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études-coloniales

6 juin 2007

inspecteur de la Sûreté dans les années 1930 au Maroc

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inspecteur de la Sûreté

dans les années 1930 au Maroc


Bonjour,

J'ai des difficultés pour restituer le parcours de mon grand-père, né en Algérie et ayant occupé la fonction d'inspecteur de la Sûreté dans les années 1930 au Maroc. Qui peut m'indiquer où se trouvent les archives de ce personnel de l'administration française ?

Merci.
Azzedine Sedjal
sedjal@gmail.com

 

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la police franco-marocaine à Oujda
carte postale ancienne ayant voyagée en 1908

 

Bonjour,

Merci de votre message.

Il faut s'adresser aux services des Archives dipomatiques françaises, et plus particulièrement au Centre des archives diplomatiques de Nantes (inventaires en ligne).

Mais, si ces services ne vous répondent pas précisément, il n'y a d'autre solution que d'y aller soi-même parce que la règle des recherches en archives est que la responsabilité de toute recherche revient à l'intéressé lui-même.

Bonne continuation.

Michel Renard
"Études Coloniales"

 

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le poste de police à Oujda

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5 juin 2007

33e congrès de la French Colonial Historical Society

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33e congrès

de la

French Colonial Historical Society

La Rochelle, 6-10 juin 2007


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- Programme de la conférence


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3 juin 2007

Corps et société en Guadeloupe (Harry Mephon)

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Corps et société en Guadeloupe

un livre de Harry MEPHON

 

- Corps et société en Guadeloupe, Harry Mephon, éd. Presses universitaires de Rennes, mars 2007.

 

Présentation de l'éditeur

De manière générale, les catégories pour penser les pratiques corporelles et sportives invitent à la perception d'un univers consensuel qui échappe aux aléas du monde social ordinaire. Ce livre opère une rupture, tout d'abord en fondant rigoureusement les rapports des activités corporelles avec les autres pratiques économiques, politiques et culturelles, ensuite en les enracinant dans une histoire de longue durée.
Ainsi, il ne s'agit plus de situer le fait sportif dans l'histoire supposée connue de la Guadeloupe mais de la repenser dans sa globalité à travers le prisme des pratiques corporelles. Le fait de privilégier le corps comme entrée pour étudier les rapports sociaux éclaire l'histoire d'une société d'abord soumise avec l'esclavagisme aux pires formes d'asservissements corporels.
L'étude des formes d'une culture incorporée permet de comprendre les rapports de domination mais aussi les résistances et les révoltes qu'ils suscitent. La genèse des pratiques sportives fonde les liens entre trois espaces de réalité historiquement constitués par celui de la culture somatique et respectivement par ceux du sport de masse et du sport de haut-niveau.
Par un retournement de sens, le corps outil de domination devient par l'excellence des champions guadeloupéens le moyen le plus visible d'une affirmation identitaire confrontée aux rapports de force établis par la métropole.

Biographie de l'auteur

mephon_harry Harry P. Mephon est docteur en Sociologie et professeur certifié d'Education physique. Ancien athlète de haut niveau, il est entraîneur d'athlétisme, prépare et entraîne un grand nombre de sportifs de haut niveau. Il intervient au SUAPS de l'université Antilles-Guyane.

 

 

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- Presses universitaires de Rennes : commander le livre

 

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Guadeloupe, Saint-Claude, allée du stade Ducharnoy

 

article de Harry Mephon

- "Le premier sélectionné olympique guadeloupéen : Maurice Carlton", Bulletin de la Société d'histoire de la Guadeloupe (Bull. Soc. hist. Guadeloupe), 2000, no124-25, pp. 13-19.

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Maurice Carlton (né en 1913),
sélectionné aux Jeux Olympiques de 1936 à Berlin

- Maurice Carlton

L'aventure olympique des sportifs guadeloupéens ne commence pas avec les champions récents. Alors que les sportifs guadeloupéens d'avant-guerre sont tombés dans l'oubli, même dans la mémoire insulaire, l'auteur tente de présenter l'élite sportive guadeloupéenne dans le contexte des revendications des années trente. Après une brève introduction sur la constitution et la transformation du champ sportif guadeloupéen, il décrit l'attitude de la France coloniale dans le contexte de la légitimation sportive des Noirs des années trente. Si les exploits de Maurice Carlton ouvrent la voie de la reconnaissance d'un capital sportif au niveau olympique, ce capital se vit à l'époque sans aucune volonté institutionnelle de le rentabiliser.

source

 

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Société des artistes antillais. 1er salon 1924.
Pointe-à-Pitre du 15 au 31 janvier ; auteur : Casse Germaine, 1924

(source, Caom)



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2 juin 2007

Du bon usage politique du passé colonial (Gilbert Meynier)

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Du bon usage politique du passé colonial

Gilbert MEYNIER

 

La mémoire commune de l’histoire de l’immigration en France ne sait plus guère aujourd’hui que l’implantation des Italiens en France fut douloureuse, et parfois sanglante, à Marseille en 1881, à Aigues Mortes en 1893, à Lyon en 1894… Mais les vexations et le racisme dont les Italiens avaient été victimes en France se prolongèrent plus tardivement pour les Algériens : le différend franco-algérien s’exacerba, devant les blocages coloniaux, jusqu’à l’insurrection de novembre 1954. La mémoire des Algériens et des originaires d’Algérie en France est plus à vif du fait de la discrimination coloniale érigée en système, de la cruauté et des traumatismes de la guerre de 1954-1962 – et la conquête, au XIXe siècle, avait été plus sanglante encore ; sans compter les répressions sanglantes de multiples insurrections ; sans compter, pour les Algériens immigrés, les massacres d’octobre 1961 à Paris. Les blessures du passé sont à vif, et sans commune mesure avec celles de la mémoire souffrante des Français d’origine italienne.

Mais aussi, l’intégration des Italiens en France s’était produite au temps du capitalisme moderne – de 1870 à 1960. Alors que, pour les Maghrébins, le processus décisif en fut engagé au  dernier tiers du XXe siècle : à un moment où commença à triompher, le capitalisme post-moderne . On gagne maintenant de plus en plus d’argent, non pas selon les rigoureuses procédures du capitalisme industriel telles qu’Adam Smith, puis Max Weber, les avaient énoncées et analysées, mais par la spéculation financière, par les transferts de capitaux, par la constitution de rentes et de statuts : un «artiste», français, suisse ou belge, gagne aujourd’hui bien plus qu’il y a seulement vingt ans ; il est admis que tels intellectuels médiatiques fassent payer leurs conférences, jusqu’à des associatifs bénévoles qui les invitent.

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Ainsi va l’orchestration des divers «communautarismes» : Tarik Ramadan est à l’islam ce que Bernard-Henri Lévy est à la philosophie : deux vedettes, produits et acteurs d’un système rentier. Et que dire de la ritournelle du «choc des civilisations», qui oppose «l’Islam» et «l’Occident» comme des essences opposées, et qui est le bien commun des frères ennemis Bush et Ben Laden. Les stock-options et les parachutes dorés se sont banalisés.
À l’autre bout de la chaîne sociale, à leur niveau, en France, les bénéficiaires des régimes spéciaux de retraite tentent de leur côté de préserver leurs petits – et transitoires – privilèges. Emmanuel Todd a comparé les actuels États-Unis avec l’Empire romain finissant : produisant de moins en moins en son centre, prospérant en vivant sur l’empire , conçu comme machine rentière. La dégénérescence du vieux capitalisme productif a entraîné depuis quelques lustres la précarisation du travail, le délitement des solidarités nationales – école, sécurité sociale…–  qui, il y a peu, structuraient l’intégration.

Les répliques à cette évolution furent souvent des réactions catégorielles et de repli statutaire, des protestations enserrées par des réactions partielles et locales – je dirais localistes : nationalistes, soviet_anthem_postercommunautaires, crispées sur des acquis, mais sans conception globale de ce qui les détruit –, ne prenant pas la mesure des formidables mutations mondiales. Aujourd’hui seuls les capitalistes néo-modernes gardent une vision universaliste. On ne chante plus L’Internationale au parti socialiste, mais La Marseillaise.

La classe ouvrière est en voie de disparition. Avec elle s’étiolent les banlieues rouges du PC : Marie-George Buffet a fait 1,93 % des voix aux présidentielles. Dans sa campagne, elle n’a pas une seule fois prononcé le mot, obscène, de «capitalisme», médiatiquement affadi en «libéralisme» politiquement correct, cela au prix d’un contresens manifeste : le capitalisme n’a jamais été aussi peu libéral qu’il l’est aujourd’hui, écrasé qu’il est sous le poids de quelques sociétés à objectifs principalement financiers, et non proprement économiques au sens productif du terme. Nous vivons de ce point de vue la fin de la modernité. Presque aucun(e) candidat(e) n’a mentionné les questions qui poignent le monde, à son échelle, précisément, mondiale. On en est resté au localisme-refuge à accents nationaux, au ministère de l’identité nationale…, cela au moment où le national se délite et requiert une refondation en phase avec l’actualité – chez nous elle s’appelle l’Europe.

Mais le fait que, le 20 janvier 2000, le principe d’une taxation des flux financiers inspirée par la taxe Tobin (un prélèvement de 0,5% sur les transferts de capitaux) ait été refusé à six voix près (229/223 voix) par le Parlement européen est passé inaperçu : Les députés de la liste Lutte Ouvrière – Ligue Communiste Révolutionnaire avaient voté contre – Alain Krivine s’était abstenu. Si à eux cinq ils avaient voté pour, le résultat du vote aurait été inversé. Arlette Laguiller, il est vrai, avait raconté que le capitalisme, cela ne se réforme pas, cela se détruit.

 

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Saïgon, 1946. Pousse-pousse rue Catinat (source)

 

Pour en revenir au passé colonial, il a bel et bien laissé des traces sur les discriminations actuelles. Mais ces dernières sont aujourd’hui prorogées par des duretés qui appartiennent bien au présent, quand bien même des rebonds de mémoire peuvent les relier au passé. Aujourd’hui, la fixation sur le passé ne constitue-t-elle pas un dérivatif ? Le système prévalent n’est plus colonial, il n’est plus national. Il creuse dramatiquement les écarts entre sociétés développées et sociétés sous-développées, et entre les humains de ces sociétés respectives. Ce système post-moderne nourrit les idéologies de statut (par exemple «communautaristes») et leur donne forme politique. Lui est-il indifférent que la source de tous les maux ait tendance à rester ancrée dans le passé – colonial en l’occurrence ? Les hérauts des victimes tendent à faire d’un réel passé traumatique l’antécédent obligé et l’explication unique des angoisses et des traumatismes du présent. Il n’y a pas que les islamistes qui soient, ainsi que le pense le philosophe égyptien Fouad Zakariya, «aliénés par le passé».

Dans l’histoire des sociétés, comme dans celle des individus, existent des mémoires-écrans derrière lesquelles tendent à être refoulés les strates du substrat antérieur de leur passé, occultées qu’elles sont par des mémoires plus récentes , et aussi parce qu’elles sont construites par des pouvoirs ou/et des groupes de mémoire (Pieds-Noirs, descendants d’esclaves, Indigènes de la République). Ce processus d’occultation existe aussi pour la perception du présent : on est trop démuni d’outils de compréhension pour en percevoir les duretés spécifiques. On les explique donc par des effets de vitesse acquise. Le mal-être du présent est ainsi idéologisé en fixation sur un temps révolu. Dans l’Algérie d’aujourd’hui, il y a aussi un mal-être qui est expliqué en référence au passé : par les islamistes, par la masse du peuple lui-même, par le pouvoir…

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© Christophe Herrmann, L'Africain (source)

En France de nos jours, se jouent des ping-pong mémoriels où les hérauts intéressés du capitalisme post-moderne mondial comptent les points, voire attisent le feu : est-il même certain que Sarkozy soit un colonialiste impénitent ? Il l’est peut-être, mais est-ce si important ? Ou ne brode-t-il pas sur un thème sensible qui bloque la réflexion ? Et les «racailles» et les «kärcher» n’auraient-ils pas été une construction politique délibérée ? De ce point de vue, les Indigènes de la République et leurs compagnons de route de l’anticolonialisme post bellum, quelque fondés qu’ils soient dans leurs dénonciations, saisissent-ils que leur fixation sur le colonial n’est pas forcément pour déplaire à des responsables politiques qui n’ont pas vraiment envie que l’on parle d’autre chose ? En tout cas pas qu’on analyse le système du capitalisme post-moderne dont une personnalité comme Sarkozy est le génial représentant : il a su entourer sa campagne électorale de formules nationalistes à même de s’attacher des électeurs désorientés et rassurés par le retour à un tel localisme. Ce faisant, il s’est appuyé sur ce que Gramsci appelait un «senso comune», un dérivatif idéologique dans lequel s’engouffrent les dénonciateurs exclusifs d’un présent/passé colonisé, intemporel et, comme la mer de Valéry, toujours recommencé.

Gilbert Meynier
Professeur émérite à l’Université de Nancy II,
CIMADE Lyon
texte à paraître prochainement dans l'hebdomadaire Réforme

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1 juin 2007

la colonisation française en Afrique noire : aspects économiques et sociaux (Marc Michel, 1985)

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Bobo-Dioulasso. Les indigènes voyagent dans le train,
Haute-Vota (1930/1960)


la colonisation française

en Afrique noire :

aspects économiques et sociaux

Marc MICHEL (1985)

 

"Le mouvement colonial français représente le stade suprême, non du capitalisme français, mais du nationalisme français", ont pu écrire Christopher Andrew et Sydney Kanya-Forstner dans un raccourci provocant et iconoclaste (1). Les travaux les plus récents sur l'Empire colonial français dans son ensemble paraissent leur donner largement raison (2). A fortiori en ce qui concerne l'Afrique noire française dont l'importance, l'utilité et la rentabilité économiques ne se sont révélées que tardivement dans ses relations avec la métropole et avec le monde.

D'ailleurs, longtemps confinée dans l'offre de ses hommes, l'Afrique noire n'acquit nullement une position de force lorsqu'elle remplaça, au XIXe siècle, les hommes par des produits qui, après tout, ne jouèrent qu'un rôle marginal dans la Révolution industrielle, pas plus que ses marchés, supposés extraordinaires, ne constituèrent des débouchés réellement décisifs. L'Afrique noire, comme le Tiers-Monde dont elle est tout de même une composante géographique essentielle, ne serait pas sortie de cette situation avant le début des années 1950 (3).

Les possessions françaises qui y étaient peu peuplées et peu favorisées malgré leur gigantisme ne pouvaient échapper à ces conditions générales, même si elles nouèrent progressivement des liens privilégiés maintenus au-delà des indépendances.

 

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Manoka. Société Nationale Camerounaise (SNC). Locomoteur
à moteur diesel sur voie de 0,60 m.
Exploitation forestière.
(1919/1945)
source : base Ulysse, Caom

 

Aussi, doit-on remarquer l'extraordinaire continuité du discours officiel de la colonisation à la décolonisation, de la "mise en valeur" au "développement", de Leroy-Beaulieu en 1891 à Albert Sarraut [photo] enAlbert_Sarraut 1923 et à René Pleven en 1944 (4). C'est la litanie du "non-développement" auquel il faudrait remédier par un effort de bonne volonté de la métropole, l'engagement de ses capitalistes et l'initiative de l'État. Très longtemps les réalités correspondirent au constat d'échec. En 1914, même si l'Empire était bien devenu le troisième partenaire commercial de la France, les colonies d'Afrique noire, elles, n'étaient pas sorties de "l'âge du comptoir", et plus de trente ans après les débuts de la "course au clocher", elles n'occupaient encore qu'une place dérisoire dans les échanges et les investissements de la métropole (5). Il ne faut donc pas s'étonner de la faiblesse, voire de l'inexistence des réalisations (ports, chemins de fer, pistes...) à la veille de la Première Guerre mondiale. Les années 1920 furent, certes, marquées par un élan de l'effort public des gouvernements locaux (puisque la métropole s'était dérobée) et de l'action privée. Fut-il brisé ou "remodelé" par la Crise (6) ?

Celle-ci eut, en effet, des conséquences à longue portée ; elle relança l'initiative de l'État métropolitain, réorienta les investissements et souda économiquement, monétairement les colonies françaises d'Afrique noire à la métropole en vue de l'établissement de ce que Sarraut appela "l'autarchie" (7). En ce sens, la crise préluda aux grandes mesures de l'après Seconde Guerre mondiale qui tendirent tout à la fois à renforcer le "bloc franco-africain" dans l'Union française et à associer les "territoires" d'Afrique et de Madagascar à une Europe reconstruite, où la France serait ainsi affermie. Dans ces conditions, la décolonisation acceptée et négociée à la fin des années 1950 fut assortie d'une véritable politique compensatoire destinée à garantir l'intégration de l'Afrique francophone dans le monde occidental (8).

 

"mission civilisatrice" et "coopération"

Un autre leit-motiv du discours officiel fut celui de l'Homme, celui de la "mission civilisatrice de la France", du "progrès" à la "coopération", là aussi un langage décelable depuis Leroy-Beaulieu jusqu'à Sarraut et de Sarraut au général De Gaulle à Brazzaville et à Georges pompidou définissant les principes de la "coopération" en 1964 (9). Que de bonnes intentions ! Et que de lenteurs, dira-t-on, dans les réalisations si l'on en juge par l'état de l'enseignement en 1919 (10) ou de la santé en 1939 (11).

Profitant de l'acquis, tout de même considérable, et d'une évolution qui fut peut-être moins affectée par la guerre qu'on ne serait porté à le croire, aiguillonnés par l'extérieur, sincèrement persuadés de la nécessité de changer les choses et convaincus de l'avenir de "l'association", les responsables d'après 1945 entraînèrent la France dans l'effort qu'elle n'avait pas effectuée jusque-là. Cela n'alla pas sans mal car beaucoup partagèrent vite la conviction qu'il valait mieux choisir "la Corrèze que le Zambèze", parodiant ainsi la retentissante prise de position de Raymond Cartier en 1956. En tout cas, les responsables métropolitains firent alors de l'Afrique noire francophone le lieu privilégié de l'aide au développement et les réalisations progressèrent effectivement à un rythme particulièrement accéléré dans les années 1950. On ne peut que remarquer que cet ultime effort "colonial" se fit en pleine décolonisation.

Au cœur de cette transformation du tissu social se posait la question fondamentale des fins dernières de la colonisation française en Afrique noire. On peut se demander, à cet égard, à partir de quand et comment elle s'était posée clairement. "La suzeraineté européenne ne devra pas être temporaire dans la majeure partie de l'Afrique" et "toutes les colonies ne sont pas destinées à s'émanciper", croyait Leroy-Beaulieu en 1891. Avait-on changé d'avis après la première Guerre mondiale ? Révéler l'indigène à lui-même, "c'est là une fin véritable de notre venue en ces pays", affirmait le gouverneur général Carde en 1930. Ce fut aussi le langage de Brazzaville en 1944 : acheminer les populations africaines vers l'accomplissement de leur "personnalité propre". En réalité, le discours officiel français à l'égard de l'Afrique noire fut une variation continuelle sur les thèmes de l'assimilation et de l'association qui masqua jusqu'au bout un esprit d'intégration que René Pleven reconnaissant à Brazzaville en soulignant que la préoccupation constante de cette conférence était "l'incorporation des masses indigènes dans le monde français".

 

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30 janvier 1944, discours de De Gaulle à Brazzaville ;
à gauche, René Pleven

Cette attitude qui imbriquait les dimensions du culturel et du politique, dut, par la force des choses, se modifier avec les indépendances. Mais, fondamentalement, elle continua à inspirer la conception officielle des relations avec les pays où s'était forgé "cet art de vivre ensemble, qu'ont créé, au cours d'une histoire qui ne fut pas sans difficultés, les Africains et les Malgaches d'une part, les Français de l'autre" (13).

Alors bien sûr, on se demande quelle fut la réponse africaine à cette solliciation continuelle. Il y eut naturellement un premier temps de résistances, résistances à l'agression physique de la conquête, résistances à l'agression sociale de l'installation de l'État colonial. Mais, elles eurent aussi, naturellement, leur correspondance dans une collaboration dont les dimensions et la signification socio-culturelle furent peut-être plus importantes encore pour l'avenir (14). Cette collaboration, dans sa phase assimilationniste, culmina dans doute avec Blaise Diagne (15). À son tour, elle suscita des rejets d'abord intellectuels puis politiques et enfin parfois passionnels mais ces rejets n'ont pas gommé l'imprégnation socio-culturelle - le problème de l'héritage colonial étant, finalement, la mesure entre le rejet et l'adhésion.

Marc Michel, professeur à l'université en Provence
in L'Afrique noire depuis la conférence de Berlin,
publications du Cheam (diff. Documentation française), 1985, p. 121-124.

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- source de la photo-titre : base Ulysse, Caom

_______________________________

(1) Andrew C. et Kanya-Forstner S., "The french Colonial Movement during the Third Republic. The unofficial mind of imperialism, Transactions of the Royal Historical Society, 5th series, vol. 26, 1976, p. 148.
(2) Marseille Jacques, Empire colonial et capitalisme français. Histoire d'un divorce, A. Michel, 1984.
(3) Bairoch Paul, "Le bilan économique du colonialisme, mythes et réalités", in Histoire et sous-développement, éd. par Leiden Center for the History of European Expansion et la Maison des Sciences de l'Homme, Paris, 1980, p. 35-39.
(4) Leroy-Beaulieu Paul, De la colonisation chez les peuples modernes, 3e éd. 1891 ; Sarraut Albert, La mise en valeur des colonies françaises, 1923 ; Discours de René Pleven à l'ouverture de la Conférence Africaine de Brazzaville, le 30 janvier 1944.
(5) Michel Marc, L'Appel à l'Afrique, contributions et réactions à l'effort de guerre en A.O.F. 1914-1918, Publications de la Sorbonne, 1982 ; et Coquery Catherine, "L'économie coloniale en Afrique noire : le financement et la “mise en valeur“, 1900-1940. Méthodes et premiers résultats", in Eighth International Economic Congress, Budapest, 1982, republié dans les Études africaines offertes à Henri Brunschwig, École des Hautes Études en Sciences Sociales, 1982.
(6) L'Afrique et la crise de 1930 (1924-1938), colloque de l'université Paris VII publié par la Revue française d'Histoire d'Outre-Mer, n° 232-233, 3e et 4e trim., 1976.
(7) Marseille J., op. cit., p. 187 et sq ; et Poquin J.-J., Les relations économiques extérieures des pays d'Afrique noire de l'Union française (1925-1955), A. Colin, 1957.
(8) Michel Marc, "La coopération intercoloniale en Afrique noire, 1942-1950 : un néo-colonialisme éclairé ?" in Relations Internationales, n° 34, été 1983, p. 155-171.
(9) Discours sur la coopération prononcé par Georges pompidou, Premier ministre, devant l'Assemblée nationale, 10 juin 1964.
(10) Bouche Denise, L'enseignement dans les territoires française de l'Afrique occcidentale. Mission civilisatrice ou formation d'une élite ? Thèse d'État, Paris, 1974.
(11) Domergue-Cloarec Danielle, La santé en Côte d'Ivoire, 1900-1962. Mythes et réalités, thèse d'État, Poitiers, 1984.
(12) Articles de Raymond Cartier dans Paris-Match en août et septembre 1956. Sur l'opinion, voir Ageron Ch.-Robert, "L'opinion publique face aux problèmes de l'Union française", communication au colloque sur les Prodromes de la décolonisation de l'empire français (1936-1952), 4-5 octobre 1984, Institut d'Histoire du Temps Présent.
(13) Les accords de coopération entre la France et les États africains et malgache d'expression française, La Documentation française, 1964, préface de Jacques Foccart.
(14) Sur les problèmes des "résistances" et des "collaborations", voir en particulier les Études Africaines offertes à Henri Brunschwig, op. cit., 5e partie (articles de Jean Suret-Canale, Chhristophe Wondji et Charles Owana sur l'Afrique francophone) et surtout Brunschwig Henri, Noirs et Blancs dans l'Afrique noire française, Flammarion, Nouvelle bibliothèque scientifique, 1983.
(15) Sur Diagne et les "évolués" assimilationnistes, voir Johnson W.-R., The emergence of Black Politics in Senegal, The Struggle for Power in the Four Communes (1900-1920), Stanford, 1971 ; et Crowder Michael, Senegal, A study in French Assimilation, Methuen, 1967. Sur l'A.E.F., Mbokolo Elikia, "Forces sociales et idéologies dans la décolonisation de l'A.E.F.", in Journal of Africain History, 22 (1981), p. 393-407.

Sur les suites politiques, Benoist Joseph-Roger (de), L'Afrique Occidentale Française de 1944 à 1960, Les Nouvelles Éditions Africaines, 1982.

 

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Boutilimit (Mauritanie), la visite au dispensaire (1930/1960) - source : Caom

 

 

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31 mai 2007

Note au sujet des territoires coloniaux de l'Allemagne (Gérard Molina, 2005)

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Note au sujet

des territoires coloniaux de l'Allemagne

Gérard MOLINA (2005)

 

M. Gérard Molina (Paris) conteste, dans l’article intitulé «Commémorations» (Le Monde diplomatique, mars 2005), la formulation selon laquelle l’Allemagne aurait été «oubliée» en matière de colonies.

L’Allemagne est venue tard à la colonisation, mais, après la conférence de Berlin (1884-1885), elle établit rapidement sa sphère d’influence sur quatre vastes territoires d’Afrique (Togo, Cameroun, Sud-ouest africain et Afrique orientale allemande), ce qui en fit la troisième puissance sur ce continent. C’est le traité de Versailles (1919) qui la jugea «indigne de coloniser» et lui retira tous ses territoires. Il ne s’agit pas ici d’érudition, car l’Afrique servit de laboratoire aux politiques de ségrégation, d’espace vital et d’extermination.

Au début du XXe siècle, les colonies allemandes étaient les seules en Afrique à interdire les mariages entre Blancs et Noirs, y compris les métis chrétiens. C’est dans sa colonie du Sud-ouest africain (l’actuelle Namibie) que l’Allemagne accomplit en 1904-1905 un génocide contre les tribus hereros, qui se rebellaient régulièrement. Après la mise à mort de plus des trois quarts des 70 000 Hereros, les 16 000 survivants ne durent leur salut qu’à l’exil vers d’autres contrées. Quand on connut en métropole l’ordre d’exterminer les Hereros, l’émotion de l’opinion obligea le gouvernement de Berlin à le désavouer, mais c’était trop tard. Une même politique ethnocidaire fut déclenchée contre les Namas, descendants des Khoïkhoï ou «Hottentots».

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Lothar von Trotha

(...) Souligner ces faits ne doit pas conduire à relativiser la singularité de la Shoah, mais montre que celle-ci ne surgit pas comme un événement incompréhensible devant lequel tout essai d’explication serait a priori impossible, voire obscène. Hannah Arendt, très au fait de l’histoire allemande moderne, reconnut explicitement ce lien : «Les premiers à comprendre l’influence décisive de l’expérience sud-africaine furent les leaders de la foule qui, tel Carl Peters, décidèrent qu’ils devaient eux aussi faire partie d’une race de maîtres. Les possessions coloniales africaines offraient le sol le plus fertile à l’épanouissement de ce qui devait devenir l’élite nazie.»

Gérard Molina
agrégé de philosophie
Le Monde Diplomatique
, avril 2005,
page 2 (en ligne)

 

52
Die Kriegsgeschichtliche Abteilung des Großen Generalstabs veröffentlichte 1907 eine umfangreiche Dokumentation über "Die Kämpfe der deutschen Truppen in Südwestafrika", deren 1. Teil dem "Feldzug gegen die Hereros" gewidmet war, während der 2. Teil den "Feldzug gegen die Hottentotten" dokumentierte (Bundesarchiv, Bibliothek).

La guerre des troupes allemandes dans le Sud-Ouest Africain.
L'expédition contre les Hereros
, Berlin, 1906

 

liens

- l'Allemagne et le Sud-Ouest africain, la répression de la révolte des Hereros (en langue allemande)

 

- The Revolt of the Hereros, Jon M. Bridgman, University of California Press, 1981 

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30 mai 2007

Germaine Tillion a 100 ans

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Germaine Tillion séjourna de 1934 à 1940 dans les Aurès



l'ethnologue Germaine Tillion a 100 ans


L'ethnologue Germaine Tillion est née le 30 mai 1907, à Allègre (Haute-Loire). Élève de Marcel Tillion_il__tait_une_foisMauss, elle part sur son conseil et celui de Paul Rivet en Agérie dans le massif des Aurès. Elle y découvre les berbères Chaouïas entre 1934 et 1940 et enquête pour sa thèse d'ethnographie.

Elle rentre en Europe en mai 1940 et, quand l'Occupation commence, rejoint le réseau de Résistance du Musée de l'Homme. Germaine Tillion fut arrêtée en 1942, interrogée puis envoyée à Ravensbrück avec sa mère où elle passa 18 mois.

Elle retourne en Algérie, fin 1954, sollicitée fortement par Louis Massignon. Grâce à ses contacts avec les Algériens, elle joue un rôle dans la crise de 1957, et fonde les Centres sociaux en Algérie. Germaine Tillion invente le terme de «clochardisation» pour désigner la chute vertigineuse du niveau de vie des Algériens, proteste contre la torture et s'affirme favorable à l'indépendance de l'Algérie.


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Germaine Tillion en 1990 (cf. ina.fr)


- biographie de Germaine Tillion sur le site de l'association "Germaine Tillion"

- célébration du centenaire de Germaine Tillion


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Tillion_il__tait_une_fois       Tillion_harem


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bibliographie

- Le harem et les cousins, Seuil, éd. 1982.

- Ravensbrück, Seuil, éd. 1997.

- L'Algérie aurésienne (avec Nancy Wood), éd. de la Martinière, 2001.

- La traversée du mal (avec Jean Lacouture), Arléa, 2004.

- Il était une fois l'ethnographie, Seuil, 2004.

SGE

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- Germaine Tillion, une ethnologue dans le siècle, Christian Bromberger et Tzvetan Todorov, éd. Actes Sud, 2002 (photographies Germaine Tillion).

présentation de l'éditeur

Germaine Tillion est une grande figure du siècle. Engagée dans les plus importants combats du XXe siècle,Tillion_Bromberger_Todorov fondatrice du réseau de résistance du musée de l'Homme, déportée à Ravensbrück avec son amie Geneviève Anthonioz de Gaulle, militante à la Libération avec David Rousset contre les camps de concentration, elle joue un rôle majeur en Algérie avec la création des centres sociaux et intervient vigoureusement avec son ami Camus contre la torture de l'armée française et les attentats du FLN. Jean Lacouture a rappelé dans sa biographie de Germaine Tillion, le témoignage est un combat, les grands moments de sa vie à la traversée du siècle.

Mais il est une autre dimension de Germaine Tillion, encore aujourd'hui bien trop méconnue, c'est son travail d'anthropologue du monde méditerranéen. Tzvetan Todorov, directeur de recherche au CNRS et proche de Germaine Tillion, et Christian Bromberger, anthropologue, professeur à l'université de Provence et spécialiste du monde méditerranéen, nous font découvrir cet autre visage de Germaine Tillion.

À l'occasion de la première Conférence Germaine Tillion d'anthropologie méditerranéenne, qui s'est tenue à Aix-en-Provence en avril 2002, Tzvetan Todorov a écrit ce texte qui présente l'oeuvre-vie de Germaine Tillion. Il nous donne les principales clefs de lecture du travail de Germaine Tillion et nous permet de comprendre l'héritage toujours bien vivant de sa pensée. C'est en effet une figure emblématique du XXe siècle, qui peut nous servir de repère dans ce début de XXIe siècle déjà si plein de bruit et de fureur.

Christian Bromberger nous révèle quant à lui l'immense apport de Germaine Tillion dans la connaissance du monde méditerranéen. Son fameux livre Le Harem et les Cousins est une étape très importante, après Lévi-Strauss et dans une toute autre perspective, pour comprendre les formes de filiation et de parenté propres au monde méditerranéen. Orles travaux de Germaine Tillion, notamment sur le terrain en Algérie et singulièrement dans les Aurès, ont été très largement occultés.
Ce livre d'une centaine de pages, rythmé par des citations originales et inédites de Germaine Tillion, tirées d'un film réalisé par Christian Bromberger, offrira au lecteur non seulement une synthèse de l'œuvre intellectuelle et scientifique de Germaine Tillion, mais également de véritables leçons de sagesse...
Le livre est illustré par une dizaine de photographies inédites de Germaine Tillion, une anthropologue dans la cité.

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Nancy_Wood_couv- Germaine Tillion, une femme-mémoire. D'une Algérie à l'autre, Nancy Wood, éd. Autrement, 2003.








 

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Journal du Dimanche - JDD.fr 30/05/2007 - 18:51

Sarkozy rend hommage à Germaine Tillion

Pour son centième anniversaire, Germaine Tillion a reçu un vibrant hommage de la part de Nicolas Sarkozy. "Je tenais à vous transmettre, en ce jour important, l'affection de la Nation toute entière", a écrit le chef de l'Etat dans une lettre lue mercredi à la Résistante par le conseiller du Président pour la culture et l'audiovisuel, Georges-Marc Benamou. "Vous incarnez véritablement ce que l'on peut appeler le siècle Tillion", a ajouté Nicolas Sarkozy à l'adresse de celle qui fut l'une des fondatrices du "Réseau du Musée de l'Homme", dès l'été 1940. Arrêtée le 13 août 1942 par la police allemande après une trahison, Germaine Tillion a été détenue 14 mois dans la prison de Fresnes, puis déportée à Ravensbrück, d'où elle ramena un témoignage sur la vie dans les camps de concentration nazis. "Sachez, chère  Germaine Tillion, qu'à travers vous, c'est devant une certaine idée de la France que je m'incline aujourd'hui", a conclu le locataire de l'Elysée.

- Vibrant hommage de Nicolas Sarkozy à Germaine Tillion - L'Express

- Actualités : le centième anniversaire de Germaine Tillion

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29 mai 2007

La femme égyptienne vue par les peintres orientalistes

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David Roberts (1796-1864), Ghawazi dansant au Caire

 

La femme égyptienne

vue par les peintres orientalistes

 

Bonjour,

j'ai trouvé votre blog passionnant alors que je faisais des recherches en vue d'un mémoire de recherche intitulé :

"La femme égyptienne vue par les peintres orientalistes d'expression anglaise
(anglais et américains) au XIXe siècle"

sous-titre : "Vision réelle ou idéalisée ?", le tout rédigé en anglais, bien sûr.

J'ai essayé de commander, en vain, les livres Voyageurs et écrivains égyptiens en France au XIXe siècle et L'autre Egypte. Savez-vous où je pourrais me les procurer, d'occasion, si possible, car il semblerait qu'ils ne soient pas réedités ou impossibles à obtenir par mon libraire. Ils sont tout à fait adaptés aux aspects que je souhaite étudier, même s'ils ne sont relatifs qu'à la femme. J'ai déjà beaucoup de livres et de documents venant d'Internet mais je cherche toujours à affiner.

Je vous remercie par avance de l'aide que vous pourriez m'apporter en ce sens.

"Catounet"

 

réponse

Malheureusement, l'ouvrage d'Anouar Louca, Voyageurs et écrivains égyptiens en France au XIXe siècle (1970) qui reprend sa thèse de 1957, est rarement proposé à la vente d'occasion. Il est plus facile de le consulter en bibliothèque, par exemple à la BnF (chercher sa notice). Table des matières de cet ouvrage sur le blog "islam en France".

Autre__gypte__Anouar_Louca_couvPar contre, L'autre Égypte. De Bonaparte à Taha Hussein (rééd. 2006), est accessible à l'achat. Il est édité par l'Institut français d'archéologie orientale du Caire - IFAO.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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     Anouar Louca (1927-2003)

 

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28 mai 2007

Hommages à Claude Liauzu

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23 mai 2008 - Il y a un an, Claude Liauzu disparaissait. Nous honorons sa mémoire et songeons aux siens et à ses amis.



Hommages à Claude Liauzu

 

Plusieurs hommages à Claude Liauzu ont été "postés" sous forme de commentaires à la suite de l'annonce de son décès sur ce blog. Nous les publions ci-dessous.

 

Hommage à Claude

Je n'oublierai jamais le formidable soutien que Claude m'avait apporté dans mon combat (le sien aussi) qui m'opposait au Général Schmitt et le procès des guerres coloniales, de la torture...
Une sentinelle, gardienne des droits de l'homme, au sens le plus profond, nous quitte. Je poursuivrai avec mes moyens cette démarche de dignité qui l'animait.
Avec beaucoup d'émotions

Henri POUILLOT

Posté par Henri POUILLOT, lundi 28 mai 2007 à 09:18

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Disparition de Claude Liauzu

Bonjour,

Je viens d'apprendre ce matin, lundi 28 mai, la disparition brutale de Claude Liauzu.

J'étais en contact avec lui ces jours derniers en tant qu'éditrice chez Armand Colin pour un ouvrage à paraître en octobre. Au-delà de la qualité d'écriture, le sérieux et l'efficacité de cet historien que j'ai déjà eu à plusieurs reprises l'occasion de constater, c'est un homme chaleureux, modeste, enthousiaste et curieux de tout qui nous quitte. Je suis encore pour ma part sous le coup de l'émotion et ne pense pas m'en remettre de sitôt. Les belles personnes ne courent pas les couloirs des maisons d'éditon...

Nous devions nous voir les jours prochains pour déjeuner ensemble car il avait encore d'autres projets à nous faire partager.

Avant de le faire de façon officielle, j'adresse à sa famille mes plus sincères condoléances et partage sa douleur.

2208_1Corinne Ergasse, éditrice chez Armand Colin

Posté par Ergasse Corinne, lundi 28 mai 2007 à 11:10

   

universite_campus_jussieu

histoire

Ancien étudiant à Jussieu, c'est grace au séminaire de Claude (et Américo) que j'ai appris à étudier les mécanismes si complexes du racisme et de la peur de l'autre. Il nous manquera dans ce domaine si négligé en France des études post-coloniales.

Posté par timothée, lundi 28 mai 2007 à 11:55

   

L'Historien-Militant ne meurt pas

J'ai appris par votre site la mort de mon professeur Claude LIAUZU ; je suis l'un de ses étudiants tunisiensmedina_tunis de l'université de Tunis vers les années 70 du dernier siècle ; il était coopérant ; il nous a donné le meilleur de lui-même : pédagogie exemplaire, cours parfaitement structuré et problématique, langue facile, rapports profondéments humains ; il a donné sa thèse d'Etat à l'histoire coloniae de La Tunisie ; il a aimé le pays et ses habitants ; certaines rues de Tunis, certains cafés de la capitale ne lui sont pas étrangers ; il avait une grande familiarité avec cet espace tunisien ; il se situe dans la lignée de ses collègues français comme André NOUSCHI, André RAYMOND, Robert MANTRAN, et les autres aussi ; il a forgé, malgré vents et marées, sa vie d'historien et de militant ; il a grandi dans les difficultés, non seulement personnelles, mais celles des peuples et des pays qu'il a connus et dont il voulait écrire une histoire décolonisée ; il l'a fait avec dignité, conviction et le devoir d'un historien qui n'est pas comme les autres. Sa mort ne peut en aucun cas nous faire oublier Claude LIAUZU, l'Hhmme, l'Historien et le Militant de toutes les grandes causes.

Ahmed JDEY
Historien, Universitaire, Université de Tunis, Tunisie

Posté par Ahmed, lundi 28 mai 2007 à 13:04

   

Hommage à Claude Liauzu

Ancien étudiant de Claude à Paris 7 dans les années 1990, il fut l'un de mes deux directeurs de thèse, puis quelqu'un avec qui j'ai beaucoup travaillé, comme beaucoup ici sans doute, sur les questions de conscience nationale ou sur la guerre et la mémoire. Claude fut pour moi une figure encourageante, une présence nécessaire. C'était une homme chaleureux et un grand historien. Il me manque terriblement.

1039230_property_imageDataArnaud Nanta, historien du Japon, CNRS

Posté par Arnaud Nanta, lundi 28 mai 2007 à 19:35

 

Regrets

J'apprends à New York la mort de notre collègue Claude Liauzu qui fut non seulement historien de la colonisation mais le témoin vigilant des dangereux dérapages racistes, anti-islamiques et populistes de celui qui est aujourd'hui président de la République. Il nous manquera. Je veux dire à sa famille toute ma sympathie.

Valensi_LucetteLucette Valensi, historienne

Posté par Valensi Lucette, lundi 28 mai 2007 à 23:47

 

Il savait rassembler

Ce que j'aimais beaucoup, et dont j'ai bénéficié, une belle qualité rare, qui va nous manquer : il savait rassembler sur des projets inventifs des gens qu'il rencontrait ici ou là, des spécialistes reconnus mais pas seulement : aussi des gens sans importance, que personne n'aurait remarqués, et qui lui paraissaient avoir un petit quelque chose qui valait la peine.
Il avait toujours une idée de livre collectif, de colloque, entre deux pétitions et trois réunions. Il agrégeait des personnalités et des genres hétérogènes, des vieux militants de l'époque des vrais combats anticolonialistes, et des étudiants de licence, des mandarins et des associatifs, des érudits et des pétitionnaires. Il n'avait pas peur de l'hétérogénéïté et au contraire, y puisait le sens de l'action. Tout le monde s'en trouvait bien.
SophieErnstPour moi, il aura été l'ami des années difficiles, dont la générosité m'a aidée à tenir.

Posté par Sophie Ernst, mardi 29 mai 2007 à 21:05

 

parti trop tôt

Etudiante de Claude Liauzu dans les années 74-75,à l'université de Tunis, je tiens à exprimer ma peine profonde pour la perte de cet enseignant qui fut pour beaucoup d'entre nous un guide dans nos premiers pas de recherche. Son engagement pour les causes qu'il croyait justes n'avait pas de limites. On s'en souviendra.

Tunis_11Leila Temime Blili

Posté par LEILA BLILI, samedi 2 juin 2007 à 23:31

un immense regret de ne pas l'avoir connu

C'est un peu paradoxal puisque nous ne nous sommes jamais rencontrés mais la mort de Claude Liauzu m'a beaucoup touchée. Il devait venir à Verdun au Centre mondial de la Paix, en compagnie de Daniel Lefeuvre, pour parler de l'histoire de la colonisation avec des lycéens. Nous nous sommes simplement parlé au téléphone pour préparer cette rencontre, qui n'a pas pu avoir lieu, je comprends maintenant hélas pourquoi. Lors de cette échange, sa chaleur humaine, sa générosité, son ouverture d'esprit et vers les jeunes m'avaient beaucoup impressionnée.
J'aurais vraiment aimé le connaître.
Je le remercie de m'avoir écouté et aidé à préparer ce débat.
visupoch50Je tiens à exprimer à sa famille toutes mes condoléances.

Posté par S. Le Clerre, dimanche 3 juin 2007 à 22:32

Je suis triste

J'ai bien connu Claude et Josette quand nous étions étudiants à Aix. Quand leur premier enfant est né, je lui ai "refilé" la poussette du mien ....(nous étions tous un peu fauchés). Claude m'a souvent vendu Clarté, je me suis inscrite grâce à lui au Mouvement de la Paix, mais il a su ne pas insister pour me faire adhérer au P.C... Je les ai ensuite complétement perdus de vue, mais j'ai suivi "de loin" les actions menées par Claude. En voyant sa photo, je retrouve la "passion" qui animait alors ce garçon, et j'ai du mal à l'imaginer autrement que courant pour défendre ses idées. À Josette, à son fils ainé qui a l'âge du mien, et à ses autres enfants j'adresse l'assurance de toute ma sympathie .

aix050bDanielle Bertrand, agrégée d'histoire .

Posté par DanielleBERTRAND, mardi 5 juin 2007 à 12:13

 

 

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l'historien Claude Liauzu (1940-2007)

 

- diffusion d'une émission de Claude Liauzu sur RFI : 27 mai 2007 (deux fichiers à télécharger)

 

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24 mai 2007

Claude Liauzu est décédé - La colonisation a-t-elle été positive ou négative ? (Claude Liauzu, mars 2007)

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Claude Liauzu est mort


L'historien Claude Liauzu, qui venait de publier Le Dictionnaire de la colonisation française, est décédé mercredi 23 mai au matin, d'une crise cardiaque dans son sommeil.

Nous exprimons à Josette Liauzu, son épouse, notre profonde affliction et notre désarroi devant cette disparition brutale, et l'assurons de nos sentiments affectueux.

Daniel Lefeuvre, Marc Michel, Claire Villemagne, Michel Renard

jeudi 24 mai 2007

_________________________________________________

Avant de prendre sa retraite - il était encore professeur émérite - et d'animer les combats que l'on sait, Claude Liauzu, avait été professeur d'histoire contemporaine à l'université Denis Diderot-Paris VII. Il était né en 1940 à Casablanca et avait enseigné à Tunis comme coopérant.

hommages à Claude Liauzu


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Claude Liauzu, le 8 mai 2007 sur France 24



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- "Tunisie - Le dynamisme d'une société confrontée à la modernité", Le Monde Diplomatique, décembre 1985 (transcrit et posté par "Radical")

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La colonisation a-t-elle été positive

ou négative ?

Claude LIAUZU (mars 2007)


13076076_pLa polémique sur le terme "mise en valeur" dans un dictionnaire (*), est significative du poids des mots et des enjeux que les groupes de mémoires leur attribuent. Ce terme, employé par Sarraut, ministre des Colonies, signifie effort d'infrastructure et d'investissement destiné à la production coloniale. Il a été présenté comme positif par les défenseurs du système et contesté comme conçu exclusivement au profit de la colonisation par ses contempteurs.

Bardés de certitudes, les uns alignent kilomètres de routes et de chemins de fer, mètres cubes de bâtiments, statistiques de la vaccination ; les autres dénoncent les crimes contre l'humanité, l'esclavage, les massacres, la torture, le racisme. La sensibilité de la société est telle que les lois dites mémorielles se multiplient et s'opposent, toutes décidant du vrai et du faux, du juste et de l'injuste, au risque de voir des majorités politiques sujettes à variation changer notre passé à chaque législature. Tel n'est pas l'objet de l'histoire.

Cela ne signifie pas que les historiens se réfugient derrière une impossible neutralité, qu'ils n'aient pas d'opinions ; et celles des auteurs de ce dictionnaire sont diverses, choix délibéré, le seul critère ayant été leur compétence dans leur spécialité. Leur rôle n'est pas de dire le bien ou le mal, il n'est pas de condamner ni de couvrir de lauriers leurs ancêtres, mais de comprendre toute la complexité historique. Confrontés à des sensibilités très différentes, voire opposées, les historiens ne sont pas détenteurs de la Vérité absolue, ils doivent proposer des repères, aider le lecteur à comprendre le passé.

Et ce n'est pas une mince affaire. Il faut écarter la tentation de l'anachronisme qui consiste à juger hier avec les critères d'aujourd'hui. Les supplices subis par les esclaves doivent être étudiés en les comparant avec ceux infligés par l'Inquisition, par les bourreaux de Sa Majesté, par ceux de Chine ou d'Istanbul. L'esclavage a été une pratique courante depuis l'Antiquité et dans la plus grande partie du monde. La question de savoir si telle abomination du passé est un crime contre l'humanité est une question politique, juridique, peut-être morale ou philosophique, mais pas historique. Ce type de jugement, les lois qui l'imposent peuvent avoir des effets pervers en entravant un libre débat scientifique.

À l'opposé de beaucoup d'ouvrages se réclamant d'un anticolonislisme dans l'air du temps - mais anachronique et bien peu éclairant cinquante ans après la fin des grands conflits - ou d'un culte nostalgique du bon vieux temps des colonies, celui-ci a choisi : à l'encontre de trop d'auteurs qui ne disent rien de leur parti pris, il faut préciser le nôtre, ne pas penser à la place du lecteur.

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bâteau en rade de Tamatave (Madagascar), 1940 - source

Ces précautions étant prises, la première évidence, et le premier problème, à expliquer, c'est la certitude partagée par la plupart des contemporains du bien-fondé de l'expansion, la parfaite bonne conscience répandue dans les manuels scolaires depuis Jules Ferry et Lavisse jusqu'à la fin des années 1950. Ce qui est évident aussi, c'est l'amnésie qui a suivi le refoulement de l'événement traumatique des décolonisations, surtout dans la dernière décennie. On n'a pas assez réfléchi à ces variations des mémoires.

Cependant, avec le temps, tout passe, et si l'histoire n'est pas dépassionnée, il n'y a plus d'enjeux politiques directs comme dans les années 1950-1960. Les générations nées après 1962 n'ont pas le même point de vue que celles ayant vécu la période coloniale. Dans les pays indépendants, l'immense majorité de la société, née après le désenchantement qui a suivi les fêtes des indépendances, ne peut plus considérer les nationalismes comme l'ont fait ceux qui ont traversé la "nuit coloniale". Elle est beaucoup plus critique envers eux, envers les pouvoirs qui en sont issus.

Cette situation incite à prêter attention à des réalités négligées, à ne plus se limiter à la période attribuée à la "grande histoire" des nations. Les États sont dans leur rôle quand ils se dotent d'une politique publique de la mémoire, mais la mondialisation qui va s'accélérant rend beaucoup plus sensible aux interdépendances avant que la colonisation accélère le maillage du monde. Cet immense phénomène, où l'expansion coloniale a joué un rôle moteur, est au coeur de ce livre, car c'est la principale question posée par cinq siècles d'histoire, pour ne pas remonter au-delà de 1492.

Claude Liauzu, "La colonisation en questions",
in Dictionnaire de la colonisation française,
Larousse, mars 2007, p. 13-15.


(*) En septembre 2006, Le Petit Robert a été attaqué pour sa définition de la colonisation.


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Histoire de France, cours élémentaire, 1969 (E. Pradel et M. Vincent, éd. Sudel)


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