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études-coloniales
10 mars 2007

biographie de Hô Chi Minh en langue anglaise

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biographie de Hô Chi Minh, par

Pierre Brocheux

une traduction en langue anglaise

 

- Ho Chi Minh. A Biography (Cambridge University Press, 2007), traduit par  Claire Duiker

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Description
Ho Chi Minh is one of the towering figures of the twentieth century, considered an icon and father of the nation by many Vietnamese. Pierre Brocheux's biography of Ho Chi Minh is a brilliant feat of historical engineering. In a concise and highly readable account, he negotiates the many twists and turns of Ho Chi Minh's life and his multiple identities, from impoverished beginnings as a communist revolutionary to his founding of the Indochina Communist Party and the League for Independence of Vietnam, and ultimately to his leadership of the Democratic Republic of Vietnam and his death in 1969. Biographical events are adroitly placed within the broader historical canvas of colonization, decolonization, communism, war, and nation building. Brocheux's vivid and convincing portrait of Ho Chi Minh goes further than any previous biography in explaining both the myth and the man, as well as the times in which he was situated.

Contents
Preface; Timeline; Chronology; 1. In search of a future; 2. Missionary for the revolution; 3. Under the sword of Damocles (1931–1945); 4.The father of the nation; 5. The force of circumstance; Bibliography.

Reviews
"The founder of the Democratic Republic of Vietnam emerges as an appealing but still somewhat enigmatic figure in this impressionistic biography." -Publishers Weekly

"A noted French scholar of colonial and contemporary Vietnam, Brocheux (The Mekong Delta) has written a fascinating account of Ho Chi Minh the man (born Nguyen Sinh Cung in 1890) and 'Uncle Ho' the myth." -Patti C. McCall, Library Journal.brocheux_gros_plan2

 

 

 

 

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l'édition en langue française

Présentation de l'éditeur
Grande figure du mouvement communiste international du XXe siècle, Hô Chi Minh (1890-1969), le père de l’indépendance vietnamienne, a pâti ces dernières décennies des révélations sur les crimes de Staline et Mao, et apparaît relégué aujourd’hui dans la galerie des tyrans rouges sur lesquels pèse désormais l’opprobre universelle. Loin de redonner une virginité à «l’oncle Hô», cette biographie, écrite par un des meilleurs spécialistes français de l’histoire de l’Indochine, cherche à comprendre comment ce redoutable homme d’action, qui changea cent fois d’identité, connut l’exil pendant plus de trente ans dans toutes les régions du globe et manqua mourir mille fois, a pu devenir cette icône figée, emprisonnée sous la chape de plomb d’un mausolée qu’il désavouait, devenu objet de culte après avoir été élevé au rang de héros2228897957 national et de génie tutélaire.

Du jeune mousse parti explorer le monde à bord d’un paquebot au président vieillissant mis à l’écart des décisions, en passant par le militant exalté du Parti socialiste à Paris (1917-1923), l’agent du Komintern en Asie (1924-1931), l’exilé de Moscou (1934-1938) puis de Canton (1938-1941), le fondateur du Viet Minh (1941), le proclamateur de l’indépendance vietnamienne (1945), le chef de la résistance nationale (1946-1954) et le président du Nord Viet Nam (1954-1969), la longue vie de Hô Chi Minh a connu bien des péripéties et s’inscrit au cœur des événements qui ont marqué l’histoire des pays dans lesquels il vécut : la naissance du PC français, les purges sanglantes de Staline, la montée en puissance de Mao, la guerre sino-japonaise, la guerre d’Indochine, la constitution du bloc soviétique, puis le conflit sino-soviétique, et enfin la guerre du Viet Nam.

L’homme, brillant quoique modeste, ne fut pourtant jamais un théoricien de la révolution ou un habile stratège militaire, à l’instar de ses illustres condisciples, Lénine, Trotsky ou Mao. Exploitant ses indéniables talents de diplomate, favorisés par un réel pouvoir de séduction et un esprit vif mû par une curiosité toujours en éveil, il fut essentiellement un organisateur et un pédagogue au service de son peuple. Résolument empiriste, il tenta avec sincérité d’adapter le léninisme à un pays non industriel et longtemps soumis à la domination coloniale, explorant une «voie nationale» qui ne sut pourtant éviter les excès de la dictature du prolétariat. Coincé entre les deux «pays frères», Chine et URSS, Hô ne parvint pas à la fin de sa vie à éviter les répercussions du schisme sino-soviétique sur le parti communiste vietnamien et ne put empêcher l’intervention massive des Américains dans le Sud Viet Nam, entraînant une guerre meurtrière qui se poursuivit après sa mort.

Loin de l’image du perfide et cruel Annamite véhiculé par une Histoire-cliché, cette biographie nous dévoile les faiblesses d’un homme en proie à ses contradictions, dont la constitution chétive lui occasionna maintes maladies mais ne l’empêchait pas de manier activement pelle et pioche aux côtés de ses soldats, et qui prit un malin plaisir à brouiller les pistes sur sa vie en rédigeant lui- même ses mémoires, tapées sur la fidèle Hermès portative qui ne le quittait jamais, une Lucky Strike, ses cigarettes préférées, à la bouche…

L'auteur vu par l'éditeur
Vietnamien d’origine, ayant enseigné à Saïgon entre 1960 et 1968, en pleine guerre du Viet Nam, Pierre Brocheux s’est toujours efforcé d’explorer les complexités de l’histoire mouvementée des pays d’Extrême-Orient. Ses ouvrages – Indochine française, la colonisation ambiguë (La Découverte, 1995) et Du conflit d’Indochine aux conflits indochinois (sous sa direction, Complexe, 2000) - en font un des meilleurs spécialistes reconnus de l’histoire de l’Indochine. Il développe ici, en se fondant sur une documentation vietnamienne inédite en France, les premières bases d’une biographie de Hô Chi Minh écrite pour les Presses de Sciences Po en 2000. Il est actuellement maître de conférence émérite de l’université de Paris VII.

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Hô Chi Minh en 1946 (source)

 

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"Oncle Hô"

 

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Giap et Hô Chi Minh

 

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(source)




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2 mars 2007

L'Indochine, ni gloire ni honte (Antoine Audouard)

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L'Indochine, ni gloire ni honte,

Antoine AUDOUARD

 

Le 23 novembre 1946 est couramment indiqué comme date de déclenchement de la guerre d'Indochine. Cet anniversaire n'est pas en France l'occasion d'une large commémoration - pas plus que ne l'avait été, il y a 352___Image_largedeux ans et demi, l'anniversaire de la chute de Dien Bien Phu (7 mai 1954). Ce refus du masochisme peut se comprendre.

Un retour sur nous-mêmes et ce qui se joua entre ces deux dates serait pourtant utile. Dans notre perpétuel débat intérieur sur fierté (le rôle positif de la colonisation) et repentance (pratique de la torture, exactions, etc.), il peut nous donner l'occasion d'une méditation sur la nation, d'un examen de conscience qui ne débouche ni sur les hymnes revanchards, ni sur les hypocrites actes de contrition.

Comme le suggère François Bizot à propos du génocide cambodgien dont il fut témoin, il nous faudrait pouvoir, face aux événements personnels et nationaux qui nous stupéfient, nous arracher plus vite aux émotions pour répondre à la seule question qui compte : comment cela a-t-il été possible ? Et répondre suppose une distance, une forme de neutralité - ou en tout cas de tranquillité intérieure - qui nous font souvent défaut.

L'examen des conditions dans lesquelles la France tenta de rétablir ses droits dans ce qu'avant la guerre onGHLeclerc3Shat appelait sans complexe son empire, et qui fut cosmétiquement rebaptisé l'Union française, a des allures de commentaire d'actualité. Au risque de choquer, il faut donc rappeler que ce mouvement fut une expression de ce que la France avait alors de meilleur : les de Gaulle et Leclerc, ceux qui avaient gardé l'honneur dans une période où la marchandise se faisait rare. C'est la 2e DB, libératrice de Paris, qui embarqua pour Saïgon, avec pour instruction de libérer le delta du Mékong de l'occupation japonaise comme Paris et Strasbourg l'avaient été de l'occupation allemande. En mars 1946, des accords de paix furent signés avec Ho Chi Minh reconnaissant l'unité du Vietnam et son avenir comme "Etat libre".

On peut aujourd'hui questionner ce sens de la grandeur nationale qui obséda de Gaulle, lui reprocher d'avoir fait la sourde oreille aux rapports de ses proches sur la situation locale où le mouvement d'indépendance nationale s'était forgé dans la guerre et ne s'arrêterait plus ; il est enfin difficile de ne pas juger son commencement à la lumière de sa fin, la lumière grise de Dien Bien Phu, ses montagnes de cadavres, ses files de prisonniers.

Pourtant, on ne peut lui dénier sa part d'idéalisme, de désintéressement, de foi presque mystique, à vocation universelle, dans un passé et un futur. Pour la dernière fois dans notre longue histoire s'exprimait sans réserve la part guerrière et rêveuse d'une nation chez qui l'esprit de conquête avait pris diverses formes au cours de son histoire.

Au lendemain précisément de la libération de la barbarie nazie, des Français utilisèrent, au nom de ces valeurs, des moyens qui nous font toujours mal, à soixante ans de distance. Ce furent les massacres de Sétif, en Algérie ; ce fut la répression de l'insurrection de Madagascar, ce fut enfin, en ce fameux 23 novembre 1946, ce qu'il fut convenu d'appeler "l'incident de Haiphong".

Untitled_1LAu départ, dans une situation politique confuse, une ambiance d'insurrection rampante, l'arraisonnement d'une jonque chinoise donne lieu à un échange de coups de feu. Puis, à certains niveaux du commandement militaire et politique français, on juge bon de "donner une bonne leçon" aux Vietnamiens. Le bombardement de la ville de Haiphong commence. L'estimation de son bilan a notablement varié au fil du temps : au plus fort de la protestation anticoloniale, on parla de 20 000 morts, puis les chiffres semblèrent se stabiliser entre 6 000 et 10 000.

Des années plus tard, le maire de Haiphong de l'époque confia à l'historien américain Stanley Karnow que son estimation personnelle se situait aux alentours de 500, "tout au plus". On irait presque jusqu'à dire "peu importe".

Toujours est-il qu'en quelques jours, l'émotion nationale était à son comble : le malheureux Léon Blum, 5262_7revenu aux affaires pour un intérim dont il ne voulait pas, et qui avait signé quelques jours plus tôt dans le journal socialiste Le Populaire un éditorial appelant à l'indépendance vietnamienne, se trouva être celui qui, à l'unanimité, fit voter par la Chambre les crédits militaires pour l'Indochine. L'historien norvégien Stein Tonnesson rapporte que quelques jours plus tard, quand déjà en effet la guerre faisait rage à Hanoï, le vieux socialiste en versa des larmes devant l'arbre de Noël du Populaire. Bien sûr, Léon Blum ne pouvait imaginer la boue de Dien Bien Phu ou la bataille d'Alger ; mais il ne lui échappait pas, sans doute, que ce commencement tragique ne pouvait engendrer une fin heureuse.

Ces larmes me reviennent toujours en mémoire devant la pauvreté des débats dans lesquels nous nous enlisons quand nous revenons sur cette période : on nous donne le choix entre nous glorifier de notre oeuvre civilisatrice - comme si nous étions encore dans les années 1930, en train de préparer l'Exposition universelle - ou poser des plaques pour ressasser notre honte - comme si nous devions perpétuellement nous excuser du tragique même de l'histoire en général, et de la guerre en particulier.

Engagé dans un travail de recherche, j'ai rencontré des crimes affreux et des sacrifices émouvants, des moments d'horreur et d'autres de pure beauté ; j'ai parlé à des Français passionnément amoureux du Vietnam, et à des Vietnamiens qui rêvent et espèrent en français. J'ai senti peu à peu pénétrer en moi un héritage dont la complexité et les ambivalences sont la richesse même. Mais tout se passe comme si dans la tendance générale à rectifier les torts par la voie du droit, notre passé aussi passait à la moulinette.

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...des moments d'horreur et d'autres de pure beauté...

Pascal Bruckner conteste la "tyrannie de la pénitence" qui fige dans une forme de statut de la victime ceux dont les ancêtres ont subi des torts, ou des crimes ; mais on pourrait ajouter que, par un parallélisme douteux, nous nous enfermons dans un "statut du coupable" - de collabos virtuels, nous voici peu à peu par héritage transformés en tortionnaires et bientôt en nazis. L'examen honnête et exigeant du passé peut être douloureux : il ne doit pas se transformer en procès de Nuremberg permanent. Or un zèle vigilant s'exerce à faux, qui sans cesse reclasse des coupables et des victimes - camp enviable duquel, sans doute, nous nourrissons l'illusion qu'une purification rétrospective peut nous faire pardonner.

Avec cynisme, l'excellent démocrate qu'est le président Abdelaziz Bouteflika l'a bien compris, qui nous force au silence sur ses crimes présents au nom de nos crimes passés ; les Vietnamiens n'agissent pas autrement, signant avec leurs ennemis d'hier des pactes économiques ou financiers qui enterrent non seulement un regard sur des millions de victimes de ce qui fut aussi une guerre civile, mais aussi les droits politiques fondamentaux de leurs citoyens d'aujourd'hui.

Ce qui est ici mentionné ne devrait pas déboucher sur le silence, mais sur la terreur et l'admiration mêlées face à ce que nous sommes capables de faire, en tant qu'hommes et en tant que nations. C'est au prix de cette redoutable intimité avec nous-mêmes que la volonté de comprendre et l'éventuelle capacité à agir l'emporteront sur l'inutile désir de juger.

Antoine Audouard, écrivain
Le Monde, 28 novembre 2006

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- extraits de : Un pont d'oiseaux

- commander : Un pont d'oiseaux d'Antoine Audouard (Gallimard, 2006)





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- compte rendu de lecture, par Alexandre Fillon, Lire.fr

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11 février 2007

Souvenirs d’un colonel Viet Minh. 1945-2005, de Dang Van Viet (commentaire de Pierre Brocheux)

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à propos des souvenirs de Dang Van Viet,

colonel Viet Minh

Pierre BROCHEUX

 

13g_1Commentaire sur le livre de Dang Van Viet, Souvenirs d’un colonel Viet-Minh. 1945-2005, Paris, Indo-Éditions, 2006.

Dang Van Viet, issu d’une lignée mandarinale prestigieuse, a dirigé le régiment de l’Armée populaire vietnamienne qui a infligé au Corps expéditionnaire français sa première grande défaite en 1950 (selon le gal Yves Gras, Histoire de la guerre d’Indochine, Denoël 1992) sur la Route coloniale n°4 reliant Cao Bang à Langson. L’ouvrage est très intéressant au triple point de vue militaire, sociologique et politique mais mon commentaire se réfère au seul chapitre XXIX intitulé «Héritage de la culture française au Viet Nam», p. 208-218, qui relève des préoccupations d’Études coloniales.

L’auteur exprime l’opinion de quelqu’un qui s’est entièrement consacré à la lutte pour l’indépendance puis à la construction économique de son pays. Son rôle dans la lutte contre la domination coloniale française mérite que nous nous arrêtions sur son opinion. Si Dang Van Viet affirme le caractère fondamentalement oppressif du régime colonial, il remarque, cependant, l’ambiguïté qui a marqué les 80 années de cette domination. Il n’hésite pas à écrire que la colonisation française eut «un côté positif et une part utile» (expression qui ne manquera pas de scandaliser les «anticolonialistes à quatre sous» comme disait l’historien Jean Chesneaux).

L’auteur admet que les Français ont initié la modernisation de son pays, recomposé la société et surtout, introduit une réforme «révolutionnaire» (pour oser un paradoxe) de la culture. Les porteurs de cette nouvelle culture ont pris la tête de la lutte pour affranchir leur pays du joug français. En d’autres termes, les Français ont engendré les fossoyeurs du régime qu’ils avaient instauré : une intelligentsia dont Dang Van Viet fait partie et dont les aspirations, les revendications et les actions avaient suscité, dès 1926, la mise en garde d’un gouverneur général, le socialiste Alexandre Varennes (encore une ambiguïté).

Selon celui-ci, il fallait accorder des droits «au Tiers-état annamite» sinon il les réclamerait de lui même. Une minorité agissante de cette intelligentsia dirigea le mouvement de libération nationale tandis que la majorité rallia le soulèvement d’août 1945 qui aboutit à la proclamation du premier État indépendant vietnamien du XXe siècle.

Ce livre exprime une vision du colonialisme proche de celle que Karl Marx exposa sur l’intervention britannique en «Indoustan». Une approche dialectique de l’Histoire a du bon.

Pierre Brocheux

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- commander ce livre

- photos du colonel Dang Van Viet, de son éditeur et de son préfacier

- photos du colonel Dang Van Viet à Hanoï

- les ouvrages de l'éditeur Indo éditions

 

 

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le colonel Dang Van Viet (source)

 

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le colonel Dang Van Viet à Paris (source)

 

 

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7 octobre 2006

Vietnam 1905-1908 - colloque mai 2007 (Gilles de Gantès)

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Vietnam, le moment moderniste

1905-1908

La réactivité d’une société face à l’intrusion d’une modernité exogène

Gilles de GANTÈS

 

Appel à contributions pour un colloque à tenir

à Aix-en-Provence, les 3-4 et 5 mai 2007



1908 est une date charnière dans l’histoire du Vietnam, marquée à la fois par une révolte paysanne anti-fiscale d’une part et par une tentative d’empoisonnement de la garnison française de Hanoi par des patriotes vietnamiens d’autre part. Premières manifestations nationalistes après l’échec de la résistance monarchiste qui avait suivi la conquête coloniale, les événements de 1908 inaugurent une série de révoltes anti-coloniales et de complots, incluant les attentats de 1913 à Hanoi et de 1924 à Shanghai, les soulèvements de Thai-nguyen ou de Yen-bay ; ils ont une place particulière dans l’histoire du Vietnam au XXe siècle. Le déroulement chronologique de ces événements semble bien connu, notamment après les études de David Marr ou de Nguyen The Anh, même si leur interprétation peut prêter à débats.

Mais ces révoltes masquent un courant tout aussi important (et sans doute davantage pour les Vietnamiens, surtout depuis les débuts du doi moi), celui de la modernisation de la société et de la culture, dont le symbole est Dong kinh nghia thuc, qui s’est développé dans la période qui a suivi la guerre russo-japonaise de 1904-1905 et dont le mémoire adressé par Phan Chu Trinh au gouverneur général de l’Indochine en novembre 1906 (que les Français traduisirent et publièrent dans le très officiel Bulletin de l’EFEO en 1907) donne une idée des objectifs.

Dans certains milieux instruits se développe l’idée que les révoltes violentes sont vouées à l’échec et qu’il s’agit d’adapter la société vietnamienne à un monde moderne dont l’existence, dans sa forme d’uned_capitation_1908 occupation coloniale, ne pouvait être niée, dans le but de reconquérir un jour prochain l’indépendance du pays. Profitant d’une conjoncture favorable, ils créent des écoles, des maisons d’édition indépendantes de l’administration coloniale ou organisent des coopératives de production, qui, pour certaines, étaient destinées à financer les œuvres éducatives et culturelles : la société de production de saumure Lien Than était par exemple associée à une école et à une maison d’édition. Ce type de mouvement suppose un haut degré d’organisation sociale, des réseaux d’information ou des modes de financement efficaces, qui sont, somme toute, relativement mal connus, du moins en France, malgré les travaux de Georges Boudarel (“Phan Boi Chau et la société vietnamienne de sont temps”, France-Asie, 1969, 4ème trimestre), de Nguyen The Anh (“Les élites vietnamiennes face à l’Union indochinoise”, The Vietnam Forum, 1988) et de Trinh Van Thao (Vietnam. Du confucianisme au communisme, Paris, L’Harmattan, 1990).

Cette lacune relative s’explique par plusieurs facteurs. Tout d’abord, phénomène courant lorsque nous tentons d’appréhender le passé, les actes politiques marquants, révolutions, attentats, changements de régime, sont nécessairement mieux enregistrés que l’accumulation d’actions quotidiennes, l’acquisition d’habitudes différentes ou l’appropriation d’idées nouvelles. La préhension de ces phénomènes micro-sociaux, qui se révèlent souvent à l’occasion de révoltes ou de mutations politiques radicales, est pourtant possible, comme l’ont prouvé Maurice Agulhon à propos de l’enracinement des traditions républicaines en Provence (La République au village, Paris, Seuil, 1979) ou Michel Vovelle à propos de la déchristianisation qui a précédé la Révolution française (Piété baroque et déchristianisation en Provence au XVIIIe siècle, Paris, Plon, 1973).

À cette difficulté théorique, universelle en Histoire, s’ajoutent par ailleurs, dans le cas vietnamien, les phan_boi_chauorientations et les priorités induites par l’évolution du pays au cours du dernier demi-siècle. En ce qui concerne les débuts de l’adaptation culturelle de l’ensemble de la société vietnamienne aux normes nouvelles imposées par le colonisateur, les recherches sur les détails, les modalités, les structures élémentaires qui ont servi de cadre à l’acculturation, avaient été particulièrement développées à Saigon dans les années 1960, avec notamment les ouvrages de Nguyen Hien Le (Dong Kinh Nghia Thuc, Saigon, Le Boi, 1968), qui avait bénéficié des témoignages des acteurs ou de Nguyen Van Xuan (Phong-trao Duy-tan, Saigon, Le Boi, 1970), mais n’ont pas bénéficié des mêmes priorités dans les années qui ont suivi, l’école historique du nord ayant été plus active en ce qui concerne Phan Boi Chau [photo] et les mouvements qu’il animait.

Un relevé des articles parus dans la revue Nghien cuu lich su (Recherches historiques) de Hanoi pendant la période 1954/1994, montre que la priorité était donnée à la recherche sur les origines du peuple vietnamien d’une part, aux luttes pour l’indépendance du pays d’autre part, même si, curieusement, une des rares tentatives de coopération scientifique entre les deux Etats vietnamiens dans la période 1954/1975 (Patricia M. Pelley : Postcolonial Vietnam, Durham et Londres, Duke University Press, 2002, 35-6) a été consacrée au mouvement moderniste.

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Tonkin, école professionnelle de filles, avant 1908

Les choses ont cependant changé dans les années 1990 : à l’occasion des quatre-vingt-dix ans de Dong Kinh Nghia Thuc ont par exemple été publiés des ouvrages tels Van tho dong kinh nghia thuc (Prose et poésies du Dong Kinh Nghia Thuc, Hanoi, EFEO et Van Hoa, 1997) et Thon thu va xa hoi Viet Nam cuoi the ky XIX dau the ky XX (Les nouveaux livres et la société vietnamienne à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, Hanoi, Chinh tri Quoc gia). Les grandes commémorations nationales de 2005 (trente ans de la réunification, soixante ans de l’indépendance) ont depuis lors de nouveau détourné l’attention des chercheurs de l’étude du mouvement moderniste. L’adaptation de la société vietnamienne, dans des conditions dramatiques, coloniales, à une modernité extraordinairement exogène au début du XXème siècle fournit pourtant un cas exemplaire en notre époque de globalisation et de mondialisation.

Si les idées générales qui animaient les modernistes ou les biographies des plus éminents d’entre-eux sont relativement bien connues, l'enracinement piopulaire du mouvement  l’est relativement moins. S’agit-il par exemple d’un phénomène essentiellement urbain ou bien les villages jouent-ils un rôle majeur ? Connaît-on le taux d’alphabétisation vers 1905, le niveau de généralisation du quoc ngu ? Quelles régions ont-elles été touchées ? Le Nord davantage que le Sud ? Des régions traditionnellement dynamiques sur les plans culturel ou politique comme le Thanh-hoa ou le Binh-dinh ?

Les structures mises en place par les modernistes sont-elles comparables aux écoles qui, périodiquement, apparaissaient au Vietnam : école de Chu Vau An (XVe siècle) ou de Vu Thanh (XVIIIe siècle). Le célèbre temple Ngoc Son, avait par exemple été édifié en 1842 pour rendre un culte aux immortels, mais aussi pour servir de lieu de rencontres et d’échanges entre Lettrés (Vu The Khoi : “Le temple Ngoc Son et l’œuvre de la renaissance culturelle de Thang Long”, Xua va nay, n°30, août 1996) : les modernistes se sont-ils inspirés de cet exemple ? Quelles sont les limites du mouvement ?

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Hanoï, maître d'école               

Certains Lettrés semblent avoir été totalement étrangers au mouvement moderniste (Nguyen The Anh, Bulletin de l’EFEO, 1978, t.LXV, pp.421-430). Le déclassement social des Lettrés lié à la situation coloniale a-t-il joué un rôle dans le développement du mouvement moderniste ou l’a-t-il freiné ? Combien de personnes ont-elles réellement été touchées ? Y-a-t-il des structures comparables aux chambrées et aux cercles provençaux qu’a étudiés Agulhon ? Le premier objectif du colloque que nous proposons est d’appréhender le mouvement dans son épaisseur sociale et d’en proposer un exposé accessible en langue française ainsi qu’un état des lieux et une bibliographie en vietnamien, français et anglais.

Le deuxième objectif est d’intégrer le Vietnam dans sa conjoncture asiatique : ce sont d’ailleurs les Lettrés modernistes du début du XXe siècle qui ont introduit dans la culture vietnamienne cette conception d’un Vietnam lié à des civilisations asiatiques autres que celle de la Chine. Pays de tradition sinisée, il est souvent étudié dans le cadre des études sur l’Asie du Sud-Est ; pays colonisé par les Français, il est l’objet, pour la période qui nous intéresse ici, d’une bibliographie majoritairement en Vietnamien ou en Français, d’où une difficulté de comparer avec d’autres pays asiatiques pour lesquels la bibliographie est en Anglais ; pays dont l’histoire, dans la deuxième partie du XXe siècle, a été marquée par des conflits où ont été impliqués notamment, la France, les Etats-Unis ou l’URSS, il est plus souvent étudié pour ses relations avec ces puissances que pour ses contacts avec l’Indonésie, la Thailande ou les Philippines.

Or, au début du XXe siècle, pour ne prendre que cette période-là, les relations et les influences intra-asiatiques étaient nombreuses, non seulement avec la Chine ou le Japon, ce qui est bien connu, mais avec l’Inde, l’Indonésie ou les Philippines, soit par le biais de réseaux mis en place par les colonisateurs (la ligne française régulière des Messageries maritimes touchait Yokohama, Shanghai et Saigon, mais aussi Singapour, Colombo et Bombay), soit par le biais des réseaux missionnaires, soit par le biais des réseaux qui existaient avant la colonisation et dont s’était servi par exemple Nguyen Anh à la fin du XVIIIe siècle, soit grace à l’existence de communautés de Vietnamiens expatriés au Siam, au Cambodge, au Laos, comme en Chine ou au Japon, ainsi que l’ont montré David Marr (Vietnamese Anticolonialism (1885-1925), Berkeley, University of California Press, 1971) ou Christopher Goscha (Vietnam or Indochina ? Contesting Concepts of Space in Vietnamese Nationalism, 1887-1954, Copenhague, NIAS Reports n°28, 1995). Or, toutes les sociétés asiatiques ont eu à s’adapter à l’intrusion massive des idées occidentales dans tous les domaines (culture, religion, commerce…) et la coïncidence de l’émergence de mouvements politiques modernes dans plusieurs sociétés asiatiques (Gandhi fonde par exemple sa première association au Transvaal en 1907, tandis que le roi de Siam voyage en Europe et que Sun Yat Sen réside au Vietnam) ne peut être le fait du hasard.

Le troisième objectif du colloque est de déterminer l’héritage du mouvement. Dans le court terme déjà : qui se chargea de la répression postérieure à 1908 (Français ? Vietnamiens traditionnalistes ?) ? Avec quel bilan précis ? Sur le long terme, le rôle joué par Phan Chu Trinh [photo] à Paris auprès du futur Ho Chi Minh est bienphan_chu_trinh connu, mais y-a-t-il d’autres exemples, notamment parmi les Vietnamiens envoyés en métropole pendant la Première guerre mondiale ? Le bagne de Pulo Condore fut-il une pépinière de futurs révolutionnaires ? Que devinrent les acteurs du mouvement ? Dans la mesure où le mouvement était plus hétérogène que l’histoire officielle le présente habituellement, les prises de position ultérieures ont nécessairement été très diverses. Certains se sont investis dans le journalisme, seule ouverture aménagée par le pouvoir colonial, donc un journalisme désormais entraîné à ruser avec les contraintes de la censure, comme c’est le cas des équipes de Dong Duong top chi ou de Nam Phong. Ngo Duc Ke et Huynh Thuc Khong se sont lancé dans le journalisme après leur sortie du bagne. Ce dernier a même tenté de fonder un parti dans le Centre (Dao Duy Anh : Nho nghi chieu hom. Souvenirs au crépuscule, 1989) et il développa son action dans un cadre légal.

D’autres acteurs du mouvement moderniste sont retournés dans leurs villages d’origine où ils ont pu populariser leurs idées, en ouvrant des écoles, en pratiquant la médecine ou en s’impliquant dans les associations huong thien (faire le bien). L’inspiration de ces associations-ci semble être religieuse, avec des séances de spiritisme notamment, mais il est possible qu’elles aient servi de paravent à la continuation du mouvement moderniste en diffusant des textes (kinh) à caractère moral et patriotique (Dao Duy Anh, op. cit. Et Vu The Khoi, op. cit. ). D’autres Lettrés proches du mouvement moderniste ont sans doute à passer les concours (le dernier concours a eu lieu dans le Centre en 1919), d’autres ont pu se réfugier dans la sphère familiale tout en envoyant leurs fils (leurs filles également ? l’éducation des filles a été une des originalités du Dong kinh nghia thuc) suivre des études à la française. Qu’est-il advenu des coopératives qui finançaient le mouvement ? La société Lien Thanh évoquée plus haut a poursuivi ses activités jusqu’en 1975 et le docteur Ho Ta Khanh, représentant la troisième génération de la société a été ministre de l’Economie dans le gouvernement Tran Trong Kim.

GillesSept2005

 

  renseignements et/ou renseignements

Gilles de Gantès

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- Dông Kinh nghia thuc : École libre de la Capitale du Nord (Hanoï) : mouvement moderniste revendiquant l'innstruction du peuple, et école ouverte en 1907 à Hanoï

 

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écoliers tontinois au cours de dessin

 

Call for Contributions for a Conference organized

in Aix-en-Provence, May 3-4 and 5, 2007

 

Vietnam, the modernist conjoncture

(1905-1908)

The reactivity of a society confronted to

the irruption of a foreign modernity



1908 represents an important symbol in Vietnamese history, when the first nationalist manifestations opened a long list of anti-colonialist revolts. But, as they appear in the front of the stage, they let in the shadow the current of the modernization of the Vietnamese culture which has developped after the Japanese victory against Russia in 1905. A lot of scholars of the time came to think that violent uprisings had no chance to be successful and that the most promising way in order to reconquer independence was to adapt the Vietnamese society to a modern world whose existence could not be denied. These patriots founded schools free from colonial supervision, and they organized craftman cooperatives (dong loi), whose benefits were partly dedicated to education achievements. The cooperative Lien Than, which produced fish sauce (nuoc mam) was associated with à publishing house and a school. This kind of movement needs a sophisticated level of social organization, efficient information networks and financial networks which are not so well known.

The first purpose of the conference is to understand how the movement has taken root deep inside the Vietnamese society, to understand it by the details beside the well known stories of nationalist heroes and to publish a global study and an exhaustive bibliography (Vietnamese, French, English) of the modernist movement.

The second purpose is to replace Vietnam in the Asian conjoncture: the influence of the Chinese reformist movement or of Meiji Japanese example have often been studied, but very much less the relations and mutual influences with the Philippines, the Indonesian Archipelago or India. On the first hand, many networks, including religious ones, had worked before the age of imperialism between asian countries and, in the XIXth Century the Europeans have added their imperial lines, which allowed many natives to get a first hand knowledge of Japan, India or Europe and to search an help to sustain their activities. On the second hand, the emergence of modern political organizations in many Asian countries following the Japanese vistory against Russia in 1905 cannot be a coincidence and comparisons could be stimulating for Vietnemese studies scholars.

The colonial administration’s tolerance considering the modernist movement was short lived and promptly vanished after the attempts of Hanoi in june 1908 and the uprisings in Central Vietnam. The third purpose of the Conference will be to examine what kind of inheritage was left by the modernist movement after its leaders had been arrested, jailed or exiled, some of them sentenced to death in the short and long  ends. The Company Lien Thanh was still alive in 1975 when the director Dr Ho Ta Khanh, a former Secretary of State in Tran Trong Kim’s 1945 government, represented the third generation of his family at the head of the Company.

To study the way by which the Vietnamese society had to adapt itself to a modern world which was so exotic at this time and under a foreign rule can give indications for the future, in our age of worldwide globalization.

Gilles de Gantès

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