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études-coloniales
14 novembre 2008

un livre de Melica Ouennoughi

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Algériens et Maghrébins

en Nouvelle-Calédonie, de 1864

à nos jours

un livre de Melica Ouennoughi

Melica Ouennoughi vient de publier un nouvel ouvrage relatif aux déportés maghrébins en Nouvelle-Calédonie (éd. Casbah, Alger).
Elle a donné des conférences dans les deux universités d'Alger : Université Ben Aknoun - droit avec la participation de Dr Ammar Belhimer, et Université en sciences humaines et Sociales Bouzéréah (4 novembre) avec la collaboration de Dr Mohamed El Korso.

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El Moudjahid, 6 novembre 2008
(cliquer sur l'image pour l'agrandir)



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Melica Ouennoughi, à droite, et le président algérien Bouteflika

 

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31 octobre 2008

connaissance de la langue arabe en situation coloniale

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les manuels d’apprentissage de l’arabe

à l’époque coloniale

séminaire de Michaël Chik, Sylvette Larzul

et Alain Messaoudi



séminaire - Histoire de la connaissance de la langue et de la culture arabes
Étude des manuels d’apprentissage de l’arabe à l’époque coloniale
(France et Maghreb, 1800-1960)

Michaël Chik, Sylvette Larzul et Alain Messaoudi

2e vendredi du mois de 15 h à 17 heures
Salle de réunion de l'IISMM 96 Bd Raspail,
du 12 décembre 2008 au 12 juin 2009

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Après la conquête d’Alger en 1830 se manifeste un intérêt sans précédent pour la langue arabe, et les ouvrages destinés à son apprentissage se multiplient, constituant un important corpus qui reste aujourd’hui méconnu. Destinés à un public diversifié (militaires, administrateurs civils, colons, voyageurs, élèves des écoles…), ces ouvrages reflètent des choix différents quant à la langue ciblée (arabe dialectal, arabe littéral, moyen arabe), au contenu véhiculé (littérature contique et sapientiale, actes administratifs authentiques, matériau ethnographique…) et aux méthodes mises en oeuvre (méthodes calquées sur celles de peres_poesie_rectol’apprentissage du latin, méthode directe…). Outre l’examen de ces spécificités, l’accent sera mis, dans une perspective historique, sur le contexte parfois polémique qui sous-tend cette production.

_______________________________________


 

12 décembre : Les ouvrages en usage dans les écoles arabes-françaises en Algérie (1850-1870)

9  janvier : Les manuels des professeurs de la Bouzaréa ou École Normale d’Alger (dernier tiers du XIXe s. -début du XXe s.)

13 février : L’œuvre de Desparmet (1904-1905) : orientation ethnologique et méthode directe

13 mars : Grammaires et cours d’arabe littéral : la grammaire de Silvestre de Sacy, modèle de référence

29 mai (4e vendredi de mai par exception) : L’enseignement de la littérature : une anthologie des XIXe et XXe siècles par Henri Pérès (1938) (exposé de Yahia Cheikh)

12 juin : Les manuels en usage au Maroc

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Sylvestre de Sacy

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27 mai 2008

Sétif, Guelma, Kherrata - 8 mai 1945

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«Rien dans les archives

n'évoque une volonté de génocide»

Benjamin STORA

 

François Malye, Le Point - Peut-on dire que la guerre d'Agérie a, en réalité, commencé ce 8 mai 1945 ? 
Benjamin Stora : D'une certaine façon, oui. C'est un tournant. Après la répression, on passe du nationalisme pacifique classique, politique, à une volonté d'avoir recours à d'autres méthodes.    

Quel a été l'impact de ces journées ? 
Énorme. La répression a été absolument terrible et les trois villes de Sétif, Guelma et Kherrata sont devenues des symboles. Côté Européens, c'est un choc. Bon nombre d'entre eux quittent les campagnes pour rejoindre les villes.

Pourquoi, à l'époque, cette peur des Européens face à la population musulmane ? 
D'abord parce que les deux communautés cohabitent dans l'espace public, mais pas au-delà. Il n'y a pas de mixité sociale, sexuelle. C'est un univers comparable à celui du sud des États-Unis au XIXe siècle. Ce sont des pionniers, des défricheurs qui vivent dans la peur de la rébellion indigène. Avec de tels hommes, le moindre incident dégénère très vite.

Peut-on parler de génocide comme le font les Algériens ? 
Non. Il n'y a pas trace dans les archives d'une planification, d'une anticipation de la destruction de la population indigène. Le système colonial est fondé sur la conquête, la dépossession foncière, mais pas sur l'extermination des populations, dont on a d'ailleurs besoin comme main-d'oeuvre.  

Comment interprétez-vous les récentes déclarations de l'ambassadeur de France, Bernard Bajolet ? 
C'est très important, fondamental. C'est la première fois qu'un représentant de la France évoque des «épouvantables massacres». Cela reconnaît la blessure de l'autre, et c'est finalement ce que demandent les Algériens. Et puis cela vient après le premier discours important d'un chef d'État français. Quand Nicolas Sarkozy, dans son discours de Constantine, rend hommage à Abd el-Kader et déclare que le système colonial a été un «système d'asservissement» , on avance vers une plus juste mémoire.   

Pourquoi une telle douleur, de part et d'autre, autour de l'Algérie ? 
L'Algérie est un cas unique qu'on ne peut comparer à rien d'autre dans l'histoire coloniale mondiale. C'est à la fois une guerre horrible et un pays où l'on a bâti. Mais 5 millions de Français - militaires, pieds-noirs, immigrés, harkis - ont été touchés, d'une façon ou d'une autre, par le drame algérien. Pour les Français, la perte de l'Algérie est une blessure narcissique. Il faut se souvenir qu'Alger a été la capitale de la France libre. Quant aux Algériens, si l'on s'en tient aux morts de la guerre, on est, par rapport aux Européens, dans un rapport de dix contre un.  

Qu'aurait dû faire la France après Sétif ? 
La grande erreur des Européens a été de ne pas combler le fossé qui s'était creusé entre les deux communautés. Il aurait fallu jeter des passerelles, trouver des représentants. C'est ce qu'avait compris Albert Camus. «Nous sommes tellement étrangers les uns aux autres», disait-il. Mais quand il veut organiser une trêve civile en 1956, il se fait huer par les Européens lors d'un meeting. L'un des organisateurs de cette «claque» est justement André Achiary, le sous-préfet de Guelma qui a conduit, ici, les exécutions de civils. Le monde des Européens n'a pas de traduction politique, pas de leader, et personne n'essaie de comprendre les nationalistes. Il faut attendre 1962 pour que Jean-Jacques Susini, de l'OAS, rencontre un membre du FLN. Mais il est bien trop tard.

propos recueillis par François Malye
source : Le Point, n° 1862, 22 mai 2008

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Guelma au début du XXe siècle

                                      

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Guelma, rue Scipion, début du XXe siècle

 

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Guelma, rue d'Announa, début du XXe siècle

 

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Guelma, rue Medjez Amar, début du XXe siècle

 

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Guelma, école d'Alembert, début du XXe siècle

 

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Guelma, alentours de la ville

 

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Guelma à l'époque coloniale

 

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25 mai 2008

l’exode massif des Pieds-noirs d’Algérie en 1962

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Peut-on parler sereinement

de la guerre d’Algérie ?

Arlette SCHNEIDER

 

Le lundi 26 mai 2008 à 19h, à l’Hôtel de ville de Paris, la Ligue des droits de l’homme, le Monde diplomatique et Coup de soleil organisent une conférence-débat sur les causes de l’exode massif des Pieds-noirs d’Algérie en 1962. Il m’a été demandé d’animer cette rencontre. Compte-tenu des enjeux qu’elle représente, je souhaite dire ici aux membres et amis de Coup de soleil comment je compte mener les débats.

Après une brève présentation du sujet et des intervenants, après avoir aussi rappelé les règles de base d’un débat serein sur un sujet douloureux, je donnerai la parole au journaliste Pierre Daum et au cinéaste Jean-Pierre Lledo. Le premier est l’auteur d’un article paru dans le n° de mai 2008 du Monde diplomatique, intitulé «Sans valise ni cercueil, les Pieds-noirs restés en Algérie». Le second est l’auteur d’un film «Algérie, histoires à ne pas dire». Comme tout ce qui touche à la guerre d’Algérie, cet article et ce film suscitent des avis très partagés, jusque dans nos rangs. Pierre Daum et Jean-Pierre Lledo nous expliqueront le pourquoi de leurs enquêtes respectives, les conditions de leur réalisation et l’accueil qui leur a été réservé.

Nous entendrons ensuite trois historiens, qui sont aussi membres de Coup de soleil : Mohamed Harbi, Gilles Manceron et Benjamin Stora. Chacun exprimera son point de vue sur l’article et le film ; ils s’attacheront surtout à donner leurs analyse du thème central de cette rencontre : pourquoi tant de Pieds-noirs ont ils quitté leur pays natal, si soudainement et dans des conditions aussi dramatiques ?

Nous passerons ensuite aux interrogations d’un public dont nous savons qu’il sera nombreux, dont nous devinons déjà la passion et dont nous attendons aussi la courtoisie et la dignité indispensables à la qualité du débat. Tout peut être dit, pour peu que l’on sache écouter l’autre et le respecter. Mon rôle essentiel sera d’y veiller et je suis déterminé à le faire.

J’apprends en effet que des appels à pétitionner, à manifester, à venir « soutenir X…» ou «attaquer Y …», voire à saboter cette soirée circuleraient sur la Toile. On y contesterait notamment la légitimité des intervenants à parler du sujet :

- s’agit-il de nos origines ? Mohamed Harbi, Jean-Pierre Lledo, Benjamin Stora et moi sommes originaires d’Algérie et nous avons chacun vécu, de façon différente mais «en direct», le douloureux enfantement de l’indépendance : chacun de nous a donc toute légitimité pour en parler.

- s’agit-il de nos formations ? Mohamed Harbi, Gilles Manceron  et Benjamin Stora sont des historiens de renom, dont l’essentiel des travaux porte sur l’Algérie. Je suis moi-même enseignant universitaire, Pierre Daum est journaliste, Jean-Pierre Lledo cinéaste et beaucoup de nos travaux portent aussi sur ce pays. Notre connaissance du sujet ne saurait donc davantage être contestée.

Les points de vue des six participants sont d’ailleurs loin d’être identiques. Il en ira de même dans la salle et cela est très sain. Mais, face aux drames qu’ont vécu tant d’Algériens et de Français, aucune douleur ne s’apaisera jamais si chacun n’apprend pas à écouter la souffrance de l’autre et à respecter son point de vue. Depuis 1985, Coup de soleil a su faire cohabiter tous ceux qui ont en eux la passion du Maghreb en général et de l’Algérie en particulier, quelle que soit leur origine culturelle : arabo-berbère, juive ou européenne et quelle que soit l’histoire et les engagements de leur famille :  «immigrée» ou «rapatriée» . Notre profonde cohésion, dans cette étonnante diversité, vient précisément de ce souci permanent d’écouter l’autre et d’arriver ainsi, peu à peu, à mieux comprendre les heures dramatiques de notre histoire commune.

Coup de soleil n’est pas pour autant une association qui cultiverait une «neutralité» aussi confortable que stérile. Nous défendons ensemble un certain nombre de valeurs comme la justice, la dignité et la fraternité et c’est à l’aune de ces valeurs que nous prenons position, chaque fois que de besoin. S’agissant de la question des Pieds-noirs, qui sera au centre de nos débats du 26 mai, je rappelle ici aux adhérents et amis de Coup de soleil que le bureau de notre association avait condamné, à l’unanimité, la trop fameuse loi du 23 février 2005 qui, sous prétexte de valoriser la colonisation au Maghreb, rendait le pire des services à nos compatriotes «rapatriés». Ce point de vue, le bédéiste Jacques Ferrandez et moi-même l’avions exprimé en Algérie, en décembre 2005, devant le public des centres culturels français de Constantine et d’Alger où nous présentions nos deux derniers livres respectifs. On en trouvera ci-après la relation écrite.

Arlette Schneider

 

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[Extrait de la «Lettre de Coup de soleil» n° 26]

Quant à la loi de février, Jacques et moi en avons beaucoup parlé, depuis deux semaines et ce matin encore avec Jean-Jacques Jordi. Nos analyses concordent : il s’agit d’une loi électoraliste, qui vise, selon ses promoteurs, à "défendre les pieds-noirs et les harkis". Quand donc nos élus cesseront-ils de prendre nos compatriotes pour des citoyens débiles qui voteraient comme des moutons ?

Quand comprendront-ils qu’il n’y a pas en France de vote pied-noir, comme il n’y a pas de vote protestant, de vote juif ou de vote beur, que dans ces populations comme chez tous les Français, chacun se détermine pour partie en fonction de sa propre histoire, mais surtout de son appartenance sociale, de son éducation, de ses rencontres, de ses conditions de vie et de travail ? Le problème vient sûrement du fait que, dans toutes ces minorités qui font aussi la France, certains s’en sont auto-proclamés les représentants alors qu’ils ne représentent souvent qu’eux-mêmes ! Mais les élus et les journalistes privilégient toujours le point de vue de ces "représentants", le seul qui s’exprime.

Et pour les Pieds-noirs, cela est dramatique car cela conforte dans beaucoup d’esprits l’image d’une "pseudo- communauté" bornée, raciste et revancharde : puisqu’ils sont censés regretter "le bon temps des colonies", on va donc leur faire plaisir et glorifier la colonisation ! Et, comme toujours, depuis 1962, les mâchoires du piège se referment : ou bien l’on dit du mal du système colonial et on doit donc attaquer les Pieds-noirs ; ou bien on soutient les Pieds-noirs et on doit donc encenser la colonisation ! Cela nous est insupportable !

Ferrandez___Caillou
BD de Jacques Ferrandez

Pour Ferrandez, Morin, Jordi et tant d’autres Européens d’Algérie (ceux qui militent à Coup de soleil notamment), nous avons compris depuis longtemps tout le mal qu’ont pu représenter pour les Algériens la conquête, avec son cortège de massacres et de spoliations, puis l’humiliation et l’indignité permanentes que faisait peser sur eux un système colonial brutal et inégalitaire par essence. Pour autant, et c’est là-dessus que nous insistons, nous n’acceptons pas que l’on fasse porter tout le poids de ce drame historique sur nos épaules ou sur celles de nos parents. Qu’il y ait eu de francs salauds et des racistes à tout crin parmi les Pieds-noirs, qui songerait à le nier ? Mais est-il un peuple qui échappe à cette lèpre ? La mère de Camus ou celle de Roblès étaient femmes de ménage, le père de Ferrandez médecin à Belcourt, la mère de Morin infirmière à Constantine : étaient-ils des bourreaux ou des tortionnaires ? Doivent-ils et leurs enfants après eux, être déclarés responsables de la conquête, des enfumades, de l’indignité et de la répression ? Bien pire encore, sont-ils censés en tirer, de manière quasi-atavique, un quelconque titre de gloire ?

Allons plus loin, cependant : tout en acceptant cette version des choses, beaucoup de Pieds-noirs et d’autres Français avec eux d’ailleurs, avancent en toute bonne foi que la colonisation a quand même eu quelques aspects positifs  pour les Algériens : des villes et des villages, des ports, des barrages, toutes sortes d’infrastructures modernes construites par la France. Cela est vrai mais encore faut-il se rappeler pour qui tout cela a été construit, c’est-à-dire pour le bien-être des Européens et pour celui de l’économie française ; et cela cohabitait avec un sous-développement généralisé dans le monde rural où vivaient 90 % des Algériens. Alors certes, aujourd’hui les Algériens en profitent mais ils l’ont payé cher tout au long de la colonisation.

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Reste alors l’incompressible : la santé (hôpitaux, dispensaires, etc.) et l’éducation (écoles, collèges, lycées, médersas, université d’Alger, etc.). Bien sûr, ce serait injuste de le nier, sauf qu’il faut là aussi comprendre que seule une minorité d’Algériens en bénéficiaient.

Que les plus déterminés d’entre eux se soient ensuite approprié la langue française et les valeurs de la République pour contribuer à se libérer du joug colonial, alors là, oui, ce clin d’œil de l’Histoire peut nous faire plaisir !… Et puis, comment ne pas évoquer cet autre produit "positif" d’une histoire tragique : l’existence de ces millions de Français d’Algérie et d’Algériens de France, qui sont autant de passerelles potentielles entre les deux pays !

Tout le monde, et ce fut notre conclusion, en a assez de ces histoires officielles, simplistes et réductrices que l’on veut imposer dans les esprits, en France comme en Algérie. Elles n’ont pour effet que de cacher les réalités, d’empêcher nos peuples de comprendre leur histoire et donc de l’assumer pleinement pour pouvoir bâtir solidement leur avenir.

[Texte intégral de l’article «Carnet de voyage à Constantine et à Alger» lisible sur le site de l’association : www.coupdesoleil.net]

Georges Morin
président de Coup de soleil

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Oran, 1962

 

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3 mai 2008

réponses à des questions portant sur le Maroc

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réponses :

1) archives de la France au Maroc et

2) Chirurgie maxillo-faciale

Marie-Claire MICOULEAU-SICAULT

 

 

 

1) archives de la France

Pour Sirat posté le 25 mars et Delphine posté le 22 avril

Les archives dites techniques du Protectorat de la France au Maroc ont été laissées aux différents ministères correspondants dans le cas présent il faut s’adresser au :

Ministère  de la Santé Publique au Maroc
355 avenue Mohammed V
RABAT
tel (212) 037761025

Entreposées quelques années au Quai d’Orsay, les 9 000 liasses ainsi réunies furent transportées au dépôt de Nantes en 1970-1971. Archives dites de souveraineté – produites par les services politiques du protectorat –, elles ne représentent pas la totalité des archives de la présence française.

Ont été laissés aux administrations marocaines les papiers des directions «techniques» : Travaux publics, Production industrielle, Agriculture, Instruction publique, Commerce, Travail, Santé publique, Justice, Colonisation, Biens Habous, Eaux et Forêts, Mines, Séquestres austro-allemands, Législation, Finances...

- réponse détaillée en fichier pdf

 

 

2) Chirurgie maxillo-faciale

Pour Maxillo posté le 5 avril

A. Chekkoury-Idrissi fut président du Collège National Marocain de Chirurgie Maxillo-Faciale, Chef de service de Stomatologie et de Chirurgie Maxillo-Faciale, Hôpital du 20 août, CHU Ibn Rochd, Casablanca.

La spécialité «Stomatologie et Chirurgie Maxillo-Faciale» a vu le jour au Maroc au sein du premier hôpital construit dans notre pays par le Protectorat Français à Casablanca en 1917 : Hôpital J. Mauran dénommé aujourd'hui Hôpital Moulay Youssef.

Le service dirigé par Madame le Docteur Dezoteux a été transféré ultérieurement à l'hôpital militaire Jean Vial de Casablanca. Ce dernier avait fermé ses portes au début de l'indépendance (1956) et n'a rouvert qu'en 1965, prenant alors la dénomination...

J'ajoute que mon père Georges Sicault a subi un accident de voiture en 1946 où, ayant percuté le pare-brise il a eu plusieurs fractures de la face. Il a été opéré à Casa où 2 chirurgiens lui ont refait le maxillaire de la mâchoire supérieure sur 10 cm, remarquable restructuration de chirurgie réparatrice.

Marie-Claire Micouleau-Sicault
article : les médecins français au Maroc

 

 

avenueMohamed_V___Rabat
avenue Mohamed V à Rabat (source)

 

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21 avril 2008

L'Algérie en 1957 (Germaine Tillion)

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la chance de la France

et la malchance de l'Algérie

Germaine TILLION (1957)

 

M0705281328062_p1La disparition équivaut fréquemment à la simplification. Voire à la dénaturation. La pensée de Germaine Tillion (1907-2008) – souvent plus citée que réellement lue… c'est malheureusement la règle… - était réduite ces dernières années à un vocable, celui de clochardisation.

Cette grande observatrice et analyste de l'Algérie aurait stigmatisé la colonisation coupable de la clochardisation des populations soumises. Et voilà Germaine Tillion icône idéologique d'un anticolonialisme vertueux et sans concession. Il n'en est rien. La pensée de l'anthropologue n'est pas celle-là, nous l'avons déjà dit dans l'article "France-Algérie : l'impossible travail historique" (Daniel Lefeuvre, Michel Renard).

 

pas d'idéalisation anticoloniale

Aux premières pages de son livre, L'Algérie en 1957 (publié avant les événements de cette même année 1957...), Germaine Tillion avait repoussé tout idéalisation "anticoloniale". Elle écrivait :

"Ce n'est pas moi qui vous présenterait un beau coupable bon à pendre, ni une happy end facile et radicale, malgré le vaste choix qui nous est proposé. La tragédie algérienne, telle que je la vois, comporte beaucoup de victimes, peu de traîtres – et ses possibilités de dénouement m'apparaissent comme un bon point de départ pour d'autres tragédies" (p. 14).

L'ethnographe de la vie paysanne des Aurès n'érige pas le colonialisme en figure abstraite du Mal, elle l'inclut dans la mondialisation de l'ère industrielle : "le malheur actuel de l'Algérie était vraisemblablement inévitable - dans la mesure où il est désormais impossible d'épargner à un peuple archaïque tout contact avec ce monstre prodigieux qu'est la Civilisation Planétaire et dans la mesure où ce contact est fatal au peuple non préparé qui le subit" (p. 67-68).

...Ce que démontre, cinquante ans après, l'historien britannique Christopher Bayly dans La naissance du monde moderne (1780-1914) en insistant sur les interactions comme le note Eric Hobsbawm : "la naissance du monde moderne ne fut pas quelque chose simplement imposé de l'extérieur par l'Occident, mais un processus complexe fait d'évolutions interagissant les unes avec les autres et émanant des deux côtés bien qu'à l'évidence dominé par la force des puissances impériales et par l'hégémonie du modèle occidental…" (La naissance..., p. 13).

l'anti-colonialisme, alibi de la clochardisation

Relisons donc Germaine Tillion, et les histoires non idéologiques du temps colonial, pour comprendre que la colonisation ne fut pas cette "décivilisation" qu'éreintait Aimé Césaire. On y apprendra à dépasser les slogans : "L'anti-esclavagisme a été l'alibi du colonialisme (il l'est encore parfois), et je me demande si l'anti-colonialisme n'est pas en train de devenir l'alibi de la clochardisation. Non pas que le colonialisme soit tout à fait mort - il est seulement moribond -, ni qu'il n'ait pas aggravé la situation économique des pays où il a sévi, mais il n'est pas seul responsable de leur misère, et, à l'heure actuelle, par exemple, la situation alimentaire dans les régions d'Algérie où il n'y a jamais eu de colons apparaît comme un peu plus alarmante pour les indigents que dans celles où les colons sont en nombre..." (L'Algérie en 1957, p. 41).

Michel Renard

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extraits de L'Algérie en 1957

 

Alg_rie_57_couv_rectoConsidérez maintenant, dans cette perspective, le destin de notre pays - pays relativement comblé par la nature, mais pas plus que certaines régions du monde où les gens vivent encore aujourd'hui dans une sordide indigence.
Première chance : nous réussissons notre révolution politique et notre réforme agraire cinquante ans environ avant le début de l'essor industriel et un bon siècle avant la révolution biologique ; nous nous trouvons donc bien placés au moment le plus important de l'histoire du monde : la première moitié du XIXe siècle.

C'est pourquoi (malgré notre hémorragie de 1914, malgré la catastrophe de 1940, malgré onze ans de guerres mondiales, et je ne sais combien d'années de guerres coloniales, malgré nos malheurs et nos sottise) on peut dire que nous avons eu de la chance, puisque, au moment voulu, nous nous sommes trouvés dans le clan des gagnants. Entendez par là : les pays où le niveau de vie s'élève régulièrement. On imagine volontiers que le hasard seul n'a pas tout fait et que nous pouvons aussi revendiquer des mérites (mais il est possible d'avoir des mérites lorsqu'on est placé pour en tirer le meilleur parti).

Cette ligne ascendante de notre chance, chacune [ce texte fut initialement destiné aux adhérentes de l'Association nationale des Déportées et Internées de la Résistance] d'entre vous peut facilement en suivre quelques étapes, sans pour cela feuilleter des livres ou inventorier des statistiques. Asseyez-vous plutôt à côté d'un paysan pauvre ou d'un vieil ouvrier - n'importe lequel, dans n'importe laquelle de nos provinces - et, comme je l'ai fait moi-même tant de fois, laissez-le parler et écoutez-le.

Il vous racontera son enfance : à six ans l'école, "pour apprendre ses lettres" ; "placé" à huit ans comme berger - plus petit que ses moutons ; des maîtres avares, qui mesurent le pain ; pas de viande, pas de sucre. Plus tard : "on gagnait trois francs par jour, à faucher à la main, comme des martyrs ; la moisson durait deux mois. Après c'était le trimard"... (entendez : la mendicité). Et la maladie, et le chômage, et le terme...

Certes, il y a actuellement en France bien des choses qui vont mal - logements indignes, salaires insuffisants, enfants abandonnés, vieillards misérables - mais, dans tous les domaines, l'amélioration est constante et régulière. Cette amélioration, nous la retrouvons dans tous les pays qui sont en-deça du seuil - non pas un seuil qui séparerait le bloc marxiste et le bloc atlantique, mais un autre, qui ne correspond ni aux alliances ni aux programmes politiques : le bloc des Affamés, qui chaque année auront un peu plus faim, et le bloc des Rassasiés, que chaque année enrichit.

 

le malheur actuel de l'Algérie

était vraisemblablement inévitable

Allez maintenant en Algérie - j'en viens - et asseyez-vous à la porte d'un gourbi, à côté du grand-père - cela aussi, je l'ai fait des milliers de fois. Parlez de la dernière récolte, de l'état des pâturages, de la santé des chèvres, du prix de l'huile, du prix des dattes... Ensuite écoutez, prenez des notes, contrôlez, comparez.

Les deux tiers des Algériens ont eu le sort inverse des Français : leur malheur a voulu qu'ils se trouvent dans la zone d'ébranlement de la révolution biologique moderne avant d'avoir atteint ce niveau de vie et ce niveau de culture que je vous propose d'appeler "niveau d'auto-protection". Et c'est là qu'intervient, à mon avis, notre responsabilité.

Responsabilité et non culpabilité, car, le malheur actuel de l'Algérie était vraisemblablement inévitable - dans la mesure où il est désormais impossible d'épargner à un peuple archaïque tout contact avec ce monstre prodigieux qu'est la Civilisation Planétaire et dans la mesure où ce contact est fatal au peuple non préparé qui le subit. Il n'en est pas moins vrai que notre présence en Algérie a accéléré le phénomène de désintégration sociale de ce malheureux pays. Disons, si vous préférez, que si l'Algérie était restée indépendante, sa population aurait seulement doublé, alors qu'elle a quadruplé avec nous (ce qui aggrave considérablement sa position actuelle et contribue à la rendre insoluble). Mais c'est une conséquence imprévue et involontaire du "paternalisme colonial", dont nous sommes à la fois responsables et innocents - aussi responsables et aussi innocents que ceux qui en sont victimes.

L'Algérie compte aujourd'hui neuf ou dix millions d'habitants ; en 1830, elle en avait probablement moins de deux millions ; les statisticiens prévoyaient pour elle (si les conditions économiques de 1954 s'étaient maintenues) vingt millions dans vingt ans et quarante millions dans quarante ans. Tout cela est fou, car une Algérie autonome, donc nécessairement agricole, n'en peut nourrir - mal - que deux ou trois millions.

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Aïn M'lila, la médersa (carte ayant voyagée en 1954)

En 1954, dans la population musulmane, les illettrés en français atteignaient la proportion de 94% des hommes et 98% des femmes, et les enfants algériens allaient en classe dans la proportion de un sur quatre. Mais, attention, ce pourcentage correspondait à la totalité des enfants - garçons et filles, Musulmans et non-Musulmans. En réalité, un petit garçon musulman sur cinq allait en classe et une petite fille musulmane sur seize.

Ces chiffres honteux étaient eux-mêmes inexacts - comme le sont toutes les statistiques qu'on n'analyse pas - car, en Algérie, plus encore qu'une problème "Musulman/non-Musulman" ou "colon/indigène", c'était le problème "ville/campagne" qui tendait à s'imposer : la scolarisation totale des enfants de toutes les confessions allait être atteinte dans les villes (dans la commune d'Alger, treize enfants musulmans sur dix-huit), tandis que dans les campagnes elle constituait un rêve inaccessible. (Dans telle commune, il y place dans les écoles pour un enfant sur cinquante ; ailleurs, pour un enfant sur soixante-dix).

On ne désire pas ce qu'on ignore et, dans les cavernes aurignaciennes, nos ancêtres sont morts sans avoir souffert de l'absence de radio ou de chauffage central. Mais l'Algérie est probablement le pays où coexistent le plus constamment les connaissances directes et personnelles d'un certain nombre de privilèges (instruction, droits politiques, structure familiale évoluée, possibilité d'améliorer une situation) avec l'impossibilité pratique de les acquérir. De tous ces biens dont nous bénéficions avec indifférence, les Algériens sont frustrés, en connaissance de cause, avec une immense amertume.

Nos journaux se plaisent à comparer les niveaux de vie algériens avec d'Égypte ou d'Arabie (1). Eh oui ! on est un peu moins pauvre à Alger ou à Constantine que sur les rives de la Mer Rouge, mais, sur les rives de la Mer Rouge, on ne sait pas ce que c'est que l'aisance, la liberté ou même le simple bien-être de manger tous les jours à sa faim, et surtout on ne sait pas que ce bien-être est une chose commune et ordinaire que des peuples entiers possèdent, sans avoir même conscience d'être des privilégiés.

 

faim primaire et faim secondaire

Inversement, cette expérience vécue de la faim, il faut des cataclysmes comme ceux que nous avions traversés il y a douze ans pour que, dans nos pays heureux, on connaisse ses méandres et ses nuances.

Il y a deux faims :

Dans la faim primaire, on est exclusivement obsédé par une certaine masse qui remplira l'estomac - pain, farine, riz. Sous l'influence de cette "faim primaire", nous avons vu certains camarades avaler, coup sur coup, deux, trois gamelles de rutabagas (quand il y avait des malades ou des mortes dont on leur laissait la ration). Dans les blocks, lorsqu'on énumérait les précieuses denrées qui hantent le cerveau des affamés, nous avons entendu souvent répondre : "D'abord du pain, beaucoup de pain".

Ensuite, lorsque l'estomac est plein naît, une autre faim de viande, de graisse, de fruit - et, au fur et à mesure que cette "faim secondaire" est satisfaite, la consommation de pain, de pommes de terre, de riz (voire de rutabagas) diminue.

Dans les campagnes d'Algérie, les enquêtes que j'ai faites sur les consommations familiales me permettent de penser que la "faim primaire" est, vaille que vaille, grâce à l'émigration des travailleurs algériens en France, à peu près satisfaite. Pas tout le temps et pas pour tout le monde, car, hélas ! au moment de la soudure (janvier-février), on connaît en Kabylie, dans certaines maisons, la galette de glands et, dans les Aurès, les baies de genévrier bouillies. Quant à la "faim secondaire", seules les familles riches (un dizième de la population) et celles des travailleurs de l'industrie (100 000 travaillant sur place, 400 000 émigrés en France) peuvent la rassasier.

Lorsque dans un gourbi de Zaccar, de l'Ouarsenis, je demandais combien de temps dure "une charge" de blé ou d'orge, si la réponse correspondait à une consommation supérieure à un litre par personne et par jour, je savais que la "faim primaire" était apaisée, mais que la "faim secondaire" planait en permanence sur le pauvre foyer. Lorsque la consommation des céréales diminuait, cela signifiait ou bien l'aisance (un peu de sucre, un peu de beurre, un peu de viande et de lait), ou bien le dénuement total et la faim qui fait mal au ventre.

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Jeune fille réalisant un bouquet de blé, Algérie, circa 1910 (source)

Or, il ne faut pas l'oublier, un homme algérien adulte sur deux a vécu en France et, à l'arrière-plan de cette misère qu'il a sous les yeux, il peut évoquer (et il évoque) des images d'un autre monde : enfants joyeux, bien habillés, bien débarbouillés, qui mordent dans la tartine du goûter en revenant de classe, ménagères affairées faisant leurs copieuse emplettes du jour, et ces petites cuisines chaudes et commodes qu'on aperçoit parles fenêtres, le soir, entre le moment où la lampe s'allume et celui où se ferment les volets...

 

l'Algérien qui a travaillé en France, un privilégié...

Certes, l'homme qui travaille ou qui a travaillé en France est, par rapport à ses autres compatriotes, un privilégié : sa famille est moins mal nourrie, moins mal vêtue que celle de ses voisins, il participe aux avantages acquis par les travailleurs français, du moins dans le domaine du salaire, puisque nos lois exigent qu'on le paie au même tarif que son camarade métropolitain.

Voyons cependant les conditions de vie de ce privilégié : il gagne en France théoriquement autant que l'ouvrier d'ici, mais l'ouvrier d'ici vit en famille ; en ville, bien souvent, sa femme travaille de son côté et le ménage (qui subsiste sur deux salaires) dispose d'un peu plus que le strict nécessaire - cet "un peu plus", c'est justement une des conditions du bonheur. Lorsque la femme ne travaille pas, elle administre la maison, cuisine, lave, coud, repasse, fait le marché, économise...

Dans la famille ouvrière musulmane, il n'y a qu'un seul salaire et, en moyenne, deux fois plus d'enfants ; c'est l'homme qui fait le marché, qui coud, qui calcule, qui administre, c'est lui qui soigne le bébé malade et, lorsque l'enfant ne peut être nourri par sa mère, il arrive que ce soit le père qui doive faire le biberon. J'ai connu, dans des milieux divers, des hommes qui avaient patiemment transmis à leurs femmes quelques-uns des miettes de civilisation ramassées dans leurs voyages, mais ils avaient, croyez-moi, du mérite ; les autres - la majorité - renoncent. Je me souviens d'un petit fonctionnaire dont tous les enfants étaient trachomateux, disant à un coreligionnaire qui lui donnaient des conseils d'hygiène : "Tu sais bien que nous avons tous épousé des s...".

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carte postale ancienne, avant 1910

Les femmes, du moins, ignorent-elles qu'il existe une autre condition que la leur ? Même pas. Dans les villes, elles vont maintenant au cinéma, elles écoutent la radio (chez elle ou chez une voisine, peu importe), elles parlent entre elles, elles s'informent et, même dans les villages du bled, j'ai entendu cette année des réflexions stupéfiantes d'amertume. Elles savent qu'il est plus facile, dans leur pays, de répudier une épouse honnête et de la séparer à jamais de ses enfants, que dans le nôtre de renvoyer une domestique.

Femmes mariées de force, petites filles vendues légalement à des vieillards, polygamie, spoliation des veuves et des orphelins, cohabitation avec les beaux-parents et, quelquefois, les beaux-frères et les belles-soeurs, tout cela est vu et senti comme une odieuse contrainte.

Lorsque, dans un bidonville de Constantine ou d'Alger, on demande aux enfants ce qu'ils veulent faire quand ils seront grands, les petits garçons (comme tous les petits garçons d'Europe ou d'Amérique) parlent d'une belle auto, mais les petites filles veulent presque toutes être institutrices - et ne pas se marier. Or, quelle chance le garçon a-t-il d'avoir une auto s'il reste dans son pays ? Quant à la fille, elle sera mariée avant quinze ans, peut-être de force et peut-être à un vieux retraité en âge d'être son grand-père.

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"Tout cela, c'est bien leur faute", disent certains colons. "Pourquoi divorcent-ils pour le moindre caprice ? Pourquoi séparent-ils sans pitié les mères de leurs enfants ? Pourquoi traitent-ils si mal leurs femmes ? Pourquoi ont-ils tant d'enfants ? Et si ce n'est pas leur faute, c'est celle de leur religion. En tout cas, pas la nôtre".

Non, ce n'est pas leur faute, et pas davantage celle des colons, et pas non plus celle de l'Islam (2), mais c'est la faute d'un certain état social, directement issu du choc de leurs institutions avec les nôtres. Et, à l'intérieur de cet état social, il n'est plus possible de vivre.

Les deux millions de musulmans qui sont, économiquement, des Européens, bien que relativement favorisés par rapport à leurs coreligionnaires, n'en sont que plus sensibles aux mille brimades que la désagrégation sociale de leur pays accumule contre eux. Comme il faut bien un responsable de tant de grands malheurs ou de petites vexations, on s'en prend au "colon" ou au "colonialisme" (qui ne sont ni l'un ni l'autre, complètement innocents ou complètement coupables).

Selon un processus bien connu, les hommes appartenant au groupe économiquement favorisé, mais brimé socialement et politiquement (3), ont constitué les cadres de la révolution actuelle, en sorte que, s'ils réussissent, certains figureront parmi les éléments qui chercheront à émigrer (probablement en France) pour échapper au désastre qu'ils auront contribué à provoquer. Il faut bien avouer que cette perspective a pour nous quelque chose d'agaçant, mais c'est à ce genre de sottises qu'il faut s'attendre lorsqu'on laisse dans un pays s'instaurer une situation anormale ; et c'est au fond tout aussi naturel et pas plus gribouille que les sottises qui ont été, en sens inverse, accomplies là-bas par la minorité qui se réclame de la France. Dans les deux cas, on lance un boomerang et on reçoit en plein crâne le coup qu'on destinait à "l'homme d'en face".

S'il y a, en Algérie, un être humain sur trois qui est, économiquement, un Européen, que sont les deux autres ?

Des gens qui ne participent à aucun des substantiels avantages de notre civilisation, mais qui néanmoins les connaissent infiniment mieux, les désirent infiniment plus et sont, pas conséquent, infiniment plus aptes à s'en servir que n'importe quels habitants des autres pays d'Afrique ou d'Asie.

 

l'indépendance n'y changera rien...

Ce contraste cruel doit être médité par les hommes d'affaires internationaux. Ailleurs - la condition de gaver d'argent une poignée de petits tyrans -, on peut encore exploiter à peu près en paix des gisements fructueux. Pas en Algérie. Et, à ce point de vue, on peut vraiment dire que "l'Algérie, c'est la France", car j'ose affirmer que, tant que tous les Algériens n'auront pas le minimum vital français, aucun capital ne pourra être investi, avec sécurité, dans leur pays. L'indépendance n'y changera rien - je dirais même : au contraire - car toutes ces amertumes, toutes ces frustrations qui convergent sur l'homme algérien se confondent plus ou moins avec la revendication politique de l'indépendance. Qu'est-ce que l'indépendance pour le fellagha militant ? "C'est la fin de notre misère", disent-ils, c'est-à-dire : du travail, des écoles, des maisons, des femmes propres et actives, de l'argent, des terres, du pain... Et pas un État arabe ? Mais si, bien sûr : un État arabe qui donnera tout cela - sinon, gare à lui, car c'est pour tout cela qu'on se bat, amèrement et douloureusement.

Et ces faits devraient être médités aussi par les chefs nationalistes et par les hommes d'État voisins de l'Algérie.

"Tout-ce-que-la-France-a-fait-en-Algérie" (des hôpitaux, des routes, des installations portuaires, des grandes villes, une petite industrie, le quart des écoles nécessaires) et "Tout-ce-que-la-France-n'a-pas-fait-en-Algérie" (les trois quarts des écoles nécessaires, d'autres industries, un plan agricole avec la réforme agraire et les techniciens qu'elle exige...) constituent, ensemble, une sorte de mélange détonant où nos méfaits et nos bienfaits se confondent avec une nocivité provisoirement équivalente et réciproquement renforcée.

Et maintenant que le bien et le mal que nous avons faits s'additionnent pour constituer une des plus redoutables machines infernales du globe, il faut bien avouer que le rêve d'une partie des Français serait de laisser l'Algérie et les Algériens se débrouiller en toute indépendance, dans leurs problèmes. Or, ces problèmes, nous avons entrepris de les résoudre et ils étaient désormais solubles, au prix d'un effort énorme, mais qui n'excède pas nos moyens. Sans nous, ils ne peuvent plus désormais être résolus, quoi qu'il arrive.

Germaine Tillion, L'Algérie en 1957,
Éditions de Minuit, 1957,p. 65-79

 

 

(1) Revenu moyen d'un Algérien, par an : 54 000 fr. ; d'un Italien du Sud : 50 000 fr. ; d'un Égyptien : 40 000 fr. ; d'un Hindou : 35 000 fr. ; d'un Arabe du Yémen : 14 000 fr.

(2) L'Islam est plus tolérant que l'Église catholique en matière de contrôle des naissances et, au VIIe siècle, époque où le Coran fut promulgué, la condition de la femme ne différait guère de pays musulmans à pays chrétiens.

(3) Il existait en Algérie, avant 1954, deux groupes d'électeurs : le Premier et le Second Collège. Chaque Collège avait le même nombre de représentants. Le Second Collège comprenait la plupart des électeurs musulmans ; le Premier Collège groupait les électeurs d'origine européenne, les électeurs autochtones juifs et certains musulmans (en particulier les Anciens Combattants). Au dernier recensement électoral, 570 000 électeurs (correspondant approximativement à une population de 1 250 000 non-Musulmans et de 350 000 Musulmans) constituaient le Premier Collège, tandis que le Second Collège (avec 1 450 000 électeurs) aurait dû représenter la quasi-totalité de la population musulmane, soit plus de huit millions d'âmes. Il est facile d'en conclure que le vote d'un électeur du premier Collège avait, pour le moins, six fois plus de valeur que celle d'un électeur du Second Collège.

 

Alg_rie_57_couv_recto
L'Algérie en 1957, Germaine Tiliion

 

Alg_rie_57_couv_verso
quatrième de couverture

 

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15 avril 2008

Débaptiser les rues "19 mars 1962" ?

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Faire débaptiser légalement

les rues mensongères

"19 mars 1962, fin de la guerre d'Algérie"

communiqué de l'A.S.A.F.

"19 mars 1962, fin de la guerre d'Algérie" et le Tribunal administratif

 

Lorsque le Maire d'une commune fait voter par son Conseil Municipal le baptême d'une voie «19 mars 1962, fin de la guerre d'Algérie», tout citoyen, et encore plus un membre d’une Association de Français Rapatriés ou d’Anciens Combattants, ou mieux encore, un conseiller municipal, a le droit de saisir le Tribunal Administratif du département : en effet, on ne peut afficher publiquement ce qui est contraire à la loi.

C'est la loi du 9 décembre 1974 qui a fixé la période, des opérations en AFN du 1er janvier 1952 au 2 juillet 1962. De plus, la loi du 18 octobre 1999 substitue à l'expression «opérations en AFN» celle de «Guerre d'Algérie et combats en Tunisie et au Maroc» et rappelle la période «entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962».

Ne pas oublier qu'il s'agit de saisir le Tribunal Administratif pour faire annuler une délibération en faveur d'une voie du 19 mars portant mention «FIN DE LA GUERRE D'ALGÉRIE». Le recours est à déposer sous forme de lettre recommandée avec A.R., et, à l'audience, il faudra fournir un mémoire* assez court. La procédure est gratuite.

 

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* voir le site JPN

Associations pouvant vous aider dans la préparation du mémoire
A.S.A.F http://asafrance.chez-alice.fr/Sommaire.htm
18, rue de Vézelay, 75008 PARIS - Tél/fax : 01 42 25 48 43
Courriel : mailto:asaf.paris@libertysurf.fr

 

VERITAShttp://veritas.cybermatrice.biz/z_4647/index.asp?page=1
Maison Alphonse Juin - B.P 21- 31620 – FRONTON
Télécopie : 05.61.09.98.73.
Courriel : maito:c.comiteveritas@tele2.fr

 

JEUNE PIED-NOIR – BP 4 – 91570 Bièvres
mailto: jeunepiednoir@wanadoo.fr
http://pagesperso-orange.fr/jeunepiednoir/jpn.wst

 

drapeau_et_m_dailles
source


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25 mars 2008

personnel infirmier Maroc colonial

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une rature anonyme a effacé le drapeau tricolore français...

 

statut du personnel infirmier français dans

le Maroc de l'époque coloniale

 

question

Monsieur
Je vous prie juste de m'informer pour effectuer recherche sur statut des personnes infirmier français à l'hopital d'Oujda (époque coloniale) dépend de quel ministère
Cordialement votre

___________________________________

 

réponse

Diapositive2

Des investigations préalables dans plusieurs centres d'archives semblent nécessaires. Mais la priorité est à accorder aux archives du ministère des Affaires étrangères :

 

 

 

1) archives du ministère des Affaires étrangères (MAE au quai d'Orsay à Paris)

C'est le premier ministère concerné puisque le Protectorat était sous le contrôle des Affaires étrangères :

- fonds versés aux archives du MAE

- état des versements : Protectorat français au Maroc (version pdf)

 

2) mission des archives nationales auprès du ministère du Travail, des relations sociales...

- coordonnées de la mission

- responsable : Hélène Lhoumeau : helene.lhoumeau@sante.gouv.fr

 

3) Centre des archives contemporaines (CAC) à Fontainebleau

- page d'accueil du site du CAC - voir l'état des versements

 

4) Centre des archives d'Outre-mer (CAOM) à Aix-en-Provence

- page d'accueil du CAOM

- faire une recherche au CAOM

Michel Renard

 

Diapositive2

 

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17 mars 2008

Oujda et l'amalat

Lyautey_inspecte_Oujda

 

l'amalat d'Oujda

 

chercher un livre
bonjour à toutes et à tous,voilà je cherche un livre ecrit par un officier français,durant la première periode de la colonisation d'oujda (MAROC)à partir de 1907.ce livre a pour TITRE :(oujda et l'amalat),d'après un vieux vétérant,ce livre existait dans la bibliothéque de tlemcene(ALGERIE),son auteur pourrait etre un certain lieutnant voinot ou voinau ou vainau ?je vous remercie infinement,

posté par Kortas, 17 mars 2008 à 14 h 41


__________________________

 

Oujda_d_fil__zouaves_1907
occupation française d'Oujda, avril 1907 : défilé des zouaves dans les rues

 

réponse

Voici la note du catalogue de la BnF (Bibliothèque nationale de France) relative à cet ouvrage :

type :  texte imprimé, monographie
Auteur(s) : Voinot, Louis (1869-1960)
Titre(s) : Oudjda et l'amalat, Maroc [Texte imprimé] / capitaine L. Voinot
Édition :  [Reprod. en fac-sim.]
Publication : Saint-Germain-en-Laye ; [Marly-le-Roi] (BP 105, 78160 Cedex) : les Enfants de l'oriental, cop. 1988-1989
94-Périgny-sur-Yerres : Impr. Arts graphiques de la Brie
Description matérielle :   2 vol. (585-84 p.-XXVI f. de pl.-[2] dépl.) : portr. ; 25 cm

Note(s) Contient : "Relations algéro-marocaines sur la frontière du Tell de 1848 à 1907 : extrait". - En appendice du vol. 2, choix de documents. - Bibliogr. vol. 1, p. 4-8
Reproduction : Fac-sim. de l'éd. d'Oran : L. Fouque, 1912

 

et voici la notice auteur :

Voinot, Louis (1869-1960)  

  Nationalité(s) :  France
  Langue(s) :  français
  Sexe :  masculin
  Responsabilité(s) exercée(s) sur les documents :  Auteur
  Naissance : 4 décembre  1869
  Mort : 20 juillet 1960

Colonel. - Écrivain militaire, géographe et historien, spécialiste du Maroc

Source(s) :

- Le Tidikelt : étude sur la géographie, l'histoire, les mœurs du pays / Louis Voinot, 1995.

- Oudjda et l'amalat, Maroc / capitaine L. Voinot, cop. 1988 [Fac-sim. de 1912]

 

Je ne crois pas qu'il soit en ce moment disponible à la vente. Par contre, on trouve le Tidikelt :

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VOINOT L. - Le Tidikelt. Etude sur la géographie, l'histoire, les moeurs du pays. Extrait de : Bulletin de la Société de Géographie et d'Archéologie de la Province d'Oran.
Oran, Imprimerie L. Fouque, 1909.
In-8 broché, 155 pages, 10 figures dans le texte, 23 planches offrant de nombreuses illustrations dont 9 cartes et plans. (Rousseurs au titre, dos remplacé en kraft.) BON EXEMPLAIRE.

Cet ouvrage vous est proposé par la Librairie Picard.

Euro 60.00 |  commander ce livre

00063

 

 

 

 

Autre possibilité :

commander le livre aux éditions Gandini

 

 

On trouve également :

Sur les traces glorieuses des pacificateurs du Maroc, Louis Voinot; 1939.

Préface du General DOGUES , illustrations de TH. J. DELAYE CHARLES LAVAUZELLE ET CIE 1939 TRES BELLES ILLUSTRATIONS , cartes dépliables

commander ce livre

__________________________

 

Que signifile le terme "amalat" ?
- "Les indigènes (nommaient) amalat, suivant les uns, le territoire régi par un caïd, suivant les autres, une circonscription financière" (Bulletin de la Société de géographie, 1861).

 

Michel Renard

 

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20 février 2008

France-Algérie : l’impossible travail historique (Daniel Lefeuvre, Michel Renard)

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France-Algérie :

l’impossible travail historique

Daniel LEFEUVRE - Michel RENARD


«Dépasser le contentieux historique» qui oppose la France et l’Algérie, tel et le vœu d’un appel lancé par des universitaires et diverses personnalités françaises et algériennes.
Au-delà de la démarche généreuse dont il témoigne, et à laquelle nous sommes sensibles, ce texte suscite bien des réserves qui justifient que nous ne pouvons nous y associer.

Ses auteurs appuient leur démarche sur l’idée que le passé colonial ferait «obstacle à des relations apaisées entre la France et les pays qu’elle a autrefois colonisés», en particulier avec l’Algérie. Dès lors, ils pressent «les plus hautes autorités de la République française de reconnaître publiquement l’implication première et essentielle de la France dans les traumatismes engendrés par la colonisation».

Comment ne pas s’étonner du recours à une conception aussi simpliste de la causalité en histoire qui ressemble plus à la théorie du «premier moteur» d’Aristote qu’aux structures de longue durée de Fernand Braudel ou aux temporalités plurielles et fragmentées de l’historiographie des mémoires. S’il fallait penser les relations entre la France et le Maghreb en terme de traumatismes, pourquoi alors ne pas revisiter une histoire longue, également «traumatique», intégrant les conquêtes arabes, la piraterie «barbaresque» et la mise en esclavage des chrétiens faits captifs ?

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il n'y a pas de "traumatisme" unilatéral...

l'usage politique de l'histoire par les dirigeants algériens

En réalité, les auteurs du texte semblent avoir été piégés par la rhétorique des dirigeants algériens qui, pendant la guerre d’Algérie et depuis l’indépendance du pays, utilisent une histoire mythifiée et diabolisée de la colonisation pour justifier leur dictature sur le peuple algérien, l’incurie de leur gestion, la prévarication des richesses nationales, en particulier des hydrocarbures, leur incapacité à assurer sécurité et progrès social à leurs concitoyens.

Ce n’est pas le passé colonial, en lui-même, qui fait obstacle à des relations franco-algériennes apaisées, mais bien plutôt l’usage politique et diplomatique qu’en font, selon les circonstances, les dirigeants algériens. La démagogie historique qu’ils déploient vise surtout à manipuler les ressentiments et les frustrations de la population ainsi qu’à mettre en difficulté le partenaire français. Quel autre sens accorder à cette mise en accusation des faits du passé ? Et quel sens aujourd’hui à vouloir les juger ? Le colonialisme serait-il d’actualité ? La re-colonisation de l’Algérie serait-elle planifiée ? Quand l’Algérie était sous domination française, les contemporains ont eu à réagir, et nombre d’entre eux l’ont fait. Mais, comme Marc Bloch le soulignait, «Le passé est, par définition, un donné que rien ne modifiera plus» et l’historien ne peut que l’étudier et s’attacher à le comprendre. Tout le reste n’est que littérature ou posture d’un anticolonialisme anachronique.

 

1954-1962 : "guerre d'indépendance algérienne"...?

L’appel parle de «la guerre d’indépendance algérienne». Cette formulation qui se substitue à celle, communément admise de «guerre d’Algérie», conduit, en premier lieu, à caractériser un événement par sa fin : l’indépendance de l’Algérie. Rien ne permettait, ni en 1954 ni dans les années qui suivirent, de prévoir cette issue qui ne se dessine véritablement qu’à partir de septembre 1959. Gilbert Meynier, dans son Histoire intérieure du FLN, écrit qu'en 1956 : "le FLN mettait en avant le préalable de la reconnaissance par la France de l'indépendance, alors qu'au fond il aurait à l'époque transigé sur des formules de compromis". Le même auteur relève que dans les Mémoires du colonel Ali Kafi, "la guerre d'Algérie est dite commencer effectivement en août 1955"…

Selon cette conception, Sur le modèle de cette nouvelle appellation, la Révolution française de 1789 devrait désormais être appelée «L’avènement de Napoléon Ier», tandis que la Première Guerre mondiale serait rebaptisée «L’effondrement des Empires centraux». Il y a déjà plus de deux siècles que Voltaire, critiquant Bossuet,  avait raillé cette conception finaliste de l’histoire.

En outre cette formule masque les réalités d’un conflit qui ne s’est jamais résumé à un affrontement binaire entre «indépendantiste» algériens et forces coloniales, mais qui a aussi été une guerre civile déchirant le peuple algérien. Elle dissimule la terreur à laquelle le FLN a systématiquement eu recours pour s’imposer au peuple algérien jamais spontanément ni massivement rangé derrière lui. Elle ignore que, jusqu’aux derniers mois de la guerre, un nombre considérable d’Algériens espérait le maintien, sous une forme ou une autre, de la présence française. Elle tait l’affrontement meurtrier entre le FLN et le MNA (cette «guerre dans la guerre», selon l’expression de Mohammed Harbi) dont le bilan se chiffre à plusieurs dizaines de milliers de victimes : militants assassinés en Algérie mais aussi en France, travailleurs immigrés et populations de douars, refusant de payer l’impôt révolutionnaires ou coupables de sentiments messalistes, communistes ou pro-français, massacrés tels les 301 habitants de la mechta Kasba, le 29 mai 1957.

À l’instar des dirigeants algériens, le texte fait ensuite une présentation partiale et réductrice des réalités coloniales, restrictivement évoquées dans leur dimension tragique et qu’ils qualifient de «système», ce qui supposerait une homogénéité de la colonisation dans l’espace et le temps alors que toutes les études historiques en ont établi, au contraire, la grande diversité et les évolutions.

 

"le colonialisme, vieux croquemitaine"

Germaine Tillion

Sont alors dénoncés les «massacres de centaines de milliers d’Algériens», leur dépossession, leur «clochardisation», leur soumission au Code de l’indigénat, etc. Autant d’affirmations qui méritent un examen plus attentif.
Massacre de centaines de milliers d’Algériens ? Les pétitionnaires auraient pu être plus rigoureux. Pourquoi se contenter d’une telle approximation sur le bilan humain de la colonisation et de la guerre d’Algérie qui laisse la porte ouverte à toutes les interprétations possibles ? Pourquoi ne pas préciser que la conquête a tué environ 250 000 Algériens et la guerre d’Algérie moins de 250 000, selon Ch.-R. Ageron, dont une cinquantaine de milliers tombés sous les coups du FLN ? Est-ce pour ne pas contredire ouvertement les mythes propagés par le pouvoir algérien, en particulier celui du million, voire du million et demi, de victimes de la guerre d’Algérie ? Mais alors, comment concilier cette concession au mensonge avec l’exigence de «voir en face le passé» proclamée quelques lignes plus haut, sauf à estimer que cette Horace_Vernet_bataille_Somah_1836exigence ne s’impose qu’à la France - le pouvoir et de nombreux intellectuels algériens en étant, pour leur part, exonérés ?

Tous les morts ont-ils été massacrés, c’est-à-dire tués dans des conditions odieuses ?  Évidemment non : beaucoup sont morts au combat, les armes à la main. Certes il y eut des massacres, comme les quatre (voire cinq) terribles «enfumades» de la conquête (1844-1845). Mais au total, ceux-ci ont été peu nombreux et ne constituent en rien l’ordinaire des combats. Les populations civiles algériennes ont également payé un lourd tribut à la conquête et à la guerre d’Algérie, mais jamais – exceptées lors des enfumades et des représailles aveugles qui suivirent les soulèvements du Constantinois de mai 1945 et celles engagées après la tuerie des civils européens de la mine d’El-Halia du 20 août 1955 – elles ne subirent de massacres en nombre.

«Dépossession» des Algériens. De tous ? Certes, la colonisation a bien été une entreprise de spoliation massive des terres. Au total, la propriété européenne qui a couvert un peu plus de deux millions d’hectares, en est en bonne part le produit. Mais, dès 1830, elle s’est également développée par le fait d’acquisitions commerciales. Quant à la propriété  «indigène», représentant plus de sept millions d’ha (il est vrai souvent de qualité moindre), elle est loin d’avoir totalement disparu. Et, comme l’a montré l’historien économiste Ahmed Henni, une «classe moyenne» de paysans algériens s’est développée, dès les lendemains de la Première Guerre, en s’intégrant à l’agriculture coloniale, notamment à la viticulture. Ainsi, loin d’avoir été tous victimes de la colonisation, de nombreux Algériens, et pas seulement dans la paysannerie, en ont-ils aussi tiré profit.

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«Clochardisation à grande échelle». Les auteurs s’appuient, pour justifier cette affirmation sur Germaine Tillion qui utilise effectivement ce terme, page 27 de son livre L’Algérie en 1957 (Édition de Minuit, Paris, 1957). Mais la célèbre ethnologue ne donne pas à ce phénomène la même explication que les auteurs de la pétition. C’est même tout le contraire. Il aurait été honnête de le signaler. G. Tillion relève qu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale, au moment où elle les quitte, les Algériens des Aurès, parmi lesquels elle vécut de longues années, «étaient tous très pauvres […] Mais normalement ils avaient – tout juste – le nécessaire pour manger.» Elle les retrouve, en décembre 1954, clochardisés. Ainsi, première rectification, la «clochardisation», dénoncée par la pétition, apparaît-elle tardivement dans l’histoire de l’Algérie coloniale, plus de cent ans après la prise d’Alger. Comment l’expliquer ? Est-ce le fait du colonialisme ?

Germaine_Tillion_jeune

Laissons la parole à G. Tillion : «seconde  série d’explications, également classique : le Colonialisme, vieux Croquemitaine». Or, relève l’ethnologue, «il n’y a jamais eu de colon, ni hier ni aujourd’hui, à moins de cent kilomètres à la ronde et seuls le vent de sable et les chèvres peuvent à la rigueur être accusés d’une diminution des terres cultivables (mais ce n’est pas le "colonialisme" qui a inventé les chèvres et le vent).» [op. cit., p. 28].

En réalité, rectifie G. Tillion, «la présence française», pour être invisible, était «omniprésente» et distribuait «à pleines mains le Bien et le Mal» : grâce à l’action menée contre le paludisme, le typhus exanthématique et la typhoïde, ces maladies «qui dévastaient encore la région il y a quinze ans ont à peu près disparu […] Dans la période antérieure, c’était [sic !] la peste et le choléra qui, par les soins invisibles de nos médecins, avaient opéré la même sortie discrète. À peu près dans le même temps, les famines mortelles et les guerres de tribu, surveillées, de loin, par les Services Préfectoraux, allaient rejoindre les vieilles légendes du passé.» [idem, p. 29]

Autrement dit, s’il faut chercher une explication à la clochardisation, c’est, selon G. Tillion, dans le fait que la colonisation a créé les conditions d’une explosion démographique qui épuise les sols, réduit les rendements et les productions, sans avoir, parallèlement, développé d’autres sources d’emplois et de richesses, en particulier l’industrialisation de la colonie. Dans sa conclusion, d’ailleurs, Germaine Tillion ne condamne pas la colonisation, mais au contraire réclame de la France un surcroît d’investissements économiques, sociaux, éducatifs en Algérie, afin de ne pas laisser les Algériens «au milieu du gué


"repentance" ou "victimes expiatoires" : un même registre...

Dans une volonté d’équilibre, le texte rappelle, mais cette fois-ci uniquement sur un mode allusif, les «multiples souffrances de Français», parmi lesquels «les déportés en Algérie pour raisons politiques». Faut-il le préciser, la plupart de ces «déportés» politiques ont été expédiés dans la colonie pour avoir participé aux journées révolutionnaires de juin 1848 ou s’être opposés au coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte. Ils ne sont donc en rien des victimes de la colonisation. La plupart, d’ailleurs regagnent la France sitôt amnistiés. Restent ceux qualifiés de «victimes expiatoires» du système colonial lors de son effondrement. Pourquoi ne pas les nommer ?

Pourquoi ne pas parler explicitement du sort des Français d’Algérie ? Pourquoi ne pas rappeler la spoliationOran_1962 massive de leurs biens par l’État algérien et au profit, pour l’essentiel, des nouveaux dignitaires du régime ? Pourquoi ne pas évoquer leurs morts et leurs disparus, notamment ceux qui, plus de 3 000, ont été enlevés par le FLN et, pour la plupart d’entre eux, massacrés même après les accords d’Évian (18 mars 1962). Seraient-elles des victimes historiquement incorrectes pour l’instauration de relations apaisées avec l’Algérie ? Pourquoi, enfin, alors les auteurs, qui récusent l’idée de repentance pour son caractère «religieux», recourent-ils à la parabole biblique de la victime «expiatoire» pour expliquer les malheurs de ceux qu’on appelle désormais les «pieds-noirs» ? Comment des historiens, des politistes, des sociologues peuvent-ils se contenter d’une telle explication, qui fait de la colonisation un péché, sinon parce qu’autrement il faudrait envisager sérieusement l’hypothèse que pour le FLN, ou du moins pour les fractions triomphantes du FLN, la guerre d’Algérie a été, aussi, une guerre d’épuration ethnique et que l’expulsion des Français était partie intégrante de leur projet politique ?

«Enrôlés dans un guêpier qu’ils ne maîtrisaient pas» les harkis ? Cessons, d’abord, de tous les considérer comme les objets passifs d’une histoire qui les aurait dépassés. Beaucoup se sont engagés par conviction, par fidélité à la France pour laquelle ils avaient combattu pendant la Seconde Guerre mondiale, d’autres pour se venger d’exactions commises par le FLN à l’encontre d’un proche, d’autres encore, et en toute connaissance de cause, pour percevoir le salaire nécessaire à leur famille, etc. Victimes «expiatoires» eux aussi ? Ou plutôt victimes d’une double raison d’État ? Celle de l’État-FLN qui fonde dans le sang le mythe du peuple algérien uni contre le colonialisme. Et celle de l’État français qui instaure, alors, un déni rétrospectif de ce qu’a été la rencontre «franco-musulmane» durant la période coloniale, tout en semblant craindre une immigration algérienne massive vers la métropole.

Boutef Enfin, quel pays, aujourd’hui, «utilise les mémoires meurtries à des fins politiques», sinon l’Algérie ? Qui instrumentalise un passé réécrit pour la circonstance ? Qui évoque les soi-disant «génocides» perpétrés par la France en Algérie ? Qui, sinon les responsables algériens ?

Il est bien inutile de s’indigner contre les «entreprises mémorielles unilatérales» parce que, par définition, la mémoire est toujours spécifique à un individu ou à un groupe. Comme telle, elle est nécessairement unilatérale et ne saurait être partagée avec d’autres individus ou d’autres groupes n’ayant pas vécu les mêmes événements. Seul, et nous rejoignons sur ce point les auteurs de l’appel, «un travail historique rigoureux» est possible.

Mais comment pourrait-il se faire, aujourd’hui, dans ce «partenariat franco-algérien» que le texte réclame, dès lors qu’en Algérie, une histoire officielle corsète la recherche et sa diffusion ? que la plupart des archives, notamment celle du FLN, restent pour l’essentiel fermées aux chercheurs ? Dès lors, au fond, que l’histoire, qui reste un élément central de justification du pouvoir pour des caciques qui n’ont plus guère d’autre source de légitimité, ne dispose d’aucune véritable liberté ? À moins, et le contenu du texte est hélas ! sur ce point particulièrement ambigu, d’entrer dans le jeu des autorités algériennes.

Daniel Lefeuvre, professeur d’histoire contemporaine,
Université Paris VIII Saint-Denis
Michel Renard, professeur d’histoire au lycée
de Saint-Chamond, chercheur

 

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