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études-coloniales

21 mars 2011

un livre sur le Cameroun (1948-1971) : critique

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 critique du livre Kamerun

Marc MICHEL

 

Thomas DELTOMBE, Manuel DOMERGUE, Jacob TATSITSA, Kamerun ! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique, La Découverte, 2011, 742 pages, index, photos.

À la lecture de cet énorme pavé, on peut être partagé entre l’admiration et l’agacement. Admiration pour le travail d’enquête et le dépouillement d’un  nombre assez extraordinaire de sources, agacement par leur traitement et l’esprit général du livre. Les auteurs (on ne sait pas comment a été distribué le travail) ont entrepris de raconter les évènements dramatiques qui ont secoué la marche vers l’indépendance de l’ancienne colonie allemande, partagée à l’issue de la Première Guerre mondiale en deux «mandats» de type «C», l’un britannique, l’autre français, devenus «territoires sous tutelle internationale», après 1945.

En fait, ils se sont intéressés essentiellement au «Cameroun français » parce que celui-ci fut le théâtre d’un mouvement révolutionnaire incarné par un parti de masse, l’Union des Populations camerounaises, et par un leader mémorable, Ruben Um Nyobe, tué («assassiné», selon les auteurs) au combat, le 13 septembre 1958. Mais sa disparition ne constitua qu’un épilogue provisoire ; la «rébellion», localisée d’abord dans le sud du pays, se prolongea et s’amplifia, plus acharnée, avec des caractères nouveaux, en partie contaminés par du banditisme social et l’exécution des deux derniers leaders importants du mouvement. Selon les auteurs, le système de relations construit au Cameroun durant ces deux décennies des années 1950 et 1960 par la France, avec l’approbation de la communauté internationale, aurait servi de modèle aux autres décolonisations françaises en Afrique noire et constitué un élément fondateur de la Françafrique.

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quelle "chape de silence" ?

Les auteurs prétendent briser la «chape de silence» qui aurait entouré les événements tragiques de cette décolonisation et le manque d’intérêt des  historiens. C’est tout de même faire peu de cas de toute une littérature camerounaise l’ait dénoncée et que nous-même nous y avons consacré des recherches et plusieurs publications dont une dans la Revue française d’Histoire d’Outre-Mer (n° 324-325, 1999, «Une décolonisation confisquée, Perspectives sur la décolonisation du Cameroun sous tutelle de la France, 1955-1960», et dans la revue l’Histoire (n° 318, mars 2007).

En réalité, les auteurs veulent se situer sur un autre terrain, qui n’est pas à proprement parler, celui de l’historien. Ils se situent, en effet, dans la droite lignée du journalisme d’investigation et de dénonciation, à la manière de Pierre Péan et de François-Xavier Verschave, auxquels ils font d’ailleurs directement référence. Ils affectionnent les titres à sensation, à commencer dans le choix du titre général de l’ouvrage Kamerun, (graphie à l’allemande), celui de pratiquement toutes têtes de chapitres («Epilogue pour un massacre», «Au pays des Blancs», «Le Kamerun s’embrase», «traquer et éliminer…»), des sous-chapitres («Coups tordus», «Comme en Algérie, torture, infiltration, internement» etc…, etc…), dans l’emploi de formules choc «Dien Bien Phu, Valmy des peuples colonisés» et les qualificatifs faciles ou insupportables («l’étrange docteur Aujoulat», «le bien nommé René Tiran», «le brave colonel X», «le brave lieutenant X).

 

bilan sinistre mais vision manichéenne

Cependant, si l’on passe sur les excès de la langue militante ou journalistique, et sur le point de vue ouvertement pro-upéciste, cet ouvrage est riche d’informations et débouche sur un bilan très noir pour l’État postcolonial et pro-occidental du Cameroun Le constat est abrupt, et ceux qui ont eu une expérience concrète du pays le partageront au moins en partie.

On ne peut cependant le limiter à la vision manichéenne qu’en donnent les auteurs. On fera observer par exemple que les maux qu’ils dénoncent dans ce Cameroun qu’ils considèrent au mieux comme un État fantoche et policier, ne sont pas du tout spécifiques à ce pays et que, sauf exceptions, tous les régimes postcoloniaux, pro ou anti-occidentaux en Afrique, ont connu les mêmes dérives antidémocratiques : parti unique, dictature, tyrannie, mépris des droits de l’Homme, des libertés individuelles ou collectives, usage immodéré de la force, culte de la personnalité etc., etc., qu’on ne peut pas toujours reconnaître dans ces dérives, la responsabilité des anciennes Puissances coloniales et de leurs manœuvres machiavéliques antérieures.

Que ce soit le Ghana de N’Krumah ou la Guinée de Sékou Touré, classés alors parmi les États «progressistes», soutiens de l’UPC, plus tard le Zimbabwe de Mugabé, ou à l’autre bord, le Zaïre de Mobutu…, sans parler des pays du Maghreb, on doit constater que le «postcolonial» a trahi la démocratie. On fera observer également que la décolonisation française au Cameroun, pour sanglante qu’elle fut, n’a pas atteint le degré de violence qu’ont connu le Kenya dans les années 1950, les colonies portugaises dans les années 1960-70 ou encore le Sud-Ouest africain (Namibie) et la Rhodésie du Sud (Zimbabwe), à la même époque.

 

la répression contre le peuple bamiléké

C’est par rapport au cliché d’une décolonisation «douce» de la France en Afrique noire que le Cameroun fait tache. L’intérêt du livre ne nous parait peut-être pas dans ce procès anachronique, ni même non plus dans la «révélation» de ce que les auteurs considèrent sans doute comme des «scoops», par exemple, l’influence théoricienne du colonel Lacheroy (qui a disparu très vite de la scène politique et militaire), le rôle, également, de ce curieux mouvement de contre-subversion qui s’est appelé Réarmement moral.

Bien sûr, les auteurs s’étendent comme on peut s’y attendre quand il s’agit de Françafrique sur l’infiltration des réseaux, les hommes de Foccart (après 1958), les circonstances (très connues) de l’assassinat de Moumié, à Genève, en 1960. Ils font surtout une part majeure aux actions des militaires instruits en Indochine ou en Algérie… Tout ceci vise, en définitive, à démontrer la complicité criminelle entre le régime gaulliste et le gouvernement potiche (mais infiniment redoutable) d’Ahmadou Ahidjo et à ce que d’autres ont appelé le «génocide» du peuple bamiléké dans l’Ouest-Cameroun, au début des années 1960.

Les auteurs se gardent d’employer le terme et des évaluations chiffrées que beaucoup attendraient, alors qu’à la suite de «témoignages» (invérifiables, ou absurdes), on a parlé de centaines de milliers de morts, 300 000, même 400 000 pour une population comptant environ 3 millions d’âmes. Très prudemment, les auteurs en restent à une fourchette, suffisamment impressionnante, d’un peu plus de 61 000 à un peu plus de 76 000 victimes entre 1956 (début réel de la révolte armée) et 1964 (quasi-achèvement de la rébellion).

 

"guerre cachée" ?

Pour le public qui ignorerait l’histoire, particulière et dramatique de l’indépendance du Cameroun, et s’étonne parfois du ressentiment anti-français qui se manifeste encore souvent aujourd’hui dans ce pays, ce livre apporte un éclairage cru, bien que partisan.

«Guerre cachée», affirment les auteurs. Oui, mais «guerre cachée» tout de même parce qu’elle s’est déroulée en marge de la guerre d’Algérie et qu’elle ne pouvait avoir le même retentissement national en France que cette dernière parce qu’elle a été menée par des militaires de carrière et des contingents eux-mêmes africains. Ses origines remontent loin, voire très loin dans la construction de la colonie elle-même, sujet que ne traite pas le livre, en tout cas, à la Seconde Guerre mondiale et aux émeutes qui, en 1945, secouèrent la capitale économique du pays, Douala ; ces événements sanctionnent effectivement un divorce entre une minorité de colons braqués dans une attitude réactionnaire et raciste d’un côté, de l’autre, des jeunes générations camerounaises.

Mais le divorce ne concerne pas seulement ces «colons de combat» et «les indigènes» ; il apparait aussi entre une Administration coloniale, expression de l’État français et ces élites d’évolués, conscients de la particularité de la situation internationale de leur pays et, apparemment, gagnés par des mots d’ordre apportés par des militants syndicaux et soutenus par la nébuleuse des organisations communistes.

Bien sûr, les auteurs ont raison de souligner l’autonomie d’action et de conception de l’UPC, créée en 1948, par rapport aux organisations communistes de la métropole ; mais on ne peut perdre de vue le poids de la Guerre froide sur la perception par l’administration française et ses alliés camerounais, également par la majorité de la communauté internationale, d’un mouvement qui, en 1955, entre délibérément dans l’action armée. Ses modalités d’action, son vocabulaire, ses slogans, ses méthodes et les soutiens qu’il reçoit à l’extérieur, en métropole et dans le monde communiste, laissent peu de champ à un accommodement et convainquent effectivement qu’il vaut mieux trouver des interlocuteurs moins radicaux.

 

"libération nationale" ou "révolte tribale" ?

Si l’on tente de résumer brièvement les événements, l’UPC, première manière, sous la direction de Ruben Um Nyobe, est vue par l’administration française plutôt qu’un mouvement de libération fondée sur une identité nationale crédible, comme une révolte «tribale» appuyée sur les frustrations d’une partie de la population camerounaise, dans le sud du pays, en pays bassa, et à Douala récupérée par des agitateurs révolutionnaires avec les slogans d’indépendance nationale et de réunification des deux Camerouns. Quand la révolte gagne l’ouest Cameroun, dès 1957, ces objectifs paraissent assez secondaires par rapport à des motivations sociales et politiques beaucoup plus localisées.

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Néanmoins, pour les responsables français, ils constituent aussi un danger dans la mesure où ils sont toujours instrumentalisés par l’UPC en exil qui trouve dans les pays «progressistes» et dans les pays du bloc communiste le seul écho audible à l’extérieur, en particulier à l’ONU. Malgré la mort de Ruben Um Nyobé, il y a bien continuité entre la rébellion upéciste dans le sud et celle de l’ouest des acteurs et des objectifs. Entre temps, la politique française, en l’occurrence le haut-commissaire Messmer, met en place un gouvernement autonome qui, avec Ahidjo, prend à son compte les deux piliers de la revendication upéciste : l’indépendance et la réunification, les «confisquant», en quelque sorte, à l’UPC, avec l’approbation de la France.

Selon les auteurs, dès la première «phase», l’Armée française a joué un rôle politique et militaire majeur, quoique la répartition des rôles entre le haut-commissaire Pierre Messmer, son principal adjoint Daniel Doustin, et le lieutenant-colonel Lamberton, chef des opérations militaires en Sanaga maritime, ne soit pas aussi claire que les auteurs le disent. Par la suite, l’Armée française intervient essentiellement en appui à des forces camerounaises en formation (le statut de mandat puis d’État sous tutelle interdit en principe tout recrutement militaire jusqu’à l’indépendance).

 

les objectifs des auteurs

Néanmoins, démontrent les auteurs, au cours des opérations en pays bamiléké, les forces françaises, proprement militaires et de gendarmerie, ont non seulement participé activement et directement à une répression de masse mais aussi à des actes de barbarie cautionnés par leurs supérieurs.

Toute cette violence visant à assurer le transfert de compétence à un pouvoir à la solde de la Françafrique. Les objectifs des auteurs sont clairs : alimenter une condamnation de la France et provoquer sa repentance dans le dossier, l’emploi de la torture, comme en Algérie, dont ils font la principale accusation à charge. Les réalités locales sont beaucoup plus compliquées et à n’écouter qu’une seule catégorie de voix, à généraliser, à se fier trop souvent à des témoignages et de sources de seconde main, à confondre le discours de l’historien et le discours du polémiste, on peut être amené à des réserves.

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général de Gaulle, avec à sa gauche Louis-Paul Ajoulat,
en visite au Cameroun en mars 1953 (Archives nationales de Yaoundé)

Un exemple : utilisant une source secondaire, les auteurs attribuent au général de Gaulle dans un discours prononcé à Bourges, le 7 mai 1959, une déclaration par lequel celui-ci aurait appelé les «Grands» à aider les faibles de ce monde parce «qu’ils sont des Blancs, des peuples civilisés et que leur devoir est commun» ; en réalité le Général avait dit «leur devoir, puisqu’ils sont les plus riches, les mieux pourvus et les plus forts, leur devoir c’est d’aider les autres, ceux qui sont dépourvus, ceux qui sont sous-développés». Ce n’est pas la même chose.

Ce détail fait peser des soupçons sur la crédibilité des multiples sources secondaires invoquées, souvent placées hors contexte, et pratiquement toutes dans un seul sens, laissant de côté celles qui n’arrangent pas. L’encart de photos est intéressant. On remarque en particulier les terribles photos de têtes coupées, destinées à soulever l’indignation du lecteur ; mais on sait que ces procédés de terreur ont été aussi utilisés par les «rebelles» et la représentation de ces usages horrifiants aurait dû être assortie d’un commentaire faisant appel à l’anthropologie.


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Têtes coupées de combattants nationalistes

La photo a assurément un effet émotionnel assuré. Mais, finalement, on ne sait quelle valeur démonstrative lui attribuer. Cette pratique était courante dans les guerres «traditionnelles», chez de nombreux peuples africains, attestée chez les Baoulé par exemple ou parmi les populations de l’Oubangui, et démontraient la force du vainqueur.

Elle a existé des deux côtés au cours de la guerre en pays bamiléké, comme en témoignent les assassinats à la marchette des deux pères de la Mission de Bafang dont les corps furent retrouvés décapités en novembre 1959. Le mélange entre pratique de guerre ancienne et calculs politiques modernes aurait pu être mieux analysé. La guerre en pays bamiléké dans les années 1960 n’est pas véritablement interrogée, même moins que le commandement français lui-même à l’époque qui voulut se défendre d’entrer dans la répression d’un soulèvement qui dépassait une simple «jacquerie».

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Entraînement des élèves officiers de l’École militaire interarmes du Cameroun,
dans la zone de Koutaba en 1960, sous la supervision d’instructeurs français.
(Archives nationales de Yaoundé)

Les auteurs ne semblent avoir eu pour souci que de démontrer les compromissions des militaires français dans les actions à l’égal de ce qui se passait en Algérie. Les auteurs auraient également pu faire l’économie de nombreux développements hors-sujets ou très connus, qui surchargent inutilement une lecture déjà suffisamment démonstrative. L’existence d’un index et celle d’un appareil de notes conséquent sont des bons points, l’absence d’un catalogue des sources et de la bibliographie est très regrettable.

L’UPC exerce encore la fascination romantique d’un mouvement animé par un idéal patriotique, un chef intègre et charismatique, le Mpodol («porte-parole» en bassa), Ruben Um Nyobe), une lutte dans les «maquis» du Cameroun. L’atmosphère internationale n’est pas ou plus prise en compte, autrement que sur le mode de la mise en accusation de l’Occident et de la défense d’une Francafrique problématique.

Peut-on oublier qu’encore au tournant des années 1960, la subversion communiste était imaginée, à tort ou à raison, comme équivalente à l’islamisme aujourd’hui. Mais les auteurs cherchent moins à analyser l’évolution des forces économiques, sociales et politiques de ce pays «compliqué», reconnaissent-ils, qu’à instruire un procès.

Au total, leur thèse est si lourdement appuyée, les effets si recherchés, les accusations si constamment nominatives et le caractère si polémique, qu’elle n’atteint pas vraiment son but et qu’elle n’est pas toujours convaincante, loin de là. Ceci dit, ce livre est une somme incontournable et un dossier à verser au procès de la France en Afrique. Il ne va pas dans le sens d’une réconciliation ni d’une approche apaisée d’une histoire commune et il est destiné à rouvrir des débats passionnés.

Marc MICHEL
professeur honoraire d'histoire de l'Afrique
à l'université de Provence

 

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- iconographie : les photos sont tirées de l'ouvrage

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15 février 2011

Disparition Audin : débat sur la chaîne LCP

 

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Guerre d'Algérie : l'éternelle déchirure

général Maurice FAIVRE

 

Ce débat diffusé le 12 février par la chaîne LCP a permis de corriger certaines outrances du documentaire sur la disparition de Maurice Audin. Tout n’a pu être dit, l’animateur Benoît Duquesne ayant donné la parole aux six participants de façon inégale ; les correspondants de Maurice Faivre font état d’une évidente préférence pour les cinq partisans de la version de Vidal-Naquet et des thèses anticolonialistes du FLN.

Le réalisateur Demerliac du documentaire a prétendu avoir fait une recherche historique complète, mais il se référait principalement (comme S. Thénault) aux articles du Monde, de l’Express et de l’Humanité, et à des archives ouvertes  de l’Institut d’Études politiques. Les archives de la Commission de Sauvegarde du droit et des libertés, non ouvertes, n’avaient pas été consultées.

Le réalisateur s’est d’autre part référé aux déclarations de madame Audin, dont il a eu raison d’évoquer le courage et la ténacité. On aurait pu rappeler que plus de 2.000 familles françaises éprouvent la même douleur pour leurs disparus en Algérie, jamais retrouvés. Malgré l’admiration de Sylvie Thénault pour la compétence historique de Vidal-Naquet, Maurice Faivre a rappelé que cet historien de la Grèce avait reconnu qu’il n’était pas un historien de l’Algérie, mais un militant politique. Demerliac a finalement confirmé que sa version reposait sur des hypothèses.

Sylvie Thénault, historienne reconnue, compétente sur le maintien de l’ordre public, a réaffirmé sa position sur l’État de droit et condamné l’intervention de l’armée dans la répression des manifestations d’opposition. Elle semble avoir oublié - ou méconnu - que Paul Teitgen, secrétaire général du préfet d’Alger, n’avait pu éliminer le terrorisme qui en 1956-57 faisait des centaines d’attentats (40 à 50 Européens et 300 Musulmans tués chaque mois). Le gouvernement socialiste avait dû faire appel à l’armée pour éradiquer ce terrorisme urbain ; la Cour d’appel d’Aix a admis que Robert Lacoste a choisi de porter secours aux victimes.

Le président Patin contredit la thèse de S. Thénault (1): «la nature du conflit rend très difficile le maintien scrupuleux de la légalité… il serait prématuré de retirer les pouvoirs de police à l’autorité militaire, qui conduit une lutte efficace contre l’organisation militaire clandestine du FLN. La population musulmane a confiance dans l’armée qui la protège». Par la suite, l’unité d’action civilo-militaire s’était révélée seule efficace pour conduire la lutte contre-révolutionnaire. In fine, la rupture de cette unité d’action s’était traduite par une politique de concessions unilatérales. Tout cela n’a pas été dit.

 

des accusations mensongères rejetées par la Cour d'Appel

S. Thénault a par ailleurs reconnu que le FLN, minoritaire dans la population musulmane, s’était imposé par la violence, absolument nécessaire pour les Algériens selon Malika Rahal (2). C’est ce qu’a confirmé Jacques Julliard : «Incapable de provoquer un soulèvement généralisé, le FLN  a eu recours à la terreur et aux atrocités» (Nouvel Obs du 10 mai 2001). Charles Sylvestre a célébré l’appel des douze (3) qui avait suivi la campagne de presse lancée en 2000 par Louisa Ighilariz.  En réalité,  à l’issue d’une longue bataille judiciaire, les accusations mensongères de Pouillot et d’Ighilariz  ont été rejetées par les Cours d’appel de Paris et d’Aix-en-Provence en 2005, confirmées par la Cour de Cassation le 9 janvier 2007.

L’animateur a essayé de faire confirmer par François Pouillot ses aveux d’avoir donné un  coup de main (sic) aux tortionnaires de la villa Sesini. Il n’a pas été difficile à Maurice Faivre de démontrer que Pouillot n’avait pu séjourner dans cette villa en 1961, mettant à mal l’ensemble de son témoignage. Jacques Inrep confirme que tous les acteurs de la guerre d’Algérie n’étaient pas des tortionnaires.

S’agissant de la connaissance des généraux Schmitt et Faivre sur l’affaire Audin, elle est uniquement documentaire ; aucun des deux n’était à Alger au moment de sa disparition. L’objectif du débat étant de provoquer une condamnation du gouvernement et de l’armée de 1957, Maurice Faivre a affirmé qu’une repentance éventuelle ne pourrait être que bilatérale. Le professeur Mandouze, qui collabora avec Vidal-Naquet, l’a reconnu dans ses Mémoires d’outre-siècle ; un autre collaborateur, le philosophe Paul Thibaud considère la guerre d’indépendance algérienne comme un événement tragiquement négatif. Dans ce débat inégal, quelques vérités ont cependant pu être dites.

Maurice Faivre
le 15 février 2011

 

* visionner le débat

1 - Commission de Sauvegarde. Dossiers 3134, 3161. Réf. Maurice Faivre, Conflits d’autorité durant la guerre d’Algérie, L’Harmattan, 2004, pages 62 et 119.
2 - Faisant la biographie d’Ali Boumendjel, Malika Rahal confirme la thèse d’Aussaresses sur l’assassinat de Boumendjel. Cette thèse a été mise en doute par le professeur Richet de la Commission de Sauvegarde, selon lequel Boumendjel a renouvelé une tentative précédente de suicide.
3 - Les douze avaient alors demandé au ministre de la Défense que le général Faivre soit sanctionné pour ses déclarations sur Henri Alleg.

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12 février 2011

un documentaire sur Maurice Audin

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Maurice Audin - la disparition

général Maurice FAIVRE

 

Ce documentaire de François Demerliac produit par «Chaya films et virtuel» a été diffusé une dizaine de fois entre le 19 juillet 2010 et le 13 février 2011 par la chaîne politique Public Sénat. Un débat enregistré le 4 février par Benoît Duquesne et Elise Lucet, intitulé Guerre d’Algérie : l’éternelle déchirure est diffusé le 12 février à 23.00, puis le 13 février à 19.00 et le 20 février à 10.00. Il réunit François Demerliac, Maurice Faivre, François Pouillot, Malika Rahal, Charles Sylvestre (Sylvie Thénault  non citée ?) .

Le documentaire a provoqué des protestations horrifiées de la part des anciens combattants, des rapatriés, harkis  et EMSI qui l’ont vu. C’est en effet un film anti-colonialiste, anti-miltariste, pro-FLN et pour tout dire anti-français. A défaut d’une  recension,  voici un aperçu sur les protagonistes du documentaire :

- Josette Audin, dont le mari a disparu le 21 juin 1957 après avoir été arrêté par les parachutistes le 11 juin, exprime une douleur que l’on comprend. Son mari n’était pas un terroriste, mais un universitaire, propagandiste et militant communiste. La bavure policière (attribuable sans doute à Aussaresses) est évidente, mais l’enquête a été totalement négative. 1 700 Français d’Algérie ont également disparu pendant ce conflit, dont seulement 72 corps ont été retrouvés ; la douleur des familles est comparable, mais n’a fait l’objet d’aucun documentaire (1). Cela explique peut-être que le chef de l’État ne réponde pas aux lettres de madame Audin demandant la condamnation du gouvernement de 1957

- historien de la Grèce et militant contre la guerre d’Algérie, Vidal-Naquet a proposé une thèse (2) sur la mort d’Audin. Il imagine qu’une évasion simulée a été montée par le lieutenant Charbonnier pour camoufler la mort d’Audin sous la torture ; ce n’est qu’une hypothèse pour laquelle il n’apporte aucune preuve. Demerliac semble ignorer les recherches infructueuses effectuées par la Commission de Sauvegarde du droit et des libertés et par le Procureur Reliquet. Michel Debré, premier ministre, a alors estimé que le journal de Vidal-Naquet Vérité-Liberté «devrait être interdit et des perquisitions ordonnées».

- plusieurs avocats  (Braun, Borker, Nicole Dreyfus, Badinter) soutiennent la thèse de Vidal-Naquet et demandent que la vérité soit recherchée par de nouvelles enquêtes. Il faut rappeler que les avocats du FLN sont suivis dans un dossier du premier ministre (3) « les avocats félons »… «ces hommes dont le président Patin n’a cessé de dire qu’ils trahissaient». Nicole Dreyfus se réclame des valeurs de la Révolution française ; celles de Robespierre sont en effet imitées par le FLN ; au XIXe siècle en revanche, les valeurs de la colonisation relèvent d’une idéologie républicaine (V. Hugo, J. Ferry, L. Blum).

- plusieurs témoins (Nallet, Rambaud, Bonnardot, Alleg, Pouillot) font état des tortures, des viols et des exécutions sommaires à grande échelle dont ils ont été témoins ou victimes. Mais suivant les errements de Patrick Rotman, aucun de ces témoignages n’est recoupé. Le cas d’Henri Alleg, en particulier, mérite d’être souligné. Massu affirme (4) qu’Alleg a reçu une paire de giffles de la part du capitaine Faulques. Me Badinter, défenseur de l’Express devant la 17ème Chambre correctionnelle (14 avril 1970), a reconnu que les sévices sur Alleg et Audin ne pouvaient être imputés à Faulques. Quant au professeur Pierre Michaux de la faculté de médecine d’Alger, qui eut à étudier le dossier Alleg, il observe que la plainte a été retirée et il conclut : «Alors de deux choses l'une, ou Alleg a menti et n'a jamais eu de brûlures électriques ou bien, ce qui n'est pas non plus à son honneur, il aurait eu peur d'une simple petite biopsie cutanée pour faire la preuve de l'origine électrique de sa cicatrice». Le pourvoi d’Alleg a d’ailleurs été rejeté par la Cour de Cassation le 10 août 1960.


approximations et erreurs

D’autres approximations ou erreurs historiques, reprises dans le documentaire, doivent être corrigées :

- il n’y avait pas d’apartheid en Algérie, mais un certain complexe de supériorité, tempéré par des relations de confiance employeur-employé, confirmées par l’accueil que les anciens colons reçoivent aujourd’hui en Algérie ;

– la scolarisation, rejetée initialement comme l’école du diable, a notablement prospéré après 1920, pour atteindre 15% en 1954, 40% en 1960 et 68% en 1961 ;

- les pouvoirs spéciaux, votés par le parti communiste le 12 mars 1956, donnaient des pouvoirs de maintien de l’ordre aux autorités civiles (et non militaires) et promouvaient des réformes sociales ; - l’assignation à résidence a été légalisée par la loi sur l’état d’urgence du 3 avril  1955, confirmée par l’Instruction du 7 juillet ;

- la généralisation de la torture a été démentie par les délégués suisses du CICR (plus de 400 rapports) qui estiment son taux à environ 20% des internés ; quant au colonel Trinquier, il était formellement opposé à l’emploi de la torture (témoignages Messmer, professeur Dabezies et général Jacquinet) ;

- la liste des disparus de la bataille d’Alger établie par Paul Teitgen a été démentie par le colonel Godard et mise en doute par l’historien Pervillé ; le ministre Edmond Michelet déplore la déclaration de Teitgen au procès Jeanson, et Michel Debré constate que son récit est mensonger, sa conduite n’est  pas admissible et ses propos non tolérables ;

- à l’audience de 1967 qui reconnaît la mort suspecte de Maurice Audin, Edmond Michelet n’est plus Garde des sceaux depuis six ans ;

- le témoignage de Pouillot sur la villa Sesini en 1961-62 est un faux ; le Commissaire Le Cornec et le commandant d’unité de Pouillot en 1962 (le capitaine  Guy Hardy) le démentent totalement. La diffusion du débat L’éternelle déchirure devrait susciter d’autres commentaires.

Maurice Faivre
le 12 février 2011

 

1 - un film «La valise ou le cercueil» serait en préparation. Souhaitons qu’il bénéficie de la même attention des médias
2 - Pierre Vidal-Naquet, L’affaire Audin, éd. de Minuit, 1958. Sous sa direction, cinq comités publient un  memorandum Audin «Nous accusons», qui dénonce de multiples exactions, tortures, génocides, arrestation d’avocats. Le professeur Richet écrit que certains faits sont douloureux, mais que le memorandum contient des absurdités. Les procureurs étudient le document et concluent : aucune trace, non-lieu, classé sans suite, affaire inconnue. La Justice militaire poursuit cependant quelques affaires
3 - fonds privé Debré 2DE 14-22. Maurice Patin préside la Commission de Sauvegarde du droit et des libertés.
4 - général Massu, La vraie bataille d’Alger, Plon, p. 246. Grâce à cet interrogatoire, le secrétaire du PCA, André Moine, a pu être arrêté et condamné à 20 ans de réclusion pour atteinte à la sûreté de l’État. Amnistié en 1962, il est devenu animateur de la FNACA.

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18 janvier 2011

une kouba en métrople, 1919-2010

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la kouba de Nogent (1919)

reconstruite en 2010 et inaugurée en 2011

Michel RENARD

 

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la kouba dans le carré musulman à Nogent-sur-Marne le 11 novembre 2010


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la kouba dans le carré musulman à Nogent-sur-Marne le 11 novembre 2010

À l'été 2004, aux archives d'Outre-mer, à Aix-en-Provence, poursuivant mes recherches sur la présence musulmane en métropole, j'ai découvert une correspondance entre Émile Piat, consul en région parisienne, responsable des formations sanitaires accueillant des combattants de confession musulmane, et le capitaine Jean Mirante, du service des Affaires indigènes à Alger. Il était question de l'édification d'une kouba en l'honneur des soldats musulmans de l'armée française morts lors de leur séjour à l'hôpital de Nogent-sur-Marne.

J'ai expliqué ici ce qu'était une kouba et les épisodes de cette histoire, l'inauguration du monument en 1919, ainsi que les démarches entreprises pour tenter de la faire reconstruire après son écroulement dans les années 1980. Avec mon ami Daniel Lefeuvre, professeur à l'université Paris-VIII, nous avons multiplié les initiatives (surtout lui ces dernières années) qui ont fini par aboutir après un appui initial du président Nicolas Sarkozy (la Gauche se foutant carrément de cette affaire, bravo les défenseurs des immigrés...!) :

- Appel et souscription pour le reconstitution de la kouba de Nogent-sur-Marne (2007)

- Projet de reconstitution de la kouba (1919) du cimetière de Nogent-sur-Marne (Michel Renard, 2005)

- Versets du Coran sur la kouba de Nogent

- Lettre adressée à Hamlaoui Mekachera (9 mai 2005)

- Lettre adressée à Dalil Boubakeur (10 mai 2005)

- Réponse de Dalil Boubakeur (24 mai 2005)

En 2004, j'avais retrouvé le marbrier, descendant de celui qui avait bâti la kouba, et tout a commencé comme cela. Aujourd'hui, la kouba a été reconstruite.

Elle avait été édifiée à la fin de la Première Guerre mondiale grâce à une conjonction d'initiatives : la politique de gratitude et de reconnaissance de l'institution militaire à l'endroit des soldats venus du domaine colonial, l'empathie d'un consul entreprenant et l'entremise d'un officier des affaires indigènes en poste à Alger, le soutien d'un édile communal et la générosité d'un marbrier. Cette osmose dépasse toute politique d'intérêts au sens étroit.

C'est ce surplus de signification qui en fait un symbole d'une mutuelle reconnaissance qui a toutes raisons d'être rappelée aujourd'hui. C'est aussi cela l'identité nationale en France.

Michel Renard

 

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en 2004

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construction en cours à l'été 2010

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à l'été 2010

 

 

 

- blog sur la reconstruction de la kouba de Nogent-sur-Marne

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14 janvier 2011

un téléfilm de 2005 sur le 17 octobre 1961

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17 octobre 1961,

téléfilm d'Alain Tasma et Patrick Rotman

note critique du général Maurice FAIVRE

 

Nuit noire, 17 octobre 1961, Alain Tasma. Scénario de Patrick Rotman,
Téléfilm de 2005, durée 1h50, France 3, 17 octobre 2010 à 20h35.

FR3 se distingue à nouveau dans la manipulation historique (1), en diffusant ce film pro-FLN sur la manifestation du 17 octobre 1961 à Paris. Les protagonistes de cette bataille de Paris sont les policiers français dirigés par l’ignoble préfet Papon (sic), et les "pacifistes" de la Fédération de France du FLN.

L’accent est mis sur la violence des policiers (2), qui commence bien avant le 17 octobre. Vexations, tabassages, contre-terroristes pratiquant l’étranglement et la noyade, tir à balles sur les manifestants. Papon et son adjoint Somveille dirigent une répression sanglante en imposant un couvre-feu illégal ; ils réquisitionnent stades, gymnases et autobus parisiens. En ordonnant de rendre 10 coups pour un, ils couvrent les bavures. Faute de médicaments, les soins médicaux ne sont pas assurés.

Quant à de Gaulle, il négocie dans le dos de Debré et juge secondaire et inacceptable cette manifestation. Alors que la guerre du FLN a été portée en métropole en 1958, et que certains militants revendiquent l’assassinat des policiers, les dirigeants de la Fédération de France ordonnent une manifestation massive, pacifique et obligatoire : «Nous sommes en guerre, il faut passer à l’action et retourner l’opinion française». Les Algériens sont embrigadés dans les bidonvilles, les récalcitrants sont abattus, ainsi que ceux qui refusent l’impôt révolutionnaire.

On ne voit pas dans le film les femmes qui devaient défiler en tête, mais l’on montre les porteuses de valises et celles qui fabriquent de faux papiers. Ce film est présenté comme une fiction, pour la raison qu’aucune image n’a été tournée. La presse recueille cependant les dépositions des humanistes qui dénoncent leurs collègues. Certains chiffres sont exacts : opposés à 1 640 policiers, 20 000 manifestants dont 11.000 sont arrêtés. Mais le nombre des victimes est multiplié, il n'y a pas 50 à 200 Algériens tués, dont 50 dans une cour de la Préfecture de Police, mais une dizaine sûrs, selon Brunet et Mandelkem. Certains ont été pendus, mais on ne les voit pas. Les noyades en revanche sont filmées.

Maurice Faivre
le 18 octobre 2010

 

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image du film

 

P.S. Le dénombrement des morts, et la propagande mise en oeuvre par le FLN font l’objet d’une mise au point de l’historien François Dosse et de Catherine Segurane, qui s’appuient sur les travaux de Jean-Paul Brunet, du Conseiller d’Etat Mandelkem, de l’Avocat général Geronimi et de Sylvie Thénault. Leurs conclusions sont disponibles surAgoravox.fr.

1 - après le film Les porteuses de feu, à la gloire des poseuses de bombes en Algérie, et un débat très orienté par Béatrice Schönberg, à la suite du film de Costelle-Clarke sur la tragédie des harkis le 20 septembre 2010.

2 - noter que les harkis de Paris ne sont pas mis en scène.

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image du film

 

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Patrick Rotman et Alain Tasma


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13 janvier 2011

harkis : je ne vous oublie pas

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un roman non simpliste et sans

concessions

sur le massacre des harkis

 

 

- Je ne vous oublie pas, de Emmanuel Sabatié,
éd. Le Cherche Midi
, octobre 2010

Vite ! Courir... Ne pas se retourner... Ne penser à rien non plus... Avancer encore et courir toujours plus vite ! Échapper aux diables et aux enfers ! Tenir encore, pour eux : Zohra, Brahim et Abdel... Car l'ennemi est partout ! Vite ! Ne pas s'arrêter... Trouver un souffle, respirer et reprendre sa course contre la montre... Fuir vers l'avant... Toujours vers l'avant... Échapper à l'ennemi qui guette, là, au prochain coin de rue, sous le masque de n'importe quel visage : ce chibani assis sur un banc ou cette Mauresque avec un cabas trop lourd pour elle. L'ennemi est un chacal qui vous renifle à distance et vous suit à la trace et n'attendant qu'une seule chose : en finir avec votre petite vie de bâtard et de traître ! II fait chaud, cet été. Très chaud en Algérie...

Été 1962... Quand les démons et les enfers sont partout ! Quand l'Algérie devient un purgatoire pour les harkis et que la nuit fait peur. Alors vous auriez fait comme Abdelkader, Benyoucef, Hamed et tous les autres. Vous auriez fui jusqu'à votre fin. Un roman halluciné et hallucinant sur une mise à mort gommée par l'Histoire.

présentation par l'éditeur

 

- entretien sur RCF Maguelone Hérault

- un commentaire sur le site critiqueslibres

- une présentation sur le site prixméditerranée

 

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12 janvier 2011

controverse sur une recherche d'histoire maritime marocaine

 

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halte à la piraterie scientifique

pour la crédibilité de la recherche

scientifique

Hassan AMILI



Un cas de plagiat : Leïla Maziane, un mauvais exemple
Dr. Hassan Amili, chercheur spécialiste de l’histoire maritime


Jamais je n’aurai imaginé que viendrait le jour où je me verrai, par obligation intellectuelle, contraint à transférer min centre d’intérêt de la recherche dans le domaine de l’histoire maritime marocaine et les notions qui lui sont adossées ; notamment : Jihad, Course et Piraterie ; vers le domaine de la piraterie scientifique, communément reconnue sous le vocable de plagiat.

Il m’avait fallu beaucoup de patience et de perspicacité pour parvenir à domestiquer les deux notions de Course et de Piraterie, et à comprendre pourquoi se confondent-elles dans l’esprit des profanes (non avertis), car déceler la différence qui existe entre les deux est une affaire très ardue.

Ce fut la raison pour laquelle j’eus à leur consacrer en 1989 une partie importante d’un chapitre de ma thèse de D.E.S. intitulée Le Jihad Maritime à l’embouchure de Bou-Regreg durant le XVIIe siècle sous l’excellente supervision" du Pr. Feu Si Mohammed Hajji, que Dieu ait son âme.

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Ce travail fût reconnu, à l’époque, comme étant la première recherche académique sérieuse à se consacrer au domaine maritime et à mettre toute la lumière sur ses aspects professionnels, techniques, militaires et politiques.

Dés lors, la hantise à poursuivre la recherche dans ce domaine m’habita et la fascination me poussa à inscrire une thèse pour l’obtention du Doctorat d’État sous le titre Les Marocains et l’espace maritime aux XVIIe et XVIIIe siècles sous la supervision du Dr. Ahmed Bouchareb, que j’avais soutenue au printemps 2002 ; sans, pour autant, étancher ma soif, ni assouvir ma curiosité, du fait que la recherche dans ce domaine fût, encore, à ses compétences scientifiques pour pouvoir se pencher sur d’autres aspects et pénétrer d’autres époques.

Dans cette perspectives, j’eus l’honneur d’adhérer au Comité Marocaine de l’Histoire Maritime avant sa dissolution ; puis j’eus l’opportunité de faire partie du GRIHMM, un groupe de chercheurs qui comprenait, entre autre, Leïla Maziane, une jeune "chercheuse" qui venait de terminer ses études en France et qui avait soutenu, en 1999, une thèse sous le titre Salé et ses corsaires (1666-1727) : Un port de course marocain au XVIIe siècle, c'est-à-dire dix ans après la mienne. Sa thèse fût consacrée et obtint, en conséquence, un prix français.
Jusque là, tout paraissait dans l’ordre des choses, sauf qu’une odeur aux relents scandaleux commençait à se dégager et que je vais tâcher de mettre à nu.

Comme j’étais, entre 1992 et 2002, complètement absorbé par la préparation du doctorat, je détournai, volontairement, mon esprit de tout ce qui pouvait perturber ma concentration. J’avais soupçonné, à travers le peu de chose que j’avais appris sur le travail de la dite "chercheuse" que celui-ci avait l’aspect du déjà-vu et manquant d’originalité. Mais j’avais pensé, naïvement, qu’elle avait, certainement, apporté quelques pierres à l’édifice que nous étions entrain de construire.

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Cependant, un concours de circonstances alla me permettre d’être à la fois témoin et victime du flagrant délit lorsque je fus choisi comme membre du comité scientifique à débattre avec la "chercheuse" ses travaux postérieurs à sa thèse afin d’obtenir le certificat d’habilitation.
Cette occasion me permit de mieux prendre connaissance de la plupart de ses articles et de ses interventions aux colloques et revues hors du Pays. Je me trouvais, sans équivoque, en présence de la version française de mon propre travail arrangé différemment – pour camoufler l’usurpation – et parsemé d’erreurs historiques criards, tellement "l’auteur" fût prisonnier de "son sujet" de prédilection (Salé et ses corsaires (1666-1727) .
C’est alors que je décidai de lire, intégralement, ce travail dans le but de classer les à priori.

Personne ne pourrait imaginer le degré d’abattement qui m’envahissait en parcourant des paragraphes, voire des chapitres entiers, fruit d’un travail acharné, réalisé dix ans auparavant, usurpé par une autre personne qui n’éprouva guère ni gêne ni remords à se l’approprier.
Je passai, ensuite, à "sa thèse" en espérant trouver une explication concernant le choix du sujet, le mépris manifesté à l’égard de l’effort déployé par d’autres, ainsi que l’origine de cette arrogance que "la chercheuse" manifestait en se déclarant une référence en la matière devant les chercheurs étrangers.

C’était à ce stade de la vérification que je pus m’arrêter sur l’immensité du forfait et de l’énormité de l’offense. Le piratage s’opérait de manière soutenue de façon délivrée. Tel un vrai pirate, "la chercheuse" ne se contenta pas de prendre possession du bateau de mes idées, mais elle se chargea de me jeter par-dessus bord vers les mers de l’inconnu afin de gommer les traces de son crime. Elle dressa, par la suite, son pavillon sur le bateau de la recherche scientifique relative au domaine maritime et se mit à se délecter du butin amassé comprenant tous les documents et les sources d’information qui m’avaient coûtés beaucoup de peines et de souffrances, particulièrement Les Sources Inédites de l’Histoire du Maroc.

Ainsi, pour donner une illustration de l’abattage dont je fus l’objet, "la chercheuse" mena la charge dés l’introduction de sa thèse en prétendant que mon travail cité dessus n’avait approché la période de Moulay Ismaïl que de "manière timide" et qu’il était limité à la période de l’apogée du Jihad Maritime, c'est-à-dire, jusqu’aux abords de 1640 ; alors qu’en fait, ma dite thèse avait, au contraire, couvert tout le XVIIe siècle comprenant la période qui vit le règne du fameux Sultan jusqu’à l’échec en 1699 de la mission diplomatique en France d’Abdellah Ben Aïcha.

En remettant les choses à leur place, cela constituait la preuve irréfutable, que notre "éminente chercheuse" s’était basée, pour le moins, sur la partie de mon étude couvrant la période indiquée, époque durant laquelle la flottille de Moulay Ismaïl luttait pour sa survie et après laquelle aucune opération maritime intéressante ne fût enregistrée jusqu’au l’avènement de Sidi Mohammed Ben Abdellah dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle.

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Au contraire, c’est Mme Maziane qui avait débordé le cadre limité de son sujet pour envahir toute la période du XVIIe siècle étudiée dans ma thèse, sans quoi, le volume de son travail aurait été dérisoire. Cependant, elle ne pouvait pas y parvenir sans s’adosser entièrement sur 14 de mes 16 chapitres. Autrement dit, sa "thèse" fut, globalement, une copie réaménagée de la mienne.

Si toutefois, il est admis que des chercheurs puissent avoir recours aux travaux de ceux qui les ont précédés, il est, cependant, inadmissible, voire suspect, qu’ils empruntent le même cheminement, qu’ils utilisent les mêmes procédés analytiques et qu’ils aboutissent aux mêmes conclusions, sans rien ajouter, sans, pour autant, citer les sources ni rendre le mérite aux ayants droits.

Et dans un souci d’étayer les accusations, je vais présenter une comparaison entre le contenu de mon œuvre et celui de l’exercice de "la chercheuse" ; cette comparaison, à elle seule, est en mesure de révéler l’étendue du forfait perpétré que toute personne disposant d’un brin de discernement pourrait saisir aisément.

Al jihad al bahri bi massab Abi Raqraq khilal al qarn assabia achar
Hassan Amili (1989)

Les Corsaires de Salé  (1666-1727)
Leïla Maziane (1999)

1-3 : Problématique du jihad maritime Ch 1: Pirate, Kursan, Moujahid
1-4 : Le jihad maritime en Atlantique    Les Marocains et la mer
1-1 : Particularités de la région    L’espace régréguien
1-2 : Peuplement de la région
2-1/2 : Structures financières et humaines
4-1/3 : Classes sociales  L’apport des Morisques, et Renégats
3-1 : Epoque Saadienne
3-2 : Epoque du Diwan
3-3 : Epoque Dilaïte  La désagrégation politique
1-1/3 : Evolution historique de la région Ch 2 : Origine de Salé le Neuf
1-2 : Peuplement de la région
3-1 : Epoque Saadienne   Arrivée des Hornacheros
3-4 : Epoque Alaouite    Salé Alaouite
1-1/3 : Evolution historique de la région
4-1/2 : Urbanisme de la région    La Qasba, Le système défensif et la Medina
1-1/1 : Particularité de l’embouchure et du port  Le Port
1-2 : Peuplement de la région
2-1/2 : Structures financières et humaines
4-1/3 : Classes sociales  Ch 3 : La population urbaine : Morisques, Maures, Renégats
1-2 : Peuplement de la région
3-1/1 : Epoque Saadienne
3-2/1 : Epoque du Diwan
3-3/1 ; Epoque Dilaïte
3-4/1 : Epoque Alaouite
4-1/3 : Classes sociales Nombre des Hommes
2-2 : Industrie et matière navale  Ch 4 : Les Navires
2-1 : Structures financières et humaines  Armement des navires
2-3 : la vie professionnelle des Raïs   Ch 5 : Ports refuges
2-1 : Structures financières et humaines
2-3 : la vie professionnelle des Raïs
Annexe des Raïs   Ch 6 : Moyens humains de la course
2-1 : Structures financières et humaines
2-3 : la vie professionnelle des Raïs
2-4 : Bilan économique du jihad Ch 7 : Opérations corsaires et résultats économiques et répartitions
2-3 : la vie professionnelle des Raïs
3-1/3 : Répressions européennes
3-2/3 : Contre-attaques européennes
3-3/3 : Course et contre course
3-4/3 : Acharnement Européen  Ch 8 : Course et contre course
2-1 : Structures financières et humaines
2-4 : Bilan économique du jihad
3-1/2 : Epoque Saadienne
3-2/2 : Epoque du Diwan
3-3/2 ; Epoque Dilaïte
3-4/2 : Epoque Alaouite
4-2/3 : Relations commercilaes    Ch 9 : Bilan économique de la course
2-1 : Structures financières et humaines
2-4/3 : Commerce des captifs
3-1/2 : Epoque Saadienne
3-2/2 : Epoque du Diwan
3-3/2 ; Epoque Dilaïte
3-4/2 : Epoque Alaouite
4-1/3 : Classes sociales   Ch 10 : Les captifs

Je tiens à préciser que ce qui me dérange beaucoup plus que l’acte de piraterie commis, c’est surtout le degré d’impertinence et d’arrogance qu’un apprenti-chercheur puisse afficher à chaque rencontre, lorsqu’il stigmatise le plagiat pratiqué à une grande échelle par des auteurs qui écrivent dans des langues étrangères à l’encontre de ceux qui écrivent en arabe, alors que lui-même en fait partie ; et je profite de cette occasion pour dire à notre "chercheuse" qu’elle jouit du butin spolié et de la consécration non méritée qui s’en suivie.

Néanmoins, je m’accroche, sans relâche, à ce qu’elle me restitue mon sujet, car il est le creuset dans lequel je puise la fierté d’appartenir à une école initiée par mon Maître et celui de toute une génération, en l’occurrence Feu Si Mohammed Hajji, qui nous a décerné un PRIX SPÉCIAL, fruit d’une formation crédible exempte de toute forme de délinquance intellectuelle et de concession sordide et qui nous a inculqué comment préserver les valeurs de l’honnêteté, de l’humilité et de la patience.

Rabat, le 7 Juin 2010
Dr. Hassan Amili

- à consulter le journal marocain Libération N° 5974 du 9/6/2010 p6 sur le site www.libe.ma

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réponse

Leila Maziane riposte aux accusations de Hassan Amili

Rendre compte de ce que la recherche avait obtenu auparavant n'est pas du plagiat
Libération (Maroc), 09 juillet 2010

Dans une lettre ouverte publiée le 9 juin 2010 dans ce même quotidien, Hassan Amili, professeur à l'Université Hassan II Mohamedia/Casablanca, a porté contre moi une des plus graves attaques pour un universitaire et chercheur, à savoir l'accusation de plagiat et de malhonnêteté scientifique : j'aurais en effet plagié son DES sa thèse pour faire ma thèse la mienne et ce sans le citer.

Ceci appelle de ma part réponses et précisions pour que l'opinion universitaire nationale et internationale, que voulait éclairer M. Amili, le soit aussi par moi. Un point de chronologie En 1989, Hassan Amili a soutenu un mémoire (de DES) Le jihad maritime à l'embouchure du Bou-Regreg au XVIIe siècle, en langue arabe, dactylographié) à la FLSH de Rabat-Agdal en 411 pages dont 373 de texte. En 1999, j'ai soutenu pour ma part ma thèse intitulée : Salé et ses corsaires (1666-1727) à l'Université de Caen en 540 pages dont 483 pages de texte. En 2002, Hassan Amili a soutenu une thèse de doctorat en histoire sous le titre : Les Marocains et l'espace maritime au XVIIe et XVIIIe siècles, à la FLSH de Mohammedia faisant 406 pages (en arabe non publiée).

En 2006, il a édité un livre portant le même titre que son mémoire de DES, à savoir Le jihad maritime…, de 357 pages, dont 351 de texte. En 2007, j'ai publié à mon tour un livre intitulé "Salé et ses corsaires (1666-1727), un port de course marocain au XVIIe siècle" qui est le texte de ma thèse en 361 pages, dont 306 pages de texte et qui a été élu meilleur livre de mer en France en 2008 et a reçu le prix Corderie Royale/Hermione. Un prix qui couronne chaque année un livre ouvrant avec talent et originalité sur "les mondes de la mer". L'accusation de Hassan Amili est celle de plagiat de son mémoire de DES de 1989, qui est le texte édité en 2006 avec quelques arrangements. Deux remarques avant de continuer : Certes, deux travaux qui traitent d'un sujet proche et malgré le décalage chronologique des deux recherches, ne peuvent pas être entièrement étanches surtout si une partie de la documentation est la même. Dans ce cas particulier par exemple, l'un comme l'autre, avons dû faire appel à Roger Coindreau pour essayer de le dépasser. Une utilisation scientifique, comme rendre compte de ce que la recherche avait obtenu auparavant, n'est pas du plagiat.

Un sujet, fusse-t-il abordé et sa teneur renouvelée, enrichie et ses problématiques d'approche modifiées, par une nouvelle documentation, n'est nullement un plagiat. Par ailleurs, les sources et les documents sont un bien public ouvert à tous les chercheurs et ne sont en aucun cas la propriété de quelqu'un. Prétendre que les Sources Inédites de l'Histoire du Maroc (SIHM) seraient la découverte d'un chercheur n'a aucun sens. Par contre, l'indigence d'une bibliographie dans une thèse est, à notre sens, plus grave et significative de la valeur du travail accompli. Par ailleurs et avant de reprendre la réponse aux accusations proférées contre moi, je voudrais relever une différence fondamentale dans les deux travaux. Le sien faisant de la course une guerre sainte (un jihad) et nous, considérant la course comme une activité économique, un commerce de temps de guerre. Bâtir un raisonnement sur l'une de ces idées ne peut en aucun cas se confondre avec l'autre démarche.

 

les corpus documentaires

Un regard sur les deux corpus documentaires Le corpus utilisé par Hassan Amili est très limité. Il est puisé dans les sources arabes classiques : 8 au total, contre 43 dans la mienne. Les sources européennes imprimées qu'il a exploitées sont au nombre de 3 au total contre 109, dans mon travail, en sus des SIHM qui sont, certes, une mine inestimable de documents sur l'histoire du Maroc même si, comme l'a écrit Hassan Amili lui-même (p. 10), il n'en a exploité que les tomes parus jusqu'en 1953. Autrement dit, il n'en a exploité qu'une partie infime puisqu'il s'arrête à 1699. En effet, la série française est la plus complète puisqu'elle va jusqu'en 1736, elle est la seule à couvrir directement la période étudiée. Dans le cas du travail de Hassan Amili, centré sur le XVIIe siècle, il n'en a exploité qu'une partie. Les séries de l'Espagne, du Portugal, de l'Angleterre et des Pays-Bas sont incomplètes puisqu'elles s'arrêtent respectivement en 1560 pour l'Espagne, en 1525 pour le Portugal et en 1660 pour l'Angleterre et les Pays-Bas. Il est vrai que cette collection des SIHM est une pièce importante pour écrire sur le Salé corsaire, mais à elle seule, elle ne peut évidemment pas répondre à toutes les questions que pose l'activité corsaire salétine, notamment pour la deuxième moitié du XVIIe siècle et début XVIIIe siècle.

Néanmoins, certaines notes infrapaginales accompagnant les documents renvoient à d'autres documents qui hélas n'ont pas été publiés mais sont restés dans les dépôts d'archives et bibliothèques françaises, espagnoles, hollandaises, anglaises, etc. et qu'il fallait dépouiller. Ces fonds sont évidemment aussi dispersés que le sont les cibles des corsaires de Salé. Or, le métier de l'historien consiste à localiser les fonds où qu'ils soient, à les interpréter en faisant appel à des approches nouvelles, prosopographique, anthropologique, quantitative, pour pourvoir déceler les mécanismes et les structures profondes de la course salétine. Il fallait par conséquent quantifier, établir des séries sur la longue durée et périodiser pour pouvoir comprendre comment le mythe de la course salétine s'est construit au XVIIe siècle puis entretenu jusqu'au milieu du XIXe siècle.

 

les sources exploitées

Sur le plan des sources exploitées, le travail de Hassan Amili est hélas décevant. Il n'a à son actif aucune visite d'aucun dépôt d'archives en Europe. Les historiens le savent, les sources marocaines n'éveillent que des idées peu précises sur le monde maritime et encore moins sur la course au XVIIe siècle. Les premiers documents retrouvés sur le sujet datent seulement de la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Donc, le recours aux archives européennes s'impose, chose que l'auteur du Jihad maritime a négligé de faire, se contentant d'un corpus limité à une partie des SIHM déjà publiée et exploitée par Coindreau et à une bibliographie défaillante (65 références contre près de 800 références dans mon travail soutenu et publié). Cette bibliographie, dépassée même en 1989 et dont beaucoup de titres sont devenus obsolètes n'est de surcroît accompagnée d'aucune note critique. Par le biais de nombreuses bourses de recherche (la Casa de Velázquez à Madrid et l'école française de Rome, etc.), je suis partie à la recherche de cette histoire mal connue et nous avons pu dépouiller des documents d'archives par milliers.

La connaissance des langues étrangères, espagnol, portugais, français, etc. m'a amplement facilité l'exploitation des sources mentionnées. De La Haye à Rabat/Salé, en passant par Paris, Nantes, Marseille, Barcelone, Simancas, Madrid, Alcala de Henares, Rome, Genova, Lisbonne et Tanger, etc, la moisson a été surabondante. J'ai d'ailleurs consacré un chapitre détaillé composé de plus de 50 pages (p. 10-61 de la thèse) à la typologie des sources exploitées, complétées par une abondante bibliographie de 40 pages. Retour aux deux textes Une recherche sur les corsaires de Salé, après les travaux de R. Coindreau, H. de Castries et J. Caillé ou encore ceux de Sanchez Perez (publié en 1964), G. Gozalbes Busto (publié en 1973 que l'auteur n'a pas exploité) et B. Bahrami, quelle que soit la période chronologique ciblée, ne peut se faire que dans deux directions : soit poser une problématique nouvelle, soit apporter plus d'informations avec une nouvelle documentation et une autre approche. Quelle soit la position de la recherche, elle doit faire l'état de la question et tenir compte des travaux de base déjà signalés. Toute la question est là dans un premier temps. Comment Hassan Amili, qui a fait son travail en 1989 et édité presque mot pour mot en 2006 a-t-il pu le faire sans aucune réactualisation ? A-t-il rendu compte des travaux qui l'ont précédé ? Quel a été son apport ? Comment ai-je rendu compte de ce premier corpus et du travail de Hassan Amili et quel a été mon propre apport ?

Cette réponse n'a de sens que si est pris en compte tout le corpus comme on a vu plus haut et comme il apparaîtra plus loin. Je voudrais rappeler que le mot plagiat a un sens particulier, celui de reproduire in extenso le travail de quelqu'un d'autre sans le citer. Or, dans les travaux de recherche, ce qui est important, c'est l'apport de chacun, sa capacité de dépasser ce qui a été fait sur un sujet. Les travaux qui se succèdent sur un sujet donné trouvent généralement leur justification dans l'importance du fait lui-même ou du phénomène et de la signification qu'il pourrait avoir dans un contexte socio-culturel donné ; on peut ainsi trouver plusieurs travaux sur un même thème étant donné l'importance qu'on donne à ce phénomène (exemple les travaux sur le makhzen au Maroc. Si on applique à ces travaux la notion de plagiat dès qu'un travail rend compte ou aborde de la même manière un sujet comme un autre chercheur, il faudra les éliminer). Ce qui est important, c'est l'apport de chacun, sa capacité de dépasser ce qui a été fait auparavant sur un sujet.

 

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les travaux de Coindreau

À ce propos, une question se pose : comment Hassan Amili a-t-il utilisé et rendu compte des travaux de Coindreau [Roger Coindreau, 1891-1964, officier de Marine puis directeur du port de Kénitra-Mehdia et directeur de la Société des ports marocains de Rabat-Salé-Kénitra-Mehdia en 1931, auteurs de plusieurs ouvrages, correspondant de l'Académie des sciences d'Outre-mer... source] ? Qu'il relise ce texte et qu'il relise ses propres chapitres sur l'organisation de l'armement corsaire, le matériel nautique, les campagnes corsaires, la répartition du butin corsaire pour mesurer le degré de ce qu'il considère comme un travail colossal "fruit de dix années d'efforts". Ces chapitres sont une arabisation de ce que Coindreau a écrit quarante ans plutôt. La reformulation emphatique pourrait faire illusion d'un apport surtout en truffant le texte du mot magique de Jihad, mais cela ne trompe pas un chercheur avisé bilingue. Plagiat ou forte imprégnation?? Le passage d'une langue à l'autre laisse une marge au doute.

L'originalité du travail de Hassan Amili ? Le mot clé de son travail est le jihad, qu'il utilise à la place de la course dans d'autres travaux. C'est son choix et il en a parfaitement le droit. Mais pour un travail de recherche, il fallait une justification, car le mot est chargé de sens dans la langue arabe et dans une société musulmane. Rappelons-le. Le jihad est un effort dans la voie de Dieu qu'il prenne une forme guerrière ou pacifique. À aucun moment, et malgré ses efforts, l'auteur n'a pu lier d'une manière convaincante course et jihad. De fait, il n'existe aucun rapport entre le jihad mené contre les présides portugais et espagnols aux XVIe et XVIIe siècles et l'activité corsaire sur mer. Il n'est d'ailleurs pas le seul historien musulman à faire la confusion, volontaire ou par conviction. À aucun moment, ne se perçoit tout au long de son travail une réelle osmose entre les actes de course et un combat dans la voie de Dieu.

Il ne suffit pas d'utiliser le terme de guerre sainte ou de revanche religieuse des Morisques pour que la course soit un jihad et ce jihad étant un fardh, c'est-à-dire une obligation (p. 87). Le fait que les sociétés musulmanes au XVIIe siècle rapportent tout à une explication ou un lien avec la religion est tout ce qu'il y a de plus naturel, mais considérer la course comme un jihad est peu crédible. Le véritable sens de la course tout court semble échapper à l'auteur du Jihad. C'est une rapine sur mer, une activité fondamentalement liée au commerce qu'il soit marginal ou régulier ; sans commerce pas de course et pas de course sans objectif commercial. La justification religieuse est le seul élément original de la thèse de l'auteur qui voulait ainsi se démarquer d'une certaine conception occidentale ancienne ou plus récente sur la course. Il a pratiqué al ijtihad, mais il n'a pas convaincu (lam youssib). C'est le sort de nombreux travaux universitaires. L'intention était louable mais le résultat peu convaincant.

Deux points pour illustrer notre propos : 1er point : dans son chapitre consacré à la définition du jihad maritime, l'auteur, qui a voulu faire une synthèse sur l'histoire de la course méditerranéenne et européenne, utilise deux "Que sais-je ?", de bonne facture certes, Hubac et Monlaü mais sans revenir au principal travail sur la question et qui les a inspirés, à savoir le fameux chapitre de F. Braudel sur la guerre de course, ni même aux travaux de M. Fontenay ou de S. Bono ou encore de C. Manca et bien d'autres (les actes du colloque de la commission internationale de San Francisco sur la Course publiés en 1975, les travaux de J. Bromley, P. Villiers, etc.).
Comment peut-on innover, poser de nouvelles problématiques sans suivre l'évolution de la recherche de son temps ? Le résultat se trouve à la page 51 du livre : une vue manichéenne et une catégorisation naïve de l'activité corsaire et de ses hommes. Plus loin, et avant d'étudier les résultats économiques de la course, Hassan Amili écrit "que le commerce est le grand perdant face au développement de la course" alors que quelques pages plus loin (p. 174) il écrit que : "le jihad (entendons la course) attire le commerce". En fait, l'auteur fait une compilation arabisée de quelques travaux, qui demeure indigente en termes d'apport à la compréhension du phénomène de la course ou de son rapport avec l'histoire du Maroc.

2e point : l'auteur consacre une dizaine de pages au commerce des captifs de la course.

 

rachat des captifs et rançon

S'il y avait bien un aspect sur lequel s'interrogeaient les historiens concernant la course à la fin des années 1980 avec la rentabilité de ce secteur, c'était bien le problème du rachat des captifs et de la rançon. Comme référence utilisée pour traiter ce chapitre important en plus d'une partie des SIHM, 6 titres dont de Castries (1902), nos 2 "Que sais-je ?" en plus du Penz (1944) et du Gosse (traduit de l'anglais et publié en 1933). De nouveau, une compilation arabisée sans aucune réflexion sur la question, sans aucune statistique, en un mot sans comprendre que c'est la clef du commerce de course peut-être plus que les fournitures militaires, et le démontrer, sources et statistiques à l'appui, sans se contenter de phrases générales, "le moujahid considérait le rachat des captifs comme un élément important de la rentabilité des activités du jihad" (p.183) ou encore p. 196 "en général les gains énormes engendrés par le jihad maritime concernant la vente des prises ou bien la rançon des captifs… couvrent les besoins de la ville". C'est le genre d'affirmation qui n'a aucun sens car ne s'appuyant sur rien de concret, sinon des affirmations gratuites non démontrées. Revenons à ce que Hassan Amili nous reproche : Une des justifications de ce travail de thèse que nous avions choisi était de rouvrir plusieurs dossiers déjà ouverts par les chercheurs jusqu'au début des années 1990. Les chercheurs ne renouvelaient pas leurs problématiques, s'intéressaient surtout à l'âge d'or de la course salétine (première moitié du XVIIe siècle) et n'avaient pas mis à profit toute une série de questionnements et une documentation européenne abondante et fort utile pour faire avancer notre connaissance du phénomène de la course à partir de l'exemple de Salé. Un regard sur le corpus documentaire utilisé ainsi que la bibliographie mobilisée peuvent le confirmer.

De fait, comme signalé au début, l'étude de De Castries Caillé a presque figé le sujet dans les problèmes abordés. Hassan Amili a déjà rencontré le même problème et moi aussi, d'où ce plan qu'il considère comme sien. Mais, s'il s'était donné la peine de lire attentivement le contenu, il aurait compris que nous n'avions pas besoin de le plagier puisqu'une lecture plus attentive aurait suffit pour comprendre qu'il nous suffisait de nous référer à Coindreau pour avoir l'impression de nous inspirer de M. Amili. Sauf que mon texte qui a suivi une logique de développement des idées, a apporté à chaque fois un plus à la question dont nous ne trouvons pas trace dans le texte de Hassan Amili et pour cause, nous n'avons pas écrit les mêmes choses.

 

la définition de la course

Quel est le rapport entre ma définition de la course (en page 28 de notre travail publié) et celle de Amili ? Aucun : "La course barbaresque est une activité ambivalente, à la charnière de l'économique, du religieux et du politico-militaire. Dans sa finalité, au moins quand il s'agit des Salétins, pour les armateurs qui y investissent leurs capitaux, il s'agit bien d'une forme de spéculation marchande ayant pour objectif le profit résultant de la vente du butin saisi sur l'ennemi européen chrétien. Il n'y a que l'espoir du gain qui a engagé les armateurs estrêmègnes, fraîchement installés sur les bords du Bou-Regreg, à courir sus aux navires marchands espagnols.

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l'embouchure du Bou-Regreg

Un acharnement qu'expliquent l'ampleur de leurs rancunes et leur désir de récupérer, de quelque manière que soit, les biens abandonnés en Europe, ce qui leur était plus facile puisqu'ils parlaient la langue. Il est vrai qu'ils s'en prirent par la suite aux intérêts des autres nations maritimes européennes, car les profits n'en étaient que plus important, etc." (p. 73 de notre thèse soutenue en 1999 et p. 28 du travail publié en 2007). Le chapitre sur les captifs et le rachat des captifs qui clôt mon étude, montre toute la différence qu'il y a entre son texte (10 pages du texte dactylographié 177-187) et le notre (53 pages de 427-480 du travail soutenu), puisqu'il est fait à base d'une documentation en grande partie nouvellement exploitée qui se traduit par le dépouillement de milliers de documents avec une étude qualitative et quantitative sur la démographie des captifs, leur évolution, leur répartition géographique, la durée de leur captivité, l'évolution de la mortalité selon leur provenance, leur profil social, les mécanismes de leurs rachats, l'évolution du prix des rançons, les noms des propriétaires, et enfin l'appareil symbolique déployé lors des délivrances des captifs.

Je peux faire le même constat pour les chapitres sur les moyens matériels et humains de la course, l'équipage des navires ou encore le bilan économique puisque la course est devenue un puissant facteur d'animation de la place salétine, où une société entière se définit à partir de cette activité dominante dont les intérêts pénètrent jusque dans les catégories les plus modestes. Aussi l'importance de la course déborde-t-elle largement le cadre de cette cité atlantique et explique en partie l'attraction démographique qu'elle exerce jusque dans les montagnes de l'Atlas qui fournissent non seulement le bois nécessaire à la construction navale, mais aussi les hommes, ce qui a permis le renouvellement constant des forces du milieu corsaire. Toute étude sur une ville portuaire impose le retour à ces problématiques.

 

le rapport des Marocains à la mer

Un point également très important car il remet en cause la question du rapport des Marocains à la mer. J'ai démontré que dès la seconde moitié du XVIIe siècle et au cours du XVIII siècle, le Maroc commence à produire ses propres marins. On assiste bel et bien à une "?marocanisation?" progressive des emplois à la mer. Je pense avoir écrit des pages très neuves à partir de nouvelles trouvailles archivistiques. Désormais, les Salétins sortent de l'anonymat et entrent de nouveau dans l'histoire. Ils ont des noms (voir les images jointes)?: Ali Yedder El Massi, Et taleb Mohamed El Massi, Abd el Aziz el Jazuli, Moussa Hammach, Brahim Amzil. Au hasard des dépouillements, d'autres noms surgissent comme ce Ahmed Ben Ahmed, originaire de Fès et qui fut capturé en 1660 à l'âge de 28 ans, ou Bou Jem'a Ben Mhammed, pris en 1707 par un vaisseau français et mort à l'hôpital des galères de Marseille. Idem pour les Raïs, ces acteurs décisifs de l'entreprise corsaire, et qui, grâce à l'apport archivistique européen et à l'approche prosopographique nous permettent de reconstituer leurs micro-portraits.

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Un dernier exemple de mon apport : le fameux corsaire-ambassadeur Abdallah Ben Aïcha. Selon Coindreau, la dernière campagne du salétin aurait eu lieu en 1698, c'est-à-dire un an avant l'ambassade qu'il a conduite à la cour de Versailles, ce qui, grâce au minutieux travail de dépouillement, d'archives que nous avons effectué à La Haye, s'est avéré inexact. En effet, d'après les sources hollandaises, il reprend la mer en juillet 1711 en compagnie de son fils et de 4 autres officiers et se font capturer dans les eaux portugaises par les corsaires hollandais à bord du "Witte Paard" ou "Cheval blanc", un navire de 36 canons et de 240 hommes d'équipage. Pour libérer son amiral et les autres "Maures" emprisonnés à Lisbonne, le Sultan Moulay Ismaêl va jusqu'à la remise de tous les sujets hollandais en captivité au Maroc. Sa libération se produit le 4 juin 1712 et il meurt un an plus tard, le 23 juin 1713 à l'âge de 66 ans, sans avoir pu obtenir la restitution de son navire, le "Cheval blanc". Il occupait alors le poste d'Amiral de Salé.

J'invite instamment mes collègues et amis qui se sont interrogés sur le bien-fondé de ce pamphlet à lire les textes et les bibliographies des deux travaux soutenus, objets du "scandale" et non seulement les textes publiés, en gardant en tête l'apport incontournable de R. Coindreau, et à le comparer à notre perspective et nos apports. Ils verront qu'au delà de similitudes partielles dans les plans généraux, il s'agit réellement de deux textes différents et de deux thèses différentes et que le plagiat, dont parle l'auteur du jihad, est un ijtihad qui a échoué. Au lieu de revendiquer ce qui ne lui appartient pas, Hassan Amili devrait consacrer son énergie à mettre à jours ses travaux.

Leïla Maziane
Université Hassan II Mohammedia/Casablanca

 

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11 janvier 2011

Les médecins français au Maroc, 1912-1956

 

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La vie quotidienne d'une assistante sociale

dans le Maroc du Protectorat (1950)

Marie-Claire MICOULEAU-SICAULT


Toujours sur le terrain, «une profession qui est aussi un apostolat.» C’est le titre un peu pompeux de l’enquête à propos des Assistantes Sociales en service musulman que le quotidien, Vigie Marocaine, avait publiée les 8, 9 et 10 janvier 1950.

Le chemin n’était pas semé de roses pour les jeunes Assistantes Sociales tout juste arrivées de France et fraîchement diplômées. Leur initiation marocaine allait se faire en deux temps. Six mois de stage à l’École des Hautes Études de Rabat où on leur inculquait des notions de langue arabe, de sociologie et d’ethnographie marocaines. Ensuite, quatre mois d’expérience directe dans les hôpitaux, les postes des Affaires Indigènes, les fermes européennes etc. Et puis, au travail !

Le travail, elles se doutaient bien qu’il leur faudrait persévérance et bonne humeur pour l’aborder, mais elles n’imaginaient sûrement pas quel acharnement elles devaient déployer pour le mener à bien. Surtout, elles ne pouvaient pas deviner de quel esprit d’initiative elles devraient faire preuve, inventant par elles-mêmes des méthodes, puisqu’elles jouaient le rôle de pionnières dans des structures encore balbutiantes.

Le «pas trouvé», excuse facile, n’existe pas pour la jeune Assistante Sociale qui doit non seulement aider matériellement des femmes et des enfants mais aussi quand il s’agit des nouvelles Médinas ou des nouveaux bidonvilles que l’industrialisation fait surgir, découvrir les causes d’un malaise collectif à la fois moral et physique. Fausses ou mauvaises adresses ne doivent pas la désarmer. Elle frappera à toutes les portes, obtiendra parfois le nom de l’employeur, s’adressera aux responsables des quartiers recueillera les indications précieuses qui lui permettront de se faire une idée de l’état de misère plus ou moins grand qui règne dans ces foyers déshérités.

Ce travail ressemblait parfois à des enquêtes, mais toujours pour le mieux-être des populations qui leur étaient confiées et toujours dans le respect des traditions. Les femmes musulmanes ne s’y trompaient pas, qui accueillaient toujours les visiteuses avec douceur et sympathie. Pénétrer au cœur de la misère, atteindre cette vérité sociale si difficile à approcher, sur quels points insérer l’action, il avait fallu des mois pour l’entrevoir et trouver les moyens discrets mais efficaces pour soulager les souffrances.

 

cet avant-poste de l'assistanat

Visitons avec la journaliste du Maroc Presse du 3/12/1949 le fameux Douar Doum situé à 4 kilomètres au Sud-Est de Rabat. Ce plateau, ainsi nommé à cause des palmiers nains (le doum) qui l’envahissaient, était «couvert de bicoques disparates, agglutinées dans une sorte de cité à la fois très étendue et très friable.» D’après l’Assistante Sociale en chef, environ 10.000 personnes habitaient ce douar, dont une population enfantine importante (environ 30%.) «Une des particularités de ce douar, écrit-elle dans son rapport à la Direction de la Santé, est son caractère familial : il est constitué presque uniquement de tribus venues du Sud, Agadir ou Marrakech qui depuis leur émigration, ont continué à vivre en tribus, à se marier entre individus d’une même tribu. Chez les Aït-Oussa et les Aït-Ahmed, les femmes conservent le costume bleu des femmes du Sud la coiffure très particulière, les bijoux berbères...»

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Rabat, infirmerie, ambulance coloniale

La journaliste, qui en 1949, visite ce douar en compagnie des pédiatres, raconte : «Des logements ayant souvent à peine hauteur d’homme, faits de planches, de bouts de tôle ou même de carton [...] L’attitude des habitants n’exprime pas l’accablement ou même la résignation, mais une calme acceptation... À l’orée de Douar Doum, se dresse une tente où nous pénétrons. Deux jeunes filles en blouses blanches soignent les bébés tandis que quelques mères, assises attendent silencieusement. Une grande propreté règne dans cet avant poste de l’assistance où les consultations se succèdent. Quand tombe le soir, les jeunes assistantes travaillent à la lueur d’une lampe à pétrole ou d’une bougie...»

Un rapport d’activité, décrit la population du Douar Doum comme la plus pauvre de Rabat les hommes y sont colporteurs, fleuristes, manoeuvres, «chaouchs» (plantons) à la Résidence. Les salaires ne dépassent pas 8.000 francs mensuels. (soit environ 800 francs actuels) Un seul point d’eau de douze robinets ; les femmes ne sortent pas du douar, elles s’occupent du ravitaillement en eau. Un poste de commandement, modeste baraque, abrite le Contrôleur Civil (fonctionnaire français) et le Khalifa du Pacha qui assurent conjointement l’administration du Douar. Une école foraine accueille environ 300 garçons et 100 filles. Mais beaucoup d’enfants traînent dans les ruelles, malgré la cantine et les onze écoles coraniques. Mortalité infantile énorme, les femmes vivent toujours comme leurs aïeules il y a des siècles.

C’est en Juillet 1949 qu’après plusieurs essais de consultations itinérantes, furent installées en bordure du douar deux tentes américaines, «embryon d’un futur centre de PMI.» Un pédiatre une fois par semaine, une sage-femme, et tous les jours une assistante sociale pour les soins aux enfants. Là aussi, un fichier devient une amorce d’état civil : 300 fiches d’enfants jusqu’à deux ans. Les consultations ne suffisent plus, des visites à domicile sont demandées par le médecin pour la surveillance à la maison de l’alimentation et de l’hygiène des nourrissons.

Des visites sont aussi demandées par la famille lors de la naissance d’un enfant, elles permettront de suivre le bébé dès sa venue au monde. Les Assistantes Sociales sont en plus chargées de liaison avec les dispensaires antituberculeux et anti-vénérien, cas douteux suivis ensuite par l’Assistante. Pendant le temps qui leur reste, (mais quand dorment-elles?) elles rencontrent le Khalifa et le Contrôleur Civil pour coordonner les actions, puis elles assurent la liaison avec l’école foraine qui signale ainsi les enfants déficients ou malades.

Avant d’avoir pu mettre en place cette sorte d’organisation somme toute compatible avec les moyens toujours augmentés mais jamais suffisants, il faut bien dire qu’elles «pataugeaient», s’adaptant au jour le jour et parfois désespérées. Une expérience, intéressante à plus d’un titre, nous est rapportée par Françoise Setin et Régine Gautier, Assistantes Sociales dès 1947 à Agadir. En 1947, les usines de conserves de sardines s’étaient développées considérablement à Agadir et le besoin de main d’œuvre s’y faisait pressant. Les directeurs des sardineries firent donc appel aux populations de la région de Goulimine et des environs de Mogador (Essaouira). Seules les femmes avaient le droit de travailler, les hommes se réservaient le privilège de rester au bled pour les travaux divers.

 

une "école des mères"

Ce furent des femmes bleues de Goulimine et des femmes des tribus chleues de Mogador qui arrivèrent en premier avec leurs enfants. Dans ce qu’on appela des «médinas d’usine», elles furent logées dans les fameuses tentes noires pointues, au milieu des collines de sables cernées d’euphorbes. Regroupées par tribus, elles se retrouvaient presque comme chez elles sous l’autorité d’un cheikh, toujours vêtues mais non voilées de leur haïk bleu. Si les étoffes ne déteignaient pas sur leur visage et sur leur corps, elles perdaient la «baraka»! (protection de la providence).

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femmes bleues de Goulimine (années 1970)

On imagine les difficultés des assistantes sociales, confrontées à ce teint bleuâtre, pour diagnostiquer une quelconque pathologie ! Elles ne désarmaient pas, ces jeunes assistantes, éblouies par «ces longues files de femmes magnifiques, au port de reines, qui rapportaient sur leur tête, pour leur dîner, à défaut d’amphores, des boites de sardines en fer blanc.»

Le service médico-social débuta en 1949 à Khiam-Battoir et en 1950 à Anza. Des tentes, puis des baraques abritaient une infirmerie, des consultations de nourrissons et une «école des mères» avec démonstrations alimentaires, garderies pour les enfants où les filles apprenaient ainsi à tricoter, à baigner les petits frères, à les nourrir du mieux possible. En 1954, des locaux neufs remplacèrent tentes et baraques et la Protection Maternelle et Infantile était désormais presque idéale. À la garderie, il suffisait qu’un des enfants frappe en cadence sur une cruche, «une guedra», et les petites se mettaient à genoux pour danser en ondulant leurs bras.. C’était si beau !

Mais les difficultés ne manquaient pas : certaines des nomades dans l’âme, se sauvaient de l’hôpital ou bien, orgueilleuses, elles ne supportaient pas une remontrance à propos de leur travail à l’usine. «Aussitôt, l’interpellée se levait sans un mot, et partait suivie de toutes les bleues de sa table sous l’œil ahuri du contremaître chleu.» Les histoires de maléfices, les serments à mort «à Sidi Saanoun» les «chikayas» (querelles) de toutes sortes, venaient empoisonner la vie quotidienne des pauvres assistantes.

D’ailleurs, les hommes chleuhs qui n’aimaient pas beaucoup les populations bleues répétaient le proverbe : «Qu’un homme de Mauritanie demande en mariage une femme là-bas, il ne demande pas comme chez nous si elle sait faire la cuisine et s’occuper de la maison, il demande seulement si elle sait bien. Plus tard, leurs maris se résignèrent à venir travailler. Impressionnés par les jolis bâtiments neufs de l’hôpital et par les Arabes et les Chleuhs, ils se taisaient mais gardaient leur sourire énigmatique et fier.

 

la toubiba...

La pauvre Assistante sentait que le ravissement des découvertes s’effaçait peu à peu, noyé par les difficultés du quotidien! Qu’importe, on était là pour travailler! Chaque région offrait aux jeunes assistantes un visage différent ; un douar du Sous n’avait rien à voir avec la Médina «Jdid» de Fez et le bidonville du Douar Doum était lui aussi bien différent des services sociaux de Casa.

On improvisait selon les besoins, on essayait une méthode, on testait... telle cette invention fabuleuse du «flanellographe» que connaissaient déjà bien les éducateurs sanitaires d’Afrique. Elle avait été imaginée en pays africain anglophone et diffusée par le Centre International de l’Enfance de Boulogne. Il s’agissait de dessins découpés dans de la flanelle que l’on punaisait au mur de «l’école des Mères», pour expliquer comment baigner un bébé, préparer un biberon, puis au fur et à mesure des progrès enregistrés, comment désinfecter les yeux des enfants. Les femmes musulmanes, nous l’avons dit, devaient être promues «prolongement de la Toubiba.»

Marceline Gabel, dont nous avons parlé, utilisa cet outil pédagogique fort efficace et qui plaisait aux mamans élèves. Colette Brémond, une Assistante Sociale qui parlait bien l’arabe dialectal, fut chargée de mettre en place une causerie hebdomadaire sur Radio-Maroc, où, répondant aux questions d’une jeune femme marocaine, elle prodiguait conseils pratiques et médicaux (comment préparer un biberon de la manière la plus stérile possible, que faire en cas de diarrhée d’un bébé, etc.).

Cette causerie eut beaucoup de succès auprès des Musulmanes qui, ne sortant pas, se réunissaient pour papoter l’après-midi autour du verre de thé à la menthe. Les questions les plus diverses étaient posées et les problèmes les plus insolites soulevés. Une sorte de chronique médicale, la «toubiba» de la radio était très écoutée. Des années plus tard, elle était devenue Assistante Sociale d’Entreprise en métropole, allant visiter un malade marocain hospitalisé à Paris, elle eut la surprise d’être ainsi accueillie. «Ah ! mais je reconnais ta voix, toi, tu étais la «toubiba» de la radio!».

Marie-Claire Micouleau-Sicault
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- sur Études Coloniales, le livre de Marie-Claire Micouleau-Sicault

 

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10 janvier 2011

film : une repentance en images ?

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le film "L’ennemi intime"

général Maurice FAIVRE, historien

 

L’ennemi intime de Florent Emilio Siri fait suite au documentaire assez orienté de Patrick Rotman, ayant le même titre, et dont le réalisateur se défend de toute «démarche militante». Venant après les porteurs de valises et la guerre sans nom cette affirmation nous semble poser problème ; ayant franchi la ligne rouge du dénigrement dans ses documentaires, il paraît difficile qu’il revienne en arrière. Les brûlures de l’histoire, c’est du journalisme, c’est la repentance en images.

L’action est centrée sur la confrontation d’un jeune lieutenant (engagé ?) et de son sous-officier adjoint, stéréotype de l’ancien d’Indochine. Ils conduisent au combat une section d’infanterie franco-musulmane, en juillet 1959, dans les montagnes de Kabylie. Là aussi, les atrocités envers la population sont partagées entre les deux camps, les habitants d’une mechta sont horriblement massacrés par les «moudjahidines», mais à mesure qu’on progresse dans l’action, ce sont les atrocités françaises qui prédominent : tortures, exécutions sommaires, destruction d’un village, et semble-t-il, assassinat de ses habitants. Il ne manque que les viols.

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Les actions de combat, filmées avec un réalisme qui rappelle les films américains du Vietnam, présentent une succession de situations exceptionnelles :
- l’embuscade où l’on inflige des pertes sensibles à une unité amie ;
- la section isolée dans un djebel impénétrable, qui ne semble pas avoir de capitaine, et qui se heurte à des katibas omniprésentes ;
- le vétéran de Monte Cassino (clin d’oeil aux Indigènes qui assassine dans le dos l’un de ses anciens compagnons d’armes ;
- un commandant vêtu de noir (un SS ?) qui donne des ordres insensés ;
- le sergent devenu fou, qui se fait torturer à la gégène par un soldat musulman ;
- les arbres abattus par le tir des fusils-mitrailleurs (on se croirait à Verdun) ;
- l’officier de renseignement tortionnaire, qui a subi les supplices de la Gestapo.
Tout cela est faux, quand ce n’est pas ridicule. On comprend parfaitement le drame de conscience de ce jeune officier placé dans des circonstances d’exception. Penser que tous les officiers d’Algérie ont vécu le même drame n’est pas conforme à l’histoire.

C’est donc une section atypique qui est engagée sans soutiens, au coeur de l’opération Jumelles (22 juillet 1959 au 8 avril 1960), au moment où les katibas se sont dispersées, et où le combat est conduit au moins au niveau de la compagnie parachutiste. Le scénario regroupe cependant une katiba, ce qui permet d’émouvoir les spectateurs en leur montrant les horribles dégâts causés par le napalm (1).

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Alors que l’exploitation du renseignement relève du niveau régiment, cette section dispose d’un poste C9 avec génératrice, luxe inouï ! Elle torture les prisonniers (pris les armes à la main), alors que la directive Salan du 19 mars 1958 prescrit de les diriger vers les CMI (centres militaires d’internement, approuvés par le CICR) où ils seront rééduqués.

Ignorée également, l’action sociale conduite envers la population par les SAS, les EMSI, les médecins de l’AMG, les instituteurs du contingent, les moniteurs des foyers sportifs. On notera pour finir quelques erreurs historiques : - le FLN aurait demandé à négocier le 1er novembre 1954 – 2 millions d’appelés auraient servi en Algérie – 300 à 600.000 musulmans auraient été tués. Reconnaissons cependant que les paysages du Maroc sont d’une sauvagerie impressionnante, et que les acteurs sont magnifiquement dirigés, même si la mauvaise qualité de leur diction nuit souvent à la compréhension des dialogues.

Maurice Faivre

 

1 – Les spectateurs ne manqueront pas d’être choqués par la vision des hommes atrocement brûlés, comparables à ceux d’Hiroshima. Il faut rappeler que le napalm a été employé en Corée, en Indochine et en Algérie. Il a été autorisé le 6 avril 1956 par le général Lorillot, sauf sur les habitations. Le Comité international de la Croix Rouge n’en interdit pas formellement l’emploi contre des objectifs militaires. En 1980, une Convention des Nations-Unies en a proscrit l’emploi contre la population civile.

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- pour contre-balancer ce point de vue, lire les propos de Patrick Rotman repoussant tout simplisme et toute repentance, cliquer ici

 

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7 janvier 2011

fresque historique des guerres coloniales en Afrique

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remarquable synthèse des guerres

coloniales,

mais quelques réserves

général Maurice FAIVRE


Vincent Joly, Guerres d’Afrique. 130 ans de guerres coloniales. L’expérience française, éd. Université de Rennes, 2009, 336 pages, 22 €. Cet ouvrage propose une vaste fresque historique des guerres coloniales en Afrique. Les campagnes de l’armée française y sont comparées aux expériences britanniques, allemandes et italiennes. En dépit de la supériorité de ses moyens, l’armée qui débarque à Sidi Ferruch en 1830 n’est pas adaptée à la conquête de populations et de territoires inconnus.

C’est l’expérience de la guerre d’Espagne qui permet au général Bugeaud de discipliner les troupes, d’agir offensivement avec l’aide du recrutement local, et d’encadrer les populations.Il faut imaginer et mettre en œuvre de nouvelles formes de guerre, telles que la razzia, sur le modèle de Hoche en Vendée ; or c’était une pratique courante en Afrique du Nord, où Abd el-Kader se réclame de la guerre sainte et conduit une guérilla nomade, mal comprise de ses subordonnés et de populations attentistes.

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Cavaliers Rouges d'Abd el-Kader, Algérie
Gravure sur bois, gravée par Hebert d'après Raffet. 1843

Faidherbe met fin à la logique commerciale qui avait favorisé la présence française en Sénégambie. Père de l’impérialisme français, il construit en dix ans la colonie compacte du Sénégal, base de départ pour la conquête du Soudan.

Après 1870 et dans d’autres territoires, ses successeurs mettent au point des méthodes de pacification qui font référence ; Pennequin, Galliéni et Lyautey sont imités par Mangin, Angoulvan et Psichari ; leur liberté d’action surprend souvent les gouvernements ; l’impérialisme populaire célèbre ses héros : Brazza et Marchand.

D’autres modes d’action sont mis en œuvre par les Britanniques qui utilisent les troupes locales pour intimider les populations ; n’ayant pas de tradition coloniale, les Allemands en Namibie, et les Italiens en Éthiopie et Libye, emploient des procédés brutaux de répression. Trinquier et Galula sont les références des Américains en Irak. Mais entre temps, tous les moyens militaires sont entrés en action, blindés, artillerie lourde, avions, hélicoptères, drones et missiles.

Selon Sarraut, la crise de la colonisation débute dans les années 1930. En 1944, la conférence de Brazzaville tente de proposer des réformes. Une armée aux faibles moyens, non colonialiste, est confrontée à la subversion du Kominform et de l’Islam. La répression des soulèvements de Sétif et de Madagascar est brutale, mais n’atteint pas les volumes de victimes cités par l’auteur. Partagés entre le choix de la résistance ou de la collaboration, les colonisés acceptent souvent une certaine accommodation avec le colonisateur, d’autant plus que les officiers pratiquent un paternalisme qui correspond à la structure patriarcale de la société.

colonel Lacheroy

La guerre révolutionnaire est découverte en Indochine par les colonels Hogard et Lacheroy qui en font la théorie. Les regroupements de population au Cambodge sont une réussite, mais l’échec de la RC4 et de Dien Bien Phu illustrent l’absence d’un projet politique. dans une guerre politique, l’armée avait le devoir de faire de la politique L’armée des rappelés en Algérie n’est sans doute pas adaptée à ce nouveau conflit. Les postes statiques du quadrillage et l’administration des SAS auraient, selon l’auteur, échoué dans la mission d’intégration des musulmans.

Le nationalisme de la population, enjeu de cette guerre politique, serait mal apprécié par le commandement, qui surestimerait l’influence du communisme. L’action psychologique, incapable de rallier les cœurs et les esprits, aurait échoué sur tous les tableaux. Cette interprétation des dernières guerres coloniales, s’appuyant sur des auteurs contestables (1) appelle la discussion. L’armée d’Indochine, selon Giap, aurait été vaincue parce qu’elle ne faisait pas de politique ; à l’inverse, Messmer condamne la politisation de l’armée en Algérie. La réalité est la suivante : dans une guerre politique, l’armée avait le devoir de faire de la politique, à condition que ce fut la politique de la nation, et qu’il y eut unité d’action. Salan, puis Challe et Delouvrier ont réalisé cette unité et conduit une action qui n’était pas seulement militaire, mais globale, regroupant les domaines sociaux, judiciaires, éducatifs, administratifs, militaires et politiques. La fraternisation du 16 mai concrétisait un premier résultat, face à une population attachée davantage à ses clans qu’à une nation (2) qu’elle ignorait. Or ce succès n’a pas été exploité par le chef de l’État.

vanuxem

L’Algérie française revendiquée par les militaires, qui selon Ely avaient le contact avec la population, n’était pas l’Algérie de papa, mais une Algérie nouvelle associée à la France [témoignages cités (3)]. Il se trouve que l’association était aussi l’objectif du général de Gaulle, qui n’a pas compris la situation et qui a interdit l’action psycho-sociale de l’armée au profit d’une action médiatique personnelle. Bien plus, il a persuadé l’opinion que tous les Algériens étaient pro-FLN.

Ces quelques réserves (4) exprimées dans d’autres recensions, ne sont pas une critique négative, mais une contribution positive à cette remarquable synthèse de toutes les guerres coloniales.

Maurice Faivre
5 janvier 2011



1 - La référence à H. Brunschwig, D. Porch, Pervillé, Harbi, Girardet, Médard, Rivet, Vaïsse est pertinente. Mais Ageron, excellent dans l’histoire de la colonisation, déraille dans son histoire des harkis, de la bataille des frontières et du général Katz. Planche, Mauss-Copeaux, Branche, Camille Lacoste-Dujardin, Lecour-Grandmaison et Boudarel présentent des interprétations partielles et partiales. Le rapport Rocard a été contesté par Delouvrier. Des ouvrages importants semblent ignorés, ceux de J. Marseille, Lefeuvre, Brunet et Vétillard.

2 - Le nationalisme algérien, qui n’a trouvé son unité qu’après 1962, s’est imposé par la guerre civile (Mohammed Harbi, La Croix du 15 mars 2002)

Une autre erreur est celle de la communisation des nationalistes algériens. Jamais les 2ème Bureaux n’ont soutenu cette thèse, mais ce fut un argument utilisé par certains généraux (Allard, Ely) pour convaincre les alliés de l’OTAN du bien-fondé de la politique algérienne.

Sur un plan général, le professeur Joly pose la question de la nature totale des guerres coloniales, conforme à la thèse de Lecour-Grandmaison. La violence fut totale sans doute en Namibie contre les Herero, où l’on peut parler de génocide. En France, la guerre totale fut initiée par la Convention pour la Vendée et pour les guerres européennes, mais non pour les conquêtes coloniales, que le congrès historique de Stokholm en août 2000 qualifie de «conflits de basse intensité».

3 - Ce que fait l’armée en 1958, est un travail révolutionnaire, observe Lacouture, confirmé par Claude Paillat, qui décrit l’élite des officiers comme «des enfants de la Révolution française : on apporte la liberté, on va régénérer les gens… on va refaire une autre société que ces colonies un peu pourries… la société française les a un peu devinés, mais pas compris. Ils sont tombés dans une aventure qui les a broyés». Hélie de Saint-Marc développe les mêmes idées.

4 - Quelques fautes d’inattentions sont à noter : pas d’opération Couronne en Oranie, surestimation des victimes de Madagascar (la plupart morts de faim et de maladie dans la forêt où ils ont été confinés par les rebelles), des disparus de la bataille d’Alger (voir Pervillé) et des effectifs de l’ALN, sous-estimation des harkis massacrés, des effectifs de 1962 et des signataires du Livre blanc.

Quelques affaires semblent oubliées : les FAFM de Si Chérif, les EMSI et le SFJA, la pacification active de Challe, le FAAD, l’échec du dégroupement.

 

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