la «réconciliation» des mémoires est impossible, par Bernard Lugan
comment prétendre vouloir pacifier les mémoires
quand celle de l'Algérie repose sur une histoire
fondée sur le ressentiment anti-français ?
Bernard LUGAN
Pacifier les mémoires, certes, mais à condition :
1) Que cela ne soit pas une fois de plus à sens unique…Or, les principales mesures préconisées par le Rapport Stora incombent à la partie française alors que du côté algérien il est simplement demandé des vœux pieux…
2) Que la mémoire algérienne ne repose plus sur une artificielle construction idéologique car, comme l’a joliment écrit l’historien Mohammed Harbi, «L’histoire est l’enfer et le paradis des Algériens».
Enfer parce que les dirigeants algériens savent bien qu’à la différence du Maroc millénaire, l’Algérie n’a jamais existé en tant qu’Etat et qu’elle est directement passée de la colonisation turque à la colonisation française. (Voir à ce sujet mon livre ).
Paradis parce que, pour oublier cet «enfer», arc-boutés sur un nationalisme pointilleux, les dirigeants algériens vivent dans une fausse histoire «authentifiée» par une certaine intelligentsia française…dont Benjamin Stora fait précisément partie….
Voilà donc pourquoi, dans l’état actuel des choses, la «réconciliation» des mémoires est impossible.
l'Algérie et son non-dit existentiel
Voilà aussi pourquoi toutes les concessions successives, toutes les déclarations de contrition que fera la France, seront sans effet tant que l’Algérie n’aura pas réglé son propre non-dit existentiel.
Et cela, les «préconisations» du Rapport Stora sont incapables de l’obtenir, puisque, pour l’Algérie, la rente-alibi victimaire obtenue de la France, notamment par les visas, est un pilier, non seulement de sa propre histoire, mais de sa philosophie politique…
Un peu de culture historique permettant de comprendre pourquoi, il est donc singulier de devoir constater que l’historien Benjamin Stora ait fait l’impasse sur cette question qui constitue pourtant le cœur du non-dit algérien.
Au moment de l’indépendance, la priorité des nouveaux maîtres de l’Algérie fut en effet d’éviter la dislocation. Pour cela, ils plaquèrent une cohérence historique artificielle sur les différents ensembles composant le pays.
Ce volontarisme unitaire se fit à travers deux axes principaux :
1) Un nationalisme arabo-musulman niant la composante berbère du pays. Résultat, les Berbères furent certes «libérés » de la colonisation française qui avait duré 132 ans, mais pour retomber aussitôt dans une « colonisation arabo-musulmane » qu’ils subissaient depuis plus de dix siècles…
2) Le mythe de l’unité de la population levée comme un bloc contre le colonisateur français, à l’exception d’une petite minorité de « collaborateurs », les Harkis. Or, la réalité est très différente puisqu’en 1961, 250.000 Algériens servaient dans l’armée française, alors qu’à la même date, environ 60.000 avaient rejoint les rangs des indépendantistes.
Or, cette fausse histoire constitue le socle du «Système» algérien, lequel se maintient contre le peuple, appuyé sur une clientèle régimiste achetée par les subventions et les passe-droits.
Ce même «Système» qui, à chaque fois qu’il est en difficulté intérieure, lance des attaques contre la France
N’en déplaise à Benjamin Stora, voilà qui n’autorise pas à croire à sa volonté d’apaisement mémoriel.
critique du Rapport Stora, par Jean Monneret
critique du Rapport Stora
par Jean MONNERET
Préliminaires
Avant d’analyser le rapport de Benjamin Stora et les curieuses préconisations qu’il contient, je voudrais me livrer à de brèves considérations préliminaires. Comme l’a écrit Ernest Renan : «Une nation est une âme, un principe spirituel». Cette phrase ne relève pas de la métaphysique mais de la Science Politique, au sens le plus fort du terme.
Son auteur, dont l’oeuvre peut certes être diversement appréciée, a ainsi magistralement défini le fait national. Cette phrase, il l’a complétée par deux autres qui la précisent : «Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis».
Cette définition de Renan est indépassable ; elle représente un sommet en matière d’analyse politique. La France, qui pourrait s’honorer d’avoir produit un tel historien, semble avoir renoncé à s’en inspirer aujourd’hui.
un désir de vivre ensemble de moins en moins évident
Au début des années 1980, nous vîmes s’opérer le recours à une immigration massive provenant, mais pas exclusivement, du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne. Elle continue à ce jour et à un rythme soutenu. La natalité des Français autochtones étant plutôt faible, une certaine bigarrure culturelle en résulte. Ce phénomène est amplifié du fait que nombre de nouveaux venus, contrairement au passé, sont de culture musulmane.
Dès lors, «la possession en commun d’un riche legs de souvenirs» n’est plus une donnée factuelle immédiate. Si l’on ajoute que l’école française est en crise, que l’assimilation des immigrés n’est plus tenue pour nécessaire, que l’institution familiale elle-même évolue à grande vitesse, chacun comprendra que la nation française actuelle est de plus en plus diverse et de moins en moins unie. Comment s’étonner dans ces conditions si le désir de vivre ensemble exalté par Renan est de moins en moins évident voire, en certaines zones, inexistant.
Ce fut le travail des Présidents de la République successifs, depuis 40 ans, d’affronter cette situation délicate, voire dangereuse. Ils l’ont fait sans brio, sans imagination en multipliant généralement les mesurettes. Le problème de M. Macron, aujourd’hui, est d’être à la tête d’une société, divisée, hétérogène et même, à lire certains, atomisée.
On ne comprendra pas le rapport de Benjamin Stora et la considération d’Emmanuel Macron pour ce personnage sans se référer à ce contexte très trouble. Une phrase, glanée au hasard, me parait résumer la démarche du Président : «apaiser le passé pour restaurer l’unité nationale.»
Une telle démarche est parfois nécessaire. Rappelons-nous Henri IV et la difficile sortie des guerres de religion. Pour y parvenir, il fallut de grands hommes pour de grands maux. En ces circonstances, il faut des gens connaissant l’art des compromis et ayant le goût de rapprocher les êtres.
En revanche, il faut éviter de jeter du sel sur les plaies. C’est ce que fait le rapport Stora.
dans le centre d’Alger, le 12 août 2020. RYAD KRAMDI / AFP
des victimes toujours négligées.
Après avoir lu ce qui précède, certains me diront : «Hola ! Arrêtez. Vous faites erreur, le rapport Stora ne concerne pas l’immigration, ni la nation française. Il concerne les rapports franco-algériens avec comme but de réconcilier les mémoires opposées de la Guerre d’Algérie.»
Or, précisément, il n’est pas nécessaire de réfléchir longtemps pour comprendre que le Président voudrait, - ce qui explique la mission confiée à Stora -, que les rapports d’une France et d’une Algérie réconciliées servent de modèle pour toute la politique de l’immigration.
Dans son esprit, si la France et l’Algérie, pays musulman, se rapprochent, toute la société française en sera apaisée. Le fait colonial appartiendra au passé comme les traumatismes de la décolonisation et les crispations actuelles. Le passage des générations, l’œuvre du temps effaceront les conflits et les rancoeurs d’hier comme d’aujourd’hui.
Certes, tout le monde peut rêver. Aux esprits simples, tout parait simple. Or, réconcilier les mémoires conflictuelles de la Guerre d’Algérie est tout, sauf aisé.
Une des conditions pour réussir ce type d’opération, à supposer que ce soit possible, est de bien prendre en compte toutes les sensibilités, tous les vécus, toutes les souffrances. Les 60 dernières années montrent qu’en ce domaine, beaucoup, vraiment beaucoup, reste à faire. En effet, pour nombre de ceux qui s’expriment, débattent, écrivent, «colloquent» sur ce sujet, il n’existe qu’une seule catégorie de victimes : celles causées par l’activité de la Police et de l’Armée françaises.
Les harkis, les pieds-noirs enlevés et portés disparus, les massacrés du 20 août 1955 et du 5 juillet 1962, n’entrent pas dans la même catégorie. Ceux qui les ignorent délibérément, qui minimisent leur nombre, les souffrances et le désarroi de leurs familles, ne sont pas rares. C’est peu dire ; ils sont légion.
Pour toutes ces victimes si peu ou si mal considérées, la mission confiée à Stora est une blessure supplémentaire. Celui-ci, par ses écrits, ses interviews, ses prises de position diverses, n’a jamais fait preuve d’une grande sensibilité pour elles. De plus, en maintes circonstances, il a affiché des penchants peu compatibles avec sa qualité hautement revendiquée d’historien.
Il n’a pas craint d’affirmer son désaccord avec Camus concernant le terrorisme ; allant jusqu’à affirmer que «pour les Algériens musulmans, il n’y avait pas d’autre issue» (que la violence anticoloniale). Philosophie Magazine n° 06296. Hors-Série.
Lorsqu’au prix d’efforts considérables, des historiens et des chercheurs ont réussi à faire sortir de l’oubli les massacres de pieds-noirs du 5 juillet 1962 à Oran, il s’est empressé de dire qu’il ne fallait pas «instrumentaliser» cette journée.
Lorsque le film antihistorique de Bouchareb Hors-La-Loi est sorti, il en a parlé favorablement à la télévision.
Dans Les mots de la Guerre d’Algérie. Presses Universitaires du Mirail, 2005, il a affirmé, sous l’entrée Terrorisme que la pratique terroriste des Européens (allusion à un attentat commis dans la Casbah en août 1956) avait inauguré «la période du terrorisme urbain qui sera ensuite pratiqué par le FLN, surtout pendant la Bataille d’Alger.» Ceci est historiquement faux, le FLN a lancé des attentats aveugles contre les Européens, dans la capitale algérienne, dès juin 1956.
Bien sûr, d’aucuns diront qu’il a changé, que son Rapport fait droit à certaines revendications des harkis, des pieds-noirs, de ces victimes si longtemps «oubliées». Pour nous l’impression qui se dégage de son texte et des préconisations qu’il contient est assez différente.
bataille d'Alger, février 1957
erreurs d’analyse.
Nous analyserons plus loin diverses recommandations «apaisantes» du Rapport. L’une d’elles parait spécialement saugrenue autant que contre-productive. Pour que les préconisations de Benjamin Stora soient utiles, il faudrait qu’elles constituent un remède au mal qu’elles sont censées traiter. On nous permettra d’être sceptique, car son rapport repose sur des analyses fausses.
Évoquant les divergences mémorielles que la Guerre d’Algérie a suscitées dans la population française d’aujourd’hui, il en fait une description fort contestable. Certes, un conflit d’une telle envergure, qui a duré 8 ans marque à jamais ceux qui l’ont vécu. Mais, selon Stora, face à l’historicité guerrière des mémoires algériennes, il y aurait en France parmi les harkis, les pieds-noirs, une partie des anciens combattants et toutes les victimes de la décolonisation une masse de «gardiens de la mémoire» surtout soucieux de montrer «qu’ils ont eu raison dans le passé». Nous sommes là au niveau du café du commerce.
Une autre thèse de Stora, moins farfelue, est qu’il y eut en France, après l’Indépendance, un silence officiel sur la Guerre d’Algérie. Cela est relativement vrai, mais en parallèle, il n’y eut aucun silence médiatique. La télévision n’évita point les débats sur le sujet après 1968. Et que dire du cinéma ! Dans les années 1970, de nombreux films apparurent (deux de Lakhdar Hamina, un sur La Question, un d’Yves Boisset, celui de Pontecorvo). Pour l’écrivain Yves Courrière et pour les revues historiques, le conflit algérien fut un filon dûment exploité.
Chercheurs et universitaires restèrent, il est vrai, longtemps discrets. Pour Stora, le monde commence et s’arrête aux frontières de l’Université. C’est donc tout naturellement qu’il pense qu’avant les années 1990, on ne parlait pas de l’Algérie. Grâce à lui en partie - il ne l’écrit pas mais semble le penser -, le silence officiel cessa et l’Histoire reprit ses droits. Or, cette discipline «peut rassembler» alors que la «mémoire divise». La formule est de Pierre Nora.
Nous sommes là dans l’approximation. La recherche historique sur l’Algérie et la Guerre fut stimulée par deux facteurs : le début d’ouverture des archives militaires et la guerre civile en Algérie qui marquait la faillite sanglante du régime né de l’Indépendance. Beaucoup de gens comprirent alors que ce qui s’était passé trente ans avant était plus compliqué qu’ils ne l’imaginaient.
Le succès de Stora, à ce moment-là, vint de ce qu’il proclamait qu’il fallait passer de la Mémoire à l’Histoire. Son film réalisé avec Alfonsi, tombait à point nommé. Beaucoup, ne connaissant rien à l’Algérie, crurent qu’ils passaient des ténèbres à la lumière.
Pour Stora la nostalgie est une maladie. Il stigmatise dans son rapport : «L’Atlantide engloutie de l’Algérie Française, honte des combats qui ne furent pas tous honorables*, images d’une jeunesse perdue et d’une terre natale à laquelle on a été arraché» (p. 17). Ailleurs encore, il évoque une littérature de la souffrance soufflant sur les braises de l’Algérie française ?
la Bataille d’Alger, film antihistorique de Pontecorvo
En réalité, Stora ne comprend pas que pendant 60 ans, nombre des nôtres ont ardemment combattu non pas pour exalter l’Algérie Française mais pour faire reconnaître nos épreuves. Pour faire reconnaître que le conflit avait fait des victimes dans toutes les communautés. On parlait abondamment déjà, dès les années 1970 des victimes de Massu, de la Bataille d’Alger (film antihistorique de Pontecorvo, etc…). Mais qui connaissait en France les massacres d’El Halia d’août 1955, ceux d’Oran le 5 juillet 1962 ? Disons simplement que B. Stora ne contribua guère à éclairer l’opinion de ce chef.
Comme de l’autre côté de la Méditerrannée, les Algériens ont construit une mémoire antagoniste avec leur guerre de «libératio », Stora est persuadé que 60 ans après la fin des combats, les relations entre les deux pays sont complexes, difficiles, tumultueuses. Ne serait pas plutôt, les relations de nos classes dirigeantes. ? Nous, «rapatriés», avons d’excellentes relations avec nos compatriotes musulmans.
Heureusement, notre spécialiste, a la solution : l’Histoire. Entre les récits fantasmés des victimes de la décolonisation et l’imaginaire guerrier des Algériens, lui, le grand historien, va éclairer ce qui était caché et mettre à bas les mises en scène et les représentations complaisantes. Finies les mémoires parallèles et hermétiques. Finie l’empathie exigée, exclusive, à sens unique. La France, à nouveau, pourra «faire nation».
Tout cela est caricatural.
les oubliés
Une des plus grandes injustices nées de ce qui se dit ou s’écrit sur la guerre d’Algérie est l’oubli des 25 000 jeunes Français qui tombèrent dans les combats. Certes, le Quai Branly a accueilli un monument destiné à les honorer. Ceci n’est pas négligeable, mais qui pense à eux parmi ceux que concernent les questions mémorielles ?
Plus rares encore sont ceux qui se soucièrent des militaires portés disparus. C’est le mérite personnel du Général Fournier d’avoir tenu à les rechercher et à réconforter leurs familles. L’Administration, quant à elle, ignorait jusqu’à leur nombre. Le Général a consacré plusieurs années à cette tâche. Ils doivent être recherchés et leurs restes recueillis. Nous réaffirmons ici que ces morts ou portés disparus n’ont pas combattu en vain. Ils ont péri dans la lutte contre le terrorisme, donc pour la Liberté. Dans certains milieux, on est aux antipodes de tout cela. Ce sont les victimes de l’Armée française, exclusivement, qui retiennent l’attention.
Le pondéreux rapport Stora est long et fastidieux. S’y alignent d’interminables considérations sentencieuses où le simplisme le dispute à l’insignifiance. Stora semble ainsi accorder de l’importance au dépôt d’une plaque par M. Delanoë, évoquant les manifestations du 17 Octobre 1961. Nous n’oublions pas, quant à nous, que toute l’opération fut basée sur les «recherches» d’un «historien maoïste», alors que les travaux d’un authentique universitaire furent soigneusement négligés.
le travail d'un authentique universitaire, négligé par le rapport Stora
une idéologie anticoloniale aussi sommaire qu’antifrançaise
Un autre historien authentique, Mohammed Harbi pense que ne pas étudier le passé colonial ferait le lit de l’islamisme. Peut-être. Mais l’étudier n’importe comment et le faire dans un esprit victimaire est bien pire. Or, c’est exactement ce qui se passe depuis trente ans.
Une masse de films, téléfilms et documentaires s’est déversée sur nos écrans petits et grands. Une vaste majorité en était inspirée par une idéologie anticoloniale aussi sommaire qu’antifrançaise. A-t-on réfléchi aux conséquences de cette mise en accusation sans limites et uniquement à charge a pu avoir dans nos banlieues rongées par l’islamisme ? Le terreau du terrorisme s’est gorgé de ces émissions, si peu soucieuses de vérité historique.*
L’Université, longtemps discrète est entrée dans la danse. Hélas, ce fut souvent pour y nourrir d’épaisses cohortes d’anticoloniaux «désinhibés» (comprendre engagés). L’Université s’est montrée plus à la remorque des media que soucieuse de les guider ou de les rectifier.
Qui s’étonnera si après avoir passé en revue les 3 décennies écoulées, M. Stora aboutit à cette conclusion aussi surprenante qu’inattendue : «Pour un grand nombre d’historiens français, la responsabilté première du conflit se comprend par l’établissement d’un système colonial, très ferme, interdisant, pendant plus d’un siècle, la progression des droits pour les indigènes musulmans» (p. 132).
Alors là chapeau ! Ça c’est fort ; bravo l’artiste ! La guerre coloniale vient du système colonial. Il fallait y penser. On songe irrésistiblement à la vertu dormitive de l’opium chez les médecins de Molière. (Vous savez : l’opium fait dormir car il contient une vertu dormitive).
Nous terminerons par le final, comme il se doit. Stora suggère que la dépouille de Mme Gisèle Halimi soit déposée au Panthéon. Là, on atteint les hauteurs. Que Mme Halimi fut une bonne avocate, exact. Mais flanquée de de Beauvoir, elle a porté très loin la critique de l’Armée Française.
Alors que voulez-vous ? Entre la poignée de mains aux terroristes** et la Panthéonisation de leurs avocats ! À l’heure où le terrorisme est devenu un fléau planétaire ! Certains auront du mal à suivre. Porter Me Halimi au Panthéon serait un geste «fort» nous dit Stora. Si fort qu’il ébranlerait la Nation.
Pourra-t-on encore demander à des jeunes de verser leur sang pour la Patrie, si demain, tel ou tel obnubilé de l’isme en vogue, pourra les stigmatiser au nom d’une idéologie ou d’une autre, portée par les circonstances, l’opportunité du moment ou la pleutrerie.
Jean Monneret, historien
* Appartient-il à un historien revendiqué, mais qui se dit favorable à la violence anticoloniale, de juger de l’honorabilité des combats des uns et des autres ?
** Que dire de la poignée de main de Jacques Chirac aux poseurs de bombes Djamila Bouhired et Yacef Saadi lors de son voyage de 2002 en Algérie ? Là encore on imagine les effets dans les quartiers sensibles.
L'exacte vérité finira par triompher, Jean-Pierre Pister
L'exacte vérité finira par triompher
Jean-Pierre PISTER
J'ai eu connaissance du rapport Stora dès le milieu de la semaine dernière par mon ancien étudiant, désormais professeur d’histoire du Maghreb à la Sorbonne, Pierre Vermeren, dont on connait la riche bibliographie.
Voici une partie de mon commentaire adressé à quelques correspondants dont je respecte l'anonymat par souci de discrétion.
"Benjamin Stora s’est autoproclamé scandaleusement le meilleur spécialiste de l’Algérie. Né en 1950 à Constantine, il a milité dans la mouvance trotskyste lambertiste dès son arrivée en France. Il a rejoint ensuite le PS et est devenu le favori de François Hollande.
J’ai eu l’occasion de le rencontrer à Nancy et de déjeuner avec lui par obligation professionnelle en 2007. Il a alors promis à mon épouse, née à Oran, de mentionner les massacres du 5 juillet 1962 dans ses futures publications ....nous attendons toujours !
Dans le document transmis à Macron, il recommande la commémoration de la répression anti-FLN du 17 octobre 1961 à Paris qui aurait fait 3 à 400 morts. Il s’agit là d’une "fake news" éhontée banalisée dans les années 90 par le journaliste gauchiste Daniel Mermet et le pseudo historien Einaudi sur France-Inter. Des travaux scientifiques récents, ceux de Brunet, en particulier, démontrent qu’il faudrait diviser le nombre de victime par dix. Voir à ce sujet l’article de Wikipédia. Nous sommes dans une totale affabulation historique. Le silence sur le 5 juillet n’en est que plus scandaleux. Maître Goldnadel, avocat du Cercle algerianiste , en a fait état sur C News, il y a quelques jours.
Parmi les autres propositions scandaleuses figurant dans ce rapport, le projet de transfert au Panthéon des restes de la dame Halimi, ancienne avocate des tueurs du FLN.
Ne nous laissons pas décourager et continuons de résister, c’est là un impératif absolu. Au cours de ma carrière, j’ai toujours dit la stricte vérité à mes étudiants, candidats à Normale Sup, à Sciences Pô et même à de futurs officiers quand j’ai accompli une suppléance en Prépa St-Cyr. Cela ne m’a jamais valu le moindre problème avec ma hiérarchie puisque j’ai terminé ma carrière avec une note globale particulièrement élevée et une remise de décoration.
La vérité historique est un impératif absolu qui finit toujours par triompher. Pensons aux massacres vendéens de 1793-17944 si mal traités par l’historiographie républicaine, aujourd’hui pleinement reconnus. Le grand Soljenitsyne est venu lui-même sur place, en élébrer le 200e anniversaire.
L'exacte vérité sur ce que fut l’Algérie française finira par triompher, j’en suis convaincu."
Jean-Pierre Pister
Professeur de Chaire supérieure honoraire (Khâgne-histoire, Nancy)
Membre associé-correspondant de l'Académie de Stanislas-Nancy
Jean-Pierre Lledo, Le voyage interdit, Alger-Jérusalem, compte rendu par Roger Vétillard
Jean-Pierre Lledo,
Le voyage interdit, Alger-Jérusalem,
Les Provinciales éd, 2020.
compte rendu par Roger Vétillard
Jean-Pierre Lledo est un cinéaste d’origine franco-algérienne. Dans ce livre qui a des allures de Mémoires, il nous raconte son parcours, fort singulier. Officiellement Français jusqu’à l’âge de 25 ans, même s’il dit ne s’être jamais senti Français, Algérien depuis 1973 et maintenant Israélien depuis 2011… Il faudrait peut-être dire Français de naissance, puis Algérien parce que communiste, et maintenant Israélien après l’appropriation de sa judéité, sans oublier de noter sa proximité avec la communauté des Pieds-Noirs après 2008. C’est donc l’histoire insolite d’un communiste, Algérien, marxiste, antisioniste qui devient juif, Israélien, sioniste…
Il raconte les difficultés à obtenir la nationalité algérienne qui ne lui sera octroyée qu’après 4 ans de démarches. Son père, compagnon de route du FLN pendant la guerre d’Algérie, l’a obtenue en 1963. Cependant, il a préféré terminer sa vie en France. Mais nombre de communistes et d’Européens non-musulmans, qui s’étaient engagés pour l’indépendance et qui en avaient subi les conséquences, ont quitté définitivement l’Algérie qu’ils avaient cru être leur pays au moment où on leur a refusé la nationalité algérienne, alors qu’elle a été reconnue aux harkis musulmans qui ont combattu les futurs maîtres de l’Algérie.
Né à Tlemcen en 1947, d’un père d’origine catalane et d’une mère juive
qu’il identifie comme séfarade ou parfois berbère
Le livre comporte deux grandes parties. La première, traitée en cinéaste qui remonte le temps, parle de l’Algérie, ce pays où le FLN, parti au pouvoir, est « le bras politique de l’Armée ». La seconde est consacrée à Israël, avec une période intermédiaire, où la rupture devient définitive avec le pays natal avant de se retrouver dans la famille maternelle qui vit du côté de Tel Aviv. Sa fille l’accompagne dans cette démarche, son fils ne l’accepte pas. Cette seconde partie, très imprégnée d’une intime émotion, se prête mal à une analyse objective. C’est pourquoi je limiterai mes commentaires à la première, dont le sujet m’est plus familier.
Il est possible de mettre en exergue quelques moments de cet ouvrage.
Né à Tlemcen en 1947, d’un père d’origine catalane et d’une mère juive qu’il identifie comme séfarade ou parfois berbère, il a longtemps imaginé que l’Algérie saurait être un pays multiethnique avant de comprendre que l’idéologie arabo-musulmane avait organisé le départ des non-musulmans, ce que Mohammed Harbi a qualifié de nettoyage ethnique. Cette réalité ne s’est imposée à lui qu’au bout de plusieurs décennies : en 1993, quand les islamistes du F.I.S. ont menacé sa vie et qu’il s’est réfugié en France, mais plus probablement en 2008, quand son film « Algérie, histoires à ne pas dire » fut interdit de l’autre côté de la Méditerranée parce qu’il montrait que Pieds-Noirs et Algériens pouvaient cohabiter harmonieusement avant l’indépendance.
Lui, qui se savait juif, pense avoir « passé un contrat avec l’Algérie, une sorte d’accord secret, jamais reconnu comme tel : tout sauf l’entité sioniste, car le nom même d’Israël était imprononçable… Ce que j’avais cru [dit-il] être une intransigeance personnelle, politique, de principe, n’aurait été qu’une soumission à un impératif d’autant plus catégorique que tacite ? ».
Avec l’interdiction du film « Algérie, histoires à ne pas dire », avec la censure exercée à son encontre par ceux qui avaient, tels les deux principaux journaux francophones (El Watan et le Quotidien d’Oran), alors une réputation de libéraux, il sait qu’en Algérie, il n’a plus le droit à la parole, qu’il est devenu un non-citoyen…
une Algérie multiethnique ?
En 2008, une parole de Lakhdar Kaïdi, ancien secrétaire général de le CGT en Algérie, lui ouvre les yeux : « Cette Algérie multiethnique dont nous, les communistes, avions rêvé, les dirigeants nationalistes n’ont jamais caché qu’ils n’en voulaient pas. Ils ne voulaient rien d’autre qu’une Algérie arabo-musulmane ».
C’est à cette époque qu’il mesure la gravité des massacres d’Oran, le 5 juillet 1962, grâce à la cousine Halima de la famille Bourokba (qui sera plus tard l’épouse du président Chadli), prise ce jour-là pour une Européenne, dans les rues de la ville. Pour échapper au couteau, elle a dû crier qu’elle était musulmane, réciter la fatiha (1er verset du Coran) et piétiner le corps d’un Européen qui venait d’être égorgé. Et le récit du communiste Pierre Molina, emprisonné pendant la guerre d’Algérie comme membre du FLN et qui a échappé à la mort ce 5 juillet grâce à un Algérien qui le reconnaît, lui confirme la dimension ethnique du conflit.
En Algérie, en 1989, alors que le F.I.S.[1] montait en puissance, le P.A.G.S.[2], qui regroupait les communistes et qui venait de sortir de la clandestinité, fait cause commune avec les islamistes aux élections municipales. Sadek Hadjeres, son secrétaire général, affirmait qu’il était opportun de mener campagne avec des partis qui utilisaient l’islam, « pourquoi pas un volontariat pour la propreté des villes ? ». On sait maintenant que nombre des adhérents de ce parti étaient des agents infiltrés de la Sécurité militaire.
L’URSS (et donc les partis communistes) a soutenu la naissance de l’État d’Israël et l'auteur cite à ce propos le discours d’Andreï Gromyko, son ministre des Affaires étrangères en 1948, à l’ONU. Il y aurait à propos d’Israël et de bien d’autres sujets, dont ceux concernant l’Algérie avant et après l’indépendance, beaucoup à écrire sur les revirements des Soviétiques : par exemple que les partis communistes ont soutenu le FLN pendant la guerre d’Algérie tout en sachant pertinemment que ces indépendantistes militaient pour instaurer un pouvoir arabo-islamiste, mais en s’abstenant de le faire savoir[3]…
Jean-Pierre Lledo savait-il que les communistes, engagés du côté indépendantiste pendant la guerre d’Algérie, n’ont pas été les bienvenus au sein de l’ALN, parce que instigateurs d’un athéisme ? Ainsi l’avocat Laïd Lamrani, membre du Comité central, Georges Raffini, un ancien des Brigades Internationales, le docteur Counillon ou encore Maurice Laban et Henri Maillot furent éliminés directement ou livrés à l’armée française. Et le Parti communiste ne condamna jamais l’assassinat de ses propres militants.
cécité de la gauche française
Mouloud Hamrouche, premier ministre de 1989 à 1991, est pour l'auteur le seul dirigeant algérien démocrate. Cela rejoint ce que Gilbert Meynier me disait : « Hamrouche est le seul premier ministre algérien véritablement démocrate qui possédait en plus l’envergure d’un homme d’État ». Mais les journalistes français veulent ignorer l'orientation religieuse du pouvoir algérien. À Paris, au début de l’année 1994, il rencontre René Backmann, du Nouvel Observateur, et tente de lui expliquer que « l’islamisme était bel et bien une variante du fascisme. Au-delà de son inspiration propre, coranique, il en avait toutes les caractéristiques (refus de la démocratie, vénération du chef, embrigadement, massification) et les méthodes intimidantes, brutales, cruelles et létales […] et il s’inscrivait dans un mouvement international, celui des Frères musulmans ». Backmann, surpris par cette analyse, lui demande un papier sur le sujet. Celui-ci lui fut remis, mais l'auteur n’en entendit plus parler. La cécité de la gauche française sur cette question est exemplaire d’un déni de la réalité.
Revenant sur l’histoire de la guerre d’Algérie, l’auteur confesse qu’il croyait « à la suite de son père, et croirait longtemps encore, que l’action de l’OAS était motivée par son refus de l’indépendance. […] il me faudra bien des années pour réaliser que le peuple pied-noir entendait protester contre son exclusion du processus de négociations entre le France et le GPRA, imposant celui-ci comme seul représentant du peuple algérien […] : on leur refusait l’appartenance à ce peuple algérien ». Il comprend désormais pourquoi bien des communistes européens se sont solidarisés avec l’O.A.S et que le MNA de Messali Hadj qui n’a pas été associé à l’organisation de l’indépendance, s’est heurté violemment au FLN.
Il est incontestable que les non-musulmans qui sont restés en Algérie après l’indépendance ont eu du mal à se faire accepter comme Algériens. Un souvenir parmi d’autres, évoqué par l'auteur, montre que l’inconscient est bien présent en Algérie, même chez les intellectuels : lors d’une réception, Taleb Bendiab, directeur du Centre culturel algérien à Paris, le présente à un général comme un cinéaste, « ami de l’Algérie », et non comme un cinéaste « algérien ». De même chez Louisa Ighilahriz, combattante de l’ALN qui, dans son livre Algérienne, présente Colette Grégoire, emprisonnée en même temps qu’elle, comme une « Française », alors que celle-ci a la nationalité algérienne : un non-musulman, Européen qui plus est, ne peut pas être Algérien…
Ce livre très dense parle enfin de son installation en Israël, son nouveau pays. Pour lui, être Israélien, c’est également être juif, et être juif, ce n’est pas seulement une religion, c’est aussi être sioniste, c’est-à-dire vouloir mettre fin à la dispersion du peuple juif, en le ramenant en un lieu, Sion, la colline de Jérusalem, le pays des Hébreux. C’est une culture, une histoire, et c’est, dit-il, un « mouvement de libération nationale ». Un qualificatif qui mérite d’être discuté…
Roger Vétillard
[1] Front Islamiste du Salut.
[2] Parti de l’Avant-Garde socialiste.
[3] Voir mon livre : La guerre d’Algérie, une guerre sainte ? éd. Atlantis, 2020, pp154/155.
un rapport universitaire occulte les crimes de Kagame
France-Afrique des Grands Lacs :
un rapport universitaire occulte les crimes de Kagame
Sans chercher à remettre fondamentalement en question la scientificité dudit rapport, lequel fournit des éléments de fait et des analyses intéressantes sur la thématique traitée, faisant dire à ses rédacteurs que « ce rapport est une première en France... en raison des dimensions scientifiques de la commande politique, des moyens heuristiques mis en œuvre, et des savoirs originaux que l’équipe a su produire », il n’en reste pas moins que celui-ci présente des insuffisances criantes dans l’analyse et le traitement des crimes de masse survenus dans la région des Grands Lacs africains.
Les «omissions» du Rapport Duclert
On ne saurait parler ou aborder la question la question des génocides et des crimes de masse survenus dans le monde sans se référer aux évènements dramatiques qui ont ensanglanté l’Afrique centrale, notamment le Rwanda, le Burundi et la République démocratique du Congo (RDC), dans les années 1990 et au début des années 2000. Ces évènements ont fait l’objet de nombreux rapports des Nations Unies et d’organisations humanitaires. Si le Rapport final de Mission présidée par Vincent Duclert évoque, avec raison, le « génocide des Tutsi » au Rwanda, il reste étrangement silencieux sur les massacres ayant touché les Hutu ainsi que les Congolais.
En effet, le rapport fait une impasse totale sur les crimes qui ont touché les Hutu et les Congolais, tout en insistant seulement sur ceux ayant touché les Tutsi du Rwanda. L’expression «génocide des Tutsi» est citée 58 fois dans le rapport. Quant au mot «Hutu» qui est cité 7 fois, il renvoie soit à «extrémiste» ou à «négationniste »; et dans des très rares cas, il est employé pour faire allusion aux Hutu dits «modérés». Aucune allusion aux crimes de masse dont les populations hutu ont été victimes aussi bien au Burundi qu’au Rwanda et en RDC. À lire le rapport, on serait tenté de croire que les seules populations qui ont été victimes de génocide et de crimes de masse sont les Tutsi. Une telle lecture des évènements ne résiste ni la réalité des faits et encore moins la vérité historique...
Ce que l’on sait des génocides et des crimes de masse commis en Afrique centrale
René Lemarchand, 88 ans, est un spécialiste de l’Afrique centrale domicilié en Floride, aux États-Unis, où il a enseigné pendant plusieurs années. Il est reconnu mondialement pour ses travaux sur les cycles de violence en Afrique centrale. Pour lui, cette région du continent noir a été confrontée non pas à un génocide (celui des Tutsi) mais à plusieurs génocides. Il explique :
«Le premier génocide a eu lieu en 1972 contre les Hutu du Burundi. Ce génocide avait été commis par les Tutsi du Burundi soutenus par les exilés tutsi du Rwanda qui avaient fui leur pays suite à la Révolution sociale hutu de 1959. Ensuite, il y a eu un autre génocide contre les Hutu, cette fois-ci au Rwanda, en 1994, commis par le Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagame. Ce génocide s’est déroulé à l’ombre du génocide des Tutsi commis par les extrémistes hutu. Puis il y a eu un autre génocide des Hutu et des Congolais en RDC, commis par la même armée de Kagame...»
Le spécialiste franco-américain, qui a publié plusieurs ouvrages et travaux sur les dynamiques de la violence en Afrique centrale, ne comprend pas pourquoi le débat s’articule uniquement autour du génocide des Tutsi, alors que d’autres populations de la région ont été tout autant touchées par les massacres de masse. À cet égard, il convient de rappeler que les crimes de masse commis contre les Hutu tant au Rwanda qu’en RDC ont été amplement documentés. On peut penser au Rapport Gersony, du nom du consultant de l’ONU, l’Américain Robert Gersony, qui avait établi, à la suite d’une enquête menée au Rwanda au lendemain du génocide, que le FPR de Paul Kagame s’était livré au massacre de plus de 30 000 Hutu dans trois préfectures du pays. Le rapport Gersony avait fait état «de meurtres systématiques et de persécutions des populations civiles hutu par l’Armée patriotique rwandaise» et de «massacres à l’aveugle des hommes, des femmes et des enfants, sans oublier les vieillards et les malades...»
À la demande des États-Unis, allié du FPR, les Nations unies avaient étouffé ce rapport au point de nier son existence. Mais un document du département d’État avait tout de même parlé de « génocide » pour décrire les atrocités relevées dans le rapport Gersony. De plus, les données publiées dans l’édition de janvier 2020 du Journal of genocide research sur le génocide survenu au Rwanda établissent que plusieurs centaines de milliers de Hutu ont été tués par le FPR.
Bien qu’il accorde une prépondérance aux crimes commis contre les Tutsi par les extrémistes hutu, le rapport d’enquête de plus de 800 pages produit conjointement par la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et Human Rights Watch (HRW) — considéré comme un document de référence sur le génocide rwandais —, dès 1999, montre comment le FPR a massacré des milliers de Hutu au lendemain du génocide.
D’autres rapports ont décrit dans les détails les crimes de masse commis par le FPR dans la région. Il y a le Rapport Garreton qui a documenté le massacre de masse des Hutu à l’est du Congo en 1997, mais aussi et surtout le Rapport Mapping du Haut- commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) publié le 1er octobre 2010, donc il y a dix ans jour pour jour, qui a documenté les crimes les plus graves commis en RDC entre 1993 et 2003. Selon les enquêteurs du HCDH, les attaques «en apparence systématiques et généralisées» conduites par les troupes rwandaises contre les civils «révèlent plusieurs éléments accablants qui, s’ils sont prouvés devant un tribunal compétent, pourraient être qualifiés de crimes de génocide».
Il convient par ailleurs de souligner que le caractère génocidaire des crimes commis par le FPR contre les Hutu et les Congolais avait également été décrit par ses membres dissidents...
«Ils ne pouvaient pas ne pas le savoir»
Ce que l’on sait maintenant hors de tout doute, c’est que le génocide et les crimes de masse en Afrique centrale ne se sont pas arrêtés avec la conquête de Kigali par le FPR en juillet 1994; ils se sont poursuivis après cette date au Rwanda même avant d’atteindre le Congo à partir d’octobre 1996, année de la première invasion du pays par les armées coalisées du Rwanda, du Burundi et de l’Ouganda.
Au regard de tout ce qui précède, on est donc tenté de se demander comment tous ces éléments ont pu échapper aux experts de la « Mission d’étude sur la recherche et l’enseignement des génocides et des crimes de masse » mise en place par le gouvernement français ? D’autant que les évènements susmentionnés ne datent pas du 18e ou 19e siècle, mais sont assez récents et ont été amplement documentés.
Comment des données relatives à des évènements si récents ont-elles pu échapper à la vigilance des gens censés être des experts dans leur domaine de recherche ? Comme me l’a confié un universitaire français ayant requis l’anonymat, «ils (les chercheurs de la Mission, du moins ceux qui sont présentés comme les spécialistes du Rwanda et/ou de l’Afrique centrale) ne pouvaient plaider l’ignorance. Ils ne pouvaient pas ne pas savoir que le Mapping report existe». Pour René Lemarchand, «un tel rapport [Duclert] est un scandale». Le professeur Filip Reyntjens, spécialiste mondialement reconnu des Grands Lacs, n’en pense pas moins. «En parcourant le rapport, j’ai été surpris», relate l’universitaire belge, qui a été expert au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Selon lui, le «rapport Duclert est très contesté» parce qu’ «il ne dit rien sur les évènements de 1972 au Burundi, ne parle pas de ce qui s’est passé en RDC et des crimes de masse commis par le FPR dans la région».
Cette «omission» n’était-elle pas volontaire ? La question se pose avec d’autant plus d’acuité que certains « experts » du Rwanda ayant participé à la Mission sont réputés être très alignés sur les thèses du FPR, en plus d’entretenir des rapports assez étroits avec des mouvements et/ou milieux associatifs qui lui sont proches. Ces «accointances» auraient-elles impacté le travail de ces « experts » dans le traitement du volet rwandais et/ou Afrique du rapport Duclert ?
Des « experts » franchement gagnés à la doxa de Kigali
Parmi les «experts» qui ont contribué aux travaux de la Mission Duclert sur les génocides et les crimes de masse en Afrique centrale, il y a l’historien Stéphane Audoin- Rouzeau, directeur d’études à l’EHESS (CESPRA), vice-président et rapporteur de la Mission; Helene Dumas, historienne, chargée de recherche au CNRS; l’historien Marcel Kabanda, président d’IBUKA-France, association des victimes du génocide considérée comme une excroissance du FPR. Tous trois sont des membres de la Mission. Cette dernière a également entendu l’africaniste Jean-Pierre Chrétien, «qui a contribué à sensibiliser l’opinion française sur le génocide des Tutsi, en 1994», peut-on lire dans le Rapport final de la Mission.
S’il est vrai que ces universitaires ont contribué, à leur manière, à l’évolution de l’état des connaissances sur les crimes de masse survenus en Afrique centrale, notamment au Rwanda, il est aussi attesté qu’ils ont tous en commun de n’aborder la question de ces crimes que sous le prisme du «génocide des Tutsi», occultant volontairement les crimes du FPR tout en acquiesçant sans aucune distance critique à la doxa que celui-ci a imposée sur les évènements survenus dans les Grands Lacs. La plupart des spécialistes et des observateurs de l’Afrique centrale interviewés par l’auteur de ces lignes n’ont pas hésité à questionner la rigueur scientifique et la probité intellectuelle de ces quatre chercheurs.
Il faut rappeler que Stéphane Audoin-Rouzeau est un historien spécialiste de la Première Guerre mondiale, qui n’a jamais véritablement travaillé sur l’Afrique centrale. Il avait publié en 2017 un livre sur le Rwanda après un voyage dans le pays, ouvrage qualifié de «très émotionnel» par certains de ses pairs. «Il est allé au Rwanda, mais sa connaissance de l’histoire du pays est nulle», affirme René Lemarchand.
Un avis que semble partager Filip Reyntjens. Hélène Dumas, son étudiante, a publié son doctorat sur les juridictions gacaca, et comme l’a confié un universitaire français, «sa thèse doctorale est bonne, mais elle a une connaissance limitée du Rwanda qu’elle ne connaît que sous le prisme du génocide des Tutsis». Quant à Marcel Kabanda, sa proximité avec le FPR est un secret de polichinelle ; « il est le patron du réseau FPR en France », affirme l’ancien ministre des Affaires étrangères dans le premier gouvernement FPR, Jean Marie Vianney Ndagijimana. Ce dernier raconte :
«Je le connais depuis 1994. Au début des années 2000, je l’ai rencontré et lui ai demandé de travailler à la mémorialisation de toutes les victimes rwandaises du génocide. Il a refusé en me disant :» Nous c’est pour les victimes tutsi qu’on est là. Si vous voulez commémorer les victimes hutu, faites-le dans votre coin. La mémoire, ça ne concerne que les Tutsi, et non les Hutu.” J’étais tellement choqué qu’un Rwandais parle de la sorte. C’est un homme radical...»
S’agissant de Jean-Pierre Chrétien, ces travaux universitaires ont été sévèrement critiqués par certains de ses pairs, qui lui ont reproché de véhiculer les thèses du FPR sans aucune distance critique. À son sujet, René Lemarchand observe :
«Le parti pris de Jean-Pierre Chrétien dans le dossier du Rwanda est très prononcé. Nous étions des amis jusqu’à ce que je me sois aperçu que je ne pouvais plus travailler avec lui à cause de son parti pris.»
Profitant de la forte légitimité qu’ils ont acquise dans leur champ professionnel et dont ils tirent leur force d’intervention dans le champ public, les universitaires susmentionnés font la promotion, sans une once de nuance, de la version officielle du génocide écrite à l’ombre de la victoire militaire du FPR. Interrogé par l’auteur de ces lignes, l’universitaire français ayant requis l’anonymat donne son appréciation de la situation :
«C’est une toute petite partie du monde universitaire qui travaille sur les Grands Lacs en France. C’est très peu. Peut-être une dizaine de chercheurs, pas plus. Ils se connaissent tous, ils se sont recrutés les uns les autres [...] Le bocal est trop petit et ils ne peuvent pas se permettre de se marcher dessus au risque de s’étouffer. Il faut donc s’aligner sur la ligne du groupe. La vie intellectuelle française est piégée là-dessus. En France, c’est dangereux — pas physiquement bien entendu — de remettre en question la version officielle du génocide. C’est dangereux pour des carrières, pour des réputations, pour des publications... C’est vraiment risqué.»
Tout en ne se faisant pas d’illusion sur l’alignement du trio Kabanda, Audoin-Rouzeau, Dumas sur l’orthodoxie de Kigali, l’universitaire accorde tout de même le bénéfice de la bonne foi aux chercheurs et à Vincent Duclert, en faisant observer qu’ils doivent montrer patte blanche s’ils veulent retourner mener des recherches dans les archives au Rwanda — ce qui est le cas de Duclert qui est actuellement à la tête d’une commission sur le rôle de la France pendant le génocide au Rwanda :
«Il faut montrer au régime qu’on est du bon côté. Il faut donner des gages. Peut-être qu’ils ne sont pas dupes, peut-être qu’ils savent qu’ils ont affaire à des gens peu scrupuleux, mais ils jouent le jeu. »Il est vrai que le régime rwandais est très regardant sur tout ce qui s’écrit et se dit sur le Rwanda et plus particulièrement sur le génocide.
Plusieurs chercheurs, militants des droits de l’homme, humanitaires, universitaires, journalistes ou même simples observateurs se sont vu refuser l’accès au Rwanda après la publication d’articles, de travaux et/ou de rapports critiques jugés « inacceptables » par le régime de Paul Kagame. Si Kabanda, Audoin-Rouzeau et Dumas sont autorisés à mener des recherches au Rwanda sans être importunés par le régime, c’est parce que leurs travaux n’ont pas jusqu’ici bousculé la doxa et ont été jugés «acceptables» par les maîtres du pays. Et s’il l’on peut accorder le bénéfice de la bonne foi au président de la Mission, Vincent Duclert, qui a réuni ces «experts» autour de lui, il n’en demeure pas moins que ceux-ci agissent avant tout comme des militants avant d’endosser le costume de scientifiques...
L’étrange rigidité intellectuelle des «experts» dans le dossier rwandais
Pour eux, il n’y a eu au Rwanda que des crimes, pour ne pas dire un génocide, commis par les Hutu et stoppés par un Paul Kagame héroïque qui est intervenu militairement pour sauver ses congénères tutsi. Aucun point de vue dissident n’est toléré, et son auteur est voué aux gémonies, accusé de «révisionnisme», de «négationnisme» et de «banalisation du génocide des Tutsi». Des allégations utilisées régulièrement par le régime de Kigali pour anesthésier toute critique visant le FPR.
Pourtant, l’état des connaissances sur les évènements survenus dans la région des Grands Lacs a tellement évolué qu’un tel postulat ne saurait résister, même minimalement, au poids de la vérité des faits. En effet, que ce soit sur les causes profondes de la guerre déclenchée par le FPR en octobre 1990 que sur l’attentat qui a coûté la vie aux Présidents Juvénal Habyarimana du Rwanda et Cyprien Ntaryamira du Burundi — évènement constituant l’élément déclencheur du génocide au Rwanda —, en passant par la «mécanique génocidaire» qui n’a épargné aucun Rwandais avant de faire des ravages dans toute la région, l’état des connaissances actuel permet de comprendre comment les évènements se sont articulés et quel a été le rôle joué par chaque acteur. Il est établi hors de tout doute que le FPR a joué un rôle important à tous les niveaux de ces processus. Le capitaine Amadou Deme, officier de renseignement à la MINUAR (Mission des Nations Unies au Rwanda), l’avait bien décrit dans un entretien avec Robin Philpot :
«S’il y a eu conspiration, planification, c’est du côté du FPR qu’il faut chercher. Il y a eu un plan, tous les mécanismes et stratégies militaires sont là, pour la prise du pouvoir. C’était un plan mûri de A à Z, avec tous les moyens militaires nécessaires. Un plan de déstabilisation du pays, d’attentat, d’offensive militaire massive jusqu’à la prise de pouvoir.»
Deux décennies après le génocide et des millions de morts plus tard, on ne peut donc plus faire comme si l’état des connaissances sur ce drame et ses suites catastrophiques au Congo n’avait pas évolué. Même si on ne saurait prétendre tout savoir des évènements qui ont ensanglanté l’Afrique centrale, il n’en reste pas moins qu’il y a de ces faits qui sont clairement établis.
S’enfermer dans une logique dogmatique ou faire preuve de rigidité intellectuelle, comme le font Kabanda, Audoin-Rouzeau, Dumas ou même Chrétien, pour faire triompher une version des faits au détriment d’un autre ne fait pas honneur aux sciences humaines et sociales. Le prestige de l’universitaire n’en sort pas grandi. La position de ces «experts» sur le Rwanda est d’autant surprenante que même les protecteurs traditionnels du Rwanda, comme les États-Unis et la Grande- Bretagne, questionnent désormais la doxa imposée par le régime de Kigali, qui excelle dans la hiérarchisation des victimes du génocide...
L’impossible débat sur le Rwanda
La France est l’un des rares pays au monde — avec la Belgique dans une moindre mesure — où les débats et les études sur le Rwanda, notamment lorsqu’ils portent sur les crimes du FPR, virent très souvent à la « guerre civile ». Le climat est si délétère que Filip Reyntjens a confié à l’auteur de ces lignes qu’il n’entendait plus se rendre dans l’Hexagone pour participer à des activités et des débats liés au génocide rwandais. Impossible donc d’écrire et de débattre sereinement. Tout se passe comme si un petit groupe détenait les clés de la vérité, et ceux qui contestent son monopole sont victimes de lynchage et d’une censure insidieuse, qui les réduisent au silence. Comme le fait observer le sociologue Marc Le Pape dans une tribune :
«Écrire sur le Rwanda provoque parfois l’impression de traverser un champ de mines. On croit, au début, se trouver dans un champ de controverses [...] Puis, il faut bien vite constater qu’il ne s’agit pas de cela, mais de dénonciation, d’intimidation».
À défaut de fabriquer le consentement» autour des thématiques relatives au drame rwandais qui leur sont chères, la clique des universitaires — tout comme une bonne partie des médias et de militants français — fait tout pour faire taire toute voix discordante qui rejette le récit manichéen du « méchant hutu » charcutant le «gentil tutsi». Se comportant comme des agents de police de la pensée au service du FPR, ou plus généralement de la cause ethnique tutsi, ils pratiquent l’intolérance intellectuelle en toute bonne conscience et attaquent tous ceux qui osent questionner la version officielle du génocide. Leurs méthodes allient bien souvent intimidations, invectives et censure. Ces derniers mois, Stéphane Audoin-Rouzeau, Hélène Dumas ainsi que Marcel Kabanda ont signé des lettres ouvertes et fait pression pour faire annuler des évènements dans lesquels devait être abordée la question rwandaise et... donc la responsabilité du FPR dans le génocide.
Comment comprendre un tel comportement de la part des universitaires censés être les chantres de la liberté d’expression et de pensée ainsi que les promoteurs de la confrontation intellectuelle de laquelle devrait jaillir la lumière ? En quoi le fait de mettre à nu les crimes du FPR et d’exposer la stratégie d’infiltration des Interahamwe par l’ancienne rébellion tutsi, comme l’a fait la journaliste canadienne Judi Rever, relèverait-il d’une négation du «génocide des Tutsi» ? Depuis quand parler des victimes hutu reviendrait-il à nier le massacre de ces derniers ? Pourquoi exposer la part de responsabilité du FPR dans les tueries de masse en Afrique centrale équivaudrait-il à nier le «génocide des Tutsi» ? Pourquoi ramener toutes les critiques adressées au FPR à cette terrible tragédie ?
Contrairement à ce que l’on peut penser, le fondement de la démarche de ces universitaires n’est pas de contrer un quelconque révisionnisme ou négationnisme, mais d’anesthésier toute critique des politiques criminelles du FPR. Ce qui pose problème à leurs yeux, ce n’est pas tant le fait de nier ce qu’ils appellent le «génocide des Tutsi» que de mettre sur la table de l’Histoire les massacres perpétrés par le FPR contre les Hutu et les Congolais, qui, eux, n’ont jamais commis un seul crime au Rwanda.
À preuve, ils n’ont jamais manifesté la moindre sympathie à l’égard des victimes tutsi du FPR, et on peut se demander pourquoi sont-ils imperméables à la souffrance des rescapés tutsi qui croupissent sous le poids de la dictature du régime Kagame, réclamant l’aide de la communauté internationale avec l’énergie du désespoir ? Pourquoi ne se sont-ils jamais insurgés contre ce qui s’apparence à un assassinat du chanteur gospel Kizito Mihigo, survivant tutsi devenu critique du régime et retrouvé mort dans une prison de Kigali, ou même dénoncés la situation catastrophique des droits de l’homme au Rwanda ?
En adoptant la posture partiale qui est la leur, ces universitaires ne rendent pas service à l’histoire et encore moins à la science. Au regard de leurs travaux, qui accordent très peu de place aux crimes commis contre les Hutu et les Congolais par le FPR, il n’est pas surprenant que le Rapport de mission auquel ils ont contribué ait occulté ces faits. Si, comme l’a affirmé Vincent Duclert dans Jeune-Afrique, que «la recherche permet de fermer la porte au négationnisme en révélant l’entreprise de dissimulation du génocide», il n’en demeure pas moins que le rapport de Mission qu’il a présidée a brillé par le silence proprement négationniste entourant les génocides et les crimes de masse commis par le FPR à l’encontre des Hutu et des Congolais.
Patrick Mbeko
12 octobre 2020
Nota bene : contactés par l’auteur de ces lignes, Audoin-Rouzeau, Hélène Dumas ainsi que Vincent Duclert n’ont pas souhaité répondre à ses demandes répétitives d’interviews sur la question... Contactée également, la sociologue Claudine Vidal, directrice de recherche émérite au CNRS, n’a pas daigné commenter le rapport, se contentant de faire observer que « les rédacteurs du Rapport étaient moins engagés dans une recherche au sens strict du terme que dans une proposition comportant des enjeux universitaires et institutionnels, ce qui induisait effectivement des biais dans le choix des cas exposés. »
source
prochetmoyen-orient.ch /france-afrique-des-grands-lacs-un-rapport-universitaire-occulte-les-crimes-de-kagame 11 octobre 2020
Bernard Lugan : questions sur les insolites "Commissions Duclert" (Rwanda)
l'analyse de Bernard Lugan
sur les commissions Duclert
À Monsieur le Président de la République française, Jean-Pierre Lledo, le débat avec l'Algérie
À Monsieur le Président de la République française
Jean-Pierre Lledo
À Monsieur Emmanuel Macron
Ayant la nationalité algérienne et française, ayant vécu en Algérie jusqu’en 1993, ayant du fuir vers la France le mal nommé "Séparatisme" islamiste, je me crois assez autorisé pour vous confier ce que j’ai pensé de l’information selon laquelle vous alliez, de concert avec les autorités algériennes, mettre sur pied une instance composée paritairement d’historiens algériens et français et dont le but serait de : "réconcilier les mémoires françaises et algériennes" et ce dans la perspective du prochain anniversaire de 2022 de la fin de la guerre d’Algérie.
Louable, et je dirais même grandiose, dessein qui concerne directement une centaine de millions de gens qui attendent cela depuis soixante ans ! Pourtant permettez–moi Monsieur le Président de vous dire mon extrême pessimisme : on ne peut combler en deux années, un si grand retard dans la recherche historique, et surmonter ce qui relève de la censure d’État.
Je parle en connaissance de cause.
les archives algériennes
Les Archives algériennes, et notamment celles de la guerre d’Algérie, et du FLN, sont toujours hermétiquement fermées, aux chercheurs algériens et étrangers. De ce fait, toute tentative d’une réécriture commune de l’histoire franco-algérienne, aussi noble qu’elle soit dans son projet, restera un vœu pieu, et à l’avance vouée à l’échec, avec toutes les conséquences psychologiques néfastes pour les individus directement traumatisés, et les groupes humains qui ont été victimes.
Seule la VÉRITE peut avoir des vertus thérapeutiques. Seule, elle, peut guérir les MÉMOIRES traumatisées
Or, pour vous donner mon exemple, quand j’ai crû devoir contribuer à cette vérité, en faisant mon film Algérie, histoires à ne pas dire, co-production franco-algérienne, ce film fut aussitôt interdit par les autorités algériennes (Juin 2007), mais aussi combattu dans la presse par des intellectuels algériens.
Interdit et combattu parce que dérogeant au récit national algérien de la guerre d’Algérie. Pourtant tous les témoins de ce film, passifs, ou actifs, étaient algériens, arabes et musulmans, se considérant comme de bons patriotes. Ils avaient donc eu le tort d’évoquer les massacres d’Aout 1955, le terrorisme urbain, l’assassinat du chanteur juif constantinois, Raymond Leyris, et les massacres du 5 Juillet 1962, dont on a déjà officiellement dénombré plus de 700 victimes (grâce a l’historien Jean-Jacques Jordi), violence toutes commises à l’encontre de civils non-musulmans, et à l’initiative des instances dirigeantes du FLN et de l’ALN.
Moi-même j’avais réalisé ce film avec l’idée que nous les jeunes générations algériennes, de diverses origines ethniques, étions capables d’écrire un nouveau chapitre de l’histoire algéro-française qui se distinguerait de l’écriture apologétique de nos pères.
Je me trompai, mon film fut interdit par la Ministre de la culture Khalida Messaoudi, et vilipendé par des intellectuels algériens. Et quand je tentai de leur répondre, la presse algérienne, aux ordres, très vite, censura mes réponses. Censuré et interdit de parole, on me signifiait d’une certaine manière mon exclusion de la citoyenneté algérienne.
Mais si la France, dont j’avais aussi la nationalité, avait programmé ce film dans les chaines de la Télévision nationale, si elle avait protesté par la voix de son Ministre de la culture contre cette censure, je ne doute pas qu’elle aurait déclenché, enfin, le véritable débat que tout le monde attend depuis 60 ans. Or, force est de constater, que sélectionné dans les plus grands Festivals (Toronto, Tribeca, etc….), et loué par la presse cinématographique de France (avec une 3ème de page dans le Monde en Fev 2008), CE FILM Y A AUSSI ETE CENSURE : ni acheté en 2008 (après sa sortie dans toutes les salles de France), ni en 2012, alors que des centaines d’émissions et de films, dans les radios et les TV d’Etat ou privés, furent préparés puis programmés par à l’occasion du cinquantenaire de la fin de la guerre d’Algérie.
conditions d'un réel débat historiografique
De par mon expérience, je me permettrai Monsieur le Président, de vous dire que votre noble dessein ne pourra être couronné de succès qu’aux conditions minima que je vais énumérer :
- BANNIR LA CENSURE en Algérie, comme en France : c’est-à-dire libérer toutes les œuvres qui ont été réalisées sur cette période de la guerre d’Algérie, ou de la colonisation.
- OUVRIR TOUTES LES ARCHIVES, notamment celles de l’Algérie, et du FLN.
- VEILLER AU PLURALISME D’OPINION dans le choix des historiens algériens et français qui feront partie de cette "Commission". Il ne faut pas être naïfs : malgré toutes les précautions, l’histoire n’est pas "objective, et les historiens non plus.
- Évoquer et condamner les violences, oui. Mais DES DEUX CÔTÉS. Rien ne serait plus traumatisant que l’on évoque les violences de la France et que l’on taise celle du FLN.
- CESSER D’ENVISAGER L’HISTOIRE COMME UN EXERCICE DE REPENTANCE. L’histoire ne devrait tendre que vers un seul but : la VÉRITÉ.
Le Président Bouteflika avait bien commencé son règne, lorsqu’en 1999, il déclara que "la colonisation avait introduit la modernité en Algérie…. par effraction. Rien ne serait plus catastrophique, pour les jeunes Algériens comme pour les jeunes Français, de laisser l’IDÉOLOGIE abuser de l’HISTOIRE.
Si l’on veut objectivement apprécier ce que fut la colonisation française, et en faire son bilan, ne faudrait-il pas décrire l’état de ce qui ne s’appelait pas encore l’Algérie, avant la colonisation ? Mieux encore, ne faudrait-il pas, faire le bilan de la colonisation ottomane durant les quaree siècles qui précédèrent l’arrivée de la France ?
Monsieur le Président de la République française, vous détenez une grande part de RESPONSABILITÉ, comme tous les Présidents des pays qui se veulent "démocratique".
Vous pouvez beaucoup de ce fait pour créer, du moins en France, les conditions de liberté et de sérénité, d’un débat sur l’histoire franco-algérienne. Si cet exercice, le seul salutaire, venait pour des considérations bassement politiques, à être remplacé par un exercice de repentance unilatérale, alors vous prépareriez à la France des décennies d’une nouvelle violence qui déjà pointe son nez, sous le ridicule vocable de "décolonialisme" de la part de soi-disant intellectuels qui plutôt que de lutter pour la démocratie dans leur pays, se croit le droit de culpabiliser le peuple ‘’blanc’’ de France.
Avec l’expression de ma haute considération.
Jean-Pierre Lledo
cinéaste
Paris le 17 novembre 2020
lledo47jeanpierre@gmail.com
les mensonges du Canard Enchaîné sur le Rwanda
les mensonges du Canard Enchaîné
sur le Rwanda
à propos de Julie d'Andurain
Sous la main l’article du Canard Enchaîné du 18 novembre 2020, intitulé «Commission impossible sur le Rwada (suite)», signé» par un mystérieux D.F (David Fontaine semble-t-il).
Il fait référence à une notice «L’opération Turquoise» publiée dans le Dictionnaire des opérations extérieures françaises de 1963 à nos jours, Nouveau monde Editions, Ministère des Armées, 2018, p. 270-275. Je me demande si le journaliste a lu le même texte que moi...
En réalité, l’article du Canard Enchaîné est une attaque en règle contre l’historienne Julie d’Andarain (université de Metz) : «cette historienne fana-mili y ravalait et le génocide des Tutsis au rang de massacres et de tueries ; sans compter de multiples erreurs factuelles.»
Et encore : … «d’éminents historiens spécialistes des génocides dénonçant fond de l’article de Julie d’Andurain». Annette Becker a ainsi répliqué à ses collègues le 6 novembre «Vous n’avez pas fait ce que nous enseignons à étudiants de première année : se référer au texte incriminé»
Or, j’ai sous les yeux le texte de la notice signée Julie d’Andurain dont elle dit elle-même qu’elle le réécrirait autrement. MAIS on ne peut dire qu'elle ne mentionne pas le génocide des Tutsis. Le terme figure au moins onze fois dans sa notice.
Michel Renard
un point de vue sur le Rwanda
un point de vue sur le Rwanda
Lu ce jour sous la plume d’un congolais :
Rwanda. L’éloge du sang est un livre passionnant à lire et à relire. En le fermant, plusieurs questions se posent : «Pourquoi cette jeune dame a-t-elle pris tant de risques pour l’écrire ? Pourquoi a-t-elle accepté d’affronter la maladie, la souffrance, la mort, l’instabilité familiale, les menaces proférées à l’endroit de ses filles, le divorce, etc., pour écrire ce qui s’est passé trop loin de son pays ?»
Une première réponse me semble être «la passion pour la vérité» ! L’humain en Judi Rever a parlé plus fort que toute idéologie partisane ou racialiste. Elle a voulu, contre vents et marées, être «la voix des sans-voix». La voie de ces hommes, de ces femmes, de ces enfants, de ces vieillards soumis au silence et auxquels quelques «monstres» de l’APR/FRP ont voulu arracher la vie et le sens de l’humain. De ces hommes et femmes qui, ayant résisté à rendre « leur conscience vicieuse», ont accepté de partager leurs histoires et leurs mémoires avec »une sœur en humanité ».
Ne pas parler, ne pas donner des conférences, ne pas écrire aurait été une façon de trahir ses frères et sœurs en humanité et de trahir l’humain en elle. Aller jusqu’au bout de ce qu’elle avait entrepris fut son leitmotiv. Son mari, bien qu’en ayant beaucoup souffert, a fini par la pousser dans ce sens.
Au fur et à mesure de ses recherches, de ses rencontres -au risque de sa vie et de celle de sa famille-, Judi Rever a compris que rien ne peut tuer la vérité. La passion pour la vérité l’a boostée.
…/…
Cela étant, en publiant son livre, Judi Rever partage sa passion pour la vérité et sa lutte contre la peur avec ses frères et sœurs du monde, du Rwanda, de l’Ouganda, du Congo-Kinshasa et de toute l’Afrique. Elle apporte sa pierre à l’édification d’une humanité renouvelée au cœur de l’Afrique.
Bababya Lumumba
Génération Lumumba 1961
http://kasaidirect.net/wordpress/?p=14919
au sujet du dernier livre de Raphaëlle Branche
Complice des fellaghas nazislamistes
et la torture
à propos du dernier livre de Raphaëlle Branche, par Manuel Gomez
La radio Rance Culture, dont l’idéologie est bien connue depuis des années, ne pouvait que faire l’éloge d’un récent livre écrit par Raphaëlle Branche, née en 1972 à Paris, mais "spécialiste des violences en situation coloniale" et dont le titre de gloire est sa thèse sur «L’armée et la torture pendant la guerre d’Algérie. Les soldats, leurs chefs et les violences illégales».
Selon elle : «un silence entoure depuis 60 ans la guerre d’Algérie»… serait-elle sourde à ce point ? Toujours selon elle : «Les «appelés» étaient les petits-fils des combattants de 14/18 ».
Et encore selon elle : «Ce ne sont pas les obus qui ont décimé les «appelés» en Algérie», mais ce qu’ils ont vu ou fait. Ce qui fut enseveli, mais non pas digéré mais ravalé, avec les lois d’amnistie.
Rappelons qu’il y a eu environ 1 200 000 «jeunes appelés» qui ont servi en Algérie et Raphaëlle Branche a obtenu, après avoir expédié 300 questionnaires, les témoignages de 39 familles et sur ces 39 familles interrogées, 14 ont fournis des documents. Je peux comprendre que ces 39 «petits-fils »des combattants de 14/18, dont elle a recueilli les témoignages, « soient revenus abîmés par leur expérience de la mort, de la torture et de la violence » - quid du terrorisme barbare des fellaghas islamistes ?- .
Mais Raphaëlle Branche n’a pas «construit» son livre qu’avec les seuls témoignages (heureusement !) mais elle s’est référée à ces chercheurs et chercheuses» qui se sont attaqués également à la puissance du déni qui a opéré pendant plusieurs décennies ». Par exemple : Benjamin Stora, Claire Mauss-Copeaux (également spécialiste de la torture !), Florence Dosse et surtout, mais surtout, Bernard W. Sigg, ce psychiatre, militant marxiste, déserteur de l’armée française en 1961.
Il aurait, selon lui, «pris le large» et déserté en 1961 quelques jours avant d’être affecté à un poste de médecin «car il avait compris, avant même d’y aller, que sa tâche aurait été de maintenir en vie, après des séances de tortures, des combattants de l’indépendance, nos ennemis mais pas les siens». En revanche, il n’a pas manqué de donner la parole aux appelés organisés et aux déserteurs militants qui risquaient la prison (et qui auraient été fusillés lors des deux premières guerres !).
L’un de ces 39 raconte le souvenir obsédant « d’un ruisseau devenu rouge (rouge du sang de qui ? de soldats français ? de Harkis ? de civils français ? de terroristes islamistes fellaghas ?). Certains lui ont dit «leur honte», certainement ce fils qui a envoyé une carte à ses parents, leur écrivant : «qu’avec son groupe ils avaient «étrillé» un village arabe et «pris toutes les femmes» mais que «sinon, ça va».
Qui pensez-vous convaincre, Raphaëlle Branche ? Vos amis (es), vos lecteurs habituels le sont depuis longtemps, ils partagent votre idéologie .Contrairement à vous « la société française, dans sa majorité, n’est pas sourde, et si elle est traumatisée, ce n’est certes pas par ce que vous écrivez et ce que vous déclarez, vous et les vôtres, les Stora, Moss-Copeaux, Dosse, et les autres, qui avez pris la suite des Sartre, Franz Fanon, Einaudi, Alleg et compagnie, mais parce qu’elle subit, aujourd’hui, les traumatismes que vous avez défendus.
Manuel Gomez, novembre 2020