mardi 22 janvier 2013

Malpasset, 1959 : fatalité ou FLN ?

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catastrophe du barrage de Malpasset

2 décembre 1959 :

fatalité ou attentat FLN...?

 

Ce 22 janvier 2013, un documentaire allemand projeté sur la 7 a affirmé que l'accident du barrage de Malpasset était dû à un attentat du FLN. Il fit 423 morts dans la population française. Le journaliste était assez affirmatif.

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"Le long chemin vers l'amitié - En route vers le traité de l'Élysée", documentaire historique de Michael Mueller et Peter F. Müller (Allemagne, 2012, diffusé par Arte le 22 janvier 2013). Consacré aux difficiles relations politiques de la France et de l'Allemagne de 1945 à 1963, ce film évoque les contacts du FLN algérien avec la Police secrète de la RDA et l'aide apportée au FLN par la RFA et la RDA (fourniture de matériel militaire). L'historien allemand Erich Schmidt-Eenboom y indique que les documents de la Stasi font état d'un projet d'attentat du FLN contre le barrage de Malpasset, attentat qui eut pour résultat la catastrophe de Fréjus. (Wikipedia)

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 Erich Schmidt-Eenboom

Mehr als 400 Menschen starben, als am Abend des 2. Dezembers 1959 der Staudamm Malpasset nahe der Stadt Fréjus in Südfrankreich brach und fast 50 Millionen Kubikmeter Wasser das Tal von Reyran überfluteten. Für die geologischen und konstruktionsbedingten Ursachen könne niemand verantwortlich gemacht werden, so lautet bis heute die offizielle Version von der Katastrophe. Umso ungeheuerlicher ist die Information, die der Autor und Geheimdienstexperte Erich Schmidt-Eenboom seinen Zuhörern in der evangelischen Christuskirche in Frechen-Königsdorf präsentierte : Der Dammbruch sei ein Anschlag der algerischen Befreiungsbewegung, der „Front de Libération Nationale“ (FLN) gewesen, beziehungsweise ihrer „Armee de Liberation Nationale“ (ALN). Und der Bundesnachrichten (BND) habe davon gewusst.

Kritik am BND

Schmidt-Eenboom, Vorsitzender des gemeinnützigen Forschungsinstituts für Friedenspolitik in Weilheim, erforscht und dokumentiert seit Jahren nachrichtendienstliche Aktivitäten und hat mehrere Arbeiten publiziert, in denen er sich äußerst kritisch mit dem BND auseinandersetzt. Unter dem Titel „Im Schatten des Dritten Reiches“ hat er nun zusammen mit dem Politikwissenschaftler Matthias Ritzi seine Recherchen über den deutschen Agenten Richard Christmann veröffentlicht. Der in Lothringen geborene Spion agierte im zweiten Weltkrieg im Dienste der deutschen militärischen Gegenspionage als Doppelagent und wurde nach dem Krieg zunächst Agent der „Organisation Gehlen“, der Vorläuferorganisation des BND, und mit Gründung des BND 1956 dann für diesen tätig.

Auf Einladung des Journalisten Jürgen Streich berichtete Schmidt-Eenboom im Rahmen der Veranstaltungsreihe „Königsdorfer Literaturforum“ von seinen Recherchen. Völlig frei und sachlich präsentierte er den etwa 25 gespannten Zuhörern höchst brisantes Material. Anhand der Geschichte Christmanns belegen er und Ritzi zum einen die personelle Kontinuität in den Geheimdiensten im Dritten Reich und in der Bundesrepublik und andererseits, dass der BND nicht nur Informationen sammelt, sondern eine eigene Politik betreibt und gezielt in internationale Konflikte eingreift.

Als Statthalter der Organisation Gehlen in Tunis sei Christmann zum Beispiel Schlüsselfigur im Algerienkrieg gewesen. Während die deutsche Regierung im Kontext der politischen Bemühungen um den Nato-Partner Frankreich und die deutsch-französische Versöhnung in Nordafrika eine „Schaukelpolitik“ betrieben habe, habe Christmann die Interessen Deutschlands unter anderem durch eine massive operative Unterstützung der antifranzösischen algerischen Befreiungsbewegung forciert.

So habe der BND durch Christmann auch im Voraus vom geplanten Anschlag auf die Talsperre Malpasset gewusst, den französischen Nachrichtendienst aus taktischen Gründen jedoch nicht gewarnt. Aus dem BND-Meldeverkehr gehe darüber hinaus eindeutig hervor, dass der Dammbruch mittels Pressluft verursacht wurde.

Über seinen Freund und französischen Kollegen Roger Faligot erhielt Schmidt-Eenboom Zugriff auf Christmanns Berichte und Aufträge aus Pullach, die seine geheimdienstlichen Tätigkeiten dokumentieren. Auf Nachfrage eines Zuhörers erzählte er, das Christmann selbst Kopien dieser Unterlagen in einem geheimen Depot versteckt und Faligot zugespielt habe, bevor er 1989 in Frankfurt starb. Ebenfalls auf Nachfrage informierte Schmidt-Eenboom, dass er den Wahrheitsgehalt seiner Quellen zum Beispiel durch Gegenrecherchen in den Archiven der amerikanischen CIA und anderer Nachrichtendienste überprüfe.

source

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liens

- explication "naturelle" : http://www.transenprovence.org/article-18201758.html

 

critique

"Énorme connerie dans un documentaire allemand sur Arte. Un type assène qu'en 1959, les services allemands informés de la préparation d'un attentat FLN sur le barrage de Fréjus n'ont pas averti les Français ! Sauf que ce n'était pas un attentat, que je connais le géologue qui a démontré à l'époque que la catastrophe devait tout à la surdité des ingénieurs qui n'ont pas tenu compte des études... Quant au FLN, il a toujours revendiqué ses attentats et en 1959, en métropole, il se contentait de faire sauter les bistros des partisans de Messali Hadj !

Guy Konopnicki (sur Facebook, 24 janvier 2013)

- Konop, il n'y a pas que les bristrots des messalistes qui étaient visés par le FLN en métropole. D'ailleurs, à partir de 1958-59, le FLN l'a quasiment emporté sur les messalistes.... En septembre 1958 (25-26 août), le FLN a organisé un spectaculaire attentat contre le dépôt de carburants de Mourepiane à Marseille.
http://www.ina.fr/fresques/reperes-mediterraneens/fiche-media/Repmed00224?video=Repmed00224

Michel Renard

 - Oui mais le FLN a revendiqué le dépôt de carburant. Mais pas Frejus !

Guy Konopnicki (sur Facebook, 24 janvier 2013)

- je ne suis pas en mesure de vérifier ni de valider cette "révélation"... Mais qu'elle n'ait pas été revendiquée ne signifie pas que son auteur n'est pas celui désigné par cet agent secret allemand... D'un autre côté ne pas le revendiquer lui faisait perdre de son impact politique... mais comme le bilan humain innocent est si élevé, il était peut-être difficile de l'assumer. Le FLN n'a pas revendiqué Melouza non plus.

Michel Renard

 - Seulement il y a les rapports sur la situation du barrage. Un géologue universitaire avait fait un étude de terrain mais les X du corps des mines ont estimé qu'il n'y avait pas de danger. Aucune trace de bombe dans le dossier Francais . Et elle surgit dans prétendu rapport allemand après 60 ans !

Guy Konopnicki (sur Facebook, 24 janvier 2013)

 

- possible... c'est effectivement étrange... Je n'ai pas lu les arguments de l'historien (à qui j'ai écrit... j'attends sa réponse) ni ai eu accès à ces archives... Mais ce n'est pas l'aspect improbable de l'événement qui me convaincra de son irréalité... J'attends des preuves historiennes établies avec scrupule. Raison pour laquelle, nous avons titré l'article d'Études Coloniales : "fatalité ou FLN ?" avec un point d'interrogation...

Michel Renard

 

Il semble que Guy Konopniki ait mal lu l'article en allemand.... : l'ex-agent Eenboom évoque un "Pressluft" (machine à air comprimé) et non une bombe - dont il n'a jamais été question dans son intervention.
La fragilité du terrain aidant, un acte de sabotage devient dans ce cas vraisemblable. Vu le contexte international de la Guerre froide à l'époque, les liens ambigus entre BND (RFA) et STASI (RDA), ainsi qu'entre l'Allemagne qui officiellement soutenait De Gaulle tout en fournissant des armes au FLN (voir le Kofferträger - porteurs de valises - de Claus Leggewie) et De Gaulle lui-même qui officiellement luttait contre le FLN tout en négociant secrètement avec lui, il est difficile de voir clair dans ce sac d'embrouilles...
Mais l'hypothèse d'un attentat-sabotage n'est pas à rejeter. Les historiens feront la lumière sur cette sinistre affaire.

Nicole Guiraud
(25 janvier, 11 h 32)

 

commentaire

Catastrophe de Fréjus : Arte sur la thèse de l'attentat FLN

Le Point.fr - Publié le 24/01/2013 à 08:56 - Modifié le 24/01/2013 à 18:0

 

Selon un documentaire allemand, la rupture du barrage de Malpasset

n'était pas un accident, la thèse officielle en France.

 

Par Emmanuel Berretta

Révélation surprenante d'Arte : la rupture du barrage de Malpasset le 2 décembre 1959, qui a causé plus de 400 victimes à Fréjus, ne serait pas le fait d'un accident, thèse officielle de la France. Selon les services secrets de l'Allemagne de l'Ouest, il s'agissait d'un attentat du FLN.

Ces allégations sont avancées par un documentaire relatant le chemin compliqué de l'amitié franco-allemande, diffusé mardi 22 janvier à 22 heures (visionnage ici). Celui-ci a été produit par la chaîne régionale allemande WDR (en Rhénanie du Nord) et est basé sur de nombreuses archives des services secrets allemands, aussi bien de la RFA que de la Stasi.

Selon le documentaire, l'agent ouest-allemand Richard Christmann (1905-1989) savait où et quand aurait lieu l'attentat du FLN. Il aurait prévenu sa hiérarchie. "On ignore pourquoi les services allemands n'ont pas prévenu leurs homologues français."

Cette thèse bat en brèche un arrêt du Conseil d'État qui, le 28 mai 1971, après des années d'enquête, avait conclu à la fatalité. Le barrage avait été construit cinq ans plus tôt sur une roche discutable et des failles géologiques non décelées lors de la prospection auraient créé un terrain favorable à la catastrophe. Le barrage a cédé à la suite de très fortes précipitations lors des semaines précédant le 2 décembre 1959. On peut revoir sur le site de l'INA le reportage de la télévision française de 1959 relatant la catastrophe de Fréjus.

Le double jeu des Allemands

Si les archives des services secrets allemands sont authentiques, c'est un pan de l'histoire de Fréjus qui mériterait d'être réécrit. Le documentaire d'Arte analyse avec finesse le double jeu des autorités d'Allemagne de l'Ouest lors de la guerre d'Algérie. Officiellement, le chancelier Adenauer soutenait le général de Gaulle. Mais ses services secrets aidaient le FLN...

Contactée par lepoint.fr, la direction d'Arte effectue des recherches auprès de la chaîne WDR pour remonter aux sources du documentaire, les fameuses archives des services secrets allemands. "Si les faits sont avérés, nous reviendrons spécialement sur la catastrophe de Fréjus en y consacrant un documentaire entier", indique Véronique Cayla, la présidente d'Arte.

source

 

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samedi 12 janvier 2013

les harkis, selon l'anthropologue Vincent Crapanzano

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les harkis auraient mérité une

analyse plus nuancée

général Maurice FAIVRE

 

Vincent Crapanzano, Les harkis. Mémoires sans issue, Essai, Chicago 2011 (the wound that never heals). Gallimard 2012, 295 pages, 26 euros.

photo_53-160x222 Anthropologue de l'université de New York, l'auteur découvre en 1980 la blessure inguérissable des harkis, alors qu'à l'époque de la guerre d'Algérie, il était partisan des nationalistes et admirait Sartre et Fanon. Il a lu de nombreux ouvrages et rencontré des militants de la cause harkie.

N'ayant pas fait de recherches en archives, ses données historiques contiennent des erreurs (1) qui nuisent à la pertinence de ses réflexions et de celles des témoins. Il reconnaît d'ailleurs que Paulette Péju est peu crédible, Saïd Ferdi excessif, Arfi et Klech confus et peu équilibrés ; beaucoup ne savent rien et se contredisent.

Les thèses des militants concernant les harkis auraient mérité une analyse plus nuancée. Sont-ils vraiment les produits de la domination et du paternalisme colonial, soumis au racisme des Français d'Algérie, à une discipline tyrannique et à l'humiliation, ont-ils été incarcérés dans des camps pendant 20 ans et séparés de leur famille ? Les commandants de camps étaient-ils corrompus, les instituteurs sadiques et incapables ?

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harkis, 1956

Certaines réalités sont heureusement prises en considération : la naissance tardive du nationalisme, les cruautés du FLN, la distinction entre la torture utilitaire des uns et expiatoire des autres, la misère des supplétifs restés en Algérie, la déception de ceux qui retournent dans le bled et la reconnaissance du mieux-vivre en France.

De nombreuses familles se sont bien intégrées, leurs enfants ont eu de remarquables réussites. Mais les pères se sont emmurés dans le silence, certains enfants ne l'ont pas supporté, ils se sont révoltés parce qu'ils ignoraient leur histoire.

S'il n'est pas niable que le gouvernement français a cru à tort qu'il n'y aurait pas de représailles, il n'est pas responsable des massacres, mais de l'improvisation initiale des rapatriements. Il a fallu six mois pour que l'armée prenne l'affaire en main.

Khemisti Bouneb, anthropologue qui a vécu dans ces camps, observe «qu'il y a eu une très grande exagération à propos de ces milieux fermés... parmi les dirigeants de ces camps, il y avait des gens formidables et dévoués... Ce n'étaient pas... des Club Med, il y régnait une discipline stricte, mais ils répondaient aux exigences du moment, à savoir la prise en charge globale de familles rapatriées dans l'urgence».

Maurice Faivre,
historien et ami des harkis

 

1 - Guy Pervillé, Anne Heinis, Jean-Jacques Jordi et Maurice Faivre sont souvent cités, mais plus discutables sont Charles-Robert Ageron, le général Buis, Jean-Pierre Vittori, Michel Roux, Tom Charbit, Dalila Kerchouche et Fatima Besnaci, alors que sont ignorés le général François Meyer, le conseiller d'État Michel Massenet, le docteur K. D. Bouneb, Daniel Lefeuvre et Roger Vétillard. Les erreurs les plus flagrantes concernent - l'évaluation des victimes : ils seraient 6.000 à 45.000 en mai 1945, des centaines jetés dans la Seine le 17 octobre 1961, 1.500.000 Algériens et 55.000 Pieds Noirs disparus, - et les effectifs : 400 SAS, 260.000 pro-français en mars 1962, 85.000 harkis rapatriés. Salan organise le quadrillage, et le plan Challe est situé en 1958.

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autre erreur :

Aziz Meliani, cité p. 10, n'est général mais colonel de l'armée française.

M.R.

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vendredi 11 janvier 2013

Nicolas Bedos et la Guadeloupe : racisme...

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sanctionner le racisme décomplexé de Nicolas

Bedos, ce serait déjà une réparation

Claude RIBBE

 
 

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Nicolas Bedos, qui se dit humoriste, tient une chronique régulière hébergée sous le titre Le journal mythomane par le site Marianne.
 
À la fin de l’automne 2012, il se rend en vacances à la Guadeloupe et s’inspire de ce séjour pour écrire deux billets qui sont publiés les 9 et 18 décembre, sous le titre Indolence insulaire et Un voyage en Chirac.

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Je ne connais pas Nicolas Bedos et ne je ne m’intéresse pas à ce qu’il fait. Tout ce que j’aurais pu dire de lui avant cette histoire, c’est qu’il était certainement le fils de Guy Bedos, dont je n’ai pu éviter, comme beaucoup de gens de ma génération, les pitreries sur les écrans noirs et blancs de l’ORTF. C’était dans les années soixante-dix. Guy Bedos et Sophie Daumier dansaient le slow et pensaient tout haut. C’était assez drôle. Bedos jouait sur son accent pied-noir. Daumier tenait le rôle d’une blondinette vulgaire.

Par la suite, me sont parvenus les échos de prises de positions plutôt courageuses et intelligentes de Guy Bedos. Mais l’intelligence, le courage et l’humour ne sont pas des vertus héréditaires.
 
Plusieurs lecteurs m’ont signalé que deux billets de Bedos fils, présentés comme humoristiques, contenaient en réalité des propos insultants et véhiculaient les pires préjugés racistes.
 
On m’a demandé de prendre la parole, au nom de ceux qui ne pourraient le faire. Et j’avoue que, lassé d’employer mon temps à fustiger la bêtise – vaste programme ! - j’ai d’abord hésité.
 
trivialité
 
J’ai donc pris la peine de lire. Et ce qui m’a frappé, c’est la trivialité et la lourdeur des textes de ce Bedos-là, qui pourtant ont une prétention littéraire. De toute évidence, ils sont travaillés. Le problème c’est que cela se voit et que cette prose aigre, assez médiocre - il faut le dire - sent la sueur.
 
Dans le premier billet, Bedos se moque de touristes normands égarés sur une plage. Il prend comme cible «une commère aux hanches guadeloupéennes mais à la face carbonisée par un soleil anti-blanc».
 
La présence de touristes normands avec leurs enfants sur une plage de Guadeloupe est bien improbable en dehors des vacances scolaires. D’autant plus que le père est au chômage. On peut penser que les personnages de la «truie en tongs» et de son «marcassin» de fils qui porte un prénom de feuilleton américain sont inventés.
J’imagine plutôt Bedos sur la grève privée de l’hôtel de la Vieille Tour, se prélassant parmi les hôtesses d’Air France.

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Pourquoi des «hanches guadeloupéennes» ? Le texte laisse penser que l’obésité serait l’une de caractéristiques des Guadeloupéens.
 
paternalisme colonial
 
Apparaît ensuite le personnage de Gilles. C'est un «génie» parce qu’il manie habilement la langue française. Sur ce point, Bedos se sent qualifié et, même s’il se surveille, il a beaucoup de mal à réfréner ce qu’il faut bien appeler son paternalisme colonial. Bedos serait l’intellectuel de référence ayant accès au monde des éditeurs parisiens. Ne vient-il pas fêter un succès littéraire ?
 
Gilles, lui, est présenté comme un «guide». Nous sommes bien dans la brousse. Et c’est à ce moment là que le mot est lâché. Gilles est le «merveilleux produit de l’indolence insulaire».
 
On comprend dès lors l’obésité, les «hanches guadeloupéennes». Les Guadeloupéens sont indolents, nonchalants, paresseux.
 
Gilles aussi est indolent, comme les autres, comme moi sans doute. Son habileté syntaxique, il ne veut rien en faire. Il n’écrira pas de romans. « Il tape sur les bambous et ça lui va bien» fredonnerait Philippe Lavil, le chantre des békés.
 

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Je repense à l’eau de toilette du sketch de Guy Bedos. «Drôlement incommodante !» soupirait Sophie Daumier. L’eau de toilette du fils Bedos, tout aussi incommodante, c’est celle de Jean-Paul Guerlain. Ce dernier, lui aussi, ironisait publiquement sur l’indolence des «noirs».
 
Au moment de terminer son billet, Bedos est frustré. Comme il s’est surveillé, il n’a pas dit l’essentiel : la couleur de peau de Gilles. Car toute la page tourne autour de cela. Le soleil de la Guadeloupe est anti-blanc. Les Guadeloupéens, eux, peuvent s’exposer sans risque. Leur peau est différente. Ils sont bien à leur place sur cette île à ne rien faire.
 
«Enculé de nègre !» explose alors Bedos.

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"enculé de nègre !"

 
L’humoriste, qui  prône pourtant le mariage pour tous, semble oublier que c’est là un terme de mépris tendant à stigmatiser les homosexuels.
 
Bedos traite-il son «guide» d’«enculé de nègre» pour exprimer son admiration ? C’est ce qu’il dira certainement pour se défendre.
 
En réalité, la formule est gratuite. Et elle est injurieuse. Bedos méprise les « nègres » et particulièrement les nègres Guadeloupéens. Ce sont des «enculés» et des paresseux. Ils ont bien de la chance d’être des «assistés» et de vivre du tourisme.
Bedos, dans ce texte, régurgite les pires clichés esclavagistes.
 

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Le mythe de l’indolence des nègres remonte au XVIIIe siècle. Il est associé à la croyance que les Africains seraient insensibles à la douleur (le sens étymologique du mot indolence). Pour les faire travailler, il fallait les frapper d’une manière particulièrement violente.
 
insensible à la douleur
 
S’ils ne criaient pas sous les coups de fouet qui leur entaillaient la chair, s’ils ne suppliaient pas quand on les amputait pour avoir tenté de résister, ce n’était pas du fait de leur courage ni de leur dignité. Non, c’était parce qu’ils ne sentaient rien. Et s’il fallait ainsi les punir, c’était parce que la nature du «nègre» est d’être réfractaire au labeur autant qu’insensible à la douleur.
 
Et beaucoup d’esclaves, en effet - entre 1635 et 1794, date de la première abolition de l’esclavage, puis entre 1802, date du rétablissement, et 1848, date de l'abolition définitive - beaucoup d'esclaves ont été contraints à la sodomie par leur maître. Cela n’est jamais dit.
 
On parle du viol des femmes, jamais de celui des hommes, stratégie d’humiliation couramment pratiquée dans les colonies, mais jamais révélée. Elle a pourtant laissé des traces dans l’inconscient collectif, au point que, de manière paradoxale, Louis-Georges Tin, président du CRAN par ailleurs autoproclamé porte-parole des homosexuels, ne manque pas une occasion de fustiger la prétendue homophobie de la «race noire» et des descendants d’esclaves qu’il prétend également représenter.
 
Le 9 janvier 2013, le tweet d’un émule de Bedos qui signe «Bibi Moldawhisky» résume bien ces fantasmes coloniaux refoulés qui réapparaissent dans le billet de l’humoriste : «Je me taperais bien Roselmack, même si  je n’aime pas les noirs.»

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Harry Roselmack

Bedos, plus discret, s’est borné à indiquer que sa zone érogène, quand il s’agit de beau langage, serait en forme de clitoris.
 
Au cas où l’on aurait eu le moindre doute sur ses intentions injurieuses et racistes, Nicolas Bedos a récidivé le 18 décembre. Après être revenu sur le «cul créole» et les «lourds nibards» d’une Martiniquaise qui font pendant aux «hanches guadeloupéennes» du précédent billet, il évoque à nouveau son séjour aux Antilles par la nostalgie des «plages d’autochtones oisif » avant de se plaindre de son «odieux chauffeur de taxi chinois ». On aura reconnu le «niakoué» des films de Luc Besson.
 
pleurer ou vomir
 
Bien sûr, Guy Bedos est un humoriste. C’est du moins ce qu’il répète. Il faudrait donc accepter tout ce qu’il dit avec humour.
 
J’apprécie les humoristes quand ils me font rire. Mais quand ils me donnent envie de pleurer ou de vomir, il me semble que je ne suis pas en cause.
 
Une association a déposé plainte le 9 janvier 2013 pour injures racistes contre Nicolas Bedos. La réaction de l’intéressé est aggravante. Au lieu de s’excuser d’avoir blessé quelques millions de ses compatriotes, Bedos injurie de nouveau.
 
Les gens qui l’accusent sont forcément des «imbéciles», des demeurés qui «n’arrivent pas à comprendre» la finesse du fils de Guy Bedos. Et quand on est le fils de Guy Bedos, on est, par le droit du sang, au dessus de tout soupçon. Il serait temps au contraire de faire le procès de ces associations qui s’insurgent contre le racisme.
 
Cette réaction d’enfant gâté est consternante. Outre le fait qu’il ressemble beaucoup à son père physiquement, Nicolas Bedos a eu beaucoup de chance dans sa jeune vie. L’école bilingue, où se côtoient les fils et les «filles de» moyennant une redevance mensuelle qui  rivalise avec le salaire de beaucoup d’«enculés de nègres», les portes des chaînes de télévision, des éditeurs et des grands théâtres parisiens ouvertes pour lui à deux battants des l’âge de dix-huit ans…
 
Les portes, quand on est un «enculé de nègre», ne s’ouvrent pas si facilement. On a juste le droit de se mettre devant, pour faire peur, avec une oreillette et un brassard.
 
Ce n’est pas un hasard si ce Nicolas est le fils d’un homme qui s’est illustré dans un film dont le titre était «Le pistonné».
 
Mais le piston ne donne pas tous les droits.
 
La question n’est pas de savoir si notre «humoriste» est raciste ou pas. Ses deux billets le sont et ils sont indiscutablement injurieux. L’injure publique, surtout si elle et à caractère raciste, est punie par la loi.
 
Le problème n’est pas que l’association Collectifdom ait déposé une plainte, c’est que d’autres associations ne l’aient pas fait plus tôt.
 
Cette plainte est fondée et elle aboutira très certainement à la condamnation de Nicolas Bedos, qui est du reste un récidiviste de l’injure.
 
J’ai beaucoup de respect pour Guy Bedos, mais je n’aurai pas d’état d‘âme s’il faut aller témoigner à charge contre son fils.
 
On peut certainement rire de tout, et même du désespoir. Encore faut-il avoir du talent.
 
Se moquer de l’obésité des Guadeloupéennes, quand il a fallu légiférer pour que l’on cesse d’augmenter la teneur en sucre des produits laitiers destinés à l’outre mer n’est pas le propre d’un esprit pénétrant.
 
Évoquer publiquement «l’indolence et l’oisiveté» des Antillais en mettant clairement ces défauts en relation avec la couleur de peau des intéressés, ce n’est pas une opinion. C’est un délit.
 
Les circonstances sont d’autant plus graves si Nicolas Bedos revenait vraiment de la Guadeloupe. Doté d’un soupçon d’humanité, il n’aurait pas manqué de comprendre que si le taux de chômage y est beaucoup plus élevé qu’en France hexagonale, ce n’est pas du fait de l’indolence des Guadeloupéens.
 
S’il avait parlé aux jeunes de son âge, il aurait constaté que beaucoup d’entre eux, qui ont obtenu des diplômes (ce qui ne lui était pas nécessaire à lui pour réussir) ne trouvent pas d’emploi.
 

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S’il  s’était efforcé de comprendre l’histoire de ces îles, il se serait aperçu que l’esclavage y a laissé des séquelles, dans les mentalités et dans la vie quotidienne.
Si Nicolas Bedos n’avait pas été raciste, il aurait eu le cœur gros et il aurait sublimé cette peine en s’en prenant non pas aux victimes, comme il a eu la lâcheté de le faire, mais aux coupables.
 
Au moment où une femme descendante d’esclaves, pour exprimer son découragement, assigne l’état français pour obtenir réparation au nom de ses ancêtres, les billets racistes de Nicolas Bedos ne sont pas les bienvenus.
La liberté d’expression est un droit sacré. Mais que vaudrait-elle si le législateur n’avait prévu des garde-fous qui donnent à réfléchir à ceux qui, pour faire les intéressants, en abusent avec une telle légèreté ?
 
Ce billet ne sera pas peut-être pas repris dans les médias où Bedos aura tout le loisir de s’exprimer et de m’insulter s’il le souhaite.
 
Il exprime néanmoins, j’en suis sûr, l’opinion de tous les «enculés de nègres», peut-être dépourvus d’esprit et d’humour, mais dont je suis fier d’être le porte-parole.
 
Autant il est contreproductif d’intenter des procès irrecevables, de gesticuler et d’attaquer les ministères sous prétexte de mémoire de l’esclavage, autant il est nécessaire que des associations fassent, quand c’est nécessaire, respecter la volonté générale.
 
L’esclavage, bien qu’aboli,  a laissé des séquelles. Le racisme en est la plus insupportable.
 
Et sanctionner le racisme, c’est déjà une réparation.
Claude Ribbe
 

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                                  Claude Ribbe

 

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mercredi 9 janvier 2013

une biographie sur Frantz Fanon, de David Macey (Marc Michel)

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Fanon, "un écorché vif"

une biographie hagiographique

Marc MICHEL

 

David MACEY, Frantz Fanon, une vie, traduit de l’anglais par Christophe Jacquet et Marc Saint-Upéry, Paris, La Découverte, 2011, 597 pages, 8 cartes, index.

Frantz FANON, Œuvres, Peau noire, masques blancs, L’An V de la Révolution algérienne, Les Damnées de la Terre, Pour la révolution africaine, Paris, La Découverte, 2011, 884 pages.

 

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Frantz Fanon fut presque un mythe dans les années 1960, considéré comme un des prosélytes du tiers-mondisme violent ; il est bien oublié aujourd’hui comme beaucoup de révolutionnaires romantiques de ces années embrasées.
Avec cette hagiographie documentée, il fait l’objet d’une résurrection quelque peu inattendue. Car il s’agit d’une hagiographie où il est difficile de trouver des réserves envers un théoricien de la violence «juste» des «damnés de la terre» pendant la guerre d’Algérie, un intellectuel révolutionnaire qui n’a partagé aucun des doutes d’un Camus, ce dernier accusé, au passage, par l’auteur d’avoir «partagé la plupart des préjugés des pieds-noirs» (p. 499) ; celui-ci ne semble donc pas avoir lu les Chroniques algériennes de l’écrivain pied-noir.
Ce qu’on retint alors de Frantz Fanon a été son engagement qui l’a mené à devenir une sorte d’ambassadeur itinérant du FLN avant sa mort, à 36 ans, d’une leucémie le 6 décembre 1961 dans un hôpital américain à Washington et, paradoxalement, un écrit, dont il ne fut pas l’auteur, la préface de Sartre aux Damnés de la Terre, en 1961.

L’auteur, professeur honoraire de traductologie de l’Université de Nottingham, a entrepris son travail sous l’émotion d’un souvenir de jeunesse lorsqu’il fut témoin d’un de ces lamentables «délits de faciès» qui émaillaient - émaillent - les contrôles de police ; il venait de découvrir les Damnés de la Terre et L’An V de la Révolution algérienne dans la librairie de François Maspero.

monumentale biographie

L’entreprise aboutit en 2000 à cette monumentale biographie, traduite et publiée aujourd’hui avec une postface engagée d’actualité dont la signification lui parait se résumer dans une réflexion empruntée à Peau noire, masques blancs : «l’explosion n’aura pas eu lieu aujourd’hui. Il est trop tôt … ou trop tard».

Car Frantz Fanon fut d’abord un médecin martiniquais avant d’être un révolutionnaire algérien. On ne résumera pas ici sa vie courte - il est mort à 36 ans, - mais particulièrement riche, retracée dans le détail par David Macey. Celui-ci commence son ouvrage par un chapitre sur la mémoire dont il ressort qu’autant l’oubli l’a emporté en France, autant le souvenir de Fanon a «proliféré» parmi les révolutionnaires du Tiers-monde, du Frélimo mozambicain au FIS algérien et aux États-Unis, depuis la vogue des études «postcoloniales».

Ensuite, David Macey suit pas à pas son héros dans sa jeunesse en Martinique dans un milieu «petit-bourgeois», sa participation dans la Seconde Guerre mondiale comme simple soldat  déjà très critique sur son engagement «pour défendre un idéal obsolète» (p. 123), sa formation en France, à Lyon, parce qu’il y avait «trop de nègres à Paris» (p. 136) et ses premières expériences de médecin psychiatre à Saint Yilié près de Dole puis à l’hôpital Saint Alban-sur-Limagnole, près de Mende où il profite de l’influence d’un médecin pratiquant une psychiatrie de pointe, Francis Tosquelles.

Revenu à Fort de France en 1952, il entre en contact avec Francis Jeanson qui accepte de rédiger une grosse préface au livre que Fanon publie alors au Seuil, Peau noire, masques blancs. Pour le jeune médecin, il n’a que 27 ans, c’est une reconnaissance littéraire, sinon scientifique, de son expérience vécue et de ses observations médicales ; il y puise une réflexion théorique à l’écart du marxisme, mais aussi de la «Négritude» senghorienne, fondée sur la différence ethnique comme inhérente à la situation coloniale, différente cependant de la réflexion d’Octave Mannoni dont la De la Psychologie de la colonisation a paru deux ans plus tôt. Derrière le travail théorique, se profile un trait de la personnalité de Fanon, décelé déjà par son compatriote poète Edouard Glissant : Fanon, «écorché vif» (p. 137).

Après sa réussite à l’examen de  médecin psychiatre en juin 1953, il est affecté en Algérie à Blida, au sud de la Mitidja, où il arrive fin 1953 avec sa femme Josie qu’il vient d’épouser. Il ne connait rien de l’Algérie. Il y trouve une vie confortable, «gagnant plus que le Français moyen d’Algérie», se consacre à son travail avec une impressionnante et redoutable volonté (les «soins» psychiatriques étaient encore très brutaux) et il tente d’imposer de nouvelles techniques : la «thérapie occupationnelle» et le recours à la psychanalyse.

virage décisif, fin 1956

Mais sa méconnaissance de l’arabe et du berbère est évidemment un handicap qu’il a du mal à surmonter. Lorsqu’éclatent les «événements» d’Algérie, en novembre 1954, l’engagement de Fanon est très problématique et il le restera longtemps.
En février 1956, le docteur Fanon est encore légaliste au point d’avertir Mandouze de l’éventualité d’une provocation droitiste à l’occasion de la venue de Guy Mollet à Alger. Il ne prend le virage décisif qu’à l’extrême fin de 1956 en présentant sa démission suivie de son expulsion en janvier 1957. Dès lors commence pour lui un «exil» en France puis en Tunisie ; il est impossible de dire qu’il a choisi la «nationalité algérienne», puisqu’elle n’existait pas encore, mais «à ses propres yeux, il n’était plus français» (p. 323).

Il est difficile aussi de bien connaître ses activités qui paraissent alors avoir été plus d’ordre théorique que pratique de médecin ; il devient surtout un porte-parole intransigeant du FLN, un polémiste «efficace» et un  collaborateur d’El Moujahid. À la fin de 1958, commence la dernière période de sa vie comme délégué du GPRA dans les pays africains. À ce titre, il participe à la Conférence des Peuples africains réunie par Nhrumah à Accra où il rencontre pour la première fois  les leaders révolutionnaires de l’Afrique noire ; il se lie curieusement à deux hommes aussi opposés que Holden Roberto (leader nationaliste angolais) et Félix Moumié (leader de l’Union des Populations camerounaises) et déclare sa foi en Sékou Touré (il est vrai encore auréolé de la gloire du «non» à de Gaulle).

Le FLN le délègue au sud dans le front éloigné de la wilaya sud au Sahara, ce qui peut ressembler aussi à l’éloignement. Mais, surtout, ses nouvelles relations africaines en font en 1960, année des indépendances, le recruteur d’une mythique Légion africaine avant de revenir bredouille et épuisé à Tunis. Il continue cependant sa mission de commis-voyageur de la cause algérienne, dans les pays socialistes, à Moscou ; il écrit et publie de multiples articles militants, et, par les soins de François Maspéro, L’An V de la Révolution algérienne en 1959 et en 1961 son livre majeur Les damnés de la terre, préfacé par Sartre.

L’accueil fut mitigé ; Jean Daniel, pourtant ouvert aux thèses anticolonialistes désavoua  Sartre et Fanon dont l’ouvrage lui parut une apologie de «l’assassinat rédempteur… annonciateur des justiciers barbares» (p. 493). À posteriori, les jugements sont encore plus sévères : un ouvrage «hétéroclite», estime David Macey lui-même, on n’y observe «nulle trace de recherche documentaire», où se mélangent «les impressions de ce qu’il a vu des États nouvellement indépendants d’Afrique noire et une description cauchemardesque de l’Algérie coloniale» (p. 480-481). Au total, le lecteur peut s’interroger sur les raisons qui ont pu le faire considérer comme la cette soi-disant «Bible du tiers-mondisme».

 

livre militant pour une cause mémorielle

David Macey ne cache pas sa sympathie pour son héros. Malgré des manifestations d’adhésion ici ou là à son romantisme révolutionnaire péremptoire, force est de constater que l’idéologie de Fanon, et son engagement, correspondaient à une époque bien dépassée et que Fanon reste «une figure mystérieuse et inclassable» (p. 29).

Mais l’auteur écrit par émotion (au départ, un souvenir) et comme la vie de Fanon peut finalement se résumer brièvement, il nous assène de multiples développements sur l’histoire des lieux où Fanon a vécu ou milité. Le problème est que cette mise en contexte est loin d’être historiquement sûre. On ne saurait juger ici de la validité des développements théoriques (intéressants) sur la psychiatrie et la psychanalyse qui accompagnent plusieurs chapitres.

Par contre, on ne peut qu’être critique envers les très longs développements sur l’histoire des relations franco-algériennes, lue à travers des ouvrages de seconde main ou des publications engagées, très rarement des travaux d’historiens et aboutissant à des énormités telle que celle-ci «La France fit la conquête de l’Algérie le fusil dans une main de la quinine dans l’autre» (p. 233) ou qualifiant le massacre de Mélouza «d’incident» (p. 373).

La volonté de «bien faire comprendre» aboutit à des dizaines et des dizaines de pages plus ou moins hors sujet, les unes totalement tel un récit sommaire de la bataille de Dien Bien Phu (p. 263), les autres  faisant illusion et trahissant, en réalité, la complexité des problèmes de la guerre d’Algérie, voire de l’histoire de France elle-même. Approximativement appréhendée, elle se traduit par des erreurs parfois amusantes, par exemple lorsque l’auteur attribue à «un membre du Parti communiste» la loi de fermeture de maisons closes en 1946 ; Madame Marthe Richard eût été surprise de cette affiliation ! Détail, certes, mais qui rend soupçonneux.

Au total, un gros livre, une biographie minutieuse, une mise en contexte qui n’apporte rien de nouveau, un livre militant pour une cause mémorielle qui peut paraître fort datée. Les plus âgés d’entre nous y trouveront le souvenir d’une époque où l’engagement était «naturel», les plus jeunes l’évocation d’un personnage sulfureux qui déchaîna quelques passions parmi les intellectuels de gauche à l’époque.

Un mérite de l’ouvrage est sans doute de rappeler que Les damnés de la Terre (quel beau titre !) ne doivent pas occulter Peau noire, masques blancs, à notre sens le livre vraiment majeur de Frantz Fanon. Fort opportunément, les éditions de La Découverte ont édité en livre de poche les œuvres complètes de Fanon, ce qui permettra au lecteur d’en juger.

Marc MICHEL
Université de Provence

 

- décès de David Macey

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Fanon

 

damnes

 

Franz-Fanon

 

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dimanche 6 janvier 2013

centre des Archives nationales d'outre-mer

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voeux du centre des

Archives nationales d'outre-mer (ANOM)

 

Sans titre

 

- http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/anom/fr/

 

 

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jeudi 3 janvier 2013

les victimes oubliées de 1956-1957

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le général Maurice Schmitt

 

terroriste honorés, victimes oubliées

général Maurice SCHMITT

 

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cliquer sur l'image pour l'agrandir et la lire plus aisément

Excellente miise au point du général Schmitt dans le numéro 94 de la revue Floréal (DPLV), Hiver 2012 (signalé par le général Maurice Faivre).

 

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mardi 1 janvier 2013

disparition de Marie-Hélène Degroise

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un des photographes "d'outre-mer" que Marie-Hélène Degroise a patiemment étudiés

 

in memoriam Marie-Hélène Degroise

conservateur aux archives

(1947-2012)

 

Nous sommes nombreux à avoir connu Marie-Hélène Degroise, conservatrice dans ce qui s'appelait le CAOM, Centre des archives d'outre-mer à Aix-en-Provence (aujourd'hui ANOM).

Pendant des années, nous avons sollicité ses compétences et sa bienveillance. Elle a toujours répondu. Son sens de la rigueur a peut-être étonné certains chercheurs. Mais elle n'a jamais été ingrate, poussant ces derniers à la rectitude et à la précision.
Marie-Hélène Degroise est née en 1947 et est décédée précocement le 19 juin 2012. Elle souffrait alors d'une maladie rare du coeur qui lui avait été diagnostiquée 3 ans auparavant.

Pour ce que nous en connaissons, sa carrière professionnelle a commencé avec son diplôme de l'École nationale des chartes, promotion 1973. Le 1er janvier 1976, elle fut nommée conservateur aux archives départementales de la Côte-d'Or.

Puis elle est affectée au service historique de l'armée de l'Air. Elle y publie, une description de cette institution : Le Service historique de l'Armée de l'Air et ses archives, Vincennes, Service historique de l'Armée de l'Air, 1978.

En 1998, elle est donc nommée au Caom (c'est la deuxième année de ma fréquentation de ce centre d'archives). Finalement, on lui confie le service de l'iconothèque auquel personne, jusqu'alors n'avait été affecté à temps plein. Elle entreprend le recollement de ce fonds, c'est-à-dire "la description rayonnage par rayonnage, et carton par carton de leur contenu".

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Marie-Hélène Degroise témoigne :

- "On m'annonçait 60 000 photographies et cartes postales. Or, les 85 fonds et collections couvraient environ 200 mètres linéaires. De plus on y trouvait des négatifs sur plaques de verre et des négatifs souples rangés en cartons d'archives, des tirages isolés en vrac ou en cartons, des tirages collés recto-verso sur des plaques de cartons aux formats dépassant souvent l'in-folio, environ 300 albums constitués de clichés, cartes postales, dessins et gravures, des classeurs à pochettes pour les 3 000 cartes postales répertoriées (sous logiciel Texto), des agrandissements encadrés. Lorsque début juin 2009, je suis partie à la retraite, 35 mètres linéaires s'y étaient ajoutés concernant 40 fonds et 210 albums supplémentaires, le tout acquis par dons, legs, ou achats, ce que les archivistes appellent "entrées par voies extraordinaires"."

Marie Hélène Degroise a accompli un extraordinaire travail, non seulement de recollement mais d'identification biographique des centaines de photographes qui se sont intéressés à "l'outre-mer", aux colonies.

En onze années de recherches, elle a constitué un dictionnaire de 1500 noms...! On n'a pas toujours su reconnaître la valeur de ce travail ni lui accorder la reconnaissance et la diffusion qu'il méritait. Dommage. L'ingratitude acompagne souvent le lent et souterrain travail des chercheurs, qu'ils soient historiens ou archivistes. Mais les connaisseurs lui en seront infniment reconnaissants. Elle a créé son propre blog.

Marie-Hélène Degroise a terminé sa carrière au grade de conservateur en chef honoraire des Archives Nationales.

Nous lui manifestons toute notre estime et notre reconnaissance et souhaitons que l'on se souvienne longtemps d'une aussi belle figure attachée à la restitution du passé et à la rigueur des méthodes de l'archiviste et de l'historien.

Michel Renard

 

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_______________________

 

- le blog de Marie-Hélène Degroise: http://photographesenoutremer.blogspot.fr/

blog Marie-Hélène Degroise

 

Historique

De nombreux thèmes sont abordés par le biais des photographies, qui “parlent” souvent plus que les rapports, comptes rendus et autres correspondances. Le premier qui vient immédiatement à l’esprit est celui de la topographie et de la visualisation des paysages.

Les photographes qui ont vécu ou voyagé en outre-mer entre 1840 et 1944 ont "couvert" d’abord les thèmes traditionnels que l’on attend : missions et explorations, conflits coloniaux, équipements militaires, ethnologie, portraits des chefs et des administrateurs coloniaux, civils et militaires. Les vues représentant l’urbanisme et l’architecture, la création des villes nouvelles, l’habitat local et colonial constituent des domaines bien représentés. Celles montrant les infrastructures, l’agriculture, l’industrie, et le commerce, le patrimoine culturel, et l’archéologie permettent de compléter les renseignements glanés dans les fonds d’archives.

Photographies collées en albums, support idéal permettant à un militaire ou à un administrateur colonial de rassembler une collection de clichés personnels, ou de reproductions achetées sur place auprès de photographes de studios européens ou indigènes, album que l’on sera fier de présenter à toute la famille au retour en métropole.

Tirages éparses, albuminés et argentiques, cyanotypes, plaques de verre utilisées encore dans les années 1920, négatifs souples, quels que soient les supports techniques, les clichés ont souvent été abandonnés sur place, rachetés avec l'atelier quand un photographe professionnel décédait, édités en cartes postales à de multiples reprises, ou simplement oubliés dans un grenier. Certains ont été utilisés dans des publications contemporaines de leur création, ou parfois très récentes. Le plus souvent sans citer leur auteur. Or, ils sont soumis au droit d'auteur et protégés pendant 70 ans après le décès du photographe. De plus, ce dernier jouit d'un droit moral, imprescriptible et inaliénable, qui oblige l'utilisateur à mentionner son nom.

On l'aura compris, la photographie n'est plus considérée par les chercheurs comme de la simple documentation interchangeable. Au contraire, elle est une véritable archive. Comme telle, on se doit donc de la replacer dans son contexte historique.

Pour ces deux raisons, le but de nos recherches a donc été de retrouver les biographies et parcours de tous ces photographes en outre-mer (environ 1500 actuellement), afin de permettre aux chercheurs de mieux comprendre et utiliser leur travail. Pour attirer aussi l'attention des détenteurs sur des documents précieux et fragiles qui font partie du patrimoine national.

Ce blog n'aurait jamais vu le jour sans les encouragements et la participation de quelques amis. En tout premier lieu je citerai Michel Quétin, conservateur général du Patrimoine, responsable des fonds photographiques aux Archives de France. Je dois beaucoup, en ce qui concerne l'océan Indien, à Claude et Claudine Bavoux. Enfin, Serge Dubuisson, photographe aux Archives nationales d'outre-mer, m'a lancée sur les pistes indochinoises, tout comme les amis de la nouvelle Association des Amis du Vieux Hué. Cette présentation est un remerciement pour tous leurs conseils éclairés.

Marie-Hélène Degroise

 

liens

- Images & Mémoire, bulletin, n° 27

- saïgon.virtualcities

 - mousssons.revue.org

- Madagascar

- L'indochine d'Aurélien Pestel

- le capitaine Sénèque, artcle de Claude Bavoux

- http://www.dogon-lobi.ch/photographes.htm

 

blog Marie-Hélène Degroise
http://photographesenoutremer.blogspot.fr/

 

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dimanche 30 décembre 2012

massacres du 20 août 1955 dans le Nord-Constantinois

 

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le bilan des Européens tués le 20 août 1955

dans le Nord-Constantinois

Roger VÉTILLARD

 

En août 2012, réagissant à un commentaire concernant la listes des tués européens du 20 août 1955 publiée dans mon dernier livre traitant de ces journées dans le nord-constantinois, j'indiquais que j'avais repris une enquête pour tenter d'approcher de plus près la réalité des victimes et corriger les erreurs éventuelles de ce premier bilan qui signalait 133 victimes.

Je termine cette enquête et comme promis j'informe Études Coloniales des résultats obtenus. J'ai bénéficié de plusieurs concours de circonstances favorables concernant Collo, Philippeville, El Halia, Jemmapes et Constantine : des correspondants m'ont transmis des enquêtes et recherches faites sur ces localités.

Ainsi, il m'a été communiqué par deux sources différentes, un bilan établi à l'époque par un prêtre, le père Norbert Poupeney qui a, m'a-t-on dit, pu consulter les archives du diocèse de Constantine où il a exercé son ministère (n'y figurent en effet pas de noms de victimes non catholiques). Plusieurs familles m'ont contacté pour me dire qu'un de leurs parents avait été mis par erreur sur la liste des tués et d'autres pour me signaler des noms qui ont été oubliés.

Et surtout, le Service d'état-civil du ministère des Affaires Étrangères a cette fois pu me communiquer les actes de décès survenus les 20, 21 et 22 août concernant  des victimes dont je leur ai transmis les noms prénoms et lieu de décès. Une demande identique faite en avril 2010 était restée sans réponse. J'ai reçu 92 actes de décès. Mais les registres de certaines communes (Jemmapes et Damrémont) ne sont pas disponibles et les blessés qui sont décédés après le 22 août et ceux qui ne sont pas décédés dans la commune où ils ont été blessés n'ont pas tous été recensés.

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enterrement des victimes "européennes" au cimetière de Philipeville

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J'ai retenu 117 noms soit :

- 100 personnes pour lesquelles je possède toutes les preuves de leurs décès causés par les événements du 20 août 1955 (actes de décès pour 92 d'entre elles, accompagnant témoignages familiaux, rapports professionnels, rapports officiels, avis de décès dans la presse, etc.) ;

- 11 personnes pour lesquelles je ne possède pas tous les éléments précédents notamment pas les actes de décès, pas de témoignage familial,  mais où la quasi certitude de leur décès provient de sources incontestables. Ainsi par exemple, le nom d'Armand Paiou tué à El Halia est présent dans plusieurs rapports officiels, mais absent dans d'autres, on le retrouve dans le bilan effectué par le directeur de la mine le 2 septembre, il est cité lors des procès qui ont eu lieu en 1958 et le tribunal a ordonné l'exhumation de son corps aux fins d'un examen médico-légal.

Je n'ai pas non plus l'acte de décès de monsieur Reynaud, administrateur civil d'El Milia qui ne figure pas dans les bilans officiels mais j'ai obtenu la confirmation de son décès par sa fille Fanny et j'ai retrouvé l'avis de décès paru le 24 août 1955 dans La Dépêche de Constantine qui a consacré le lendemain un article à la cérémonie des obsèques. Deux personnes me sont signalées par Jean-Claude Rosso qui mène depuis plusieurs années une grosse enquête sur les disparus concernant plus de 2000 disparus.

- Pour 6 autres, le doute n'est pas entièrement levé. Notamment pour une famille de 3 personnes de Damrémont dont le décès est signalé par un rapport de gendarmerie et un article de L'Écho d'Alger. Dans La Dépêche de Constantine il ne s'agit plus que de 2 personnes et les noms ne sont pas orthographiés de la même façon. Un témoin – Urbain Cuny  - qui travaillait au domaine Ramonatxo non loin de ce village m'a assuré qu'il s'agissait de 3 membres de la famille Rosello.

À ce jour, sauf information nouvelle, j'entérine le chiffre de 117 victimes civiles européennes directes lors de l'insurrection du 20 août 1955 dans le nord-constantinois.

Roger VETILLARD

 

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après le voyage de Hollande en Algérie, la colère de José Castano

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la colonisation de l'Algérie :

au sujet des raisons de la conquête

José CASTANO

 

«Chose étrange et bien vraie pourtant, ce qui manque à la France en Alger, c’est un peu de barbarie. Les Turcs allaient plus vite, plus sûrement et plus loin ; ils savaient mieux couper les têtes. La première chose qui frappe le sauvage, ce n’est pas la raison, c’est la force» (Victor Hugo dans «Le Rhin» en 1842).
__________________

Lors de son voyage en Algérie, François Hollande a reconnu publiquement que : «Pendant cent trente-deux ans, l’Algérie a été soumise à un système profondément injuste et brutal. Ce système a un nom : C’est la colonisation ! et je reconnais, ici, les souffrances que le système colonial a infligé au peuple algérien»… et encore : «La France est responsable d’une colonisation injuste et brutale ; elle est responsable des massacres d’innocents algériens à Sétif, Guelma et Kherrata»... tout en se gardant bien, de dénoncer ces centaines d’autres massacres d’innocents européens qui ont précédé les représailles et ces autres milliers de massacres d’innocents européens et musulmans fidèles à la France qui ont jalonné huit années de terrorisme aveugle et lâche.

Par cette indécente sélectivité minable, le chef de l’État a injurié et humilié –non les Français d’Algérie, comme se plaisent à dire certains idiots utiles de service - mais, tout simplement, la France, son peuple, son Histoire, son honneur ainsi que la mémoire et le sacrifice de ses soldats.

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la Régence d'Alger en 1830 était un "État" esclavagiste ; la conquête française a aboli l'esclavage
(marché d'esclaves chrétiens à Alger)

Depuis lors, un florilège de réactions issues du milieu «progressiste» n’a pas manqué de vilipender en des termes diffamants l’œuvre colonisatrice de la France en Algérie. C’est ainsi, qu’encouragé par l’attitude et les déclarations du chef de l’État, ce petit monde de «moralistes à la conscience pure» n’a eu de cesse de monter les enchères en comparant le colonialisme français à l’esclavagisme…

Cela a permis, entre autres bouffons du Président, à Harlem Désir, Premier secrétaire du Parti socialiste, de pérorer de la sorte : «Je salue les déclarations historiques de François Hollande aujourd’hui à Alger. Le Président de la République a su trouver les mots pour évoquer le caractère injuste et brutal de la colonisation française en Algérie et les souffrances qu’elle a imposées au peuple algérien».

 

méconnaissance totale du sujet

Ces déclarations infamantes, basées sur une méconnaissance totale du sujet, inspirées de surcroît par un sentiment anti-français, nous dépeignent «l’Algérie coloniale, comme ayant été l’apartheid». Ces «historiens» de bas étage nous «rappellent» que «la colonisation était contraire aux lois de la République, notamment par son côté ségrégationniste» (sic). Quelle hérésie !

Si le roi Charles X fut à l’origine de «l’expédition d’Alger», c’est précisément la République (la IIe) qui ordonna la conquête de l’Algérie. Cependant, à cette époque il n’était aucunement question de colonisation. Ce que Charles X - et avec lui l’Europe - voulait, c’était supprimer la piraterie en Méditerranée. En effet, toute la côte «barbaresque», de l’Égypte à Gibraltar, n’était qu’une seule et très active base d’opérations de piraterie dirigée contre la France, l’Espagne, l’Italie et surtout contre les convois chargés de marchandises qui sillonnaient la méditerranée.

C’est pour réduire cette piraterie que les premières incursions chrétiennes de représailles sur les côtes algériennes virent le jour au début du XVIe siècle et permirent aux Espagnols, sous la conduite de Pedro Navarro, d’investir Alger et de libérer trois-cents captifs chrétiens. Pour les en chasser, les algériens firent appel en 1515 aux corsaires turcs qui occupaient depuis 1513 le port de Djidjelli en Kabylie, notamment à un pirate sanguinaire, Kheir-Ed-Din, dit Barberousse en raison de la couleur de sa barbe. Ils occupèrent Alger et y instaurèrent un régime de terreur, exécutant ceux qui refusaient la nouvelle domination turque.

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galère barbaresque piratant en Méditerranée

Ainsi, par l’entremise de ce pirate que le sultan de Stamboul avait nommé émir des émirs, beylerbey, la Turquie prit officiellement pied dans le bassin occidental de la Méditerranée. Alger était pour elle une base avancée, ce que Gibraltar et Singapour furent plus tard pour l’Angleterre. De là, elle pouvait porter des coups très durs à la navigation chrétienne. Avec ces ressources, Barberousse et les Turcs chassèrent les Espagnols et conquirent le territoire algérien, allant jusqu’à placer le pays sous la dépendance nominale du sultan de Constantinople. Le Maghreb était devenu une province turque.

Forte de ses soixante bâtiments dont trente-cinq galères, la flotte algérienne écumait la Méditerranée et amassait des trésors. De plus une autre source énorme de profits était constituée par l’esclavage. Il s’exerçait, pour une part, aux dépens de populations d’Afrique noire que l’on enlevait après avoir investi les villages et, pour une autre part, de la piraterie. L’avantage de cette dernière résidait dans l’échange des esclaves chrétiens contre de fortes rançons. Un bénédictin espagnol, le Père Haedo, estimait qu’Alger devait avoir 60 000 habitants et 25 000 esclaves chrétiens.

Quand Charles X décida l’occupation d’Alger, la Prusse, l’Autriche, la Russie, les grands de l’heure, approuvèrent sans commentaires particuliers. C’est ainsi qu’en cette aube du 25 mai 1830, la France partit pour l’Algérie… sans se douter qu’elle allait y rester 132 ans.

l'Algérie n'était pas indépendante en 1830, ni une nation

Aussi quant nos «historiens de salons» s’élèvent contre «la saisie de terres, l’annexion de territoires, l’évangélisation, le pillage des ressources minières» (sic), ils ne peuvent qu’engendrer le ridicule…

En effet, en 1830, l’Algérie n’était pas un territoire indépendant mais, nous l’avons vu, une possession turque. L’occupation par la France n’a donc eu pour résultat que de substituer à une occupation étrangère celle d’un autre pays. De plus, cette Algérie là ne constituait pas un État, encore moins une nation. Elle n’avait pas de frontières. Elle constituait une mosaïque de tribus qu’aucun lien, sauf le religieux, n’unissait entre elles, encore que d’une façon très fragmentaire.

Concernant la saisie de terres, ils voudraient nous faire croire que les premiers pionniers firent main basse sur de riches et fertiles terres agricoles enlevées de force aux indigènes. À leur arrivée, ils découvrirent, en guise de richesses, un désert, une lande hérissée de broussailles au bord d’un marais pestilentiel où pullulaient les moustiques.

En 1841, dans son étude Solution de la question d’Algérie, le général Duvivier écrivait : «Les plaines telles celles de la Mitidja, de Bône et tant d’autres ne sont que des foyers de maladies et morts. Les assainir, on n’y parviendra jamais… Les plaines pour les Européens, sont et seront toujours longtemps de vastes tombeaux. Qu’on abandonne ces fétides fosses !»

Fosses fétides ! Vastes tombeaux ! Quel programme engageant ! Et le général Berthezène d’affirmer, menaçant : «La Mitidja n’est qu’un immense cloaque. Elle sera le tombeau de tous ceux qui oseront l’exploiter».

Concernant l’évangélisation, nos «historiens» se sont encore fourvoyés… S’ils  reprochent à la France cette annexion, ils «oublient» cependant de signaler que ce sont les ascendants des «victimes du colonialisme français» qu’ils défendent aujourd’hui avec tant de véhémence, qui sont les véritables colonialistes.

- Qui a annexé ce pays autrefois habité par la race berbère et qui faisait alors partie intégrante du monde occidental ?

- Qui a soumis par la force ce même peuple berbère, majoritairement chrétien, à la conversion à l’Islam ?

Quant au «pillage des ressources minières», que d’infamies !

«L’exploration scientifique de l’Algérie, avait dit Renan, sera l’un des titres de gloire de la France au XIXe et au XXe siècle». Eh bien c’est la France qui a découvert et mis en valeur à grand frais les zones pétrolifères et les gisements de gaz du Sahara prétendument destinés à assurer son indépendance. En a-t-elle profité ? A-t-elle eu seulement le temps de les exploiter ?

C’est encore elle qui a construit à coups de milliards de francs la base navale nucléaire de Mers-el-Kébir. Que lui a-t-elle rapporté ?

1940+3+DUNKERQUE,PROVENCE,STRASBOURG,BRETAGNE,CDT+TESTE+le+long+de+la+jetee+de+mers+el+kebir
la rade de Mers el-kebir en 1940

Quant au «côté ségrégationniste» avancé par ces inénarrables trublions, on voit bien qu’ils n’ont jamais mis les pieds en Algérie française, jamais fréquenté la moindre école où chrétiens, juifs et musulmans vivaient à l’unisson.

Cependant, au lieu de s’évertuer à salir de façon éhontée la mémoire de l’œuvre française en Algérie, pourquoi ne nous expliquent-ils pas, une fois pour toute, les raisons pour lesquelles ces «pauvres petits maghrébins», une fois leur indépendance acquise, se sont empressés de rejoindre la France… cette France qui les a tant fait souffrir ?

Pourquoi ne nous rapportent-ils pas avec autant d’ardeur, la misère qui, depuis 50 ans, pèse sur l’Algérie comme une chape et que l’on tait parce qu’elle est un démenti flagrant aux mensonges de tous ceux qui n’ont de cesse de condamner «le rôle positif de la présence française outre-mer».

Durant l’épisode sanglant de la guerre d’Algérie, le leitmotiv constant des responsables du FLN était que la rébellion se justifiait par le besoin de plus de justice, de bonheur et de liberté pour la «malheureuse» population musulmane. Cependant au cours d’une audience qu’il accorda à un haut prélat d’Algérie, en septembre 1961, sa Sainteté Jean XXIII prononça : «Vous avez vos idées, c’est bien, mais moi j’ai constaté une chose : c’est que chaque fois que la France se retire d’un pays, la liberté et la civilisation reculent.»

Que ces paroles du Pape nous inspirent de fécondes réflexions. C’est là mon souhait pour 2013.

José CASTANO

 

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- "10 millions d'Algériens dans la misère" (7 février 2010) - un article du blog elkhadra

"La pauvreté s’est «confortablement» installée dans les foyers algériens. Le pays compte au moins 1,2 million de familles démunies. Une réalité longtemps dissimulée par les pouvoirs publics. Le chiffre n’est pas établi par une quelconque ONG ou organisation autonome qu’on pourrait accuser d’avoir une volonté de ternir l’image du pays. Il est communiqué par l’un des ministres le plus hostile au débat autour de la misère sociale en Algérie, celui de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Communauté algérienne à l’étranger, Djamel Ould Abbès"

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samedi 29 décembre 2012

accords d'Évian, très vite démantelés...

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des accords qui ne firent pas une réconciliation

Guy PERVILLÉ

 

Guy Pervillé, Les accords d’Évian (1962). Succès ou échec de la réconciliation franco-algérienne (1954-2012), Paris, Armand Colin, Collection U, Histoire, "Les événements fondateurs", septembre 2012, 288 p.

Ce livre reprend, complète et surtout met à jour le livret illustré d’extraits de presse que son auteur avait publié il y a vingt ans dans la collection de la Documentation française intitulée "Les médias et l’événement", aujourd’hui disparue. Partant de l’événement du 18 mars 1962 (signature des accords d’Évian destinés à mettre fin à la guerre d’Algérie), il remonte davantage vers les origines de la négociation entre la France et les chefs du nationalisme algérien, et montre même pourquoi ces négociations étaient impensables, dans l’esprit des dirigeants français, avant 1955.

Mais aussi et surtout il s’intéresse aux suites et aux conséquences de cet événement en allant jusqu’à une histoire immédiate ou presque immédiate (premier semestre 2012). Ainsi ce livre nous présente une première esquisse de l’histoire des relations toujours difficiles entre ces deux partenaires, la France et l’Algérie.

Entre 1954 et 1962, la politique algérienne de la France évolua très rapidement, du principe de l’intégration croissante de l’Algérie dans la métropole à la recherche d’une négociation sur l’autodétermination de ses habitants et la définition de nouveaux rapports entre deux États indépendants.

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négociations franco-algériennes

désillusions

Les négociations entreprises en 1961 entre le gouvernement français et le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA) représentant le Front de Libération Nationale (FLN) aboutirent aux accords d’Évian du 18 mars 1962. Mais leur application tourna très vite au démantèlement de ces accords, et dans le demi-siècle qui suivit toutes les tentatives de relance de relations exemplaires entre l’Algérie et la France ont abouti à des désillusions. Pourquoi ? C’est ce que ce livre se propose de rechercher et d’expliquer.

Les accords d’Évian, qui mirent fin officiellement au mythe de "l’Algérie française" et aboutirent en de longs mois chaotiques à la séparation de deux États, font bien partie des événements fondateurs de notre temps. Un demi-siècle après leur signature, il appartient à l’histoire de relayer des mémoires trop sélectives.

Guy Pervillé

 

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Guy Pervillé, professeur émérite d’histoire contemporaine, travaille sur la politique algérienne de la France, la guerre d’Algérie, et les relations franco-algériennes, depuis plus de quarante ans.

 

- lire tout le débat entre Jean-François Paya et Guy Pervillé, puis avec Lounis Aggoun, sur le site Le coin du Popodoran.

 

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