colonisation ? (Claude Liauzu)

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Togo, carte postale de l'époque coloniale

 

Entre

histoire nostalgique de la colonisation

et posture anticolonialiste :

quelle

critique historique de la colonisation ?

Claude LIAUZU

colloque de Lyon, juin 2006

 

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Jamais depuis un demi-siècle la guerre d’Algérie, jamais depuis 150 ans l’esclavage n’ont occupé une telle place dans le débat public. Cette situation, qui n’a rien de momentané ni de conjoncturel, ne peut laisser - le voudraient-ils - les historiens indifférents. Ils ne peuvent s’enfermer dans une tour d’ivoire en raison de la fonction sociale qu’ils doivent assumer et qui est une des raisons d’être de la discipline.

Cette contribution me fournit donc l’occasion d’une réflexion critique sur mes interventions d’enseignant, de chercheur et de citoyen concernant certains aspects du passé-présent colonial, en particulier la manifestation algérienne du 17 octobre 1961, le procès en diffamation intenté par le général Schmitt à Louisette Ighilahriz et Fernand Pouillot, qui l’ont accusé d’avoir torturé, et le mouvement contre la loi du 23 février 2005 imposant une histoire officielle de la colonisation : l’appel que j’ai proposé à quatre collègues a été à l’origine d’un mouvement qui nous a surpris par son ampleur et par sa durée. Il a eu un rôle certain dans l’abrogation d’une partie de la loi, celle qui supprimait l’indépendance de l’histoire enseignée.

Mais restent les autres aspects : l’éloge des colons et de l’œuvre civilisatrice de «la France», la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie, qui menace l’indépendance de la recherche. Le mouvement n’a pu non plus atteindre un autre objectif, plus important encore, ébranler les conservatismes du Mammouth historique. Ni mettre en place un travail collectif durable. Cette contribution est en effet animée par des inquiétudes, que je partage avec d’autres collègues, devant le décalage croissant entre notre discipline et les problèmes qui animent la société, la jeunesse en particulier.

Pour décomposer la difficulté, il est nécessaire de prendre d’abord la mesure des caractères nouveaux et souvent déroutants de la mémoire nationale officielle, des mémoires sociales et surtout celles des minorités. Car ces éléments expliquent la réapparition récente d’une histoire adoptant une posture anticolonialiste. À l’encontre de son anachronisme, de ses faiblesses scientifiques et de son instrumentalisation, quel projet pour une histoire véritablement critique du fait colonial, lui redonnant sa place dans notre culture peut-on proposer ?

N8081700Z

 

Les guerres de mémoires et leurs enjeux

Une précaution préalable impose de souligner que la mémoire est une construction, que dans le cas qui nous occupe, elle est transmise mais aussi reconstruite en fonction du présent, et qu’il faudrait - plutôt que d’utiliser une métaphore - parler de groupes de mémoires. On a pu faire état d’un «nouveau régime de mémoire», réalité qui n’est pas seulement française et qui ne concerne pas que le passé esclavagiste et colonial. Elle s’est affirmée à partir du «devoir de mémoire» de la Shoah. Cela tient à un ensemble de facteurs, dont le moindre n’est pas l’affaiblissement de la référence nationale, ou plus précisément ici nationalo-universaliste française, sous l’effet de la mondialisation et des phénomènes de diaspora. Ils jouent fortement dans un ensemble européen, afro-américain et afro-caribéen. Ils réactivent ainsi la tradition panafricaine, comme le montre la création du CRAN, le collectif des associations noires. Ils jouent aussi dans la bipolarisation entre Maghreb et France, comme l’ont traduit le terme hybride «beur» né dans les années 1980 et les incidents du match de foot France-Algérie par exemple. Ils traversent la société.

Nous ne sommes plus dans le même monde que celui de 1789 où «le principe de souveraineté réside essentiellement dans la nation» (article 3 Déclaration des droits de l’homme). Que cela affecte une histoire liée à la nation par un cordon ombilical est une évidence.
Cependant, ceux qui s’effraient d’une dislocation de l’identité française sous le poids des communautarismes vont trop vite. En effet l’agressivité des mémoires est liée moins à une cohésion ethnique qu’à l’absence de perspectives politiques concrètes pour les groupes dominés. La politique du passé tient lieu de politique, les revendications mémorielles sont d’autant plus importantes que le présent n’est pas maîtrisé par le descendant héritier. Dans certains cas, elle n’est pas exempte de cynisme : «Si l’on parvient à établir defanon_peau_noire façon convaincante que tel groupe a été victime d’injustice dans le passé, cela lui ouvre dans le présent une ligne de crédit inépuisable…»

On est loin du Fanon des années 1950. «Seront désaliénés Nègres et Blancs qui auront refusé de se laisser enfermer dans la Tour substantialisée du Passé… Je suis un homme et c’est tout le passé du monde que j’ai à reprendre… En aucune façon je ne dois m’attacher à faire revivre une civilisation nègre injustement méconnue… Je ne veux pas chanter le passé aux dépens de mon présent et de mon avenir».

L’affirmation d’une mémoire juive a fait fonction de modèle et de rivale pour d’autres minorités avec les commémorations spécifiques de 1993, la déclaration de 1995, les mesures prises à partir de 1997… Mais les mémoires coloniales sont moins étudiées. Si on les situe dans un ensemble, il faut en souligner une caractéristique majeure qui contredit la tradition commémorative si forte en France : l’amnésie étatique. Elle ne commence à être corrigée que depuis un lustre, depuis la reconnaissance, en 1999, de la guerre d’Algérie dans le vocabulaire officiel. Cette absence a rendu d’autant plus violents les conflits de mémoires. Les rapatriés et le contingent ont été les premiers à revendiquer. Dans l’immigration algérienne, les associations ont pris en charge, à partir des années 1980 surtout, la reconnaissance du massacre d’octobre 1961. Avec des succès non négligeables, telle la plaque du pont Saint-Michel. La «loi Taubira» de 2001 est un autre exemple. Cette transmission à travers les générations, bien connue aux Etats-Unis grâce à l’école de Chicago, a surpris ici, où l’on s’attendait à une assimilation-dissolution discrète. La reconnaissance officielle, sous la contrainte, de manière désordonnée, des revendications mémorielles minoritaires ne fait qu’accentuer ces revendications et les tensions. Sur ce point, la loi du 23 février est un épisode revanchard de la part des rapatriés et de la droite.

Ces enjeux mobilisent un nombre important de militants associatifs antiracistes, de citoyens, plus exigeants en raison des progrès de la scolarisation, d’un accès à l’université dix fois plus important que dans les années 1960. D’où un immense besoin d’informations et de repères. C’est - comme pendant la guerre d’Algérie - hors des institutions du métier que les choses importantes se sont faites. Dans le mouvement qui a contribué à l’abrogation de l’article 4, l’alliance des historiens contre la loi avec les associations antiracistes et syndicats a été déterminante. On sait que depuis le XIXe siècle le mouvement ouvrier, et le parti communiste au premier rang, ont réussi à construire une contre-mémoire, une contre-histoire. Que serait devenue la Commune de Paris sans cela ? On connaît aussi le revers de la médaille, la soumission de la liberté de la recherche aux objectifs politiques, les procès de Moscou. Tirant les leçons des limites du modèle de l’intellectuel révolutionnaire, des erreurs de Sartre, Michel Foucault et Bourdieu ont mis en œuvre des interventions politiques attachées à l’indépendance du chercheur, fondées sur leur domaine de compétence : c’est exactement ce que quelques spécialistes de la colonisation ont essayé de faire.

Déjà, le soutien apporté à l’entreprise d’exhumation du 17 octobre 1961 par Jean-Luc Einaudi, la campagne pour imposer son accès aux archives de la Préfecture de police – domaine réservé d’un historien patenté, Jean-Paul Brunet, moins critique envers les forces de l’ordre - avaient permis de poser des questions de fond : les documents officiels sont-ils accessibles à tout citoyen désireux de rechercher la vérité ? Comment faire avancer une réforme de la loi de 1973 sur les archives qui, sur les dossiers des individus et les «questions sensibles» multiplie les obstacles et impose la pratique des autorisations attribuées à titre individuel à tel ou tel chercheur ? Comment organiser une solidarité avec des archivistes sanctionnés pour avoir rendu publiques des listes de victimes d’octobre 61 ? La bataille a été tranchée par le tribunal déboutant Maurice Papon de sa plainte en diffamation contre Jean Luc Einaudi. Dans leur majorité, les historiens ont été indifférents au sort des archivistes et à la réforme de la loi de 1973. Aussi, contre la loi de 2005, un «front» mieux organisé a-t-il été constitué, pour toucher le milieu enseignant ainsi qu’un large public associatif, pour sensibiliser les médias.
L’abrogation d’une partie de la loi est un acquis. Cela ne doit pas faire l’économie d’un bilan critique.

 

Dérapages de l’histoire, procès anticolonialiste

Gilbert Meynier et Pierre Vidal-Naquet, dans une critique rigoureuse de Coloniser. Exterminer, ont rappelé la tyrannie des logiques partisanes. Parmi les risques de dérapages : la propension de «l’histoire procès» à condamner et non à expliquer, la soumission des recherches à des réponses en termes politiques, le mélange de demi-savoir et de partis pris (comme le reprochait Raymond Aron à Sartre). Préoccupés par les priorités du mouvement, nous n’avons pas assez réfléchi aux conditions d’une collaboration entre historiens et associations. Or, les responsables associatifs sont, comme les universitaires, dotés de fonctions institutionnelles, attachés à leur pouvoir et à des gratifications symboliques. Comme les universitaires mettent en avant leur statut et leur mission pour rejeter toute critique, ils peuvent être tentés de mettre en avant les idéaux de leur association pour se placer hors de question.

Dans ces débats et combats, la vulgarisation des travaux scientifiques devrait occuper une place importante. Elle est malheureusement souvent méprisée par les spécialistes ; ou bien ils sont trop peu nombreux et n’ont pas les moyens de s’en occuper. Par ailleurs, les témoins, les acteurs, les militants et les politiques revendiquent un droit à faire de l’histoire. Ils en arrivent même parfois à rejeter (c’est ce qui a fait réagir violemment les «19») les travaux des historiens quand ils ne correspondent pas à leurs intérêts ou leur idéologie. Le ministre des Anciens Combattants parle «de spécialistes auto-proclamés» et de «pseudo-historiens», le maire de Montpellier de «trous du cul d’universitaires». Les associations extrémistes de rapatriés affirment que l’histoire n’étant pas une science exacte, elles peuvent opposer aux historiens leur vérité sur l’Algérie française. C’est oublier que si les historiens n’ont aucun privilège de science infuse, ils ont appris les règles d’un métier dans une formation sanctionnée par examens, concours, thèses et 9782221092545recherches soumises à la critique collective du milieu. Celui-ci n’est certes pas infaillible, n’est pas à l’abri des pouvoirs mandarinaux, mais hors de ces règles, il n’y a qu’une subjectivité opposée à une autre.

Ces risques de dérapage, malheureusement, n’épargnent pas la gauche. Les mots (comme le rappelle la polémique sur le Robert), pèsent lourd, de même que les mythes du nombre. Quand Catherine Coquery–Vidrovitch afffirme, dans le Livre noir du colonialisme (p.560), qu’il faut rappeler que la guerre d’Algérie a fait un million de morts, elle commet une erreur scientifique et déontologique, car elle reprend le chiffre officiel algérien, qui appartient au discours de légitimité des pouvoirs qui se sont succédés depuis 1962. Et elle donne des arguments à ceux qui défendent le «rôle positif» de la colonisation.

Ce qui suit a pour objectif d’inciter à une réflexion sur les dangers de ce type de tentations. Sur ce point, on ne peut cacher certains dérapages de la section de Toulon de la LDH, qui hypothèquent les relations entre les historiens et la Ligue. Sa surenchère aboutit à un procès manichéen de la colonisation. Ainsi, un article du site de la LDH sur le «code de l’indigénat» (6/3/2005), confond travail forcé et travaux forcés. Il condamne le refus obstiné des colons d’accorder la citoyenneté aux «sujets» ou nationaux musulmans, mais omet le fait que les nationalistes (Bourguiba comme Messali et l’AEMNA) se sont appuyés sur la religion populaire contre les naturalisés, ont présenté leur choix comme une apostasie, allant jusqu’à organiser des émeutes contre leur inhumation dans les cimetières musulmans. Il reprend l’accusation d’une discrimination favorable aux juifs d’Algérie, en ignorant aussi que leur statut personnel a été dissocié de la loi religieuse.

Comment ce site a-t-il pu, du 21/8/2005 afficher un texte parlant de «l’humanisme pro-sémite», sans le critiquer jusqu’au 4/4/ 2006, malgré plusieurs démarches insistantes? (Communication de Robert Charvin au colloque organisé à Alger pour la commémoration de Sétif, mai 2006) Ce texte – représentatif de la concurrence victimaire et des dangers qu’elle porte - retiré du site en raison de protestations répétées, est de nouveau publié, depuis le 25/7/2006, comme pièce d’un débat accompagnant une réflexion sur les comparaisons entre nazisme et colonialisme. Certes, la formule «humanisme pro-sémite» est désormais critiquée, mais on ne peut qu’être choqué par le contraste entre la publicité faite à ce texte et le silence du site de la LDH sur le texte de P. Vidal Naquet et G. Meynier concernant Coloniser.Exterminer, cité ci-dessus. Comment l’expliquer, quand on sait que Vidal-Naquet a été un combattant de la vérité tant contre les négationnistes que contre ceux qui ont occulté les crimes de l’armée française pendant la guerre d’Algérie ? D’autres refus de publier montrent qu’il s’agit d’une attitude de plus en plus répandue.

On peut craindre qu’une histoire partisane et imprécatoire, qui ne contribue en rien à aider les citoyens à comprendre les problèmes qui les affectent, ne perdure et ne devienne une vulgate bien établie. Un exemple en est fourni par un projet d’ouvrage coordonné par Alain Ruscio et Sébastien Jahan, qui a suscité de vifs désaccords entre les auteurs pressentis. Plusieurs ont refusé la philosophie du projet ainsi défini : «Les tentatives, avouées (activité multiforme du lobby pro ou para OAS) ou honteuses (loi du 23 février 2005), de révisionnisme / négationnisme en matière coloniale, se multiplient. La publicité faite à ces théories déculpabilisantes dans des revues parfois réputées et de large diffusion, dans certaines chroniques de la grande presse, dans des ouvrages de vulgarisation prétendument historique mais aussi dans une partie de la littérature universitaire la plus autorisée, aboutit à accréditer la thèse de «la mission civilisatrice de la France».

Ce retour de l’histoire-propagande voudrait rendre possible la perpétuation des iniquités et des dépendances héritées de siècles d'esclavage et de colonisation, voire légitimer une «recolonisation» de la planète par l'Occident blanc et chrétien». Ceux qui ont décidé de refuser de participer au projet l’ont décidé pour certaines raisons fondamentales.

Intituler un ouvrage «négationnisme colonial» ou «falsifications» , c’est interdire tout débat historique, c’est s’engager dans une concurrence victimaire, alors que la shoah et la colonisation ne sont pas de même nature. C’est renoncer à la critique historique d’un phénomène ambigu, en choisissant ses victimes, bonnes et absolues et ses coupables, c’est faire une histoire procès, c’est attiser les guerres de mémoires. C’est aussi, de manière plus pernicieuse, conforter le discours de légitimité des pouvoirs des pays décolonisés, en renonçant à étudier les ressorts de l’arbitraire, les prémices du «désenchantement national» qui ont suivi rapidement la fête des indépendances.

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Boumédienne

 

Pour une critique historique du fait colonial

Ces problèmes n’ont rien de nouveau, et Maxime Rodinson, engagé dans la lutte contre la guerre d’Algérie, mérite d’être relu (ou lu) pour ses mises en garde contre le danger de toute légende dorée ! Invité en 1960 par l’Union rationaliste, il s’attache à lever les préjugés anti arabes qui n’épargnent pas les rangs de la gauche, et il cite en particulier Albert Bayet, cacique de la République des professeurs, membre de la LDH et président de la Ligue de l’Enseignement, demeuré partisan de l’Algérie française, par méfiance envers l’islam.

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Maxime Rodinson (1915-2004)

 

Rodinson démonte la genèse théologique puis laïque de ces préjugés. Il montre que le nationalisme arabe est devenu la cible de «toute une littérature». Il met en lumière les procédés des faux savants et des médias. Cette démarche lui vaut le témoignage de sympathie d’Amar Ouzegane, ancien dirigeant du PCA, qui a rallié le FLN et s’en explique dans «Le meilleur combat». «La question religieuse est pour nous un fait social et politique qui n'a rien de mystérieux», alors que l'athéisme manifeste une «ignorance crasse de la psychologie sociale ! Comme si l'apparition de l'astronautique suffit par elle-même à effacer dans la conscience des peuples le souvenir fascinant du Bouraq ou de l'hippogriffe, le cheval ailé avec une tête de femme ou de griffon»… «Mais la jument Borâq existe-t-elle ?» lui demande Rodinson, rappelant l’exigence de vérité qui est celle de la science. Ce devrait être aussi celle du militant. Chanter en chœur la vieille chanson qui a bercé la misère humaine, c'est jouer avec le feu. «Plus sa condition est difficile, plus sa misère existentielle se double d'une misère matérielle et plus l'homme est porté à affirmer sa fidélité aux valeurs qui donnent un sens à sa vie par la sauvagerie à l'égard des hérétiques et des infidèles. Plus ces valeurs se présentent comme un absolu et plus cette sauvagerie sera absolue… Au service de la Bonne Cause humaine, celle du socialisme, croit-on ? Qu'on prenne garde aux conflits possibles. On verra alors si ce n'est pas le fanatisme du service de Dieu qui l'emportera. Et si quelque clerc, quelque marabout, quelque faux prophète n'entraînera pas plus aisément les masses que le dirigeant politique malgré l'affectation de piété de celui-ci» (p.196-197).

Bel exemple d’engagement scientifique et déontologique à méditer pour chercher une sortie de crise. Car la multiplication des pétitions est un signe de ce que certains commencent à percevoir comme une crise de la discipline, de sa fonction sociale. Le statut de l’histoire dans l’enseignement, dans la culture nationale, les usages publics sont un héritage dont on ne peut plus se contenter de cultiver les coupons. La nation n’est plus ce qu’elle était, celle des rois qui ont fait la France, celle de l’universalisme de 89, celle de la «plus grande France». Le roman national ne parle pas à des populations venues des quatre coins du monde comme autrefois. La société est plurielle, elle est traversée par la mondialisation. Une des conditions de l’élaboration d’un devenir commun est le partage d’un passé fait de conflits et d’échanges, qui a transformé les protagonistes. Les manichéismes apologétiques ou dénonciateurs ne sont pas des réponses aux enjeux actuels du passé colonial.

Autre chose est possible et nécessaire pour une véritable histoire critique qui ait toute sa place dans la recherche, l’enseignement et la vulgarisation. Un Dictionnaire de la colonisation, qui a été conçu dans cet esprit est sous presse.
Dans cette perspective aussi, certains des historiens qui ont lancé la campagne contre la loi du 23 février ouvrent un débat sur le site de la SFHOM fournissant toutes les garanties de rigueur scientifique.
Ils préparent aussi un Forum en mars 2007 pour une mise à jour de l’histoire associant spécialistes, enseignants, mouvements associatifs.

Claude Liauzu
Université Denis Diderot-Paris 7

 

Tunis
Tunis, immeuble d'époque coloniale (source)


 

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17 septembre 2006

L'avis du site de la Société française d'Histoire d'outre-mer


titre


L'avis du site de la Société française

d'Histoire d'outre-mer (SFHOM)



    La SFHOM (Société française d'Histoire d'outre-mer) a publié le commentaire suivant sur la page "liens" de son site :

ÉTUDES COLONIALES : Un groupe de chercheurs, conduit par Daniel Lefeuvre, Marc Michel, Claire Villemagne et Michel Renard, a lancé ce site en 2006 pour recenser les membres d'une communauté virtuelle de chercheurs en "histoire coloniale", tout en montant aussi une revue en ligne portant le titre "Etudes coloniales". Bienvenue à ces confrères ! Ce site est désormais riche et foisonnant, plein d'informations, de contributions aux débats, etc. Notre propre association était passée de l'appellation Société française d'histoire des colonies à celle de Société française d'histoire d'outre-mer ; on en revient au terme de "colonial", mais selon un autre angle d'approche, plus dans la ligne des "post-colonial studies". Ce site "Etudes coloniales" entend aussi ne pas laisser le monopole de la communication médiatique et numérique à un autre groupe de chercheurs très médiatisés, autour de P. Blanchard notamment ; mais le challenge est stimulant et fécond.


Société française d'Histoire d'outre-mer (SFHOM)

Bienvenue

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16 septembre 2006

Tribune sur les enjeux du passé colonial et les usages publics de l'histoire (Claude Liauzu)

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Sous le casque, Roland Dorgelès, 1941

 

tribune sur les enjeux du passé colonial

et les usages publics  de l’histoire

Claude LIAUZU

 

La Société française d’histoire d’outre-mer (SFHOM) et l'association Études Coloniales ont accepté l’ouverture d’un débat sur leur site sur le thème des enjeux du passé colonial et des usages publics de l'histoire

Vous trouverez ci-dessous le texte engageant ce débat, qui a bénéficié de lectures de Myriam Cottias, Gilles de Gantès, Gilbert Meynier, Jean Marc Regnault, Colette Zytnicki en particulier. Merci de le faire connaître et de participer aux échanges qu’il souhaite favoriser 

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Les mines du roi Salomon,
Rider Haggard, 1951

 

Tentative de procès en négationnisme contre Olivier Pétré Grenouilleau sous le prétexte de la loi Taubira dénonçant l’esclavage comme crime contre l’humanité, loi du  23 février 2005 imposant d’enseigner le «rôle positif» de la colonisation, insultes du maire de Montpellier contre les «trous du cul d’universitaires», du ministre des Anciens Combattants contre les «prétendus historiens», stèles à la gloire de l’OAS de Nice à Perpignan, procès de la France «Etat colonial» par les Indigènes de la République («la gangrène coloniale s’empare des esprits») : ces quelques péripéties récentes en disent long sur les enjeux actuels du passé colonial.

Il est important de ne pas s’enfermer dans les confins exotiques et marginaux de «l’histoire de France», donc de rappeler qu’il ne s’agit pas là d’une exception, mais d’un problème général de la discipline. Il y aurait tout intérêt à comparer avec d’autres réalités (Vichy…), avec d’autres situations internationales. Cela permettrait de faire ressortir des aspects spécifiques dans le «nouveau régime de mémoire». Après une longue  amnésie officielle, qui a favorisé les guerres de mémoires de minorités, les interventions  de l’Etat (reconnaissance de la réalité de la guerre d’Algérie en 1999, commémorations, mémoriaux…), parfois désordonnées, se multiplient. Ces usages et mésusages publics de l’histoire ont soulevé les inquiétudes et la colère des historiens, que plusieurs pétitions de défense et illustration de la discipline ont exprimées. Mais les difficultés, le désarroi des profs du secondaire dans certaines situations demeurent le plus souvent non dits ou font l’objet d’amplifications partisanes.

Alors que les spécialistes s’accordent sur les faits majeurs - sinon sur leur interprétation du moins sur les règles du débat -, la tyrannie des mémoires (et des amnésies) implique les historiens, qu’ils le veuillent ou non. Or ils n’ont pas assez réfléchi à ces réalités. Comment fonctionnent les mémoires ? Pourquoi leurs variations ? Quels rapports entre mémoires et histoire ? La multiplication des «initiatives mémorielles» de l’Etat, des collectivités locales, des associations, des médias, – auxquelles les chercheurs sont invités à participer comme experts - pose aussi le problème des relations avec les politiques. Problème consubstantiel de la discipline, mais qui se pose en termes nouveaux : nous ne sommes plus dans le monde de Michelet et Lavisse, des nations conquérantes.

Ces questions ne concernent pas que l’Hexagone, mais aussi les sociétés autrefois colonisées et leurs pouvoirs, et donc les rapports des historiens français avec leurs partenaires. Le président algérien a fait de l’exigence de repentance par Paris un cheval de bataille. La surenchère victimaire, comme le refus de toute histoire critique du fait national ou colonial, nient des enjeux tels que la pluralité, les métissages, le passé à partager. Il n’y a pas de rue Hô Chi Minh, ni Abd el-Kader, ni même Senghor  à Paris, et Saint-Augustin ou Camus ne sont pas membres à part entière dans l’histoire de l’Algérie. Ce passé pluriel du Maghreb fait l’objet aussi de guerres de mémoires. Les drames du Rwanda, du Cambodge, du Proche Orient, les crises du tiersmonde impliquent les spécialistes.

Mais il y a un décalage entre des besoins d’histoire criants et leurs moyens. Le contraste entre les sollicitations dont est l’objet le passé colonial et sa marginalité institutionnelle et professionnelle est évident.


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Ébènes et ivoires,
Louis-Gérard Adinau, 1955

Ce décalage entre histoire «savante», histoire enseignée et besoins sociaux est l’une des causes du développement des initiatives extérieures à la profession, dont certaines sont de grande qualité, comblent des lacunes dues à l’académisme, et qu’on ne saurait traiter par le mépris ou des réactions corporatistes. Bonnes ou mauvaises, elle mettent fin au monopole de l’historien de métier : interventions des acteurs refusant le statut de simples «témoins» et revendiquant leur vérité, de journalistes d’investigation, interventions d’associations se réclamant des groupes sans passé, qui se comptent par millions (immigrants d’origine coloniale ou postcoloniale et leurs descendants, rapatriés, originaires des DOM TOM, réfugiés, harkis, anciens soldats…), interventions - militantes ou non - d’entrepreneurs de mémoires instrumentalisant souvent le passé. Les médias imposent leurs codes et leur rythme, la «docu-fiction» applique les recettes de l’histoire spectacle, du récit romancé jouant de l’émotion. L’air du temps, les goûts d’une partie du public favorisent des vulgates affirmant des certitudes – éloge ou procès de l’oeuvre coloniale - qui ont un impact important aux dépens de «l’histoire problème» de Marc Bloch et d’une vulgarisation de qualité.

Ces faits de mémoire nouveaux – et durables- appellent des interventions des historiens. Ils rappellent qu’ils ont une fonction sociale. L’ambivalence qui prédomine dans la société,  mêlant nostalgie du bon vieux temps, chauvinisme, mauvaise conscience, rancœur et souffrances empêche le partage d’un devenir commun postcolonial entre ceux qui constituent la société française, comme entre les sociétés liées par ce passé. Connaître ce passé, réconcilier ceux qui en sont les héritiers  est une des conditions de l’élaboration d’une identité cohérente pour le XXIe siècle.
Une telle constatation conduit à réfléchir aux conditions d’élaboration des savoirs et de leur nécessaire diffusion. Ce qui prédomine actuellement est un extrême émiettement – preuve d’élargissement et de renouvellement -, mais dont la rançon est la difficulté de fournir des vues synthétiques et des réponses assurées.

Cet ensemble de problèmes justifie l’organisation d’un lieu de débat.
Ce débat ne doit pas s’enfermer dans un cadre français dont les limites sont évidentes. Des comparaisons avec d’anciennes puissances coloniales (Grande-Bretagne, Italie, Japon), avec les études américaines s’imposent.
Les questions  ne peuvent pas non plus  être posées et moins encore résolues dans un dialogue des historiens occidentaux avec eux-mêmes, le colonisé d’hier demeurant objet du débat. C’est une histoire croisée de la situation coloniale, de ses héritages et prolongements qui s’impose, avec les écoles nationales qui ont accumulé des connaissances souvent ignorées au Nord. Avec aussi des passeurs de rives de plus en plus nombreux, des diasporas que les histoires nationales laissent sans passé, comme on dit sans papiers.

Claude Liauzu

 

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D'héroïsme et de gloire, Jean d'Esme, 1959

 

 

* iconographie : Amigos de Mocambique (Édouard Vincke)

 

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16 septembre 2006

Vietnam, le moment moderniste, 1905-1908 (colloque Aix)

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Vietnam, le moment moderniste

1905-1908

Gilles de GANTÈS

Appel à contributions pour un colloque à tenir

à Aix-en-Provence, les 3-4 et 5 mai 2007



présentations du colloque et informations


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15 septembre 2006

bilan du Colloque international d’histoire franco-algérien (Lyon, juin 2006)


ENS_Lyon
l’École Normale supérieure Lettres et Sciences humaines, à Lyon


Bilan du

Colloque international d’histoire

franco-algérien,

Lyon, 20, 21, 22 juin 2006



coll_Meynier_vue_de_la_salle


Le colloque international d’histoire franco-algérien, organisé à Lyon par l’École Normale supérieure Lettres et Sciences humaines, sous la direction d’une équipe scientifique conduite par Frédéric Abécassis et Gilbert Meynier, s’est tenu les 20, 21 et 22 juin 2006. Il a entendu les communications de 80 chercheurs et il accueilli un public de près de 300 personnes au total. Pourquoi avoir organisé un tel colloque ?   

Dans un contexte où s’affrontent, sur le sujet sensible de l’histoire franco-algérienne, les porte-parole de groupes de mémoire adverses, et où se font jour des pressions ou injonctions d’histoires officielles des deux côtés de la Méditerranée, le colloque se proposait, pour assainir et apaiser le débat, de rendre la parole à l’histoire – une histoire critique et indépendante - c’est là un pléonasme.

Ont donc été invités surtout des historiens, français, ou autres (anglais, allemands, italiens, un hongrois, un palestinien), et algériens. En effet, seule une histoire élaborée en partenariat, et fondée sur l’échange et le dialogue international, est susceptible de fortifier sainement les relations internationales, en particulier entre l’Algérie et la France.

Le colloque a donc été conçu pour aborder la moyenne et la courte durée. Il ne s’est pas limité aux aspects politiques : il a embrassé aussi bien l’économie que les migrations, le poids des structures sociales et des mentalités, sans négliger la longue durée. Mais il a aussi parlé algerie_carte1d’histoire politique, d’histoire militaire, de la colonisation, des résistances à la colonisation, et du nationalisme algérien ; sans compter encore la culture, la littérature et l’art.

Au-delà de ce colloque, notre initiative ambitionne sur le court terme l’intensification des relations inter-méditerranéennes et, à plus long terme, d’autres objectifs concrets comme, par exemple, la conception d’ouvrages historiques, de vulgarisation et/ou de recherche conçus en partenariat franco-algérien, ou encore la constitution d’une commission mixte d’historiens algériens et français en vue de la réécriture concertée des manuels d’histoire de part et d’autre de la Méditerranée. Et, pourquoi pas, une fondation franco-algérienne pour l’histoire conçu en partenariat entre les deux pays.

Ce colloque a donc eu une double ambition de valorisation et d’impulsion de recherches. Il a entendu dresser un état du savoir sur l’histoire franco-algérienne, participer à la diffusion de connaissances avérées, et permettre l’émergence de nouvelles pistes de recherche. L’histoire franco-algérienne fait partie intégrante en France des programmes de l’enseignement secondaire. C’est la raison pour laquelle l’INRP et l’IUFM de Lyon ont été des partenaires associés à son organisation. Et parce qu’il entend laisser la démarche historienne prendre résolument le pas sur les enjeux mémoriels, il s’est aussi fait en partenariat avec le LARHRA (Laboratoire de Recherche Historique Rhône-Alpes), et avec le GREMMO de Lyon (Groupe de Recherche et d’Études sur le Maghreb et le Moyen-Orient), sans compter bien sûr le rôle moteur et déterminant de l’École normale supérieure Lettres et Sciences humaines.

Il s’est adressé au premier chef à un public d’étudiants, d’enseignants, et d’enseignants-chercheurs conviés à se retrouver dans une démarche d’ordre scientifique. Mais dans la démarche civique qui était aussi la sienne, il a concerné également le milieu associatif régional impliqué dans les questions d’immigration et d’intégration citoyenne. Outre l’implication d’organismes publics comme la Région Rhône-Alpes et, secondairement la mairie de Lyon, le colloque n’aurait pas pu avoir lieu sans le partenariat – financier ou autre - avec des associations : le CIMADE, le CARA (Cercle des Algériens en Rhône-Alpes), France-Algérie, Coup de Soleil… Une séance entière a été consacrée, le 21 juin, à une table ronde d’échanges entre les associations partenaires, le public et les historiens présents.

Le colloque, se tenant à Lyon, à l’École Normale Supérieure – Lettres et Sciences Humaines, est de nature à confirmer le rôle de Lyon comme pôle de débat, de recherche et d’enseignement, en l’occurrence dans le domaine de l’histoire franco-algérienne. Sur son site  web

http://ens-web3.ens-lsh.fr/colloques/france-algerie/

ont déjà été publiés les résumés des communications et vont être publiés les actes du colloque, en attendant la publication d’un livre. Plusieurs journaux et radios ont couvert l’événement, ainsi que FR3 et France Culture, qui lui consacre son émission du vendredi 30 juin matin, animée par Emmanuel Laurentin, «La nouvelle fabrique de l’histoire».
Nous espérons enfin que le projet de traité d’amitié franco-algérien se concrétise et que ce colloque constitue une pierre scientifique à l’édifice de réconciliation.

Gilbert Meynier

Meynier_portrait_2










Gilbert Meynier


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