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études-coloniales
30 septembre 2006

La France n'a pas de dette envers ses ex-colonies, mais une histoire commune (Daniel Lefeuvre)

Constantine_Caom
affiche, vers 1930 (Caom, Aix)

 

«La France n'a pas de dette

envers ses ex-colonies, mais une

histoire commune»

Daniel LEFEUVRE

 

Daniel_30_septembreProfesseur d'histoire économique et sociale à l'université Paris VIII, spécialiste de l'Algérie coloniale, Daniel Lefeuvre publie un essai au titre choc : Pour en finir avec la repentance coloniale *.

 

Le Figaro Magazine - Pourquoi cette vague de repentance à propos de l'histoire coloniale de la France ?
Daniel Lefeuvre - Amplifié à l'extrême ces cinq ou six dernières années, le phénomène tient moins à des questions historiques qu'à des problèmes politiques. Il est lié aux difficultés rencontrées par certains jeunes des banlieues à se faire une place dans la société. Il est lié aussi au malaise qu'ont ressenti des intellectuels français engagés dans le soutien au tiers-monde quand ils ont dû constater l'échec politique, économique, social et même culturel des nations anciennement colonisées. L'exemple de l'Algérie montre qu'une référence pervertie à l'héritage colonial permet aux dirigeants algériens de s'exonérer à bon compte de leurs responsabilités. En accusant la colonisation de tous les péchés du monde, on reporte sur le passé les difficultés du présent. En France, où les politiques d'intégration et de lutte contre le racisme montrent des limites, la stigmatisation du passé colonial est un exutoire facile, mais largement abusif.

Historiquement parlant, le projet colonial fut d'abord un projet républicain, avec un fort ancrage à gauche. Pourquoi l'avoir oublié ?
Parce que la gauche républicaine est passée d'un colonialisme pensé comme «devoir de civilisation» à un anticolonialisme imposé par le monde d'après 1945, sans examen de conscience des injustices que colportait le premier ni des naïvetés qui accompagnaient le second. Au XIXe siècle, si Jules Ferry est le praticien de la colonisation, Léon Gambetta en est le théoricien. Ces deux hommes, en effet, se situent à gauche de l'échiquier politique. A cette époque, le projet impérial n'est pas très populaire. Il est dénoncé par une partie de la droite. Les plus critiques sont les nationalistes, qui estiment que le projet colonial détourne les Français de la revanche sur l'Allemagne, et les économistes libéraux dont la pensée se retrouvera, soixante-dix ans plus tard, chez Raymond Aron. Les radicaux ne se rallient à la politique coloniale qu'à l'extrême fin du siècle, alors que les socialistes glissent du rejet du colonialisme à une politique debanania réformisme colonial.

Le basculement s'opère avec la Grande Guerre. La France fait appel à des soldats coloniaux qui constituent une force d'appoint certes secondaire, mais dont la valeur symbolique est très forte. Au lendemain de la guerre, les troupes coloniales, avec la Légion, sont les plus applaudies lors des défilés du 14 Juillet : une histoire d'amour s'est ouverte entre les Français et les coloniaux. La publicité de l'époque le sent bien, puisque la thématique coloniale y est très présente. Prenons l'exemple de Banania. Au départ, les boîtes s'ornent de l'effigie d'une Antillaise. En 1915, la marque lui préfère celle du célèbre tirailleur sénégalais. Pourquoi ? Parce que pour vendre du chocolat pour les enfants, il faut une image qui soit sympathique et rassurante. On peut juger aujourd'hui que l'effigie du tirailleur est paternaliste, qu'elle ne correspond pas à nos critères moraux, mais c'est un anachronisme que de la définir uniquement comme l'expression même du racisme. Jamais une marque allemande, au même moment, n'aurait affiché un Noir.

Messali Hadj, le père fondateur du nationalisme algérien, témoigne dans ses Mémoires de l'accueil chaleureux et de la considération dont les travailleurs algériens ont été l'objet dans la France des années 20. Cette page d'amour se prolonge jusqu'aux années 50. Un nouveau basculement a lieu avec la guerre d'Algérie, opérant de fait une rupture entre Français et Algériens. Mais le problème ne se pose pas de la même façon pour la Tunisie ou pour le Maroc, ou pour l'Afrique noire, où les indépendances ont été moins conflictuelles.

La France a-t-elle une dette envers les pays qui furent jadis ses colonies ?
La notion de dette n'a pas de sens dans ce contexte. On ne parle pas de dette de la France envers les Etats-Unis à propos du plan Marshall : or la France a donné à ses territoires coloniaux trois fois et demie Ben_Barkaplus que le montant du plan Marshall. Au moment de l'indépendance du Maroc, le dirigeant nationaliste Ben Barka affirme que le pays n'est pas en voie de développement, mais qu'il est «sur la voie du développement». Et tous ses amis du tiers-monde s'extasient devant lui sur le niveau d'infrastructure légué par la France.
Il n'y a pas de dette, mais une histoire commune. La colonisation a permis l'entrée dans les relations économiques mondiales des Etats qui ont été colonisés. La colonisation est un moment de la mondialisationcouv_Daniel_new du XIXe siècle, et le mode d'intégration de ces territoires à cette économie mondialisée. On dira que ce développement a été lacunaire, inégal, injuste. C'est vrai, mais il en a été de même en Occident : toute la France n'a pas basculé en même temps dans la modernité. La colonisation fut donc un moment de la mondialisation. Est-ce bien, est-ce mal, ce n'est pas le problème de l'historien.

 

* Flammarion, 230 p., 18 euros.

entretien réalisé par Sylvie Pierre-Brossolette,
Jean Sévillia et Jean-Louis Tremblais.
Le Figaro Magazine, 29 septembre 2006

 

Transaharienne
affiche, vers 1935 (Caom, Aix)

 

La colonisation a permis l'entrée

dans les relations économiques mondiales des États

qui ont été colonisés



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27 septembre 2006

Colonisation : pour en finir avec les idées reçues (Daniel Lefeuvre)

couv_Daniel_new

 

Colonisation :

pour en finir avec les idées reçues

Daniel LEFEUVRE

 

Dans un essai érudit et nerveux, Pour en finir avec la repentance coloniale, Daniel Lefeuvre, professeur d’Histoire à l’université Paris-8, s’adresse aux «Repentants» et à leurs discours qui, de l’esclavagisme à la colonisation en passant par l’immigration, dressent un réquisitoire féroce contre une France coupable de tous les maux. Entretien.

Comment en est-on arrivé à considérer la colonisation accomplie par la France comme la genèse du nazisme et Hitler comme le fils spirituel de Gambetta ou Ferry ?
Le moment où un parallèle est fait entre le nazisme et la colonisation se situe lors du procès Papon. Ce dernier fut, comme on le sait, un fonctionnaire zélé de Vichy et joua un rôle important dans la déportation des juifs de Bordeaux. Plus tard, il fut préfet à Constantine et ensuite préfet de police à Paris où il mit en place des instruments de répression violents contre le FLN en France et plus largement contre la population algérienne, notamment lors de la manifestation du 17 octobre 1961 puis celle du métro Charonne. Durant son procès, on fit donc le rapprochement entre colonisation et collaboration. Par ailleurs, il y eut un travail militant sur la notion de massacres de masse et de massacres coloniaux. On développa l’idée qu’il y avait eu des massacres semblables à celui d’Oradour pendant la colonisation. On peut citer les articles de Claude Bourdet ou de François Mauriac évoquant «notre gestapo» en Algérie. Cette littérature militante, parfaitement honorable par ailleurs, a été réanimée pendant le procès Papon où l’histoire coloniale fut présentée comme un «nouveau passé qui ne passe pas» en référence à Vichy.

Ce discours actuel sur la repentance émane de groupes marginaux et militants, mais a aussi été repris dans des cercles plus institutionnels. Vous citez Le Monde et sa fixation sur la guerre d’Algérie, on pense aussi à Libération…
On peut constater ce glissement. Il y a une espèce de discours bien-pensant qui autorise que l’on dise n’importe quoi sur la colonisation en lui attribuant tous les maux possibles : idéologiques, politiques ou économiques avec le sous-développement des anciens colonisés.

Ce discours repentant n’est-il pas le prolongement d’une certaine tendance à l’autoflagellation ou à l’autodénigrement qui va de L’Idéologie française de BHL à «la France moisie» de Philippe Sollers ?
Il s’inscrit effectivement dans ce courant intellectuel qui nous dit que nous devons avoir honte de ce que nous sommes, honte de ce qu’est la France et honte de notre passé.

Daniel_photo_new

 

Parmi les idées reçues que vous dénoncez et démontez, il y a celle selon laquelle la France aurait «conduit un véritable pillage aux colonies dont le sous-développement est une séquelle scandaleuse».
Que la colonisation ait été entreprise notamment pour des raisons économiques, c’est évident. Mais ce n’est pas parce que l’on espère tirer profit de la colonisation que l’on va en tirer profit. Pour certains milieux, qu’il s’agisse d’entreprises ou d’hommes, la colonisation a pu être une «bonne affaire». Ensuite, le budget de l’État s’est-il engraissé grâce aux colonies qui auraient été la vache à lait de l’économie française ? Si l’on observe les principales matières premières dont la France avait besoin, on se rend compte que l’apport des colonies joue un rôle tout à fait marginal. L’exemple le plus frappant est celui du coton, mais le cas du pétrole algérien est assez éloquent et n’a jamais été une manne. Par ailleurs, certaines entreprises ou secteurs d’activités ont trouvé dans les colonies des débouchés importants, plus stables que l’étranger et plus rémunérateurs. Cependant, si cet aspect compte, les colonies n’ont jamais fourni plus de 10 ou 20 % des débouchés extérieurs de la France tandis qu’elles ont été considérablement subventionnés par le Trésor, c’est-à-dire par le contribuable, pour absorber ces richesses. La France a dépensé en net dans son empire trois fois et demi plus que ce que l’aide américaine a apporté à la France du lendemain de la seconde guerre mondiale à la fin du plan Marshall.

Vous rappelez que l’argument économique selon lequel les colonies coûtaient plus cher que ce qu’elles rapportaient était brandi par certains anticolonialistes libéraux ou de droite, comme Raymond Cartier dans Paris Match dont l’expression «La Corrèze avant le Zambèze» est restée fameuse… 
Effectivement, tout un courant d’économistes libéraux, dès le début de la conquête coloniale, remarque que celle-ci, faite en partie au nom de réalités économiques, est une illusion. Pour eux, la prospérité européenne ne peut pas reposer sur la domination coloniale. Cette tradition est étouffée de la première guerre mondiale jusqu’au début des années cinquante, mais retrouve une audience avec Cartier sur un mode indiscutablement raciste et surtout avec Raymond Aron sur un mode plus savant et plus intelligent.

Chez les repentants, vous déplorez l’idée que la torture et les massacres de masse seraient nés chez les Français avec la colonisation. Vous rappelez d’autres épisodes historiques tragiques comme la Vendée…   Évidemment, il y a eu des massacres de masse pendant la conquête coloniale et en particulier pendant la conquête de l’Algérie qui fut longue et dure. En revanche, il n’y a pas eu de spécificité dans la guerre coloniale qui aurait institué, selon certains, des massacres de populations civiles. Ainsi, avant la conquête de l’Algérie, il y a eu des guerres où l’on a usé de ces procédés. C’est vrai pour la guerre en Vendée comme pour la guerre d’occupation française menée en Espagne. D’ailleurs, la plupart des chefs militaires qui ont conquis l’Algérie sont passés soit par la Vendée soit par l’Espagne, comme Bugeaud. Rien de nouveau donc en Algérie. On retrouve aussi les mêmes méthodes en Europe avant le premier conflit mondial avec les terribles guerres balkaniques.


À propos de l’immigration algérienne de l’après-guerre, il y a l’idée reçue selon laquelle le capitalisme français l’aurait provoquée. Or, elle répondait à une volonté politique, et non économique, qui se situait dans la perspective de garder l’Algérie française.
L’immigration algérienne de travail correspond à une nécessité économique lors de la première guerre mondiale. Ensuite, cette immigration répond essentiellement à un facteur : l’accroissement démographique en Algérie allié à la stagnation du nombre d’emplois. Pour ces populations, l’immigration apparaît comme une solution de subsistance. Pour l’État français, la misère en Algérie peut nourrir des sentiments nationalistes contestant la présence française. L’immigration est alors une solution immédiate qui permet de soulager la misère et de réduire les risques politiques. Donc, la France facilite l’accès des Algériens au monde du travail en métropole en mettant en place des mécanismes de préférence nationale. Le patronat n’a jamais été enthousiaste quant à la main-d’œuvre algérienne. Après l’indépendance, ce sont les autorités algériennes qui vont négocier pour que la porte reste ouverte à leurs ressortissants confrontés au chômage.

Autre idée reçue : la main-d’œuvre coloniale aurait reconstruit la France. Vous écrivez que son rôle dans le relèvement national est marginal…  
couv_Daniel_newTout simplement parce que cette main-d’œuvre est très peu nombreuse. Au début des années cinquante, il y a environ 250 000 Algériens en France, 50 000 Marocains et quelques milliers d’autres travailleurs, soit 300 000 personnes pour une population active de 17 ou 18 millions de personnes. Même dans les secteurs où elle est concentrée, elle ne représente que 2 ou 3 % de la population active du secteur.

 

Vous terminez votre livre en exprimant la crainte de voir s’ériger une France du communautarisme et de l’Apartheid. Cependant, ce chemin semble bien engagé… 
Cette idée de repentance conduit à nourrir toute une série de revendications, notamment sur une «fracture coloniale» qu’il faudrait résorber. Il y aurait d’un côté les Français de souche et ceux issus des anciennes colonies. Ces revendications politiques s’appuient sur le principe de la discrimination positive qui définit des droits particuliers en fonction de la communauté à laquelle on appartient. Cela est très grave car ce principe détricote la nation française telle qu’elle s’est construite depuis un gros millénaire. C’est grave aussi pour ces populations qui sont surreprésentées dans les milieux populaires, chez les petits employés et chez les chômeurs. Or, les traiter différemment sous prétexte de répondre à ces problèmes risque de les ghettoïser. Ce type de système fait émerger quelques représentants des communautés dans les élites – on le voit bien aux Etats-Unis – mais la masse de ces gens est reléguée aux marges de la société. Si l’on se lance dans un modèle communautariste, on écarterait ces populations de l’ascenseur social et du creuset républicain français qui, à mon avis, continue de fonctionner malgré ses imperfections.

Propos recueillis par Christian Authier
photo : © D. Pruvot / Ed. Flammarion

 

Pour en finir avec la repentance coloniale, Daniel Lefeuvre
Flammarion, 230 p, 18 euros.

- article paru dans l'édition du vendredi 22 Septembre 2006
de l'Opinion indépendante (Haute-Garonne)

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* Éric Conan, dans l'Express (21 septembre 2006) :
"Faut-il avoir honte d'être français ?"




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26 septembre 2006

Ne cédons pas à l'intimidation (commentaire des Échos)

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le commentaire du journal Les Échos
(mardi 26 septembre 2006)

 

Ne cédons pas à l'intimidation

 

Non, la conquête coloniale n'est pas la répétition générale du nazisme ! Non, il n'y a eu ni volonté génocidaire ni pillage systématique des colonies ! Non, les travailleurs immigrés n'ont pas été appelés par un patronat français suceur de sang ! Non, les Nord-Africains n'ont pas reconstruit à eux seuls la France !

Quel plaisir de tomber sur un livre décapant, argumenté, offensif, qui ne s'en laisse pas compter par les ci-devant «Indigènes de la République», jeunes Français le plus souvent, dont les parents sont originaires des ex-colonies et qui exigent que les Français de métropole expient pour leur passé colonial. «Pour en finir avec la repentance coloniale», de Daniel Lefeuvre, appartient à cette catégorie de livres à rebrousse-poil de la bien-pensance. Mais ce n'est pas un pamphlet gratuit, c'est un livre d'historien, argumenté, bourré de chiffres, qui s'appuie sur des sources (archives, thèses...).

 Pour en finir... démonte les mensonges colportés par les «idiots utiles» des «Indigènes de la République», Olivier Le Cour Grandmaison ou Gilles Manceron entre autres, qui n'ont de cesse de faire des colons les précurseurs des nazis, de Jules Ferry le père spirituel de Goebbels, des «enfumades» des «pré-Oradour», des colonnes mobiles de Bugeaud la matrice de la division Das Reich... Les «Indigènes» - Daniel Lefeuvre préfère les appeler, eux et leurs compagnons de route, les «Repentants» - n'ont qu'un but : «prouver» que le colonialisme est un hitlérisme avant l'heure et que la France est consubstantiellement un pays raciste à l'origine de leurs «malheurs». Daniel Lefeuvre a écrit ce livre courageux et d'utilité publique par souci de la vérité. Et civisme, pourrait-on dire. Car il redoute de voir une partie des Français, «bien persuadés qu'ils seront à jamais les indigènes d'une République irrémédiablement marquée du sceau de l'infamie coloniale», rejeter nos institutions et son principe phare, l'égalité en droit des individus. Au bout de ce travail de sape, se dessine une France des «communautés», avec leurs règles et leurs droits propres. Une «France de l'Apartheid», selon Daniel Lefeuvre. À moins que ce ne soit une France de guerre civile.

Emmanuel HECHT

Pour en finir avec la repentance coloniale,
de Daniel Lefeuvre, Flammarion, 30 pages, 18 euros.

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24 septembre 2006

Les Nord-Africains n'étaient pas de la chair à canon (Daniel Lefeuvre)

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Les Nord-Africains

n'étaient pas de la chair à canon

Daniel LEFEUVRE

 

CINEMA

Le film vu par un historien, Daniel Lefeuvre : «Les Nord-Africains n'étaient pas de la chair à canon»
- Les Échos - 22 septembre 2006

Indigènes est «un bon film où l'on ne s'ennuie pas, et c'est un film utile, car ces combattants, qui ont été l'«épée de la France», selon l'expression de De Gaulle, méritent notre reconnaissance», estime l'historien Daniel Lefeuvre, qui vient de publier Pour en finir avec la repentance coloniale (Flammarion). Le traitement historique du film n'en suscite pas moins quelques questions.

Pourquoi voit-on aussi peu de combattants français ? Sur les cinq personnages principaux, un seul incarne un soldat pied-noir : le sous-officier Martinez (interprété par Bernard Blancan). Par ailleurs, ce sous-officier aurait une mère arabe. Peu plausible. Arabes et Européens n'avaient pas de relations intimes et, à supposer, qu'ils en aient eues, l'enfant n'aurait pas été reconnu par la famille du père. Plus discutable encore : les scènes des durs combats de la vallée du Rhône, qui ont entraîné de lourdes pertes, semblent vouloir accréditer l'idée que les «indigènes» étaient de la chair à canon.

Les statistiques de la mortalité des différentes composantes de l'armée d'Afrique, répertoriées par Daniel Lefeuvre à partir des archives, réfutent cette opinion. Le taux de mortalité des soldats nord-africains, les plus nombreux, est de 5 %, celui des soldats d'Afrique noire d'un peu moins 5 %, celui des Français «de souche», y compris des Corses, qui ont constitué un fort contingent, de 5,70 %, et celui des Français d'Algérie de 8 %. Autre indicateur pertinent, le pourcentage de mobilisés pour une classe d'âge : il est de 45 % pour les pieds-noirs, proche de 9 % pour les colonisés.

En revanche, Daniel Lefeuvre juge tout à fait «positives» certaines scènes : le respect des traditions musulmanes (notamment des sépultures) par l'armée ; l'accueil chaleureux de la population française, à Toulon, à Marseille, en Alsace. Dernier point, incontestable, souligné par le film : la carrière à deux vitesses des soldats. Les «indigènes» avaient des soldes inférieures du tiers, voire de moitié, à celles des Français, et leur progression en grade était plus lente et limitée.

Dès 1943, pourtant, les autorités coloniales avaient demandé l'égalité de traitement. L'administration des Finances s'y est opposée. Les difficultés financières de l'après-guerre, la «cristallisation» (le gel) des pensions en 1959 ont empêché ce geste minimum de reconnaissance pour le sang versé, réclamé un mois avant sa mort par le général Leclerc.

journal Les Échos, 22 septembre 2006




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22 septembre 2006

le débat sur la Repentance coloniale est lancé

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le débat sur

la Repentance coloniale

est lancé



Le livre de Daniel Lefeuvre, Pour en finir avec la repentance coloniale est disponible en librairie. En voici la présentation :

Après celle de la guerre d'Algérie, une nouvelle génération d'anticolonialistes s'est levée, qui mène combat couv_Daniel_newpour dénoncer le péché capital que nous devons tous expier : notre passé colonial, à nous Français. Battons notre coulpe, car la liste de nos crimes est longue Nous avons pressuré les colonies pour nourrir notre prospérité, les laissant exsangues à l'heure de leur indépendance ; nous avons fait venir les "indigènes" au lendemain des deux guerres mondiales pour reconstruire la France, quitte à les sommer de s'en aller quand nous n'avions plus besoin d'eux ; surtout, nous avons bâti cet empire colonial dans le sang et les larmes, puisque lacouv_Daniel_new colonisation a été rien moins qu'une entreprise de génocide : Jules Ferry, c'était, déjà, Hitler ! Contrevérités, billevesées, bricolage... voilà en quoi consiste le réquisitoire des Repentants, que l'auteur de ce livre, spécialiste de l'Algérie coloniale et professeur d'histoire à l'université Paris-8, a entrepris de démonter, à l'aide des bons vieux outils de l'historien - les sources, les chiffres, le contexte. Pas pour se faire le chantre de la colonisation, mais pour en finir avec la repentance, avant qu'elle ne transforme notre Histoire en un album bien commode à feuilleter, où s'affrontent les gentils et les méchants.

 

 


Ils vous donnent du pain. Donnez leur de quoi se vêtir (...) 28 mai 1942
journée nationale nord-africaine de collecte des textiles
(...). Affiche en couleurs illustrée,
ministère de l'Information, 1942
(source)

 

 

Sur le site herodote.net, André Larané livre son sentiment à la lecture de l'ouvrage : "Voilà plusieurs mois que monte en France un débat autour du passé colonial avec une question très actuelle : les jeunes Français issus des anciennes colonies (Antilles, Afrique du nord, Afrique noire) doivent-ils se considérer comme des victimes de ce passé ? (...)  La repentance ne risque-t-elle pas en définitive de réussir là où les colonistes et les racistes d'antan ont échoué, en enfermant dans un statut de victimes les Français originaires des Antilles, d'Afrique du Nord ou d'Afrique noire et en les convainquant qu'il leur est impossible d'en sortir par leur effort personnel ?". Cet article est repris sur le blog de Orlando de Rudder et sur celui de Guadeloupe attitude.

Le 19 septembre, le site de la Ligue des Droits de l'homme de Toulon, indique qu'il ne "s'adonne pas à la repentance coloniale" : "les adhérents de la section LDH de Toulon ne s’adonnent pas à la repentance. Nous ne sommes ni des pénitents, ni des flagellants, et nous ne nous recouvrons pas la tête - ni celle des autres - de cendre. Le contexte local - c’est dans le midi méditerranéen que sont venus s’installer beaucoup des rapatriés d’Afrique du Nord, et Toulon a été la plus importante des villes gagnées par l’extrême-droite - nous a amenés à développer notre réflexion sur notre passé colonial et notamment en Algérie. Mais il n’a jamais été question pour nous d’envisager des excuses ou de demander pardon pour des faits - dont nous ne portons d’ailleurs aucune responsabilité individuelle. Nous n’avons pas davantage cherché à juger les hommes."

 

 

 

couv_Daniel_new

Daniel_Lefeuvre







Daniel Lefeuvre, professeur d'Histoire
à l'université Paris VIII-Saint-Denis

 

 

 

- démonter le réquisitoire des Repentants, à l'aide des bons vieux outils de l'historien - les sources, les chiffres, le contexte. Pas pour se faire le chantre de la colonisation, mais pour en finir avec la repentance, avant qu'elle ne transforme notre Histoire en un album bien commode à feuilleter, où s'affrontent les gentils et les méchants.

Pour en finir avec la repentance coloniale, Daniel Lefeuvre
Flammarion, 230 p, 18 euros.

 

 

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21 septembre 2006

Le vrai visage des tirailleurs (interview Daniel Lefeuvre)

embarquement_marocains_1943http://www.military-photos.com/DETTA.jpg
Embarquement de tirailleurs et spahis marocains à Oran en 1943
(source)

 

Le vrai visage des tirailleurs

 

La vérité sur le sacrifice des troupes indigènes selon Daniel Lefeuvre, auteur de Pour en finir avec la repentance coloniale (Flammarion)

L'Express du 21/09/2006
Propos recueillis par Christian Makarian

 

Daniel_Lefeuvre- À partir de quand trouve-t-on des troupes coloniales sous le drapeau français ?
- Daniel Lefeuvre: Dès la guerre franco-allemande de 1870. Antérieurement, il ne faut pas oublier le rôle des Algériens, les Zwava (ce qui a donné le mot zouave), recrutés par l'armée pour participer à la conquête de l'Algérie, dès l'été 1830. Mais c'est avec la guerre de 1914 que l'appel aux colonies a été le plus massif. Plus de 600 000 soldats coloniaux sont mobilisés. Il faut préciser que le service militaire obligatoire est étendu, en 1912, aux jeunes Algériens musulmans sans pour autant qu'ils obtiennent la citoyenneté.

- La France saura-t-elle remercier ces hommes après 1918 ?
Daniel Lefeuvre : Des réformes partielles sont introduites en 1919, mais il n'y a pas d'extension à tous d'une pleine et entière citoyenneté. Il y a des améliorations matérielles, des droits accordés, des pensions, des privilèges d'emploi pour les mutilés ou les veuves de guerre. Des reconnaissances symboliques sont également accordées. L'armée a toujours été très scrupuleuse sur le respect des rites religieux, que ce soit en termes de nourriture ou de sépulture. Une mosquée en bois itinérante a même été construite. C'est au grand peintre Etienne Dinet que l'armée demande de dessiner les tombes des soldats musulmans tués au combat. Après la guerre, on inaugure la Grande Mosquée de Paris. L'Etat français finance l'acquisition d'une hôtellerie à La Mecque, pour accueillir les pèlerins venant des colonies françaises.

- Faut-il parler d'une «saignée coloniale» ?
Daniel Lefeuvre : Les statistiques ne montrent pas de surmortalité des troupes coloniales, l'horreur étant partagée par tous les combattants. Au sens de l'assimilation, même si c'est une assimilation par la guerre, la France montre une sacrée confiance dans ses troupes coloniales pour en arriver à les mobiliser massivement, à les armer, à les instruire, sachant qu'ensuite c'étaient des soldats aguerris que l'on allait renvoyer chez eux et non des paysans désarmés. Et, dernière marque de reconnaissance, les troupes coloniales sont les plus applaudies, avec la Légion, lors des défilés militaires de l'après-guerre de 1914. Elles sont ovationnées. Un signe de cette popularité vient de ce qu'une grande marque de petits déjeuners pour enfants change son image - c'était une Antillaise avec des bananes - pour adopter un tirailleur sénégalais. Aujourd'hui, on voit dans Banania un stéréotype raciste ; dans l'esprit de l'époque, c'était l'inverse. On n'aurait pas vendu un petit déjeuner pour enfants avec une image répulsive.

- Comment évaluer le sacrifice des troupes «indigènes» entre 1942 et 1945 ?
Daniel Lefeuvre : Il faut rappeler qu'il y a 176 000 Français, Européens d'Afrique du Nord, engagés sous les armes ; ce qui représente environ 45% d'une classe d'âge mobilisée. C'est énorme ! Puis on compte 253 000 soldats pour toute l'Afrique du Nord et l'Afrique noire réunies. Ces derniers forment une armée de fantassins. Mais il y a des lieutenants et des capitaines musulmans. Avant la guerre, on remarquait déjà un colonel algérien musulman, polytechnicien.

- Quel est l'état réel de leurs pertes ?
- Daniel Lefeuvre : Parmi les 253 000 soldats nord-africains, au moment de la capitulation, on compte un peu moins de 12 000 tués et de 40 000 blessés. Soit un taux de mortalité de 5%. Pour les 100 000 soldats d'Afrique noire, 4 500 tués, c'est-à-dire un taux de mortalité de 5%. Au sein des troupes françaises d'origine européenne, il y a 40 000 tués, soit un peu moins de 6% de pertes. Enfin, parmi les 176 000 pieds-noirs, on dénombre 14 000 tués, ce qui équivaut à un taux record de 8%.

 

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tirailleurs sénégalais sur une plage de Fréjus (1914-1918) (source)

 

- retour à l'accueil

29 août 2006

Pour en finir avec la repentance coloniale

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Pour en finir avec la repentance coloniale

un livre de Daniel Lefeuvre

 

- 2012 : voir le dossier complet sur le livre et les critiques

- à paraître le 8 septembre 2006 aux éditions Flammarion

 

Daniel Lefeuvre est professeur d'histoire contemporaine à l'université Paris VIII/Saint-Denis. Il a déjà publié Chère Algérie. La France et sa colonie, 1930-1962 (Flammarion, 2005).

 

couv_Daniel_newBonnes pages du livre de Daniel Lefeuvre : Pour en finir avec la repentance coloniale

Or, le passé colonial construit par les Repentants entretient un rapport assez lointain, sinon totalement artificiel, avec la réalité des situations coloniales, telles que plusieurs générations d’historiens, progressivement, les établissent. Plutôt qu’un Livre noir, c’est un Roman noir du colonialisme qu’ils nous livrent. Car, contrairement à ce qu’ils veulent faire croire, leurs histoire n’est pas une histoire de la colonisation, mais un simple florilège de discours tenus sur la colonisation. Dans la plupart des cas, ce qui tient lieu d’argumentation se limite à la reproduction de fragments de textes ou d’images, dont la sélection jamais réellement explicitée, relève de l’arbitraire. On pourrait, et certains ne s’en privent d’ailleurs pas, écrire avec ce procédé, un Livre blanc de la colonisation, diamétralement opposé à celui des Repentants. Rien ne serait plus facile, en effet, que d’aligner autant de citations à la gloire de l’œuvre coloniale de la France, y compris tirées d’auteurs «indigènes», que les textes de condamnation qui font le miel de nos auteurs.

À l’occasion, le Repentant n’hésite pas à donner un coup de canif à sa vertu : lorsque sa démonstration l’exige, il l’appuie sur une citation tronquée, détournée de son sens. Cette méthode n’est pas sans rappeler celle des régimes totalitaires qui effaçaient des photographies officielles les personnalités tombées en disgrâce. Les mauvaises causes appellent toujours de mauvais procédés.

Contrairement à la méthode historique soumise à la «dictature de la chronologie», les citations utilisées sont présentées au mieux dans le cadre d’une chronologie floue, le plus souvent sans ordre chronologique du tout. Cette confusion repose sur l’idée que le temps et  colonial est un ensemble homogène, caractérisé par une continuité sans faille des principes et des pratiques, apparentant la domination coloniale à un système totalitaire. Empruntant une démarche téléologique qui ramène à Bossuet, il s’agit, pour les Repentants de révéler «la nature»  de l’Etat colonial et ses principes - extermination des populations autochtones, domination arbitraire fondée sur une violence sans contrôle, pillage des ressources des colonies et exploitation éhontée des indigènes - pas d’en écrire l’histoire.

Peu importe, d’ailleurs, que les propos mentionnés manifestent les opinions, les désirs, ou les rêves de leurs auteurs plutôt qu’ils ne témoignent des réalités, peu importe leur impact effectif  sur les événements. Les représentations sont substituées au réel, sont confondues avec lui, les mots deviennent la seule réalité. Or, les historiens le savent, s’en tenir aux textes n’éclaire en rien les politiques réelles mises en œuvre dans les territoires colonisés : «la pratique de l’histoire dans ce qu’elle possède d’aspects irréductiblement pragmatiques, ne permet pas de penser que l’histoire des idées puisse rendre compte de la totalité du cours des choses et oblige à comprendre comment les idéologies et les mentalités sont mises en œuvre par les individus et les groupes, au fil des engagements politiques et sociaux» (Jean-Clément Martin). Il ne suffit pas, on le sait bien, qu’une loi soit votée pour qu’elle soit appliquée et appliquée dans l’esprit du législateur. Il revient justement à l’historien de lever le voile, d’aller regarder, au-delà des mots, les réalités. 

Cette détestation du passé colonial de la France – à moins qu’il ne s’agisse tout simplement d’une détestation de la France elle-même - conduit nos Repentants à juger les hommes du passé à l’aune des critères moraux, voire judiciaires, actuels. Colbert, Gambetta et Jules Ferry, Bugeaud, Gallieni et Lyautey, bien d’autres encore, relèveraient ainsi d’un nouveau Nuremberg. On sombre là dans «le sacrilège de l’anachronisme», ce péché mortel des historiens, dénoncé naguère par Lucien Febvre.

Daniel Lefeuvre

 

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Pour en finir avec la repentance coloniale, Daniel Lefeuvre
Flammarion, 230 p, 18 euros.

 


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Chère Algérie. La France et sa colonie, 1930-1962

Daniel Lefeuvre, Flammarion, préface de Jacques Marseille            

            

Plus de deux cent mille morts, côté algérien, près de trente mille morts, côté français : telle fut l'issue sanglante de la guerre d'Algérie. Cette guerre meurtrière, qui a longtemps tu son nom, fut aussi extrêmement coûteuse: elle a représenté 20% du budget de l'État pour la seule année 1959. Fallait-il que les enjeux soient considérables pour que la France manifeste, si longtemps, un tel attachement! Or ce livre démontre qu'il n'en fut rien, mettant à mal, au passage, bien des idées reçues: dès le début des années trente, l'Algérie connaît une crise qui ira s'aggravant jusqu'à son indépendance, et représente un fardeau toujours plus lourd pour la métropole. Les ressources sont insuffisantes pour nourrir une population qui croît très vite, car l'Algérie n'est pas ce pays richement doté par la nature qu'on s'est longtemps plu à imaginer ; la misère s'étend, les Algériens sont, très tôt, contraints de s'expatrier pour nourrir leurs familles - et non parce que la France fait appel à eux pour se reconstruire après 1945. Cette crise, aucune mesure n'a pu la juguler, ni les tentatives pour industrialiser la colonie avant la guerre, ni le plan de Constantine décidé en 1958. Quant à la découverte des hydrocarbures du Sahara, elle fut loin de représenter la manne qui aurait avivé la cupidité de la puissance coloniale... Analysant les relations complexes et changeantes entre les acteurs de la colonisation - État, organismes patronaux, entreprises, citoyens -, Daniel Lefeuvre propose une histoire nuancée et critique de ce pan tragique de notre passé colonial, au risque de heurter les partisans de la commémoration nostalgique comme les tenants d'une «repentance» mal entendue.

En couverture: A. L. Mercier, Algérie, pays de la qualité, affiche. Office algérien d'action économique et touristique, Gouvernement général de l'Algérie, vers 1950 (MHC-BDIC).

ISBN : 2-08-210501-6
EAN : 9782082105019

Date de parution : 06.04.2005
Disponible
Prix : 24,00 €
Format : 16 x 24 cm / 512 pp.

            

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Chère Algérie. La France et sa colonie, 1930-1962, Daniel Lefeuvre
Flammarion, 512 p, 24 euros.

 

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