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études-coloniales
12 août 2013

Camus et le terrorisme, par Jean Monneret

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 «À l'heure ou nous parlons, on jette des bombes

dans les tramways d'Alger. Ma mère peut ...»

un livre de Jean Monneret sur Camus

général Maurice FAIVRE

 

Dans cet ouvrage, Jean Monneret s'applique à retracer ce que fut l'évolution intellectuelle d'Albert Camus face au système politique du terrorisme. Il analyse les principaux ouvrages de l'auteur, dont l'Homme révolté et Les Justes, et les commentaires qu'en ont tirés Olivier Todd, Robert Zaretsky et Michel Onfray.

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Il part de la déclaration du Prix Nobel en décembre 1947 - déclaration souvent falsifiée - qu'il rectifie comme suit :
«À l'heure ou nous parlons, on jette des bombes dans les tramways d'Alger. Ma mère peut se trouver dans l'un de ces tramways. Si c'est cela la justice, je préfère ma mère». Il contredisait ainsi le sens de l'Histoire des idéologues, et l'idée que «la fin justifie les moyens».
 
Exclu du parti communiste en 1937, Camus a suivi les contradictions du communisme à l'heure du voyage de Laval en Russie. En Algérie, ces contradictions conduisaient à accuser les nationalistes de fascisme.

En 1942-43, l'expérience de la Résistance, à Lyon puis à Paris, révèla à Camus l'abjection totalitaire du nazisme et du stalinisme, et lui fit condamner l'avilissement de l'homme dans les camps. Il constatait également que la résistance française ne pratiquait pas le terrorisme, contrairement à l'opinion de Badinter.
 
L'opposition de Sartre contre Camus, développée dans les colonnes des Temps modernes, met en lumière le rôle des juges-pénitents, compagnons de route de la révolution soviétique, elle-même héritière de la terreur de 1793. La même illusion conduit au soutien du FLN, adepte du terrorisme révolutionnaire, et dont la prétention laïque s'appuie en fait sur la théocratie islamiste et provoque la guerre civile arabo-musulmane.

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Tout en condamnant la pratique de la torture, Camus observe que la dénonciation de la répression encourage les terroristes. L'échec de sa campagne pour la Trève civile entraîne son refuge dans le silence, face à une situation inextricable où l'Algérie meurt de résignation généralisée.
 
Passant en revue les justifications de la violence «libératrice du peuple», de Zohra Driff à Pontecorvo et à l'exposition du Musée de l'Armée, l'auteur relève un nœud inextricable d'accusations qui se poursuit dans la guerre civile des années 90. La vertu du révolté, selon Camus, serait au contraire de ne pas céder au mal.
 
La thèse camusiennne de 1937, Métaphysique chrétienne et néoplatonisme, révèle certains ressorts de sa philosophie. Il oppose l'héritage gréco-latin de Plotin et Saint Augustin au messianisme marxiste et au nihilisme des mauvais génies de l'Europe (Hegel et Nietzsche). Il se prononce ainsi pour la philosophie méditerranéenne de la mesure.
 
En conclusion, Jean Monneret estime que le terrorisme, devenu islamiste et mondial, appelle le recours aux armes spirituelles. Plusieurs annexes documentées complètent cette réflexion enrichissante.
Maurice Faivre
le 12 août 2013

Jean Monneret, Camus et le terrorisme, Michalon, septembre 2013, 190 pages, 16 euros.

 

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10 août 2013

Juifs de Tunisie, 1942-1943, par Claude Nataf

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les juifs de Tunisie sous le joug nazi

9 novembre 1942 - 8 mai 1943

Claude NATAF

 

À l’occasion du 70e anniversaire de la rafle des Juifs de Tunis, la Fondation pour la Mémoire de la Shoah publie en partenariat avec les éditions Le Manuscrit : Récits et témoignages rassemblés, présentés et annotés par Claude Nataf. Préface de Serge Klarsfeld.

À la veille de la Seconde Guerre mondiale, 90 000 Juifs vivaient en Tunisie. Entre novembre 1942 et mai 1943, le pays fut occupé par les forces de l’Axe. Les Juifs connurent alors «l’angoisse, les rançons, les pillages, les souffrances du travail forcé et des dizaines de morts» (Serge Klarsfled).

L’action anti-juive était dirigée par le colonel SS Walter Rauff. Ce dernier avait été responsable de la mort de centaines de milliers de Juifs, assassinés dans des camions à gaz (ancêtres des chambres à gaz) des pays baltes à la Yougoslavie.

En Tunisie, l’objectif était également de mettre en œuvre la «Solution finale». Quelques personnes furent ainsi déportées vers l’Europe. L’avancée des Alliés et leur domination militaire ont heureusement contrarié les plans nazis.

- Collection «Témoignages de la Shoah» : Les Juifs de Tunisie sous le joug nazi 9 novembre 1942 - 8 mai 1943, 358 pages / 27 illustrations EAN : 9782304040623.
Prix : 25,90 €

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rafle, décembre 1942


Cet ouvrage regroupe plusieurs témoignages, dont celui de Maximilien Trenner, interprète en charge des relations avec les Allemands et celui de Georges Krief, jeune avocat.
Il présente des récits sur les camps de travail comme celui de Bizerte, directement géré par les SS, ou ceux qui dépendaient de l’armée italienne. Le sort des Juifs de Sousse et de Sfax y est également évoqué.
«Ces récits sont éclairés par le remarquable appareil critique de Claude Nataf qui réussit brillamment à faire de ces pages de mémoire des pages d’histoire.»

Serge Klarsfeld

Président de la Société d’histoire des Juifs de Tunisie, Claude Nataf est à l’origine du renouveau d’intérêt pour cette histoire. Il a dirigé cet ouvrage et les deux autres livres de la collection «Témoignages de la Shoah» consacrés à la Tunisie.

 

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rafle

 

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blindés allemands à Tunis

 

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grande synagogue de Tunis

 

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30 juillet 2013

à propos du 5 juillet 1962 à Oran (Jean Monneret)

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le débat à propos du 5 juillet 1962 à Oran

deuxième chapitre

 

la recherche des faits : l'heuristique

Jean MONNERET

 

Si j’en crois les linguistes, le mot historia vient du grec istoria qui signifie : enquête. Et c’est une véritable enquête que l’historien doit mener pour retracer le déroulement d’une journée, les faits qui l’ont marquée, leurs causes.

Or depuis des siècles, l’histoire se fait avec des documents écrits. Les sources écrites, les archives, peuvent être soumises à la critique, tant externe qu’interne. Il serait toutefois déraisonnable de les récuser par principe et systématiquement. Rien ne serait plus antihistorique.

Malheureusement, à écouter certains de nos compatriotes, on devrait non seulement rejeter les archives, militaires ou autres, qui concernent le 5 juillet 1962, mais encore leur préférer à priori les témoignages. Ce serait un renversement de toute la méthodologie en histoire. Inutile de dire que ceci ferait planer des doutes importants sur le sérieux d’une telle démarche.

critique du/des témoignage(s)

En effet, les sources narratives, qu’il s’agisse de récits rédigés ou de témoignages oraux, se sont longtemps heurtées à une réserve marquée des historiens.

À l’époque présente, la discipline historique s’accommode des témoignages individuels écrits ou oraux, mais en soumettant leur utilisation à des conditions précises. L’une d’elle est de les admettre pour autant qu’ils émanent de sources diversifiées voire opposées.

Car une certaine suspicion s’attache au témoignage humain de par sa fragilité. Depuis les expériences célèbres du professeur Claparède à Genève en 1905 jusqu’à celles du journaliste Gabriel Domenech du Méridional-La France dans les années 1950, le côté subjectif du témoignage individuel a été largement démontré. *

L’histoire tend à devenir toujours plus scientifique. Comment pourrait-elle négliger cet acquis qu’est le constat avéré de la fragilité du témoignage ? Il faut donc examiner ce dernier avec esprit critique, mais là aussi, sans le récuser systématiquement, ce qui serait également déraisonnable.

Le témoignage individuel est subjectif, car les gens réagissent à un événement, non pas uniquement en fonction de ce qu’ils ont vu (bien qu’ils en soient eux-mêmes absolument convaincus) mais en fonction de leurs habitudes mentales.

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Il en est tout particulièrement ainsi lorsque l’on a affaire à des gens émus, placés devant un événement grave et bouleversant. L’historien doit alors être en garde contre les erreurs possibles ou les partis pris du locuteur concerné. Il faut donc vérifier, contrôler et recouper les dires des témoins, sans bien sûr les récuser. La variété des sources est par conséquent indispensable. **

Un autre défaut inhérent au témoignage individuel est d’être partiel. Limité par définition, il ne permet pas d’avoir une vue d’ensemble d’un phénomène. Les témoignages à la première personne où le narrateur tend à se donner le beau rôle, (type le Général Katz dans son livre), doivent spécialement appeler la réserve.

Il faut se méfier également des témoignages qui apparaissent quasi miraculeusement quarante ou cinquante ans après les faits. Même s’ils ne sont pas forcément controuvés, la mémoire évolue, elle magnifie ou réduit certains événements vécus.

En outre, durant le laps de temps écoulé, le témoin a lu des livres ou entendu des témoignages semblables au sien ou différents. Avec le passage des années, certains ne distinguent plus entre leurs lectures et leurs souvenirs. Que dire des témoignages de seconde main, du genre  «Je n’étais pas là, mais un tel m’a dit que… » ? Leur fiabilité est quasiment nulle.

 

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cartons d'archives aux ANOM d'Aix-en-Provence

les sources écrites

La situation la plus favorable est donc celle où l’on dispose de témoignages diversifiés que l’on peut confronter à des sources écrites : archives, rapports, registres ou photographies, documents en tous genres que l’on peut utiliser simultanément. Les faits peuvent alors être établis  du mieux possible. Tel est précisément le cas du 5 juillet 1962 à Oran.

Naturellement il faut aussi éviter le dogmatisme et garder à l’esprit qu’une recherche, pour progresser, doit s’étaler dans le temps. Ce qu’un travail a établi à un moment donné, eut être complété ou amélioré par la découverte de nouveaux documents. Ceci s’est produit par exemple grâce aux efforts de Jordi concernant les disparus.

Aussi la critique tant des sources que des enquêtes doit rester ouverte ; elle peut avoir du prix à condition d’éviter l’esprit de système. Multiplier les objections à un livre, paragraphe par paragraphe ou ligne par ligne, n’a en revanche aucun intérêt.

Quant à la récusation totale des archives militaires ou autres au prétexte rudimentaire qu’elles seraient censurées ou caviardées ***, voilà qui a peu de chances de recueillir l’approbation des spécialistes. C’est méconnaître les ressources de l’archivistique en France. Il serait plus subtil au contraire de réclamer une ouverture aussi large que possible de tous les fonds.

Ces principes absolument basiques ayant été précisés, il nous reste à nous efforcer de dégager : les faits que l’on peut raisonnablement tenir pour établis concernant le 5 juillet et l’ensemble de ceux qui restent à prouver. Ce dernier point fera l’objet de notre troisième chapitre.

 

A - Les faits établis à propos du 5 juillet 1962 à Oran :

1) On peut tenir pour substantiellement démontré que l’armée française avait ordre de rester consignée dans ses casernements ; ordre exécuté à de rares exceptions près.

2) Il est également démontré que des centaines d’Européens furent massacrés et/ou enlevés ce jour là. Certains furent tués dans  les rues de la ville, d’autres conduits à la périphérie et tués à leur tour.

3) Il est également établi que dans son livre L’honneur d’un général, Joseph Katz a affirmé, à maintes reprises, des choses inexactes, contredisant différentes pièces d’archives du Service Historique de la Défense.

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- Sur le premier point, je me souviens qu’alors que je rédigeais ma thèse, le général Faivre avait attiré mon attention sur le Cahier d’Enregistrement du GAOR (Groupement Autonome d’Oran longtemps appelé Secteur).

Ce document contient les entrées relatives aux exactions signalées au Secteur et les directives du général Katz. Celles-ci sont au nombre de deux, inscrites à deux intervalles différents : consigne rigoureuse des troupes. Horaire : 12H05 et 12H15.

J’ai obtenu l’autorisation de reproduire ce passage. Il figure dans les annexes de mon livre La phase finale de la guerre d’Algérie, aux pages 398 et 400. On me dira que c’est un fait connu. Et alors ?

Aurait-il fallu se priver d’une preuve aussi significative ? À l’heure où d’aucuns parlent d’agir vers les organismes internationaux ce serait bien irréfléchi.

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- Sans revenir sur le décompte des tueries déjà évoqué, il est clair que de nombreux Pieds-Noirs furent massacrés dans les rues d’Oran. D’autres furent massacrés dans des zones suburbaines particulièrement au Petit-Lac.

Malheureusement, les témoignages ici sont rares. Celui d’une jeune femme arabo-berbère publié en transcription dans mon livre et oralement dans le DVD de Claire Feinstein est hélas unique en son genre. Quelques rares personnes conduites en ces lieux ont pu être sauvées mais leurs récits ne nous sont pas parvenus.

Fort heureusement, les archives militaires viennent à notre secours. Le 2e Bureau de l’Armée française a reçu de nombreux renseignements de tout type sur les exactions commises au Petit-Lac. Feu Guy Pujante en avait, me semble-t-il, publié des extraits.

Le 2e Bureau fit procéder à une reconnaissance photographique par hélicoptère. Celle-ci est mentionnée dans mon livre La phase finale,  page 278. Je n’ai malheureusement pas eu l’autorisation de publier ce cliché. Celui-ci, très net, montre la présence d’une vingtaine de tombes collectives, de charniers rectangulaires se détachant de façon très géométrique sur le sol plus clair.

Jean-Jacques Jordi [Un silence d'État. Les disparus civils européens de la guerre d'Algérie, éd. Soteca, 2011] a également consulté ce dossier. Il a eu, contrairement à moi, l’autorisation de reproduire cette photo. Hélas le résultat est de qualité moyenne alors que l’original est d’une parfaite précision. Néanmoins, c’est une preuve précieuse et il n’y a aucun doute sur la réalité du massacre perpétré là.

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photo du charnier du Petit-Lac à Oran (livre de Jordi, p. 88)

 

- Le général Katz a menti à plusieurs reprises. (Cf. mes 2 livres.)

D’abord en cherchant assez piteusement à dissimuler la non-intervention de l’Armée qu’il avait ordonnée et confirmée. Il n’hésite pas à écrire ceci :

 ….«l’Armée, je le répète est intervenue sur le champ…..», page 330 de son livre. Ceci est démenti par son double ordre aux troupes, précité, de demeurer consignées, double ordre dûment enregistré dans les archives.

Mais Katz va plus loin car dans un rapport du Corps d’Armée émanant directement de son Cabinet, on peut lire que : «...le 8e RIMA, le 4e et le 2e Zouaves, ainsi que le 5e R.I se portèrent sur les lieux de la fusillade et s’employèrent à protéger les Européens », page 357.

Or, ces interventions étaient des interventions dites d’initiative, (c.à.d. prises spontanément par les responsables des unités) qui ne devaient rien, tout au contraire, aux ordres du général .

En d’autres termes, ce dernier avec un culot digne d’une meilleure cause, s’attribue le mérite d’interventions qu’il avait interdites. Il est inexact en outre de dire que ces interventions ont eu lieu «dès les premiers coups de feu», page 357. Le 8e RIMA et le 5e R.I sont intervenus - les archives à nouveau nous l’apprennent - à 13H15 et 13H30, soit deux bonnes heures après le début des troubles.

Le général n’hésite pas à parler du «prétendu charnier» du Petit-Lac, page 331. Or, il ne peut avoir ignoré les rapports de son 2e Bureau et les photos prises pendant la reconnaissance à vue. L’affirmation qu’il envoya un gendarme enquêter sur place, lequel «ne décèle rien», l’odeur n’étant pas «plus pestilentielle qu’ailleurs», page 332, est singulièrement ridicule. 

Jean MONNERET

 

* Ceux qui voudraient se documenter sur ce point peuvent lire les articles de Régis Pouget de l’Université de Montpellier et ses livres. Il en existe une foule d’autres, la bibliographie est immense.

** Les historiens qui me liront me pardonneront de devoir énoncer de telles vérités premières. Mais tous les lecteurs ne sont pas historiens et il faut placer le débat avec Jean-François Paya sur des bases claires.

*** Caviardée : veut dire biffée à l’encre noire, dont la couleur évoque le caviar. En 22 ans, j’ai consulté des centaines de pièces d’archives sur l’Algérie, je n’en ai pas vu une seule qui le soit. 

 

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Jean Monneret

 

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3 juillet 2013

les Bureaux arabes en Algérie - archives

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Bureaux arabes - source

 

les archives des Bureaux Arabes de l'Algérois

en ligne sur le site des ANOM

 

Les Archives Nationales d'Outre-mer (ANOM, anciennement CAOM) viennent de mettre en ligne un  nouvel instrument de recherche :

Gouvernement général de l'Algérie - Bureaux arabes de l'Algérois - Registres (Série II, 1830-1912)

http://anom.archivesnationales.culture.gouv.fr/ark:/61561/wu656f0b.classification=Par_territoire

 

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chefs arabes et officiers du Bureau arabe - source

 

histoire administrative des Bureaux arabes (site des ANOM)

Dès le lendemain de l'installation française en Algérie se posa le problème de l'administration des populations indigènes mais aucune solution durable ne fut mise en place avant le gouvernorat du général Bugeaud et sa réglementation fondatrice.

À côté de l'état-major qui s'occupait des questions militaires, Bugeaud créa un organisme chargé plus spécialement des tribus, et notamment du contrôle de leurs notables. Un arrêté du 16 août 1841 rétablit la direction des affaires arabes, momentanément disparue, confiée désormais à un officier ayant autorité sur tous les fonctionnaires indigènes.

À la suite de l'extension du territoire soumis à l'autorité française, territoire désormais majoritaire, des «bureaux arabes» régis par l'arrêté ministériel du 1er février 1844, furent créés dans les principaux centres. Cet arrêté fut complété par plusieurs autres, par des instructions et circulaires, ainsi que par un Exposé du lieutenant-colonel Daumas, comportant étude des populations et des attributions des autorités.

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Si Ferrouk El Gueblouti, cadi des Hanoucha Ben Kermich,
mokhrani du bureau arabe, Capitaine d'état-major Lewal,
commandant supérieur de Souk-Harras,
Abd-el-Kader Ben Youssef, tirailleur indigène nègre
(cercle de Souk-Harras)
- source


Une direction des affaires arabes était désormais établie dans chaque division territoriale militaire (Alger, Oran et Constantine) afin de traiter les relations avec les populations des territoires «militaires», mis en place par l'ordonnance du 15 avril 1845 et où les colons européens étaient presque absents.

Au degré inférieur, chaque subdivision comptait un bureau arabe, ainsi que les principales localités. Les bureaux étaient subordonnés à la hiérarchie à chaque échelon, et ne constituaient pas une hiérarchie autonome ; un échelon n'avait, à l'égard des niveaux inférieurs, qu'une mission de centralisation des documents et de transmission à l'échelon supérieur. Cette centralisation donna une véritable cohésion à la nouvelle administration, marquée par la forte personnalité du général Daumas.

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général Eugène Daumas (1803-1871)


Chaque bureau de cercle (constitué d'un ensemble de tribus) ou de subdivision comportait du personnel français et indigène, officiers, officier de santé, interprète, cadi (juge et notaire), khodja (secrétaire arabe), secrétaires français, chaouch (planton et chef des cavaliers), spahis et mekhaznis (cavaliers de service).
Le bureau était installé dans un bordj, comportant les logements des officiers, les salles de rapports, une bibliothèque, une salle d'archives, une pharmacie, les écuries, les prisons ; une hôtellerie dépendait du bureau. Demeurant souvent longtemps dans le même poste, le chef de bureau acquérait une connaissance étendue du pays, des habitants, des affaires locales, de l'histoire des tribus ; indispensable, il était l'intermédiaire de tous les services publics et disposait d'une grande autorité.

Les Bureaux devaient avant tout assurer la sécurité par le renseignement, la surveillance, les liens avec les notables. Aussi, les rapports périodiques qu'ils devaient adresser à leur hiérarchie, concernent en grande partie la situation politique, la soumission des tribus, les impôts, la sécurité des communications, les crimes et délits, les amendes. Ils contrôlaient le fonctionnement de la justice musulmane ainsi que celui des mosquées et zaouïas, (établissements religieux ruraux).

Les Bureaux arabes montrèrent une efficacité réelle dans ce domaine, malgré leurs effectifs réduits et l'étendue de leur circonscription. Les officiers devaient aussi mettre en oeuvre le «cantonnement» des tribus sur un territoire, leur délimitation et la répartition des terres entre les douars. Ils s'efforcèrent également, avec des succès très divers, d'introduire des améliorations dans l'agriculture et notamment la culture des céréales et l'élevage, dans le développement des routes et des marchés.

1870 marqua la fin des grands projets des Bureaux arabes. Sous la IIIe République, l'administration de l'Algérie du Nord passa progressivement entre les mains de l'administration civile. En 1922 les tout derniers territoires de commandement militaire de l'Algérie du Nord étaient désormais remis aux fonctionnaires civils.

Source

 

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Bureau arabe départemental d'Oran. [de gauche à droite] Mohammed ben El Hadj Hassen Khodja (secrétaire).
Addour ben Khodra, Cheik des Hanaiane. M Mouin adjoint. M.Olivier, chef du bureau.
Mustapha oued El Hadj Mustapha Bey, cheik du village nègre. Salem ben Djafar, chaouch nègre.

source

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bibliographie

 

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Quatrième de couverture

Commencée avec le débarquement de 1830, la conquête de l'Algérie s'étend sur un quart de siècle jusqu'à l'occupation de la Kabylie, de Charles X à Napoléon III. C'est l'armée d'Afrique qui est alors investie de tous les pouvoirs et qui crée, pour administrer de si vastes territoires, le système des "bureaux arabes".

Pionniers de la pénétration française au sein des populations musulmanes, à la fois bâtisseurs et policiers, juges et despotes, les officiers français des bureaux arabes seront les "Maîtres Jacques" de la colonisation, avant d'être dénoncés par les colons européens de plus en plus nombreux comme les représentants d'un archaïque "régime du sabre".

L'étude de leurs archives, abondantes et précises, a permis à l'historien Jacques Frémeaux de retracer l'existence quotidienne des campagnes algériennes au milieu du siècle dernier, en faisant revivre des personnalités attachantes, comme le général Margueritte et le bachaga Ben Yahia, ou controversées comme le colonel Beauprêtre.

Parler de cette Algérie en France et aujourd'hui ce n'est pas faire de l'érudition gratuite car il s'agit d'un passé commun que, bon gré mal gré, descendants des "conquérants" et descendants des "conquis" doivent apprendre à gérer. Des illustrations, des cartes, un glossaire, des documents complètent ce nouvel ouvrage de la collection "Destins croisés". (1993)

 

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2 juillet 2013

débat sur les massacres du 5 juillet 1962 à Oran

Oran 5 Juillet 62

 

à propos du 5 juillet 1962 à Oran (1)

débat avec Jean-François Paya

 Jean MONNERET

 

Introduction

Il paraît important de revenir sur le sujet du 5 juillet 1962 à Oran. En effet, Jean-François Paya contestant une partie de ce que j’ai écrit, je dois m’efforcer de lui répondre. Autant le dire d’emblée : un scepticisme croissant me gagne à mesure qu’il développe ses thèses.

J.F Paya est un ami et comme il ne se départit pas des règles de la courtoisie, il n’y a pas d’inconvénients à entrer avec lui dans une disputatio. J’ai pourtant hésité longuement à le faire, car, trop souvent, les débats entre Français d’Algérie ont tourné au vinaigre. Ceci a nui à notre communauté et l’a affaiblie.

Ici, je m’en tiendrai à une explication sereine en évitant tout jugement péremptoire ou péjoratif et en me bornant à fournir des éléments d’information.

Notre excellent ami Jean-Pierre Pister a écrit dans le numéro de juin 2012 de l’Algérianiste que je ne croyais pas : «à  un quelconque complot pour expliquer le déchaînement de violences» du 5 juillet.

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Je crois utile de rappeler à cet égard qu’en Histoire, il n’y a pas à croire ou à ne pas croire. L’universitaire expérimenté qu’est J-P Pister me comprendra aisément si je lui dis qu’une machination se démontre preuves à l’appui.

Dans les milieux journalistiques et politiques, on a beaucoup abusé des théories complotistes, et sur mille sujets. Il est donc naturel que la science historique soit exigeante en la matière. Je ne rejette pas a priori l’idée d’un complot, mais la démonstration qu’en donne Paya me semble peu convaincante.

Je vais m’efforcer d’expliquer pourquoi. Dans cette première livraison, je traiterai la question des chiffres. Dans la suivante, j’évoquerai les faits. Ils sont loin d’être tous clairement  établis.

Pour finir j’essaierai de montrer que la thèse du complot benbelliste n’est qu’une hypothèse.

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En matière de chiffres, qu’il s’agisse du 5 juillet ou de tout autre épisode de la guerre d’Algérie, une règle devrait s’imposer : éviter de copier le FLN en faisant de la propagande ou de la contre-propagande.

Le FLN raconte que la répression de l’insurrection du 8 mai 1945 à Sétif et Guelma fit 45 000 morts dans la population musulmane. Selon cette organisation, la guerre d’Algérie aurait fait un million de morts dans cette même population. Ce chiffre lui paraissant sans doute trop faible, le FLN l’éleva, à partir de 1962, à un million 500 000 personnes. Ses propagandistes ont imaginé ensuite qu’en les répétant inlassablement ces chiffres finiraient par s’imposer. Grosse erreur ! Ils sont fort justement qualifiés de «chiffres idéologiques» par les historiens.

En ce qui concerne les victimes du carnage d’Oran, il convient de nous en tenir à une démarche toute différente : n’utiliser que des chiffres susceptibles d’être prouvés, même si d’autres, plus élevés, peuvent paraître plus séduisants. En ce domaine, la rigueur paie, même si les difficultés sont plus grandes.

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Dans mon livre sur Oran (1), j’écris à la page 150 que les dossiers (nombreux) du Deuxième Bureau recensent 435 cas d’enlèvements d’Européens (2). Après soustraction des personnes retrouvées ou libérées, on atteint le chiffre de 365 personnes disparues. Il est intéressant de constater que Mme Ducos-Ader, à partir d’une liste et d’une recherche différentes atteint des nombres relativement comparables aux miens.

Toutefois, je me suis gardé de tout dogmatisme et j’ai écrit dans mon livre comme dans différents articles que l’on ne saurait sans doute jamais le bilan exact des victimes de cette funeste journée.

En particulier, il y avait un problème qui n’avait jamais quitté mon esprit : enlevés, disparus et décédés confirmés correspondent à trois catégories qu’il convient de distinguer : une personne peut avoir été enlevée sans être portée disparue. Elle entre alors dans la catégorie des personnes retrouvées, ou libérées, ou encore dans celle des morts dont on a récupéré le corps.

Il y a eu des difficultés considérables pour évaluer ces derniers. Des voyageurs pieds-noirs qui avaient visité le cimetière d’Oran faisaient état d’un registre où l’on dénombrait une vingtaine d’Européens non identifiés inhumés le 5 juillet. Fouad Soufi, fonctionnaire et historien algérien, évoquait de son côté une cinquantaine de décès d’Européens consignés sur les registres d’état civil d’Oran.

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Loin d’accorder à ces chiffres une valeur qu’ils ne pouvaient avoir, je faisais part, p. 149, des incertitudes qui n’étaient pas dissipées. Je me suis toujours efforcé, que ce soit lors de la participation à l’enquête de 2004 menée par l’ANIFOM ou à celle de 2011 dirigée par Jean-Jacques Jordi de faire prévaloir une classification rigoureuse des victimes : enlevées, libérées, retrouvées mortes.

Cette dernière catégorie était de loin la plus difficile à préciser, ne serait-ce que parce que Soufi avait parlé d’inhumations clandestines à propos des Européens tués le 5 juillet.

Ne disposant pas à l’époque, en 2006, date de sortie de mon livre, de documents fiables, je m’en suis tenu aux chiffres que livraient les archives militaires. C’est la démarche la plus rationnelle pour un historien s’il l’accompagne des réserves d’usage, malheureusement les lecteurs oublient souvent ces dernières et ne retiennent que les chiffres.

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Quelques années plus tard, un nouveau progrès fut accompli grâce à la recherche de Jean-Jacques Jordi [ci-contre]. Je n’ignorais pas que des personnalités importantes comme le docteur Couniot, chirurgien oranais très connu, ayant continué à vivre en Algérie après l’Indépendance et lié à beaucoup de gens importants de tous milieux, avait parlé de 700 victimes. Le regretté Monseigneur Boz, éminent collaborateur de Monseigneur Lacaste, le rejoignait dans son évaluation.
Jean-Pierre Chevènement dans son livre (3) parlait, lui, de 800 victimes. Sans négliger ces indications, il était évident qu’elles ne pouvaient pas fonder un bilan solide. La discipline historique - j’y reviendrai -, est très réservée au sujet de la fiabilité des témoignages individuels (4). Il fallait compléter par des documents.

Ce fut le mérite incontestable de Jordi de les mettre à jour, ce qui permit de procéder à une évaluation nouvelle et certainement plus complète.

Au sein de l’armée, en effet, différents rapports avaient été rédigés relativement au 5 juillet 1962. Ces rapports, sur ordre de Pierre Messmer, ne furent pas transmis à la Croix-Rouge, ce qui affaiblit d’autant le texte que celle-ci remit plus tard aux gouvernements, tant français qu’algérien.

Mais un homme, Jean-Marie Huille, commissaire de la Marine (5), fut chargé de croiser l’ensemble des rapports militaires avec les notes qui lui étaient parvenues, pour en tirer une synthèse d’ensemble. Il aboutissait au chiffre de 671 victimes disparues et décédées.

Jean-Jacques Jordi, après lecture du rapport Huille, consulta les dossiers des personnes concernées au Service Central des Rapatriés, il aboutit à un chiffre très voisin de 679 personnes, qu’il ventila en 353 disparues (chiffre proche du mien), et 326 personnes décédées (soit beaucoup plus que nous n’avions pu le savoir jusque là) (6).

C’est là une percée absolument remarquable en matière de recherche historique, qu’il faut saluer hautement. Une très large part du mérite en revient personnellement à Jean-Jacques Jordi.

Un consensus devrait pouvoir se faire aujourd’hui sur un bilan se situant, à quelques unités près, autour de 700 victimes européennes, et de 800 si l’on ajoute les victimes musulmanes, signalées par la presse de l’époque.

 Jean Monneret

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Jean-François Paya

 

1 - La Tragédie dissimulée. Oran 5 juillet 1962. Ed. Michalon. 2006 et 2012 (seconde édition).

2 - J-F Paya conteste que les 440 dossiers de plaintes remis à Ben Bella par le consul général J. Herly confortent ce chiffre au motif qu’une plainte pouvait concerner plusieurs personnes. J-F Paya a raison, mais toutes les plaintes ne concernaient pas non plus des enlèvements. Ce chiffre de J. Herly n’est qu’une indication relative.

3 - Le vieux, la crise, le neuf. Ed. Flammarion. Paya le présente comme un attaché militaire, ce qui peut surprendre.

4 - Un historien ne peut se permettre d’écrire : «il y a eu tant de morts, tel jour, c’est un tel qui me l’a dit». La discipline historique est plus exigeante.

5 - Le hasard, qui fait bien les choses, m’a permis de rencontrer Jean-Marie Huille, de m’entretenir et de correspondre avec lui.

6 - Jordi pense qu’on peut ajouter à ce total une centaine de musulmans.

 

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30 juin 2013

le colonel Amirouche

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Une vie, deux morts, un testament

un livre sur le colonel Amirouche

 

À l’occasion de la prochaine sortie du livre qui fait polémique de Saïd Sadi sur le colonel Amirouche, son fils, Noureddine Aït Hamouda, député RCD, se confie à El Watan Week-end. Pour lui, le colonel Amirouche a été donné par le MALG à l’armée française.

- Une vie, deux morts, un testament, c’est le livre qui va paraître ces jours-ci et il fait déjà polémique. L’auteur, Saïd Sadi, le patron du RCD, retrace la vie de votre père, le défunt colonel Amirouche, tombé sous les balles françaises le 28 mars 1959.

- D’abord, avez-vous participé à l’écriture de cette biographie ?

Non, l’écriture est l’œuvre exclusive de Saïd Sadi. Cela fait quarante ans que je connais Saïd Sadi et cela fait quarante ans que l’on parle de Amirouche. Ce livre a cogité dans sa tête au minimum 30 ans. Je l’ai aidé dans la mesure où je connais de nombreux détails sur Amirouche, j’ai pu avoir accès à certains documents, lui faire rencontrer des maquisards qui connaissaient bien mon père. Voilà ma contribution, c’est tout.

- Qu’apprend-on de nouveau dans ce livre sur le colonel Amirouche ?

Il ne faut pas se leurrer : il y a une quinzaine d’années, le pouvoir censurait le nom de Amirouche. Lors de la sortie du film L’Opium et le bâton, en 1971, Boumediène en personne est intervenu pour enlever le nom de Amirouche du scénario. Dans ce livre, Sadi retrace toute la vie de Amirouche, tout son combat est relaté (à Oued Fodda, à Oran, Relizane, à Paris, à la Wilaya III, à Tunis, etc.). Ce livre démontre et prouve une thèse fondamentale : Amirouche a été abattu lors d’une embuscade tendue par l’armée française, mais il a été donné, vendu aux Français par le MALG (ministère de l’Armement et des liaisons générales), c’est-à-dire par Boussouf et Boumediène en personne.

- Ces affirmations sont graves. Avez-vous des preuves de ce que vous énoncez ?

Oui, je l’affirme haut et fort ! L’équipe du MALG préparait l’après-Indépendance. Une dépêche de l’AFP du 30 mars 1959 annonce que «le colonel Amirouche a été éliminé par une grenade, reste maintenant à tuer la légende». La France l’a abattu, puis a caché son corps pour qu’il ne soit pas une légende. Le corps a été rendu aux Algériens en 1964, déterré d’une caserne près de Bou Saâda. Ensuite, le corps a été caché une seconde fois par Boumediène, cette fois au siège de l’état-major de la Gendarmerie nationale. C’est la même méthode que les Français : un système de vases communicants entre l’armée française et l’armée algérienne.

- Boumediène, c’est quand même un mythe de l’Algérie indépendante, un personnage aimé de beaucoup de nos compatriotes. Pour vous, il se réduit à un vulgaire assassin...

Vous savez, et vous l’apprendrez dans le livre, Boumediène a fait pire que cela. Amirouche devait être tué en 1957 (soit deux ans avant sa mort) au Maroc. Nous avons des preuves. Au moment où à l’intérieur du pays d’authentiques militants se battaient pour l’indépendance, ceux qui étaient planqués, particulièrement au Maroc, avaient pour objectif la prise du pouvoir après l’indépendance.
Il voulait donc éliminer tous les gens qui, après l’indépendance, pouvaient leur poser problème. C’est comme cela que Abane Ramdane a été éliminé, c’est comme cela que Amirouche devait être éliminé. A la dernière minute, il avait décidé de ne pas aller au Maroc, il échappait ainsi à la mort, pour deux ans seulement. Boumediène a fait pire, il a tué les fameux colonels de la Wilaya I avec l’aide de Bencherif !

- Pourquoi Boumediène aurait-il voulu cacher le corps de votre père et celui du héros des Aurès Si El Haouès ?

Un des survivants de cette histoire, c’est le colonel Bencherif, patron de la Gendarmerie nationale à l’époque et responsable de la mise au secret du corps de mon père à l’état-major de la gendarmerie de 1964 à 1982. Je constate qu’aucun journaliste ne lui a demandé pourquoi il avait fait cela, personne ne l’a inquiété, ni la justice ni personne. J’ai moi-même rencontré le colonel Benechrif, je lui ai demandé : «Pourquoi avez-vous fait cela à Amirouche ?» Il m’a répondu : «Je n’en sais rien, Boumediène m’a ramené les corps, il m’a demandé de les cacher, je les ai cachés.» J’ai rétorqué : «Mais alors, pourquoi après la mort de Boumediène, tu n’as pas parlé ?» «Le moment n’était pas encore arrivé...», m’a-t-il répondu.

- Finalement, ne serait-ce pas le procès de Boumediène que l’on fait dans ce livre ?

Non, ce livre n’a pas été fait pour régler des comptes. Il a été écrit pour rétablir une vérité historique que tout le monde a tenté de nier. Pourquoi n’aurait-on pas le droit de critiquer ce qu’a fait Boumediène ? Je ne vois pas pourquoi je n’aurais pas le droit de parler de l’armée. C’est une institution de la République. Il faut parler de Boumediène, mythe ou pas ! Pourquoi dans ce pays il y a des niches qu’on ne doit pas voir ? C’est insupportable à la fin ! Pourquoi Boumediène avait le droit de vie ou de mort sur les gens et moi pas la possibilité d’apporter ma critique ? Nous avons le droit de nous poser cette question : «Le bilan de Boumediène est-il positif ? Ou globalement négatif ?»

- Et votre bilan, est-il positif ou négatif ?

Depuis 1962, à ce jour où je vous parle, le bilan est globalement plus que négatif : il est catastrophique ! Jamais l’Etat algérien n’a été aussi riche qu’aujourd’hui avec un pétrole avoisinant les 85 dollars. Mais jamais les Algériens n’ont été aussi pauvres que maintenant. Nos amis marocains et tunisiens sont en train de construire leur pays avec un développement largement plus important que le nôtre.

- Les autorités algériennes préparent la riposte à ce livre sulfureux, des témoignages contredisant votre thèse et celle de Saïd Sadi. A l’heure où je vous parle, êtes-vous sûr de vos accusations ?

Vous savez, Khalida Toumi, une ancienne de notre formation politique devenue ministre de la Culture, a dit récemment : «Tant que je serai ministre, ce livre ne paraîtra jamais.» J’ai dû faire des pieds et des mains en haut lieu pour obtenir le numéro d’ISBN permettant sa publication. Et nous l’avons obtenu ! C’est déjà une victoire. Reste une interrogation sur mon père. Je peux essayer de comprendre qu’en temps de guerre, il y avait ce genre de liquidation d’hommes qui pouvaient faire de l’ombre, même si je ne les approuve pas. Des luttes intestines pour prendre le pouvoir existaient. Mais ce que je ne comprends pas — et c’est un mystère jusqu’à aujourd’hui pour moi — c’est qu’on cache le corps de mon père pour effacer une légende. Même mort, Amirouche leur faisait peur !



Bio express :

Noureddine Aït Hamouda est né le 15 juillet 1949 à Tassaft Ouguemoun, daïra d’Ath Yenni, Tizi Ouzou. Issu d’une famille modeste, son père est militant du mouvement national à l’ouest du pays puis en France dans les années 1950. Sa mère l’emmène chez ses grands-parents à Oued Fodda (Chlef).
À 27 ans, sa mère décède. Trois ans plus tard, son père, le colonel Amirouche, figure historique de la Révolution, est tué dans une embuscade tendue par l’armée française le 28 mars 1959.
Élevé par ses grands-parents maternels, le jeune Noureddine rencontre Saïd Sadi en 1978. Il s’engage dans le Mouvement culturel berbère (MCB) et fait face aux arrestations policières pour ses engagements politiques. Viennent les années de prison : 12 ans de prison entre Tizi Ouzou, Berrouaghia, Médéa et Blida.
Membre fondateur du RCD en février 1989, il est député de cette formation politique et, malgré la censure de l’ENTV, il ne cesse de perturber les séances publiques de l’APN.

 source

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4 juin 2013

Un silence d'État : les disparus de 1962

Disparus DVD

 

un DVD sur les Français disparus

en Algérie en 1962

un outil d’information indispensable

Jean MONNERET

 
Pendant longtemps, la tragédie des Français disparus, durant l’année 1962 fut l’immense non-dit de la Guerre d’Algérie. Après le 19 mars 1962, en effet, alors que les protagonistes du conflit, réunis à Evian, y avaient signé un accord de cessez-le-feu, les troubles persistèrent en Algérie.

À partir du 17 avril, les commandos du FLN, en Oranie  et dans l’Algérois, se mirent à enlever des civils européens. Ceci contribua à déclencher chez ces derniers une panique considérable. Elle accentua notamment leur exode massif et chaotique vers la métropole.

Après le 3 juillet 1962, jour où fut reconnue par la France l’indépendance de l’Algérie et alors qu’un nombre relativement important d’Européens continuait à résider dans les grandes villes de la côte, les exactions contre eux se poursuivirent. Par endroits, elles s’amplifièrent même. Le 5 juillet 1362, la ville d’Oran fut le théâtre de centaines d’enlèvements et de massacres de Pieds-Noirs perpétrés dans le centre et à la périphérie de la ville.

Quelques articles furent publiés à l’époque dans des organes de presse comme Le Parisien Libéré ou L’Aurore. Des interpellations eurent lieu au Parlement et des chiffres furent cités au Sénat par M. de Broglie, alors chargé des Affaires Algériennes. Au delà de 1964, un silence épais se mit à régner sur le sujet. Les familles touchées furent abandonnées à leur chagrin et à leurs difficultés.

Le caractère à la fois tabou et mystérieux de ce problème, le passage des années et l’indifférence tant de la grande presse que des milieux officiels reléguèrent le problème au milieu associatif des Français d’Algérie. Très actif mais pas toujours bien inspiré.

ouverture des archives

Le peu d’écho extérieur, le découragement qui gagnait les victimes, le vieillissement des gens concernés, la lente et inexorable extinction des témoins menèrent cet épisode à un quasi-oubli. Sur ce terrain presque déserté, toutes sortes de fantasmes et d’interprétations hasardeuses proliférèrent.

En 1992, l’ouverture des archives aux chercheurs permit de créer une situation nouvelle. Des ouvrages divers virent le jour dans les deux décennies qui suivirent. Plusieurs étaient de qualité et appuyés sur des données de plus en plus précises...

Les efforts du général Faivre, l’activité de Monseigneur Boz, l’intervention discrète mais efficace du sénateur Guerry permirent de faire sortir ce drame du confinement. Une recherche approfondie menée par l’historien Jean-Jacques Jordi permit également de mieux cerner le problème.

La consultation d’archives nombreuses, la publication de chiffres sérieux furent à l’origine d’un livre précieux Un silence d’État (éditions Sotéca). Le tout marqua une avancée significative sur le plan historique.

Aujourd’hui, nous voudrions attirer l’attention sur l’existence d’un DVD intitulé Histoire d’un silence d’État qui prolonge et approfondit la connaissance du problème. Il est réalisé par Claire Feinstein, une vidéaste qui avait participé, il y a quelques années, au film Pieds–Noirs. Histoire d’une blessure. Elle a réussi à analyser et à présenter avec beaucoup de précision et d’intelligence cette tragédie longtemps occultée.

Les historiens, les familles, toutes les personnes attachées à la vérité disposent désormais d’un document irremplaçable pour faire connaître cet épisode dramatique dont les conséquences furent gigantesques. C’est aussi une arme contre ceux qui ont entretenu le silence officiel et voudraient prolonger l’omertà.

 Jean Monneret

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Les Disparus. Histoire d’un silence d’État par Claire Feinstein.

13productions. 1 rue Elie Pélas, 13016 Marseille. 

Tel : 04 91091423

contact@13productions.fr          www.13productions.fr

disparus

 

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27 avril 2013

Jean-François Paya au sujet de livre de Jean Monneret

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à propos de l’ouvrage

La tragédie dissimulée – Oran 5 Juillet 1962

de Jean Monneret (2006)

un point de vue : Jean-François PAYA

 

[nous publions un point de vue dans un débat engagé depuis des années sur les massacres et disparus d'Oran en juillet 1962]

C’est avec un vif intérêt que j’ai pris connaissance du livre de Jean Monneret La tragédie dissimulée – Oran 5 Juillet 1962 en considérant qu’est très positif tout ce qui  contribue à lever le voile sur ce drame occulté même si nous avons des désaccords. C’est ce que j’avais dit publiquement à l’historien algérien Fouad Soufi au colloque de Jussieu en 2002 : «au moins que l’on en parle».

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Fouad Soufi (Oran)

À mon avis ce drame est significatif des premiers jours de l’Algérie indépendante, hors conflits, plus que ceux qui ont eu lieu de part et d’autres en pleines actions de guerre et de terrorisme abordés plus abondamment, selon les tendances et les opinions.

Mais venons en directement aux faits, notre ami comme beaucoup d’historiens se méfient de la mémoire et travaillent surtout sur les archives : mais faut-il encore qu’il y en ait, qu’elles soient fiables et qu’elles ne soient pas édulcorées ou caviardées ; j’avoue que, muni de dérogations, le chercheur dispose de sources d’investigations non négligeables, mais je suis resté sur ma faim.

En effet, plusieurs nouveaux documents sont cités dans cet ouvrage mais presque tous antérieurs au 5 Juillet (par exemple en annexe, un document 2e Bureau du 17/05/62) et peu de chose de nouveau sur cette journée : car comme je l’avais signalé dans la quarantaine de pages que j’avais écrites pour L’Agonie d’Oran (Monneret n’en utilise que deux extraits d’un article, forcément synthétique), il n’y a pas eu d’enquête effectuée et on ne peut trouver ce qui n’existe pas !

2e Bureau

Les seuls dossiers cités du 2e Bureau (p. 150) n’analysent pas les causes et les responsabilités (voir l’affaire d’un présumé tué par l’armée Française en Cote d’Ivoire ?) mais sont relatifs à un recensement non exhaustif de certaines disparitions signalées par différents services dans le désordre d’une population affolée qui quittait le territoire : 453 signalements ramenés à 365 après soustraction de gens retrouvés sans qu’on soit assuré qu’il y ait eu confrontation des deux listes et en faisant abstraction comme nous l’avons souvent dit de très nombreuses personnes isolées surtout de sexe masculin (famille déjà parties) qui de ce fait n’ont pas pu être signalées sur place, plus tard en France, elles n’ont pu être ciblées le 5 juillet (déclarations d’absence sur les lieux de résidence familiale), c’était des conditions différentes de la période antérieure qu’avait étudié avec brio notre auteur.

Par ailleurs, il aurait été intéressant de confronter ces chiffres à celui des «800 disparus du 5 Juillet» (dixit) que déclare être chargé de rechercher Jean Pierre Chevènement – Attaché Militaire au Consulat d’Oran après l’Indépendance, selon lui, il n’en a retrouvé aucun ! (voir son ouvrage).

Chevenement à 20 ans
Jean-Pierre Chevènement
à 20 ans (1959)

Le Consul M. HERLY déclara plus tard que ses services avaient enregistré 440 plaintes à Oran. Mais pour être passé personnellement au Consulat en cette période, déclarer des amis «disparus», j’ai pu constater qu’une plainte pouvait recouvrir plusieurs personnes et qu’on délivrait un récépissé au déposant ! Quant aux victimes musulmanes (près de 80), rien ne prouve qu’elles aient été toutes exécutées par l’ALN locale (reconstituée après le 19 mars) qui a le plus souvent «mis la main à la pâte» dans le massacre selon de rares témoignages de rescapés internés au Stade Municipal en «ville nouvelle» exécutés par petits groupes dans la nuit du 5 au 6 et jusqu’au 10 Juillet selon certains témoins musulmans.

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Oran, le stade (carte postale écrite en 1960)

Donc duplicité de l’ALN des frontières qui était rentrée ; depuis ce moment certains détenus n’étaient plus présentables, on n’en parle peu et donc : «fantasme des Oranais» car il n’y a pas d’archives au sujet de ces victimes musulmanes.

Il ne faut pas oublier que la riposte vigoureuse au F.M. de la Section du 8e RIMA en légitime défense contre la foule, aidée par des éléments armés, qu’on avait lancés contre la gare vers 13h à l’arrivée du train d’Alger (probablement pour perturber l’arrivée d’émissaires du GPRA, selon sources musulmanes) avait fait de nombreuses victimes, ramenées en ville nouvelle voisine par leurs corréligionnaires après le cessez le feu ; d’où confusion.

Ce fait imprévisible fut très édulcoré de part et d’autre et pour cause, il était prévu que l’armée française n’interviendrait pas et le FLN (mais lequel ?) le savait, donc pas d’affrontement conséquent officiel, aussi on laissait planer le doute d’une prétendue riposte d’un commando OAS dans l’hystérie ambiante (toujours témoins musulmans) cela était évidemment criminel.

 

Jean Monneret : contradictions ?

Ensuite, j’en arrive à mon enquête : Jean Monneret manifeste une contradiction : d’un côté, il met en doute (p. 162), avec raison, les témoignages publiés en Algérie «où la liberté d’expression est restreinte»… etc, et d’un autre côté, il préfère s’en tenir aux indications officielles fournies par Fouad Soufi – haut fonctionnaire en poste en Algérie (enfant au moment des faits) que nous avons vu en privé, et entre Oranais, au Colloque de Jussieu en 2002 et qui ne tient pas tout à fait le même discours qu’en public, sans aucune base d’archives.

On attend toujours sa thèse définitive, car même édulcoré, le massacre du 5 Juillet n’existe pas en Algérie, je le signale, car moins qu’en France, il n’y a eu d’enquête ! Bien sûr, il est évident qu’il ne peut reprendre à son compte la thèse du complot de l’EMG de Boumédienne dont le fils spirituel Bouteflika est au pouvoir en Algérie et on le comprend.

Néanmoins, il nous a confirmé et même en public (enregistré par moi) que la direction, disons «intellectuelle», de l’OPA du FLN d’Oran était majoritairement sinon pro GPRA mais surtout anti-État Major de l’extérieur, ce que nous savions depuis 40 ans sur le terrain (traité de «fasciste» par certains devant nous à l’époque).

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Le capitaine Bakhti, parachuté du Maroc à Oran, après le 19 mars, n’était pas a priori le chef incontesté de la zone autonome d’Oran mais d’abord le représentant officiel de la commission mixte de cessez-le-feu auprès de l’armée Française selon les «accords d’Évian». Évidemment il était en froid avec les précédents et les intrigues commencèrent dès ce jour (selon ces accords, l’ALN ne devait jouer aucun rôle politique jusqu’à l’élection d’une Assemblée Nationale).

Bien sûr, les manifestations du 5 Juillet, date emblématique, furent décidées par le Comité Inter-wilayas (anti état-major) à l’intérieur, sauf la Ve Oranie volontairement absente lors d’une réunion à Zémora après le 19 Mars (voir Mohamed Harbi) décision reprise par le GPRA à Alger ensuite, d’où le B.T. du 26 juin émis par le 2e Bureau cité par Jean Monneret et, bien que, je le répète, l’EMG d’Oujda ait interdit ces manifestations avec plus ou moins de succès à l’intérieur de l’Oranie.

Bakhti qui avait promis au général Katz que cela n’aurait pas lieu à Oran, devant l’appel lancé par Radio Alger aux mains du GPRA ne put que s’incliner après des débats préparatoires houleux (toujours témoins musulmans) car les masses qui croyaient encore à l’unité du mouvement n’auraient rien compris à Oran si la manifestation n’avait pas eu lieu.

Un défilé a priori pacifique et structuré avec de nombreux petits scouts (recrutés en masse pour la circonstance) en uniforme était prévu avec le syndicat UGTA, les organisations féminines etc… (nous avons des photos) mais c’était sans compter avec les agents de Boumédienne et certains partisans de Ben-Bella qui manipulèrent la foule. Le commandant du Service Social désarmé vit, avec sa secrétaire, les premiers coups de feu Bd Joffre sur le défilé. Bakhti le savait-il ?

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Oran, boulevard Joffre, 1956

Peu importe, le secret n’était pas si étanche car plusieurs mises en garde individuelles parviennent à certains Européens (voir Agonie d’Oran) de ne pas se rendre à Oran pour l’intérieur (témoignage personnel).

C’est pour cela que les «trois hypothèses» que signale J. Monneret ne sont pas contradictoires, elles sont même concomitantes (p.97). Quant à la «sempiternelle théorie du complot» qu’il dénonce, elle fait partie de toute l’Histoire intérieure du FLN, voir entre autre les ouvrages de deux spécialistes : Mohamed Harbi et Gilbert Meynier, ce dernier a même corrigé, suite à nos observations, la 2e édition de sa volumineuse Histoire intérieure du FLN alors qu’il s’était contenté de reprendre la version du Général Katz : «un affrontement de communautés avec 25 morts Européens !» «De coup d’État en coup d’État», G. Meynier – Science et vie, cinquantenaire en 2004 énumération : en 57 contre Abanne R. ; en 60 Tripoli ; en 62 contre GPRA ; en 65 contre B. Bella etc…).

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Cette politique manipulatoire et provocatrice émaille toute l’histoire de la rébellion depuis les origines du 1er Novembre 54 en passant par la liquidation d’Abane Ramdane «mort au champ d’honneur» l’éviction de Ben Bella et l’assassinat de Boudiaf, sans parler de l’utilisation du terrorisme islamique, plus actuelle. L’école de Boussouf, rompue aux méthodes du K.G.B., a fait recette en Algérie. La hantise de l’EM d’Oujda était que puisse se créer à Oran, de facto avec Mers el-Kébir, une enclave européenne. La volonté de chasser le maximum d’Européens avait été affirmée au congrès de Tripoli (27 mai - 7 juin 1962) après les accords d’Évian sous la pression de l’ALN extérieure (avant la destitution de l’EMG et de Boumedienne par le GPRA).

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Abdelhafid Boussouf

D’ailleurs, nous l’avons dit, le même scénario fut tenté sans succès à Alger avec des sbires dirigés par Yacef Souadi, agent de Boumédienne (voir la presse) et le 6 Juillet le GPRA, dans un communiqué publié, avait gobé «l’attaque des éléments colonialistes de l’OAS»  à Oran. Ce faisant, cela l’obligeait d’admettre l’avancée de l’ALN d’Oujda qui imposait ses hommes aux postes clefs à Oran - ce qu’elle n’était pas habilitée à faire -, dont le préfet Soutïa ; bien sûr, cette ALN préférait user de prétextes et de manœuvres pour prendre le pouvoir (voir toujours Harbi et Meynier et d’autres). Il y en eu d’ailleurs aussi à Constantine sauf qu’il n’y avait plus d’Européens et lorsqu’elle ne put plus manœuvrer, ce fut le choc frontal avec les wilayas de l’intérieur au niveau d’Orléanville.

Faut-il rappeler que l’ALN extérieure n’entra qu’en septembre à Alger, il y aurait beaucoup de choses à ajouter que notre ami Monneret connaît bien, comme le fameux communiqué (classifié 2e B. n°1266/B2/GAOR signé Coadic) de l’EMG d’Oujda en date du 5 Juillet 62 qui après avoir vilipendé le GPRA, prépare ses troupes à «aller protéger la minorité Européenne», on ne peut faire mieux en cynisme pour des Pompiers Pyromanes, comme nous l’avons écrit (voir l'ouvrage L'Agonie d’Oran – volume 3).

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Pourquoi Jean Monneret ne tient-il pas compte de cette archive (alors qu’elles sont rares) que je lui avais cependant communiquée et reproduite dans L’Agonie d’Oran. Je n’ai pas compris non plus, pourquoi le fait pour le FLN de poser son drapeau sur les bâtiments publics, fut «une provocation»... Cela avait été fait dès le 3 juillet dans toute l’Algérie, nous l’avons vu avec douleur mais résignation et une grande partie de nos compatriotes, il faut le dire, avait participé au référendum du 1er juillet, surtout par crainte de cartes d’électeurs non tamponnées pour la suite, en se souvenant que l’équipe Susini appelait à voter «Oui» à Alger (entendu à la radio et vu dans la presse).

Il faut avoir vécu ces moments de désarrois pour se permettre de juger et nous avions bu la coupe jusqu’à la lie. Plus rien ne pouvait nous provoquer pour des gestes suicidaires alors que la France nous abandonnait. Il faut avoir vu dans les quartiers Européens des drapeaux dans les poubelles ! Alors suggérer que nous puissions tomber dans une provocation absurde !

Enfin, pour terminer au-delà de notre débat avec Jean Monneret, l’essentiel est que nous soyons d’accord pour dire que le massacre au-delà des causes et des chiffres fut effectué en présence de notre armée consignée dans cantonnement (voir plans dans PNHA n°92 et Agonie d’Oran 3) sur ordres venus du plus haut sommet de l’État.

Dans le cadre de ce livre qui, nous l’espérons, aura une plus grande audience que L’Agonie d’Oran et, qui après tout, fait aussi connaître notre thèse occultée, il aurait été bon pour souligner cette forfaiture de rappeler les effectifs et les unités dont disposait Katz à Oran : 12 000 hommes intra-muros (voir son livre et les archives) plus les forces extérieures qui étaient aussi l’armée française. Nous avons signalé cela dans la revue Pieds Noirs H.A. de Juillet 1998 sous le titre courageux de la rédaction «De Gaulle est bien responsable des Massacres de Juillet 1962 à Oran».

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général Joseph Katz

Il reste à étudier ce qui apparaît comme évident à mes yeux, et comme l’ont exprimé le Docteur J.-C. PEREZ et même des chercheurs algériens, pourquoi le choix politique gaullien du FLN ALN extérieur sur le GPRA et l’intérieur mais c’est un autre débat.

Toutes choses qui justifient aussi le titre de l’ouvrage de Jean Monneret est le silence assourdissant sur ce drame.

                                                                                              Jean-François PAYA (classe (54/2)
présent à la base de Mers El Kebir jusqu’à fin 1964,
à Rosas – Espagne, le 12 Mars 2006

 

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- voir aussi, Jean-François Paya, "Document ALN du 5 juillet 1962"

- contra : voir la défense du général Katz par Charles-Robert Ageron

 

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25 avril 2013

un livre publié chez La Découverte

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un livre publié chez La Découverte

 Histoire de l’Algérie à la période coloniale

Daniel LEFEUVRE

 

Publié sous la direction d’A. Bouchène, de J.-P. Peyroulou, d’O. S. Tengour et de S. Thénault (La Découverte-Barzakh, 2012), ce gros ouvrage (717 pages) ambitionne de présenter «une vaste fresque synthétique» de l’histoire de l’Algérie, de 1830 à 1962, «rendant compte notamment des travaux les plus récents». Pour y parvenir, 81 auteurs ont été mis à contribution. 

Le pari a-t-il été réussi ? De façon brutale, la réponse est «non» !

Cet échec relève d’abord de la conception même de l’ouvrage : plus qu’une vaste fresque, on a affaire à un patchwork de communications (99 auxquelles il faut ajouter une post-face signée de T. Khalfounet et G. Meynier), de longueurs inégales, souvent superficielles, peu et mal reliées entre elles par un découpage en quatre grandes séquences chronologiques : 1830-1880, la prise de possession du pays ; 1881-1918, deux Algérie ; 1919-1944, à l’heure des initiatives algériennes ; 1945-1962, vers l’indépendance…

Certes, le lecteur glanera, au fil des pages, d’intéressantes mises au point. Mais comment prétendre faire œuvre de référence lorsque sont passés sous silence des épisodes sans doute jugés «incorrects» par rapport à la doxa qui domine l’ouvrage, dont l’expression, incessamment reprise de «guerre d’indépendance algérienne» - formule téléologique préférée à guerre d’Algérie - est le reflet ?

De très nombreuses contributions multiplient les contre-vérités. On n'en trouvera, ci-dessous, que quelques exemples, parmi beaucoup d’autres.

Contrairement à l’affirmation de Mme Tengour, ce n’est pas en réponse à l’attentat de la rue de Thèbes (10 août 1956), perpétré par des contre-terroristes, que le FLN s’engage à son tour dans la voie du terrorisme urbain. La décision a été prise antérieurement, comme le note G. Meynier, dans son Histoire intérieure du FLN (Fayard, 2002, p. 322) «le terrorisme urbain algérien se manifesta dès 1955». Mme Tengour connaît évidemment le livre de G. Meynier. Pourquoi, dès lors, se complaire dans le mensonge, sinon pour dédouaner le FLN de ses responsabilités ?

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Il est inexact de présenter le pétrole saharien comme la solution à la dépendance énergétique de la France et comme le facteur de prolongation de la guerre. L’auteur aurait trouvé des arguments contredisant sa thèse dans le témoignage de Roger Goetze et dans mes propres travaux, qu’il préfère passer sous silence.

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J.-P. Peyroulou ignore, dans son texte sur le  8 mai 1945, l’ouvrage de Roger Vétillard (Sétif, mai 1945, Massacres en Algérie, Ed. Riveneuve), incontestablement la meilleure mise au point sur les origines, le déroulement et le bilan du soulèvement de Sétif.

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Comment peut-on évoquer la manifestation du 17 octobre, sans mentionner le travail essentiel de J.-P. Brunet, comme le fait Jim House, ou prétendre que la répression de cette manifestation «provoqua la mort de plusieurs centaines d’innocents» comme ne craint pas de l’affirmer Linda Amiri qui, elle aussi, omet de citer Brunet ?

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Comment écrire l’histoire de la guerre d’Algérie sans faire mention de l’enlèvement par le FLN et la disparition de centaines de Français, avant et après le 19 mars 1962, qui a donné au conflit la dimension d’une guerre d’épuration ethnique ? L’ouvrage de Jean-Jacques Jordi, Un silence d’État, éd. Soteca, 2011, n’est même pas signalé...!

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Compte tenu de l’orientation idéologique d’ensemble de ce livre, il n’est guère étonnant que la colonisation ne soit présentée qu’à travers ses aspects les plus sombres, souvent noircis de surcroît, et qu’aucun état des lieux de l’Algérie ne soit établi, sans doute pour ne pas suggérer que la présence française ait pu avoir, aussi, des côtés positifs.

 

Daniel Lefeuvre
Professeur d’histoire contemporaine, Université Paris 8 Saint-Denis.

 

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Sylvie Thénault                                                   Jean-Pierre Peyroulou

 

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Abderrahmane Bouchène                                 Ouanassa Siari Tengour
   

_____________________________

 

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12 avril 2013

information et désinformation : Djamila Bouhired

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la vérité sur Djamila Bouhired ?

général Maurice FAIVRE

 

Une désinformation oubliée
L'avocat Jacques Vergès vient de publier sa biographie : De mon propre aveu. En ce qui concerne sa période algérienne, elle devrait être comparée à ce qu'en dit Michel Debré dans ses archives (disponibles à Sciences PO - voir P.J.). Les  avocats cités par M. Debré sont les suivants : Vergès, Halimi, Dechezelles et Stibbe. On sait que Vergès a défendu Djamila Bouhired, et qu'il a publié en 1959 une plaquette avec Georges Arnaud : Pour Djamila Bouhired. En 1965, il a épousé Djamila dont il a deux enfants. Il divorce plus tard.

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l'avocat Jacques Vergès

La thèse médiatique
Blessée par Yacef Saadi, Djamila est arrêtée le 9 avril 1957, torturée par les paras qui vrillent (sic) un couteau dans la plaie. Elle est dénoncée par le chimiste Abderhamane, et par Djamila Bouazza pour le dépôt d'une bombe au Milk Bar.
Ses aveux sont démentis par ses avocats. Elle est condamnée à mort le 15 juillet 1957. Cette thèse est reprise par Mauriac dans l'Express du 14 novembre 1958, par la plaquette de 1959, et par Vidal-Naquet dans La raison d'État, en 1962.

La thèse des médecins-militaires
Le médecin-capitaine Brisgand, qui l'a soignée à l'hôpital Maillot, déclare que des paras sont venus observer Djamila, mais ne l'ont pas interrogée. Le médecin-chef Delvoye constate le 16 avril que le pansement est intact et la plaie cicatrisée. Elle sort de l'hôpital et ne formule aucune plainte. La cicatrisation en sept jours contredit la plaie ouverte par les paras. Le 22 novembre, Delvoye dément les accusations de Mauriac et Georges Arnaud. Jean Pouget et Claude Paillat confirment les témoignages des médecins.

Le reportage de Jean Larteguy
(l'Intransigeant du 11 avril 1958)
Larteguy visite le 4 avril 1958 (un an plus tard) les condamnées à mort à la prison de Maison-Carrée. Il rencontre Djamila Bouhired qui déclare avoir été torturée, ce que dément le colonel Godard. Zora Driff reconnaît que la torture n'avait plus cours quand elle a été arrêtée en septembre 1957. Djamile Bouazza accuse Djamila Bouhired de lui avoir remis une bombe pour la rue Michelet.

Témoignage de Graziani
Larteguy rencontre le capitaine Graziani qui a interrogé Djamila Bouhired le 17 avril 1957. Traité par elle de salaud et de colonialiste, il lui a envoyé deux gifles. Elle dévoile alors trois caches où se trouvent 13 bombes et dénonce Djamila Bouazza. Graziani l'invite à déjeuner au mess des officiers. Elle lui est attachée et ne veut plus le quitter ! Elle lui déclare : je ne serai pas guillotinée, je serai libérée par mon peuple et deviendrai une héroïne nationale. Ce qu'elle deviendra en effet ! Par lettre du 19 avril 2012, elle revendique son passé de moudjahidate, et demande des fonds au gouvernement algérien pour être soignée "en France".

La Plaquette de Georges Arnaud et de l'avocat Vergès
Pour Djamila Bouhired
Publiée en 1959, cette plaquette est contredite par le conseiller juridique du Commandant en chef. Selon lui, le jugement s'est déroulé de façon légale, l'avocat a pu s'entretenir avec sa cliente. Aucune atteinte n'a été portée aux droits de la défense. Les aveux de Djamila ont été transmis au Conseil supérieur de la magistrature. Les deux bombes déposées par Djamila ont fait 4 tués et 88 blessés. 13 bombes ont été récupérées sur ses indications.

Leçon d'histoire
Nous sommes en face de témoignages contradictoires : Vergès et Mauriac contre Debré et Graziani. Chacun les croira en fonction de sa sensibilité. La Commission de Sauvegarde du président Patin n'aborde pas l'affaire Bouhired. La consultation des archives du Conseil supérieur de la magistrature s'avère souhaitable. Est-ce possible ?
général Maurice Faivre
22 mars 2013
Extrait des archives de Michel Debré (2DE22)

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Djamila Bouhired, 2012

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