Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité

études-coloniales

7 octobre 2007

Changer le regard sur l'immigration (Jacques Toubon)

Diapositive1

 

Changer le regard sur l'immigration

Jacques TOUBON

ancien ministre et président de la Cité nationale de l'immigration

 

 

Le Monde, 6 octobre 2007

Conçue sous la gauche, décidée par Jacques Chirac, la Cité nationale de l'histoire de l'immigration ouvre enfin ses portes. Comment expliquer que ce projet ait mis tant de temps à se concrétiser et ait été finalement réalisé par la droite ?
28198Jacques Toubon
- Entre le moment où la décision de créer la Cité a été prise - au début du quinquennat de Jacques Chirac -, et celui de son ouverture, il s'est seulement déroulé quatre ans et demi. Une période relativement courte, finalement, pour une institution inédite. C'est la maturation de l'idée qui a été longue : lancée il y a vingt ans par des historiens et des militants, elle a effectivement connu un sort indifférent pendant les années 1980-1990.

 


il y a encore à gauche une confusion entre esclavage,

colonisation et immigration

Durant toute cette période, l'accent était davantage mis sur la différenciation, le droit à la différence, que sur la démarche d'intégration, qui caractérise le modèle français. Le meilleur exemple est la proposition faite par Lionel Jospin, ministre de l'éducation, de développer un enseignement des langues d'origine. Cette idée était intellectuellement contraire à celle de raconter une histoire de la France reconnaissant la place déterminante de l'immigration dans la construction collective. C'est à partir de la campagne présidentielle de 2002 et la réélection de Jacques Chirac que l'intégration a été remise à l'honneur, sur l'idée que l'immigration était un phénomène durable et incontournable, qu'il fallait travailler sur l'intégration de ceux qui arrivent comme de ceux qui sont déjà là, que notre société était une société de diversité, et que cette diversité devait être prise en compte sans que notre modèle d'intégration, universaliste et égalitaire, ne soit remis en cause.
La gauche, si elle avait été au pouvoir, aurait-elle mené à bien ce projet ? Je n'en suis pas si sûr. Car il y a encore à gauche une confusion entre esclavage, colonisation et immigration. Et cette confusion est un obstacle à la réalisation d'un tel projet.

Ce projet est-il encore porté, soutenu par le pouvoir actuel ? Le jour de son ouverture, la Cité ne sera pas officiellement inaugurée, ni par Nicolas Sarkozy ni par le ministre de l'immigration, Brice Hortefeux.
Jacques Toubon
- Ma préoccupation, ma priorité est d'ouvrir la Cité, de la faire vivre. En faire un événement20040820_interv_toubon_1 politique m'importe peu. Mon souhait est que la Cité accrédite son propre message et qu'on ne lui en impose pas un. L'histoire a une force en elle-même qu'il faut absolument protéger. Ce faisant, quelle que soit l'apparence du discours politique aujourd'hui, je ne pense pas qu'ait disparu cette idée que la France est une société de diversité. Il est certain que le discours actuel insiste davantage sur l'idée de fermeture que sur celle d'ouverture. À entendre Nicolas Sarkozy devant les Nations unies, il semble néanmoins qu'il y ait davantage une continuité qu'une rupture avec les années Chirac, sur tous ces sujets concernant les valeurs fondamentales. En tout cas, depuis l'installation du nouveau gouvernement, je n'ai rencontré aucune difficulté, ni explicitement ni implicitement.

N'est-il cependant pas surprenant que l'Institut d'études sur l'immigration et l'intégration soit créé au sein du Haut Conseil à l'intégration au moment où on lance la Cité ?
Jacques Toubon - Ce n'est pas très judicieux. Mais cela ne change en rien notre vocation et notre message. 01_salla_dioramaLa Cité travaille sur une matière beaucoup plus précise : les faits historiques. Ce nouvel institut a, lui, plus vocation, pour ce que j'en sais, à travailler sur la philosophie et les idées.

N'y a-t-il pas contradiction entre l'ouverture de ce musée, qui signe la reconnaissance de l'apport de l'immigration dans l'histoire, et la politique actuelle, qui semble davantage stigmatiser l'immigré qu'en souligner l'apport ?
Jacques Toubon - Très franchement, non. Je ne crois pas que la politique de Nicolas Sarkozy et de ce gouvernement rompe avec les principes républicains, en particulier avec le principe d'intégration. L'identité française qui est aujourd'hui mise en avant est une identité non pas essentielle, mais une identité construite. L'identité que nous présentons à la Cité est celle d'une France, d'une civilisation qui a fait son miel de cultures, de religions, de modes de vie différents, et ce depuis au moins deux siècles. Ainsi, je ne pense pas du tout que notre projet soit mis en cause par la mise en avant de l'identité française. C'est en ce sens que j'ai toujours dit aux historiens travaillant avec moi qu'il ne fallait pas s'arrêter aux mots.

Leur démission au printemps pour dénoncer l'amalgame entre immigration et identité nationale vous a-t-elle surpris ?
Jacques Toubon - Je comprends que l'on puisse réagir à la conjonction, au "choc" des mots immigration et identité nationale. Car cette collision peut effectivement faire référence à des périodes historiques et à des idéologies d'exclusion. Leur réaction s'explique, mais elle est politique. La meilleure réponse qui soit à cette collision des mots, c'est la Cité elle-même, car elle repose sur un ensemble de faits historiques,item_img_big_817_fr_chantier_2 scientifiques. La Cité apporte au débat, mais elle n'est pas dans le débat politique.

Ce qu'elle symbolise n'est-il pas toutefois contradictoire avec le souhait du chef de l'État d'instaurer des quotas d'entrées par nationalité ?
Jacques Toubon - Je ne crois pas. Je ne récuse pas, sur le principe, l'idée de contingents professionnels et régionaux. Je préfère le terme de contingent à celui de quotas, qui sous-tend une idée de proportion. Simplement, une telle politique ne peut être conçue et conduite au niveau d'un seul État. La construction d'une politique européenne de l'immigration légale sera un des thèmes de la future présidence française de l'Union européenne. Dans ce cadre-là, au regard des besoins professionnels, mais aussi à l'aune des relations qu'entretient l'Europe avec telle ou telle région du monde, pourraient être définis des contingents, comme le fait le Canada de manière ouverte et démocratique.

N'est-il pas de la responsabilité d'organisations comme l'Union européenne de définir à l'échelle d'un continent ses relations avec le monde, de se comporter en acteur de la mondialisation ? Organiser les flux migratoires, c'est reprendre en main son propre sort. En matière d'immigration aussi, l'Europe doit être acteur. J'ajoute que travailler dans une telle perspective permet de restituer les mouvements migratoires, de voir par exemple que le mouvement de migrants entre l'Afrique du Nord et l'Europe est bien moindre que celui existant entre le Mexique et les Etats-Unis.

item_img_big_671_fr_2ocrobre_07

Que pensez-vous de l'idée de recourir à des tests ADN pour les candidats au regroupement familial ?
Jacques Toubon - Mieux vaudrait en discuter dans un débat sur la bioéthique que lorsque l'on parle d'immigration. Mais il est incontestable qu'aujourd'hui faire famille ne signifie pas simplement engendrer. Et, au-delà des principes, il ne faudrait pas que cela devienne une condition supplémentaire au regroupement familial, supplémentaire et discriminatoire. Une telle disposition pourrait être censurée par le Conseil constitutionnel, non pas tant pour des questions de principe, car après tout juridiquement il est toujours possible d'étendre l'article 16 du code civil, mais parce que cela apparaîtra comme une entrave au regroupement familial, non conforme aux principes définis en 1979 par le Conseil d'État.

Établissement public, la Cité ne risque-t-elle pas de livrer une lecture partielle de l'histoire de l'immigration ?
Jacques Toubon - Non, parce que nous sommes partis du travail des historiens. Tous les textes sont de leur plume. Et autant, sur l'histoire de la colonisation, des divergences existent, autant, sur l'histoire de l'immigration, les chercheurs s'accordent sur l'essentiel. La Cité est une institution culturelle éducative scientifique et civique, au sens où son rôle est d'éveiller la conscience politique des gens. Non par un discours politique mais par la connaissance.
La mission de la Cité est de changer le regard sur l'immigration, d'en faire une question rationnelle et non plus fantasmatique. La question de l'immigration sera toujours débattue mais nous avons besoin d'un débat plus serein.

Que peut être cependant un musée sur l'histoire de l'immigration sans le fleuron des universitaires spécialistes du sujet ?
525895584_102d60fd66Jacques Toubon - Il ne faut pas se leurrer. D'un côté, les historiens mènent l'action en tant que citoyens et ils en ont le droit. Et de l'autre, ils continuent à travailler avec nous. Ils sont à la base de toutes les activités de la Cité. La Cité travaille et continuera à travailler avec le fleuron des universitaires. D'autant qu'à partir de ce fleuron, une des missions de la Cité est d'essaimer, de susciter des initiatives de collectivités locales, de jeunes chercheurs, d'associations, et de leur donner du sens. L'exposition permanente que nous ouvrons le 10 octobre n'est qu'une goutte d'eau au regard du travail qu'il y a à faire, notamment auprès des millions d'élèves et d'étudiants.

Vous êtes-vous inspiré des autres musées du même type existant dans le monde, comme celui d'Ellis Island à New York ?
Jacques Toubon - De mes visites d'Ellis Island ou du Musée de la civilisation à Québec, pour ne citer qu'eux,20040820_interv_toubon_1 j'ai tiré des enseignements sur la scénographie, la muséographie, et notamment l'importance de l'audiovisuel. Ce qui m'a paru essentiel, c'est l'idée de faire du visiteur un "fréquenteur". Des lieux de ce type ne sont pas simplement des musées que l'on visite pour voir des choses, mais ce sont des lieux utiles, répondant à une demande, à un besoin. Des lieux où l'on revient, comme on "fréquente" le café du coin.

Ancien ministre, Jacques Toubon est président
de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration
- propos recueillis par Laetitia Van Eeckhout

 

 

blog

 

- sur la photo de groupe ci-dessus, de gauche à droite : Vincent Viet, Nancy Green, Patrick Weil, Gérard Noiriel, Janine Ponty

- retour à l'accueil

Publicité
Publicité
6 octobre 2007

Contre les manipulations de l’histoire (Sylvie Thénault)

Diapositive1


              

Contre les manipulations de l'histoire

Sylvie THÉNAULT

 

L'Humanité, 5 octobre 2007
Entretien avec Sylvie Thénault, spécialiste de la guerre d’Algérie

La fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie, prévue par la loi du 23 février 2005, sera créée en 2008. Pourquoi critiquez-vous ce projet ?
Sylvie Thénault
- Une fondation pour la mémoire n’est pas une fondation pour l’histoire. Dans un contexte de concurrence mémorielle, nous n’avons pas besoin de travaux destinés à abonder dans le sens des revendications de certaines victimes, contre les autres. Cette fondation est instituée par une loi qui ne rend hommage qu’à une seule catégorie de victimes. Ce ne serait donc pas la mémoire de tous. Ce qu’il faut, au contraire, c’est un apaisement qui passe par des travaux d’histoire indépendants et détachés de toute revendication mémorielle.        

Une reconnaissance officielle des crimes commis durant la guerre d’Algérie contribuerait-elle à cet apaisement ?
Sylvie Thénault - Ce n’est pas certain car les souffrances individuelles pourraient perdurer. Mais cet acte de reconnaissance est nécessaire pour que cesse une politique publique de la mémoire qui, sur la guerre d’Algérie, favorise les victimes du camp de l’Algérie française en oubliant les autres. Je regrette énormément que les débats autour de cette question soient systématiquement disqualifiés, soit par l’usage du mot «repentance», que personne ne soutient, soit par le fait que le chef de l’État algérien instrumentalise cette question à son profit. Je regrette qu’on oublie l’existence de victimes qui souffrent encore.        

Dotée d’un budget, cette fondation pourrait financer des travaux de recherche…
Sylvie Thénault
- Au regard de la pénurie de moyens dans la recherche publique, c’est sans doute là le point le plus grave. Les dotations publiques des laboratoires, allouées sans conditions, sont en diminution. A priori, il n’y aura pas de recrutements au CNRS en 2008. La baisse globale des moyens va aggraver une tendance déjà existante : les chercheurs doivent répondre à des appels d’offres ou solliciter des subventions en dehors de la dotation publique. Dans un tel contexte, les financements qui proviendraient de cette fondation pourraient apparaître une aubaine. À ceci près que c’est une fondation pour la mémoire, pour une certaine mémoire. Ce qui peut faire craindre la définition de critères préjudiciables à l’indépendance des chercheurs.

Que pensez-vous des projets de «musées de la colonisation» promus par des nostalgiques de l’Algérie française ?
Sylvie Thénault - Ils visent à offrir au public une version de l’histoire qui n’est pas du tout validée par les chercheurs. Or le musée, pour la transmission de nos savoirs, est un espace fondamental. Autre problème : ces musées se veulent des centres documentaires. Comme la fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie, cela pose un dilemme aux chercheurs. Faut-il boycotter ces institutions ? Sur ce point, un désaccord existe. De mon point de vue, entrer dans ces institutions, c’est prendre le risque, à son corps défendant, de se transformer en caution.                

Le ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale a annoncé l’inauguration d’un institut de recherche sur l’immigration et l’intégration. Est ce son rôle de superviser des travaux de recherche ?
Sylvie Thénaut  - Pour les promoteurs d’une telle conception, «l’identité nationale» se travaille aussi par le recours à l’histoire. Il est donc logique qu’ils s’intéressent à la recherche. Pour désamorcer toute critique sur l’indépendance de cet institut, ce dernier a été rattaché au Haut Conseil à l’intégration, un organisme préexistant à la création d’un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale et rattaché au premier ministre. Mais, en réalité, cela n’offre aucune garantie d’indépendance.

Que vous inspirent, comme historienne, les usages politiques de l’histoire que multiplie le pouvoir ?
Sylvie Thénaut - Un sentiment contrasté. Je reste convaincue que le passé appartient à tous. Chacun peut s’en saisir et l’utiliser, du militant associatif au chef d’État. D’autant que certaines interventions peuvent être positives. Je pense à la reconnaissance, par Jacques Chirac, en 1995, de la responsabilité de l’État français dans la déportation des juifs, ou encore au vote, en 1999, d’une loi introduisant enfin l’expression «guerre d’Algérie» dans les textes officiels. Vouloir poser une exclusive des historiens sur le passé n’aurait donc pas de sens. Dans le même temps, les historiens, par leurs connaissances et leurs méthodes, ont une légitimité particulière. Cela ne les autorise pas à confisquer le passé. En revanche, ils ont la responsabilité d’être vigilants, d’intervenir lorsque des usages politiques déforment ou manipulent l’histoire pour la mettre au service d’une idéologie.

Entretien réalisé par Rosa Moussaoui
L'Humanité, 5 octobre 2007

   

10772937_p

- retour à l'accueil

5 octobre 2007

Les vérités qui dérangent

Diapositive1

 

guerre d'Algérie

les vérités qui dérangent

Pierre BARON et Georgette ELGEY

 

Comme souvent, les images sont trompeuses. La beauté minérale des paysages du film L'Ennemi intime (tourné au Maroc) contraste cruellement avec l'oppressante réalité des événements.

Nous sommes en 1959. les opérations militaires s'intensifient. Notamment dans les hautes montagnes kabyles. Un décor somptueux, digne d'une descente en enfer. Collective et vertigineuse. Un engrenage qui aura raison d'un régime, la IVe République, et qui laissera des deux côtés de la Méditerranée des blessures toujours ouvertes photo_L_Ennemi_intime_2007_11presque cinquante ans plus tard. Contrairement aux poilus de la Grande Guerre qui abreuvaient leur entourage de leurs souvenirs, les combattants français de la guerre d'Algérie ont choisi pendant des décennies de ne pas parler de leur passage sous les armes. Sans doute certains avaient-ils été confrontés à des événements qu'ils ne pouvaient accepter. Sans doute d'autres ne pouvaient-ils supporter le rappel de tant d'efforts finalement inutiles. Puis est venu le temps où témoignages et études affluent. On veut savoir. Et, à tort, on croit trop souvent savoir.

Lorsqu'on interroge les responsables des archives départementales sur les recherches le plus souvent menées par nos concitoyens, on apprend que la guerre d'Algérie figure, avec l'Occupation, comme la période la plus demandée. On peut se dire que, le temps passant, les hommes vieillissant, les plaies auraient fini par se refermer, celles des pieds-noirs, celle des harkis comme celles des indépendantistes. Mais on peut aussi se dire que la part de manipulation, la (haute) dose de contrevérités, de propagande etphoto_L_Ennemi_intime_2007_7 de mensonges d'État à laquelle ont été soumises l'opinion française et la population algérienne ne font rien pour arranger les choses. Image obsolète. Car il y a déjà longtemps que les archives, y compris militaires, se sont ouvertes, et que les historiens qui se sont simplement donné la peine de faire leur métier savent. Et qu'ils le font savoir du reste dans leurs nombreuses publications.

Pour autant les consciences ne sont apaisées. Et pour cause. Démontrer que Jeanne d'Arc n'a jamais été une bergère ou que Vercingétorix fut autant victime des autres tribus gauloises que de César ne dérange pas grande monde. Mais apprendre, faits à l'appui, que la torture n'est pas l'apanage des seuls soldats français, qu'un grand nombre d'appelés n'ont pas entendu un seul coup de feu pendant leur service militaire ou que l'opinion française, y compris ses représentants à l'Assemblée nationale a, de 1954 à 1956, considéré l'affaire algérienne comme une simple photo_L_Ennemi_intime_2007_3succession de faits divers, voilà qui fera pousser des cris d'orfraie à tous les tenants de la vérité officielle. À commencer par les plus hauts responsables algériens venus donner des leçons de droits de l'homme aux élus du Palais-Bourbon ou parlant à propos de cette guerre du "génocide commis par les Français". À continuer par certains adeptes de la repentance qui osent affirmer que l'armée française en Algérie a copié le modèle des SS.

Eh bien, non. L'idéologie n'a rien à faire dans ces pages. Celles-ci nous sont dictées par la simple honnêteté intellectuelle, par le simple respect des travaux menés ces dernières années par les historiens et les chercheurs. On peut toujours exploiter jusqu'à la nausée le filon de la repentance. À condition de vouloir démêler le vrai du faux. Pour nous, la sortie en salles (le 3 octobre) du film de Florent-Emilio Siri est enRotman_interview cela une aubaine. Tant elle permet d'éclairer factuellement un certain nombre de thèmes, de balayer des idées reçues, de sortir d'un manichéisme puéril qui a trop longtemps sévi. Comme le dit si judicieusement Patrick Rotman, le scénariste du film : "L'idée de militantisme est une aberration".

L'Ennemi intime, film de guerre ? Non : film sur ce que la guerre fait des hommes, quelle que soit leur cause. En dépit de nos réserves, ce n'est pas là son moindre mérite. Notamment pour les enfants ou les petits-enfants des combattants des deux camps. Cette œuvre nous incite à comprendre ce qui s'est vraiment passé plutôt que de lancer l'anathème ou d'entendre siffler La Marseillaise dans un stade de football, à l'occasion d'une rencontre… amicale.

Pierre Baron
ennemidirecteur de la rédaction d'Historia
Georgette Elgey
membre du comité éditorial

730













 

- retour à l'accueil

4 octobre 2007

L'instrumentalisation des historiens (Paul Schor)

Diapositive1

 

L'instrumentalisation des historiens

est inacceptable

Paul SCHOR

 

Le Monde - 4 octobre 2007 - Point de vue

photo_schorHistorien, spécialiste de l'histoire de l'immigration et des minorités aux États-Unis, je figure sur la liste des chercheurs ayant accepté de participer à l'Institut d'études sur l'immigration et l'intégration et à son "groupe de travail". Cet institut doit être installé au sein du Haut Commissariat à l'intégration (HCI) par le ministre de l'immigration et de l'identité nationale, Brice Hortefeux, le 8 octobre.

Une note technique du HCI donne la liste des membres du "groupe de travail" et fixe les missions de cet institut, présidé par Hélène Carrère d'Encausse, dont on se souvient des propos violemment racistes sur la polygamie. Il s'agit, je cite, de "constituer un guichet unifié des études sur l'immigration et l'intégration donnant des moyens élargis à la recherche et finançant des recherches d'université (...) et de laboratoire ; de déterminer des champs et des sujets pertinents". Plus spécifiquement, le groupe de travail est censé "dégager les grands axes de recherche en cours ou souhaitables et de les soumettre au Conseil scientifique", lequel sera chargé de "valider ou d'orienter les grands axes de recherche et de veiller à la neutralité et à la qualité des recherches qui seront rendues publiques".

Bien qu'une lettre du 19 septembre du HCI accompagnant la note technique indique que cet institut sera indépendant, cet objectif louable semble contredit par cette autre mention : "Cet institut a pour vocation de constituer un guichet unifié rassemblant des chercheurs, des universitaires, des administrations et des entreprises privées qui commanditent des recherches sur ces questions." On ne sait ce que signifie un "guichet unifié" pour la recherche, mais il y a lieu d'être inquiet pour l'indépendance de la recherche sur ces questions.

Au vu des orientations actuelles du ministre de tutelle - qui a provoqué au printemps la démission en bloc des historiens de la Cité de l'immigration -, on ne peut que s'interroger sur la manière dont ce futur institut choisira les recherches à subventionner et sur le sens qui sera donné à la "neutralité et la qualité" de ses recherches. Pour ma part, il est inconcevable, vu certains des noms qui figurent sur cette liste et la façon dont les missions sont définies, de voir le mien y être associé. J'y vois une contradiction directe avec l'indépendance du travail universitaire mais aussi avec les orientations scientifiques et théoriques partagées par la majorité des chercheurs travaillant sur ces questions. Leur travail ne consiste pas à valider le programme sur lequel le gouvernement actuel a été élu ni à ériger de manière officielle avec leur caution scientifique l'immigration en problème pour la société française.

La circulation de ces documents par voie électronique parmi les chercheurs est d'autant plus susceptible de porter atteinte à la réputation scientifique et professionnelle de ceux qui y figurent soit à leur insu soit contre leur gré.

J'ai ainsi eu la désagréable surprise d'apprendre par des collègues choqués ou perplexes que je ferais partie du groupe de travail de cet institut, sans avoir jamais été officiellement sollicité. Il va de soi que si je l'avais été, j'aurais refusé de participer à cette aventure et d'assister à son installation par un ministre pour qui les immigrés sont par définition un problème et une menace pour l'identité nationale de mon pays. La désinvolture du procédé alliée aux inquiétudes soulevées par les missions et la personnalité des dirigeants de cet institut ne peuvent qu'accroître le divorce entre les chercheurs spécialistes de ces questions et un ministre en quête de relais d'opinion à sa botte.

Que mon nom et ma fonction soient utilisés pour légitimer la persécution dont sont aujourd'hui victimes les immigrés dans ce pays me révolte autant en tant que chercheur qu'en tant que citoyen.

Paul Schor
université Paris-X et CENA-EHESS

wall_street_new_york_zoom

 

- retour à l'accueil

3 octobre 2007

Les étrangers en France, 1919-1939 (journée 12 mars 2008 à l'université Paris VIII-Saint-Denis)

Diapositive1



Les étrangers en France, 1919-1939

Journée d’étude

organisée par le département d’histoire de l’Université Paris 8

en partenariat avec la Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration et

l’association Études coloniales


Mercredi 12 mars 2008ext_para_col1_image_69_tres_grand_format_03

Université Paris 8
2, rue de la Liberté, 93526, Saint-Denis,
M° Ligne 13, Saint-Denis Université

Programme

9 h - Introduction : les étrangers en France, quelques données statistiques,
       géographiques et sectorielles
, Daniel Lefeuvre, Université Paris 8

9 h 30 - Les étrangers au travail, Danièle Rousselier-Fraboulet, Université Paris 13

10 h 30 - Immigrants et indépendants. Parcours et contraintes, Claire Zalc, CNRS

11 h 30 - Les travailleurs polonais en France, Janine Ponty, Université de Besançon

12 h 30 - déjeuner

14 h - Les réfugiés politiques en France dans l’entre-deux-guerres, Éric Vial,
         Université de Grenoble

15 h - L’opinion publique et les étrangers en France dans l’entre-deux-guerres,
        Ralph Schor, Université de Nice

16 h - L’État et les étrangers en France dans l’entre-deux-guerres, Vincent Viet, CNRS


- légende photo en haut, à droite : Expulsion de familles polonaises à Leforest (Pas-de-Calais) en 1934.
  © CHM Lewarde
(source)

 

Renseignements et inscriptions : cliquer ici

Diapositive1

- Cité Nationale de l'Histoire de l'Immigration


- retour à l'accueil

Publicité
Publicité
2 octobre 2007

l'Institut d'Études sur l'Immigration et l'Intégration

Diapositive1



Le malaise des historiens

Ils craignent que la recherche sur

l’immigration

ne soit inféodée au pouvoir

Catherine COROLLER


Libération, mardi 2 octobre 2007

Nicolas Sarkozy tente-t-il de créer des think-tank de droite avec des chercheurs à sa botte sur les questions d’immigration et de colonisation ? La prochaine inauguration d’un Institut d’études sur l’immigration et l’intégration et d’une Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de lasimon Tunisie suscitent une forte émotion dans les milieux scientifiques. Une pétition contre la création de l’Institut circule, coordonnée par Patrick Simon [ci-contre], chercheur à l’Institut national d’études démographiques (Ined), et devait être rendue publique la nuit dernière [lire le texte ci-dessous]. D’autres universitaires, dont l’historien Gilles Manceron, réfléchissent à une «prise de position des milieux scientifiques» sur la Fondation.

Point commun entre les deux projets ? «On assiste à une reprise en main de la droite en général et du gouvernement en particulier dans le domaine de la production de recherche sur les questions d’immigration, d’intégration, de mémoire et d’histoire de la colonisation, analyse Patrick Simon. Le gouvernement fonde les décisions qu’il prend sur des diagnostics, et il est important pour lui que ces diagnostics soient partagés par la communauté scientifique.» Or, en matière d’immigration notamment, les chercheurs contestent certains diagnostics gouvernementaux, comme le fait que la France accueillerait plus de migrants que les autres pays.

Le gouvernement lance-t-il la contre-attaque avec ces deux projets ? Concernant la Fondation, il est trop tôt pour le savoir. Certes, la création de cette instance figurait dans la loi de février 2005. Une autre disposition de ce texte, incitant les programmes scolaires à reconnaître le «rôle positif de la présence française outre-mer», avait provoqué une mobilisation du monde de la recherche, contraignant Jacques Chirac à retirer cet article. Mais la Fondation, elle, est restée. Dans un discours prononcé le 25 septembre lors de la 20070405145307_HARKISCérémonie d’hommage national aux harkis, François Fillon a annoncé sa création pour 2008. Pas plus de détails si ce n’est une allusion à des «historiens indépendants». Pour l’Institut, les intentions du gouvernement sont plus précises. Parmi les points qui inquiètent les chercheurs, le fait que cette instance soit créée par le Haut conseil à l’intégration, dont le président est nommé par le Premier ministre. C’est d’ailleurs Brice Hortefeux qui «procédera à [l’]installation officielle» de cet institut, lundi prochain. Autre souci : sa présidente est l’historienne et académicienne Hélène Carrère d’Encausse, qui s’était fait remarquer en associant les émeutes en banlieue de l’automne 2005 et la polygamie. Enfin, des chercheurs figurant dans la liste des membres du Conseil scientifique affirment ne pas avoir donné leur accord. Ainsi, Elikia M’Bokolo, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) ou Paul Schor, maître de conférences à Paris X-Nanterre.

François Guéry, secrétaire général du HCI, ne voit pas où est le problème. «Nous sommes rattachés au Premier ministre, c’est normal qu’il confie l’inauguration de cet institut au ministre qui s’occupe de9782110061218_GF l’intégration». «Les chercheurs sont libres, poursuit-il. «Je n’ai jamais vu un chercheur ne pas être libre». Pour lui, le rôle de l’Institut sera de présenter des préconisations au gouvernement : «On va par exemple regarder comment les immigrés eux-mêmes planifient leur intégration, quel est leur souhait, leur stratégie. Il ne faudrait pas qu’une immigration mal agencée vienne mettre en cause le régime républicain. Il peut y avoir des ennemis de la République qui s’arrogent tous les moyens pour mettre les institutions en danger». La présence de Carrère d’Encausse ? «C’est quelqu’un d’absolument respectable. Certains ont mis en avant des déclarations, mais qui n’en a pas fait ?»

La rentrée des chercheurs s’annonce donc chargée. D’autant qu’ils ont un troisième sujet de BM_20070220161203360préoccupation : l’ouverture, le 10 octobre, de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration. Huit intellectuels avaient démissionné de son Comité d’histoire, avant l’été, pour protester contre la création d’un ministère dont l’intitulé associe «immigration» et «identité nationale». En précisant qu’il ne s’agissait pas d’une remise en cause du projet lui-même, piloté par Jacques Toubon. Ils craignent que la Cité ne pâtisse de ces polémiques, y compris celles entourant le projet de loi Hortefeux sur la maîtrise de l’immigration. Au risque d’ajouter à la confusion, selon eux, la Ligue des droits de l’homme appellerait à une manifestation contre la politique d’immigration de Sarkozy devant la Cité, le jour de l’ouverture. Ces huit chercheurs préparent un communiqué rappelant leur soutien à ce musée.

Catherine Coroller
Libération, 2 octobre 2007


liens

- réactions à cet article sur le forum Libération

- sur le blog d'Yvan Lubraneski, on trouve un texte de protestation signé par Jérôme Valluy, politologue et responsable du réseau terra. Texte passablement ambigu où se mêlent la posture de "résistant" au "racisme sarkozyen" en lutte contre le ministère de l'Intégration et de l'Identité nationale... et l'étonnement de ne pas être appelé par ce même ministère quand il inspire la création d'une instance de réflexion... Attitude qui illustre on ne peut mieux le proverbe arabe : On pleure avec le berger mais on mangerait bien avec le loup...!

Michel Renard

_______________________________________________



Communiqué contre l'Institut

Communiqué au sujet la création
d'un Institut d'Études sur l'Immigration et l'Intégration

Un Institut d'études sur l'immigration et l'intégration vient d'être créé par le Haut Conseil à l'Intégration sous l'égide du Ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du co-développement. Il a vocation, selon ses fondateurs, à être le «guichet unifié» des financements venant des administrations et des entreprises pour les recherches portant sur ces thèmes. De fait, l'institut - dont l'indépendance annoncée n'est assortie d'aucune garantie institutionnelle - est un nouvel instrument de pilotage politique des recherches qui déterminera les «champs et sujets pertinents» sur lesquels engager des travaux scientifiques. Dans un contexte où le discours politique tend de plus en plus à présenter l'immigration comme un danger pour la collectivité nationale, où les législations successives restreignent toujours plus les droits des étrangers, où la rhétorique sur l'intégration sert à occulter les discriminations, nous exprimons les plus vives inquiétudes quant à la création de cet institut :

1. pour la menace qu'il constitue pour la liberté de la recherche sur une thématique aussi sensible, dès lors qu'il prétend devenir le lieu exclusif de contrôle des financements des travaux scientifiques,

2. pour le symbole que représente la nomination à la présidence de son conseil scientifique d'une personnalité dont les propos publics sur les familles africaines ont suscité l'étonnement et l'indignation.

Q'au moment où le gouvernement annonce un accroissement du potentiel de la recherche en France, le choix soit fait de renforcer le pilotage politique du travail scientifique nous semble inacceptable non seulement pour les chercheurs mais aussi pour l'ensemble des citoyens. Nous croyons que la crédibilité de la recherche sur l'immigration, les discriminations ou  la diversité, comme celle de toute recherche, ne peut être assurée que par l'entière liberté de définir les thèmes à aborder et les méthodes à appliquer. Il n'appartient pas à un institut sous tutelle politique de poser les «bonnes questions» auxquelles les chercheurs devront trouver de «bonnes réponses». Engagés depuis des années dans des programmes scientifiques nationaux et internationaux autour de ces questions, nous considérons que la recherche ne peut se développer fructueusement qu'avec l'appui d'institutions publiques indépendantes et pluralistes.

Paris, le 1er octobre 2007

Liste des initiateurs (par ordre alphabétique) :

Marie-Claude Blanc Chaléard, historienne, Université Paris 1
Catherine Coquery-Vidrovitch, historienne,  Université Paris 7
Véronique De Rudder, sociologue, CNRS
Didier Fassin, anthropologue, EHESS
Eric Fassin, sociologue, ENS
Denis Fougère, économiste, CNRS
Nancy Green, historienne, EHESS
Nacira Guénif, sociologue, Université de Paris 13
Nonna Mayer, politiste, CNRS
Pap Ndiaye, historien, EHESS
Gérard Noiriel, historien, EHESS
Catherine Quiminal, anthropologue, Université Diderot-Paris 7
Daniel Sabbagh, politiste, FNSP
Emmanuelle Santelli, sociologue, CNRS
Paul Schor, historien, Université Paris 10
Patrick Simon, socio-démographe, INED
Jocelyne Streiff-Fenart, sociologue, CNRS
Sylvie Thénaud, historienne, CNRS
Vincent Tiberj, politiste, FNSP
Patrick Weil, historien, Université Paris I

Liste des soutiens  (par ordre alphabétique) :

Jean-Loup Amselle, anthropologue, EHESS
Etienne Balibar, philosophe, Université Irvine
Nicolas Bancel, historien, Université de Lausanne
Sophie Bava, sociologue, IRD
Jean-Luc Bonniol, anthropologue, Université d'Aix-Marseille
Nadir Boumaza, géographe, Université Pierre Mendès France, Grenoble
Yael Brinbaum, sociologue, Université de Bourgogne
Stéphanie Condon, géographe, INED
Jocelyne Dakhlia, anthropologue, EHESS
Corinne Davaut, sociologue, doctorante, Université de Paris 8-URMIS
Irène Dos Santos, sociologue, doctorante
Caroline Douki, historienne, Université Paris 8
Stéphane Dufoix, sociologue, Université de Paris X
Mireille Eberhard, sociologue, post-doc INED
Jules Falquet, sociologue, Université Paris 7
Brigitte Fichet, Sociologue, Université Marc Bloch, Strasbourg
Camille Gardesse, sociologue, doctorante IUP
Christelle Hamel, sociologue, INED
Marie-Antoinette Hily, sociologue, CNRS-MIGRINTER
Fanny Jedlicki, sociologue, doctorante URMIS, Université Paris 7
Marie-Thérèse Lanquetin, juriste, Université de Paris X
Jean-Baptiste Leclercq, doctorant URMIS, Université Paris 7
Luc Legoux, démographe, Université de Paris I-IDUP
Françoise Lorcerie, sociologue, CNRS
Eric Macé, sociologue, Université Paris 3
Pierre Merklé, sociologue, Université de Lyon 2
Dominique Meurs, économiste, ERMES
Elise Palomares, sociologue, Université de Rouen
Edmond Préteceille, sociologue, OSC
Christian Poiret, sociologue, Université de Paris 7-URMIS
Janine Ponty, historienne
Philippe Poutignat, sociologue, CNRS-URMIS
Aude Rabaud, sociologue, Université de Prais 7-URMIS
Isabelle Rigoni, sociologue, Université de Poitiers-MIGRINTER
Christian Rinaudo, sociologue, Université de Nice
Valérie Sala Pala, politiste, Université de Clermont-Ferrand
Emmanuelle Sibeud, historienne, Université Paris 8
Roxane Silberman, sociologue, CMH-CNRS
Maryse Tripier, sociologue, Université Paris 7
François Vourc'h, sociologue, CNRS-GRASS
Loïc Waquant, sociologue, Université de Berkeley
Claire Zalc, historienne, ENS-EHESS

_______________________________________________


- à la lecture de cette liste, l'article de Catherine Coroller aurait dû s'appeler "le malaise des sociologues"...

20070531Hortefeux












- retour à l'accueil

30 septembre 2007

Il y a cinquante ans : Albert Camus reçoit le Prix Nobel de littérature… (Benjamin Stora)

Diapositive1



Il y a cinquante ans :

Albert Camus reçoit le Prix Nobel

de littérature…

Benjamin STORA

 

«Je comprends qu’on discute mon œuvre. C’est à moi qu’elle paraît discutable, et en profondeur. Mais je n’ai rien à dire si on fait le procès de ma personne. Toute défense devient ainsi apologie de soi. Et ce qui frappant, c’est cette explosion d’une détestation longtemps réprimée (…) Je ne m’explique pas l’extrême vulgarité de ces attaques. (…) Ces messieurs veulent, appellent, exigent la servitude. Ils seront probablement servis. À leur santé.» (1) 

L’annonce

Le 16 octobre 1957, Albert Camus est attablé au premier étage d’un restaurant du Quartier latin lorsqu’un jeune chasseur vient lui annoncer qu’il a reçu le prix Nobel de littérature. Camus devient pâle, paraît bouleversé et commence à répéter inlassablement qu’il aurait dû aller à André Malraux. Il est vrai que le nom de Malraux avait été suggéré par divers groupements littéraires en France comme en Suède, et avait fait l’objet de nombreuses spéculations ; le Roi de Suède l’avait même reçu lorsqu’il était venu, sous les acclamations, donner une conférence sur Rembrandt à Stockholm. En cette année 1957, d’autres nomsCamus_proteste circulaient, comme ceux de Boris Pasternak, Saint-John Perse ou Samuel Beckett….  qui tous allaient recevoir plus tard le Prix Nobel.

C’est donc Albert Camus, à peine âgé de 44 ans qui aura le plus prestigieux des prix littéraires. L’annonce est un coup de tonnerre, car l’idée généralement admise est que le Prix récompense, couronne une œuvre déjà achevée, une carrière déjà accomplie. Il est vrai que vingt auparavant, Roger Martin du Gard avait été préféré à son aîné et maître André Gide, qui avait dû attendre encore dix ans pour se voir décerner le prix….
Mais Camus n’est le candidat d’aucun groupe extérieur, d’aucune chapelle littéraire. Bien au contraire, il doute de lui à ce moment, il fait aveu de stérilité, ne se croit plus capable de créativité. Il est aussi l’objet d’attaques venant de tous les milieux de droite comme de gauche…

Dans l’Express, François Mauriac fustige son jeune rival qui a pris position contre la peine de mort au moment où éclatent les affaires de torture commises pendant la «Bataille d’Alger» : «Abolir la peine de mort quand on rétablit la torture ? Un peu de logique, voyons, Camus !» (2)  Sur le plan littéraire, il publie un de ses plus beaux livres, L’Exil et le Royaume, et Gaëtan Picon écrit dans la revue Mercure de France en mai 1957 : «Ici nous sommes ramenés à l’entre-deux, à la confusion, au mixte discret de l’existence ordinaire». Le bruit de l’attribution du Prix court pourtant avec insistance… «Quand son éditeur américain, Blanche Knopf, rendit visite à Camus à Paris au mois d’août, au retour de Stockholm, elle lui raconta qu’elle avait entendu mentionner son nom à propos du prix. "Nous en avions tous ri – cela nous paraissait impossible", raconta t-elle plus tard». (3)

Les réactions.
Bien sûr, les réactions sont innombrables dès l’annonce de l’attribution. Pour les milieux conservateurs, Albert Camus n’a jamais hésité sur la question algérienne. Il est, au contraire, un dangereux ami des «rebelles», une sorte de gauchiste dangereux de l’époque. Les milieux proches aujourd’hui des pieds-noirs «ultras» (toujours favorables cinquante ans après l’indépendance algérienne aux thèses de l’Algérie française) ont oublié tout cela, préférant ne retenir que le Camus du silence avant sa mort…. L’hebdomadaire de droite Carrefour, observe qu’habituellement le prix Nobel est acamusldécerné après consultation du ministre des Affaires étrangères du pays concerné, mais que cette fois l’Académie suédoise a délibérément «favorisé un homme de gauche» plutôt qu’un partisan de l’Algérie française. «Quelle étrange et nouvelle forme d’ingérence dans nos affaires intérieures !».

Le commentaire le plus cruel venant de droite est celui d’Arts, où paraît en première page une caricature de Camus en tenue de cow-boy, avec des pistolets en mains, sous ce titre : «En décernant son prix à Camus, le Nobel couronne une œuvre terminée». L’auteur de l’article, Jacques Laurent (rédacteur en chef d’Arts, polémiste de droite et romancier populaire) écrit : «Les académiciens ont prouvé par leur décision qu’ils considéraient Camus comme fini…».
À l’autre extrémité de l’éventail politique, Roger Stéphane, dans France-Observateur, affirme plus ou moins la même chose: «On se demande si Camus n’est pas sur son second versant et si, croyant distinguer un jeune écrivain, l’Académie suédoise n’a pas consacré une précoce sclérose». Roger Stéphane qui avait servi de cible au mépris de Camus, croit tenir maintenant sa revanche. Il voit Camus très au-dessous de Malraux, Camus étant pour lui une sorte de Sartre domestiqué….

Dans Paris-Presse, Pascal Pia déclare que son ancien camarade n’est plus un «homme révolté» mais un «saint laïque» au service d’un humanisme suranné. Et dans l’ancien journal de Camus, Combat, le critique Alain Bosquet note que «les petits pays admirent les parfaits petits penseurs polis». Albert Camus reçoit de la part des communistes dans l’Humanité  une virulente critique, ce qui n’est pas étonnant compte tenu des positions de l’écrivain contre l’invasion soviétique de la Hongrie un an auparavant : «C’est le "philosophe" du mythe de la liberté abstraite. Il est l’écrivain de l’illusion.» (4)

Jean-Paul Sartre y va de sa formule assassine en disant de ce Nobel attribué à Camus : «C’est bien fait !».0002970815 Dans son autobiographie, La force des choses, Simone de Beauvoir écrit : «Devant un vaste public, Camus déclara : «J’aime la Justice, mais je défendrai ma mère avant la justice », ce qui revenait à se ranger du côté des pieds-noirs. La supercherie, c’est qu’il feignait en même temps de se tenir au dessus de la mêlée, fournissant ainsi une caution à ceux qui souhaitent concilier cette guerre et ses méthodes avec l’humanisme bourgeois.» (5)

Saint John Perse écrit : «C’est assez pour le Poète, d’être la mauvaise conscience de son temps.». Henriette Levillain propose de lire cette clausule comme une attaque adressée à Albert Camus (6). En effet, Perse, comme il l’avouait à Claudel dans des lettres datant des années 1940-1950, méprisait l’existentialisme de Sartre et la pensée de Camus, qui amoindrissaient l’homme, et se détournaient de la recherche du divin dans le monde pour se contenter d’en constater l’absurdité. Camus, à qui on avait reproché son silence sur la guerre d’Algérie, serait la «mauvaise conscience de son temps».

La société parisienne de dénigrement, comme la baptise Camus, ignore et ne s’intéresse pas au fait que ce prix Nobel enthousiasme l’Europe tout entière et la jeunesse. «Elle s’adonne à la dérision aux dépens d’un écrivain décrété mineur tandis que tous les dissidents de l’Est explosent de joie. Dans leur presse clandestine, leurs "samizdat" célèbrent le livre qui fut et demeure celui de leur délivrance projetée : L’homme révolté», note Jean Daniel (7).


Lisons à ce propos Milan Kundera parler de Camus, de ce Prix Nobel attribué, des jalousies et des livre_Kun_rideaumesquineries parisiennes, du mépris à l’égard de ses origines sociales, des accusations de vulgarité portées contre cet homme du Sud, de l’Algérie :
«Après l’anathème politique jeté contre lui par Sartre, après le prix Nobel qui lui valut jalousie et haine, Albert Camus se sentait très mal parmi les intellectuels parisiens. On me raconte que ce qui, en plus, le desservait, c’étaient les marques de vulgarité qui s’attachaient à sa personne : les origines pauvres, la mère illettrée ; la condition de pied-noir sympathisant avec d’autres pieds-noirs, gens aux «façons si familières» (si «basses») ; le dilettantisme philosophique de ses essais ; et j’en passe. Lisant les articles dans lesquels ce lynchage a eu lieu, je m’arrête sur ces mots : «Camus est un paysan endimanché. (…) un homme du peuple qui, les gants à la main, le chapeau encore sur la tête, entre pour la première fois dans le salon. Les autres invités se détournent, ils savent à qui ils ont à faire». La métaphore est éloquente : non seulement, il ne savait pas ce qu’il fallait penser (il parlait mal du progrès et sympathisait avec les Français d’Algérie) mais, plus grave, il se comportait mal dans les salons (au sens propre ou figuré) ; il était vulgaire. Il n’y a pas en France de réprobation plus sévère. Réprobation quelquefois justifiée, mais qui frappe aussi le meilleur : Rabelais.» (8)

L’éditeur Gallimard organise le 17 octobre une réception en l’honneur de Camus. Albert Camus arrive de bonne heure pour s’entretenir avec les journalistes, vêtu d’un élégant complet bleu marine à fines rayures, avec une cravate bleu sombre et une chemise blanche. On luimichelgallimard demande comment il a appris la nouvelle. «Avec beaucoup de surprise et de bonne humeur», répond-il.

Son nom avait été mentionné à plusieurs reprises cette année-là, mais il n’avait pas pensé que cela pût vraiment se produire. «Je pensais, en effet, que le prix Nobel devait couronner une œuvre achevée ou du moins, plus avancée que la mienne.» Il déclare également : «Je tiens à dire que si j’avais pris part au vote, j’aurai choisi André Malraux pour qui j’ai beaucoup d’admiration et d’amitié, et qui fut un des maîtres de ma jeunesse.» Plus tard, André Malraux, quoi qu’il ait pensé de l’attribution du prix décerné à Albert Camus, n’hésitera pas à le féliciter et à bien marquer qu’il est sensible aux propos tenus par Camus à son sujet : «Cette réponse nous honore tous les deux.»
Interrogé sur ses projets, il mentionne qu’il se consacre à son nouveau roman, dont le titre provisoire est Le premier homme, qu’il appelle un «roman d’éducation»….. Toujours l’Algérie, le tourment de la guerre et de ses origines, la fidélité aux siens et à la justice pour les «indigènes»….. Son plus beau livre, publié après sa mort.

KatebBenAknounLe 17 octobre, arrive une lettre de Kateb Yacine….

Mon cher compatriote,
Exilés du même royaume nous voici comme deux frères ennemis, drapés dans l’orgueil de la possession renonçante, ayant superbement rejeté l’héritage pour n’avoir pas à le partager. Mais voici que ce bel héritage devient le lieu hanté où sont assassinées jusqu’aux ombres de la Famille ou de la Tribu, selon les deux tranchants de notre Verbe pourtant unique. On crie dans les ruines de Tipasa et du Nadhor. Irons-nous ensemble apaiser le spectre de la discorde, ou bien est-il trop tard ? Verrons-nous à Tipasa et au Nadhor les fossoyeurs de l’ONU déguisés en Juges, puis en Commissaires-priseurs ? Je n’attends pas de réponse précise et ne désire surtout pas que la publicité fasse de notre hypothétique co-existence des échos attendus dans les quotidiens. S’il devait un jour  se réunir en Conseil de Famille, ce serait certainement sans nous. Mais il est (peut-être) urgent de remettre en mouvement les ondes de la Communication, avec l’air de ne pas y toucher qui caractérise les orphelins devant la mère jamais tout à fait morte.
Fraternellement, Kateb Yacine

Le discours
Le 10 décembre 1957, au moment de la clôture des cérémonies des remises des Prix Nobel, Albert Camus prononce un discours magnifique et prophétique sur l’avenir du monde privé de «ses dieux» et «victime d’unediscours_full folle technologie», sur le poids qui pèse sur les générations :
«[…] Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. Héritière d’une histoire corrompue où se mêlent les révolutions déchues, les techniques devenues folles, les dieux morts et les idéologies exténuées, où de médiocres pouvoirs peuvent aujourd’hui tout détruire mais ne savent plus convaincre, où l’intelligence s’est abaissée jusqu’à se faire la servante de la haine et de l’oppression, cette génération a dû, en elle-même et autour d’elle, restaurer, à partir de ses seules négations, un peu de ce qui fait la dignité de vivre ou de mourir. Devant un monde menacé de désintégration, où nos grands inquisiteurs risquent d’établir pour toujours les royaumes de la mort, elle sait qu’elle devrait, dans une sorte de course folle contre la montre, restaurer entre les nations une paix qui ne soit pas celle de la servitude, réconcilier à nouveau travail et culture, et refaire avec tous les hommes une arche d’alliance. […]» (9)

Albert Camus dit que chaque génération, jusqu’à la fin de l’humanité, devra se battre contre l’instauration des «royaumes de la mort». Mais la génération à venir aura surtout à se battre pour éviter que le «monde ne se défasse». Comme Sisyphe, il lui faudra poursuivre l’effort, malgré l’atroce constatation que nous marchons sur les talons de la destruction, de la guerre et des fanatismes aux innombrables visages sous toutes les latitudes, tous points cardinaux confondus. Comment devancer les fléaux qui menacent ?

«Le discours que prononce Camus à Stockholm est d’une si grande importance que l’on pourrait en recommander la lecture, aussitôt après le Premier homme, son roman posthume, à ceux qui veulent s’initier à son œuvre», note justement Jean Daniel. Camus souligne qu’avec lui, c’est un Français d’Algérie qui reçoit cette distinction mondiale. Il veut rappeler que parmi cette population, désignée sous le nom de «pieds-noir» que l’on dit alors constituée de colons aisés et sans scrupules, il peut se trouver des êtres issus des milieux les plus pauvres et capables de faire honneur à l’humanité. Le Camus algérien est entièrement dans ce rappel (ou ce défi) et on l’y retrouve mieux encore que dans la fameuse réplique, d’ailleurs toujours tronquée quand on la cite, qui fut celle de Camus en réponse à des étudiants algériens résidant à Stockholm : «Entre ma mère et la justice, je préférerai toujours ma mère».

m_re_de_Camus
Catherine Sintès, mère de Camus


La polémique

Cette phrase célèbre, «la mère contre la justice», signifiant simplement qu’il redoute que sa mère, modeste femme européenne d’Alger, soit victime des violences qui secouent la ville, le poursuivra jusqu’à sa mort... Cette phrase, passée à une malheureuse postérité, («ma mère contre la justice») n’est pas tout à fait exacte, si l’on en croit les Oeuvres complètes d’Albert Camus (10).

Rendant compte de la conférence de presse donnée par Albert Camus le 13 décembre 1957, Le Monde publiait dans son édition du 14 décembre 1957 l’article suivant :
«Interrogé sur un ton véhément par un jeune Algérien présent, il [Albert Camus] aurait alors répondu : «Je 82n’ai jamais parlé à un Arabe ou à l’un de vos militants comme vous venez de me parler publiquement... Vous êtes pour la démocratie en Algérie, soyez donc démocrate tout de suite et laissez-moi parler... Laissez-moi finir mes phrases, car souvent les phrases ne prennent tout leur sens qu’avec leur fin...» Constamment interrompu par le même personnage, il aurait conclu : «Je me suis tu depuis un an et huit mois, ce qui ne signifie pas que j’aie cessé d’agir. J’ai été et suis toujours partisan d’une Algérie juste, où les deux populations doivent vivre en paix et dans l’égalité. J’ai dit et répété qu’il fallait faire justice au peuple algérien et lui accorder un régime pleinement démocratique, jusqu’à ce que lajeudi_29_novembre_1956_2_ haine de part et d’autre soit devenue telle qu’il n’appartenait plus à un intellectuel d’intervenir, ses déclarations risquant d’aggraver la terreur. Il m’a semblé que mieux vaut attendre jusqu’au moment propice d’unir au lieu de diviser. Je puis vous assurer cependant que vous avez des camarades en vie aujourd’hui grâce à des actions que vous ne connaissez pas. C’est avec une certaine répugnance que je donne ainsi mes raisons en public. J’ai toujours condamné la terreur. Je dois condamner aussi un terrorisme qui s’exerce aveuglément, dans les rues d’Alger par exemple, et qui un jour peut frapper ma mère ou ma famille. Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice.»

Amplifiée par la presse française de gauche, la polémique est énorme. La célèbre réplique de Camus à2020086921 l’étudiant algérien à Stockholm éclipse la réception du prix dans la capitale suédoise. Pendant «La Bataille d’Alger», et durant toute l’année 1957, Albert Camus a suivi avec attention, intensément, différentes «affaires algériennes». À plusieurs reprises, Yves Dechezelles et sa jeune assistante Gisèle Halimi lui demandent son appui pour sauver différents algériens musulmans condamnés à mort. Et, comme le souligne Herbert Lottmann dans sa biographie de Camus, «défendre un musulman accusé de terrorisme constituait un acte de bravoure»… (11)

Mais contrairement à d’autres intellectuels «libéraux» originaires d’Algérie, Albert Camus n’a pas pris de position tranchée sur l’indépendance de l’Algérie. Profondément attaché à sa terre natale, il tente d’adopter un discours plus nuancé, dénonçant les violences commises aussi bien par le FLN (12) que par les forces françaises. De fait, lui qui, dès les années 1930, dénonçait la misère des «indigènes» et l’oppression coloniale et qui était favorable à une décolonisation des esprits, vit comme un véritable déchirement la perspective d’un «divorce» entre l’Algérie et la France, semblant anticiper l’inévitable exode de la population européenne («pied-noire») au sein de laquelle il a grandi. Cela lui est amèrement reproché par les anticolonialistes «radicaux» français aussi bien qu’Algériens, tandis que les ultras le considéraient comme un «traître» favorable à l’indépendance. Ces derniers scandaient «Camus au poteau» lorsque l’écrivain voulut organiser une «trêve civile» en janvier 1956, avec l’accord du FLN et des libéraux d’Alger… (13). Profondément ébranlé par le drame algérien, l’écrivain pressent très vite la profondeur du déchirement entre les deux principales communautés. Il plaide pour le rapprochement, tente d’éviter l’irréparable, dit combien les «deux peuples se ressemblent «dans la pauvreté et une commune fierté» (14).

El_Moujahid

En avril 1957, un lecteur du périodique anglais Encounter écrit à Camus pour lui demander d’expliquer ses positions sur «la campagne française en Algérie». La réponse paraît dans Encounter du mois de juin est un «résumé» des positions adoptées par Camus pendant la guerre d’Algérie. Il s’y déclare favorable à la proclamation par la France de la fin du statut colonial de l’Algérie (avec les deux collèges de vote réduisant les Algériens musulmans à la catégorie de sous-citoyens), à la constitution d’une nation autonome fédérée à la France sur le modèle suisse des cantons (c’était en quelque sorte la position exprimée par Ferhat Abbas après la Seconde Guerre mondiale), qui garantirait les droits des deux populations vivant dans ce pays. Mais il ne peut, explique-t-il aller plus loin. Il ne veut pas s’engager dans un soutien aux maquis algériens, approuver le terrorisme, la violence qui frappe aveuglement les civils, plus d’ailleurs les Musulmans que les Européens. Il ne peut protester contre la répression française déployée pendant la «Bataille d’Alger» et garder le silence  sur la violence exercée par les nationalistes algériens…

Jean Daniel revient sur ce silence et la position de Camus :
«Dans cette affaire algérienne, Camus, si proche en cela d’une Germaine Tillion, toujours "solidaire et solitaire", refuse qu’un écrivain puisse s’exclure de l’histoire de son temps. Mais il en arrive à penser, dès l’apparition du terrorisme et de la répression, qu’une certaine forme d’engagement s’impose. Toute dénonciation de la barbarie de l’un encourage celle de l’autre. Or il refusera toujours que la revanche puisse tenir lieu de justice, que le mal réponde au mal, que la violence soit encore accoucheuse d’histoire et que même Auschwitz puisse jamais justifier Hiroshima» (15).

 

vue_sur_le_village_de_lourmarin
Lourmarin (Vaucluse)

 

Camus, de Lourmarin à Oran. La fin d’un exil ?

Le 12 juin 2005, à Oran s’est tenu le premier colloque en Algérie autour de la grande figure d’Albert Camus. En juin 2007, deux universitaires algériennes, Afifa Berhi et Naget Khadda, écrivent dans l’Introduction d’un recueil d’essais publiés autour de la figure de Camus, et publiés en Algérie :
«Éminemment universelles, la pensée et l’écriture d’Albert Camus sont en même temps passionnément arrimés à la terre d’Algérie. Pourtant l’intelligentsia algérienne, parmi lesquels il comptait bien des amis et de nombreux admirateurs, l’a boudé au lendemain de l’indépendance de l’Algérie. Indexé sur le nœud gordien de la question nationale à un moment où celle-ci se négociait par les armes, le différend, sans avoir été réellement apuré à ce jour, a cependant enregistré au cours de ces dernières années, un recul de la polémique, révélateur d’un apaisement des passions.»

L’écrivain «pied-noir» fait lentement retour dans l’espace public algérien. Celui qui avait été cloué au pilori pour avoir, en pleine guerre d’Algérie, déclaré «préférer sa mère à la justice» parle de plus en plus aux jeunes générations, des deux côtés de la Méditerranée. En mai 2006 le président de la République algérienne, Abdelaziz Bouteflika, déclare que la préférence ainsi donnée par Camus à la mère traduit un sentiment vraiment et profondément algérien…

yasmina_khadraDe nouveaux écrivains se revendiquent ouvertement de son héritage. Ainsi, prisonnier de labyrinthes absurdes, Yasmina Khadra, comme l’auteur de l’Étranger cherche l’explication des destins imperceptibles aux autres. Dans son dernier ouvrage, L’attentat, comme Meursault, l’innocent Amine au bout de son chemin est condamné à mort. «Privé, comme l’écrivait Camus des souvenirs d’une patrie perdue ou de l’espoir d’une terre promise.». Et dans un autre de ses livres, l’écrivain, Khadra, dans les pas de Camus, osait écrire : «Pourquoi faut-il, au crépuscule d’une jeunesse, emprunter à celui du jour ses incendies, puis son deuil ; pourquoi la nostalgie doit-elle avoir un arrière-goût de cendre ?».

 

Résonances

Une grande partie de l’œuvre d’Albert Camus est habitée, hantée, irriguée par l’histoire cruelle et compliquée qui emportera l’Algérie française. Ses écrits rendent un son familier dans le paysage politique et intellectuel d’aujourd’hui. À la fois terriblement «pied-noir», et terriblement algérien, il adopte cette position de proximité et de distance, de familiarité et d’étrangeté avec la terre d’Algérie qui dit une condition de l’homme moderne : une sorte d’exil chez soi, au plus proche. La sensation de se vivre avec des racines, et de n’être ni d’ici, ni de là (17). Lorsqu’on le voit être un étranger chez lui, avec cette présence énigmatique, fantomatique, lointaine des «indigènes» simple figurants fondus dans un décor colonial, cela signale aussi une étrangeté au pays, et à soi-même. Camus est, pour moi, d’abord notre contemporain pour ce rapport très particulier d’étrangeté au monde.

Il est aussi celui qui cherche, qui fouille dans les plis de sa mémoire les commencements d’une tragédie, chrocamusd’une guerre, et décide de n’être pas prisonnier des deux communautés qui se déchirent. Il sera donc un «traître» pour les deux camps. À l’intersection de deux points de vue, ceux qui veulent se réapproprier une terre qui est la leur à l’origine, les Algériens musulmans, et ceux qui considèrent que cette terre leur appartient désormais, les Français d’Algérie, Albert Camus annonce ce que peut être la position d’un intellectuel : dans l’implicationpeste passionnée, ne pas renoncer à la probité, dans l’engagement sincère, se montrer lucide. Ses Chroniques algériennes (1939-1958) révèlent ce regard critique et subtil.

Albert Camus est, enfin, celui qui refuse l’esprit de système et introduit dans l’acte politique le sentiment d’humanité. À ceux qui croient que seule la violence est la grande accoucheuse de l’histoire, il dit que le crime d’hier ne peut autoriser, justifier le crime d’aujourd’hui. Dans son appel pour une Trêve civile, préparée secrètement avec le dirigeant algérien du FLN Abane Ramdane, il écrit en janvier 1956 : «Quelles que soient les origines anciennes et profondes de la tragédie algérienne, un fait demeure : aucune cause ne justifie la mort de l’innocent».  Il pense que la terreur contre des civils n’est pas une arme politique ordinaire, mais détruit à terme le champ politique réel. Dans Les Justes, il fait dire à l’un de ses personnages : «J’ai accepté de tuer pour renverser le despotisme. Mais derrière ce que tu dis, je vois s’annoncer un despotisme, qui, s’il s’installe jamais, fera de moi un assassin alors que j’essaie d’être un justicier».

product_957309Les «années algériennes» de Camus résonnent toujours dans les conflits du présent, de la Tchétchènie au Moyen-Orient. Le tout-militaire affaiblit le politique et installe progressivement dans les sociétés une dangereuse culture de la force, de la guerre. À contre courant de la haine qui se déverse pendant la guerre d’Algérie, Camus a tenté de comprendre pourquoi ce couple, la France et l’Algérie, apparemment soudé, se brise à grands fracas. Y a-t-il jamais eu de l’intimité entre eux ? Il en doute, l’exprime, et se réfugie dans sa «communauté» celle des Européens d’Algérie, comme plusieurs témoignages le laissent penser.

À l’affût des âmes blessées, prenant comme toujours le parti de celui qui crée le trouble, Camus ne cesse d’intriguer. Rapport à la violence, refus du terrorisme, peur de perdre les siens et sa terre, nécessité d’égalité et cécité devant le nationalisme des Algériens : son œuvre apparaît comme un palais dans la brume. Plus le lecteur s’en approche, plus l’édifice se complique sans pour autant perdre sa splendeur.

BStora

Benjamin Stora
dernier ouvrage publié : Les trois exils, juifs d’Algérie, Paris, Ed Stock, 2006.

Stora

 

notes

1) Lettre d’Albert Camus à Francine Camus, 17 septembre 1952.
2) L’Express, 12 juillet 1957. À ce moment, dans un article, «Réflexions sur la guillotine», Albert Camus avait soulevé le problème moral de la peine de mort.

3) Herbert R. Lottman, Albert Camus, Paris, Ed du Seuil, 1978, page 609.4) Alors que Camus se trouvait à Stockholm pour recevoir le prix, la revue de l’Union des écrivains tchèques, Literarni Novini, proclama qu’en décernant le prix à Camus l’Académie suédoise avait rejoint le camp de la guerre froide.
5) Simone de Beauvoir, La force des choses, Paris, Ed Gallimard, 1964, page 406). Saint-John Perse (1945-1960), Une poétique pour l'âge nucléaire, textes réunis par Mireille Sacotte et Henriette Levillain, Paris, Klincksieck, 2005.
7) Jean Daniel, Albert Camus, in Célébrations nationales 2007, Ed. Ministère de la Culture, page 124.
8) Milan Kundera, Le rideau, Paris, Ed Gallimard, 2005, pages 68 et 69.
9)  Albert Camus, Discours de Suède, collection folio, éd. Gallimard, 1958 (1997 avec une postface de Carl Gustav Bjurström).
10) Tome 2 (Essais) des Oeuvres complètes d’Albert Camus, dans la bibliothèque de la Pléiade (4e trimestre 1965, pages 1881-1883).
11) Herbert R. Lottman, op. cit., p. 607. Les témoignages de Gisèle Halimi et Yves Dechezelles que j’ai recueillis vont dans le même sens.
12) Albert Camus condamne ainsi le massacre à Paris des responsables du syndicat impulsé par les messalistes du MNA, commis en septembre et octobre 1957, le moment ou il reçoit le Nobel, ce qui l’isole davantage encore parmi l’intelligentsia engagée aux côtés du FLN.
13)  Le 29 janvier 1956, Albert Camus, en contact avec l’avocat des nationalistes algériens, Yves Dechezelles, organise à Alger une conférence pour promouvoir une «Trêve civile» où les belligérants s’engageraient à respecter les populations civiles. La réunion, à laquelle participe Ferhat Abbas avec l’accord du dirigeant du FLN, Abane Ramdane, ne donna rien. Sur ce sujet, voir le livre de Benjamin Stora et Zakia Daoud, Ferhat Abbas, Paris, Ed Denoël, 1995, Ed Casbah, Alger, 1999. 

14) Dans L’Express du 14 mai 1955. Il s’agit du premier article de presse écrit par Camus depuis de longues années. Cet article marque sa rentrée dans le journalisme actif qu’il avait abandonné après avoir quitté la direction du premier Combat. C’est de Grèce, où il voyage en 1955, qu’Albert Camus inaugure sa collaboration à L’Express.
15) Jean Daniel, Célébrations nationales, art. cit., 2007. De Jean Daniel, voir également, Avec Camus, comment résister à l’air du temps, Paris, Ed Gallimard, 2006, 160 pages.

16) Albert Camus et les Lettres algériennes : l’espace de l’inter discours, en deux tomes, 493 pages, sous la direction de Afifa Berhri, Ed. Université d’Alger, juin 2007.
17) Sur ce point, voir le beau livre de Jean Jacques Gonzales, Camus, l’Exil absolu, Paris, Ed. Le Marteau sans maitre, 2007, 196 p.

LP_noce   LP_caligula

 

lourmarin_0021

 

 

- retour à l'accueil

29 septembre 2007

Il faut dépasser les mémoires pour arriver à l'histoire (Patrick Rotman)

Diapositive1

 

Il faut dépasser les mémoires

pour arriver à l'histoire

Patrick ROTMAN
co-scénariste du film L'Ennemi intime

 

Le Figaro Magazine, samedi 29 septembre 2007

Rotman_interviewLe Figaro Magazine - De quelle manière avez-vous utilisé votre travail documentaire pour écrire le scénario de L'Ennemi intime ?
Patrick Rotman - Il n'était pas question de faire un panorama de la guerre d'Algérie. Il me semblait plus intéressant de la montrer à travers la vie d'un microcosme, d'une petite section, en puisant dans mon vivier de témoignages, d'histoires et d'anecdotes. Le lieutenant Terrien, que joue Benoît Magimel, je l'ai rencontré. C'est un homme brisé, broyé par cette guerre. Quarante ans après, il pleure encore en racontant son histoire. J'avais son visage en tête quand j'écrivais. Ce qui m'a plu, c'est d'aller voir ce qui se cachait derrière les apparences, de montrer le côté profondément humain de ces hommes, leurs souffrances, le sentiment de défaite qu'ils intériorisaient.

Avez-vous songé à une seconde version du film, qui aurait montré cette histoire du point de vue algérien, comme Clint Eatswood avec a bataille d'Iwo Jima ?
Patrick Rotman - Il m'a fallu beaucoup de temps pour entrer dans la complexité de cette guerre, pour me glisser dans la tête d'un soldat français en Algérie et traduire tout cela en mots, en états d'âme, en18783369 situations. Je suis incapable de me mettre à la place d'un jeune Kabyle. À chaque peuple d'écrire son histoire.

Vous avez consacré trente ans de votre vie à la guerre d'Algérie. Pourquoi ce sujet vous passionne-t-il autant ?

Patrick Rotman - Je n'ai aucun lien personnel ou familial particulier avec l'Algérie. Mais cet événement m'a toujours fasciné. En lisant les livres d'Yves Courrière, j'ai senti que ce drame constituait une coupure essentielle dans notre Histoire. Il coïncide avec un changement de République et le retour de De Gaulle aux affaires. Et puis, comme toutes les périodes charnières, c'est un moment d'observation priviliégié pour un scénariste. Les passions sont à vif, les tempéraments se révèlent.

Votre regard sur cette période a-t-il changé ?
Patrick Rotman
 - Il y a trente ans, mon regard était influencé par le contexte idéologique assez simpliste de l'époque. Pour moi, le dernier joyau de l'Empire aspirait naturellement à son indépendance et les Algériens menaient une guerre de libération anticoloniale. Mais cette dimension, juste, est réductrice. en recueillant des centaines de témoignages et en délaissant les schémas idéologiques, je me suis davantage intéressé au rapport des hommes à l'Histoire qui les embarque, les domine. Cette guerre coloniale était aussi une guerre civile, et même une double guerre civile. Ce télescopage de conflits interdit de porter un regard univoque sur l'événement. Il y a tant de mémoires juxtaposées dans cette guerre : les harkis, les pieds-noirs, les Algériens, les combattants du FLN... chacun a sa perception, sa vision. Si on veut essayer de comprendre quelque chose, il faut assimiler, dépasser toutes ces mémoires pour arriver à l'Histoire. Le cinéma le permet.

18779787

 

Je ne comprends pas ce que signifie

la repentance

La manière dont cette guerre est présentée aujourd'hui en Algérie est-elle fidèle à la réalité ?
Patrick Rotman - Les événements historiques sont toujours instrumentalisés ou mythifiés. L'État algérien indépendant s'est construit sur l'idée d'un peuple tout entier dressé derrière le FLN libérateur. Cette mythologie-là a fonctionné et fonctionne toujours en Algérie. La vérité en est évidemment très éloignée. Les atrocités commises par le FLN sont un sujet tabou en Algérie.

Que pensez-vous de ceux qui, en France, utilisent cette tragédie pour réclamer un acte de repentance nationale ?
Patrick Rotman - La repentance relève du domaine religieux et je ne suis pas religieux. C'est commode de s'ériger, cinquante ans après, en grand tribunal de l'Histoire. En revanche, il faut comprendre le comportement des hommes, rechercher la vérité dans toutes ses dimensions. Le climat me semble plus propice aujourd'hui, nous sommes entrés dans le temps deRotman_interview l'Histoire et on peut raconter cette guerre sans déchaîner les passions. Bien sûr que la torture a existé en Algérie, et il faut le dire, tout en rappelant que les Renseignements étaient le nerf de cette guerre. Mais la repentance, je ne comprends pas bien ce que cela signifie.

propos recueillis par Sébastien Le Fol
Le Figaro Magazine, 29 septembre 2007

 

ennemi

 

- retour à l'accueil

25 septembre 2007

Cérémonie d’hommage national aux Harkis

Diapositive1




Cérémonie d'hommage national

aux harkis

discours de François FILLON, Premier ministre,

Invalides, le 25 septembre 2007

 

 

Mesdames et messieurs,

Avec force, avec solennité et émotion, je veux réaffirmer aujourd’hui, au nom du Gouvernement français, la reconnaissance de la Nation envers les Harkis.

Musulmans d’Algérie, ils ont entendu l’appel de la République française, et ils ont pris les armes, aux côtés ou au sein des troupes régulières.

Par fidélité, par loyauté, avec abnégation, ils ont accepté de mener sur leur sol un combat cruel et incertain.

Dans cette guerre masquée, ils se sont déclarés soldats. Ils sont devenus harkis, tirailleurs, spahis, moghaznis [moraznis], assès.

Ils ont rejoint les Groupes mobiles de sécurité, les groupes d’autodéfense, les sections administratives spécialisées.

L’histoire les a dressés contre d’autres hommes qui, la veille, étaient leurs frères.

Dans ce conflit, la République a considéré leur vaillance, leur courage, le dévouement que le sens de l’honneur leur inspirait.

Mais elle a fermé les yeux sur leur jeunesse, leur vulnérabilité, la précarité extrême de leur situation personnelle et familiale, le fardeau d’incertitude que le règlement de la guerre déposait sur leurs épaules et sur celles de leurs descendants.

Trop longtemps, la France a baissé les bras devant l’obligation contractée à l’égard des Harkis. Parce que le sacrifice de leurs biens, de leurs terres, de leurs droits et de leur sécurité, parfois de leurs vies, dépassait toute mesure, elle n’a pas su le reconnaître.

De son impuissance, elle a fait un abandon. Au moment où les Harkis s’en remettaient à elle, elle les a conduits par les chemins de l’oubli vers les camps de transit de Lascours, de Rivesaltes, de Saint-Maurice-l’Ardoise, de La Rye, de Bias, de Bourg-Lastic, de Sainte-Livrade. Elle les a écartés dans une soixantaine de "hameaux forestiers", cantonnés dans les 42 "cités urbaines". Elle a prolongé leur angoisse, leur détresse, leur déchirement.

Depuis 2001, la Journée nationale des Harkis interdit cette démission de la mémoire. Elle célèbre leur fidélité et leur bravoure. Elle aide à honorer cette communauté large, à faire connaître et comprendre la dette que la France lui conserve.

Pour que la France rende aux Harkis ce premier et légitime hommage, pour que la loi du 11 juin 1994 soit votée à l’unanimité au Parlement, il a fallu plus de 30 ans.

Aujourd’hui, nous devons poursuivre sur cette voie. Nous avons besoin d’une réconciliation sincère des mémoires, d’un apaisement véritable des esprits et des coeurs. Une fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie sera créée à cet effet en 2008. Ces questions lui seront confiées. Des historiens indépendants effectueront ce travail.

À cet instant, dans tous les départements français, les Harkis reçoivent un juste hommage, et celui-ci doit rejaillir sur leurs enfants et petits-enfants. Ici, aux Invalides, où résonnent les cris de gloire et de douleur de l’histoire militaire française, c’est l’hommage du Gouvernement que je leur rends devant vous.

Vive la République, vive la France !

source

___________________________

 

harkis

 

Tentes2
tentes dans un camp de harkis en métropole après 1962 (source)

 

HH_Dreux_plaque_2001
Dreux (Eure-et-Loir), plaque d'hommage aux harkis (source)



- retour à l'accueil

23 septembre 2007

Le massacre des tirailleurs sénégalais en mai-juin 1940 (Raffael Scheck)

Diapositive1

 

Le massacre des tirailleurs sénégalais

en mai-juin 1940

un livre de Raffael Scheck (Tallandier)



présentation du livre par l'éditeur

9782847343762FSMai-juin 1940 : s'engouffrant dans la percée réalisée par ses divisions blindées, l'armée allemande déferle sur la France.
Ce Blitzkrieg fulgurant a fait l'objet de nombreux ouvrages d'histoire militaire, qui ont souligné dans l'ensemble le comportement korrekt des troupes allemandes à l'égard des populations civiles et des prisonniers de guerre. C'est oublier pourtant le sort des dizaines de milliers de soldats venus d'Afrique noire pour défendre la métropole contre les armées du Reich. Ils furent des milliers - 1 500 au moins, 3 000 sans doute - à être victimes de massacres, qu'ils aient été fusillés en groupe ou abattus isolément.
Et cela sans compter le traitement discriminatoire et souvent brutal qui leur fut infligé dès leur capture. Dans ce livre sans complaisance, l'historien allemand Raffael Scheck retrace le déroulement de ces crimes de guerre et s'interroge sur leur généalogie, faisant la part des préjugés raciaux contre les Noirs, de la peur des francs-tireurs, de la propagande haineuse des nazis et de la dynamique des combats.
Ces massacres, bien qu'ils soient connus dès le moment de leur perpétration, n'ont fait l'objet d'aucun débat public et d'aucun procès après la guerre. Leur commémoration et la recherche historique à leur sujet sont toujours restées discrètes. Ils donnent pourtant à la campagne de 1940 une dimension inédite : celle d'une guerre raciale, maillon essentiel entre les crimes de la Wehrmacht pendant l'invasion de la Pologne et les atrocités systématiques du front de l'Est.

 

biographie de Raffael Scheck

scheckRAFFAEL SCHECK est professeur d'histoire moderne de l'Europe à Colby College (Maine). Ses recherches ont porté notamment sur la Kriegsmarine et la droite allemande et sur le rôle politique des femmes sous la République de Weimar. Il s'intéresse actuellement au sort des prisonniers de guerre originaires des colonies dans les camps allemands pendant la Seconde Guerre mondiale.

 

 



- Une saison noire. Les massacres de tirailleurs sénégalais, mai-juin 1940, Raffael Scheck, Tallandier, 2007.

______________________________________________

 

 

lentil_2__1
Dédiée aux 18 Tirailleurs sénégalais massacrés
par les SS de la division Totenkopf, cette stèle fut décidée
par un vote du conseil municipal de Lentilly du 5 avril 1942.
Elle fut d’abord érigée sur le lieu principal des exécutions,
au "Valluy". En 2002, elle a été déplacée près de l’église du village
pour être plus visible
(source)

 

plaque_champ
Champagne-au-Mont-d’Or (Rhône), à l’angle de la N 6 et de la rue Louis-Tourte

(source)

 

 

- sur le capitaine Ntchorere, prisonnier fusillé le 7 juin 1940 à Airaines dans la SommeCHARLE43

 

 

- le "tata sénégalais" (cimetière) à Chasselay dans le Rhône

- sur les massacres de Chasselay

SETata












tata

 

- le "Tata" sénégalais de Chasselay dans le Rhône, un film de Patrice Robin et Evelyne Berruezo

 

 

- retour à l'accueil

Publicité
Publicité
études-coloniales
  • Ce site édite une revue en ligne qui encourage les savoirs et les recherches consacrées à l’histoire coloniale et post-coloniale, à l'histoire des constructions mémorielles et des immigrations d’origines coloniales
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Newsletter
469 abonnés
Publicité