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études-coloniales
26 octobre 2020

mémoire France-Algérie (relais d'un texte de la FMGACMT)

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mémoire France-Algérie

une déclaration de la Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie (FMGACMT)

 

La France a remis à l’Algérie, le 3 juillet 2020, 24 crânes de combattants d’un passé lointain, celui de la conquête française. Il appartient aux historiens d’éclairer ce passé et rappeler la violence et la cruauté des affrontements ayant opposé tribus installées et forces françaises.

Il faut simplement rappeler que les conditions d’une guerre asymétrique alimentaient un cycle de représailles et contre-représailles où prévalait une sauvagerie largement distribuée dans les deux camps. Ces épisodes ont aussi une signification rétrospective : la France qui se glorifiait à juste titre d’avoir mis fin au système de la prédation esclavagiste installé à Alger, n’était pas acceptée si elle pensait s’installer en nouveau Régent d’une terre lointaine et rétive dont le seul ferment d’homogénéité était la religion musulmane.

La restitution du 3 juillet est bienvenue. Pas seulement pour des raisons historiques mais également humaines et religieuses. On se demande même pourquoi il a fallu attendre si longtemps ! Elle serait encore mieux accueillie si elle ouvrait une période nouvelle dans la clarification mémorielle entre la France et l’Algérie. Il est temps en effet de reprendre le fil d’un vrai dialogue dont les bases doivent être rappelées.

La première est que la mémoire n’est pas une prise de guerre. Elle se nourrit principalement de conflits fondateurs mais ne peut passer le cap de la sélection historique que si elle les met au service d’une construction positive. Ce n’est pas encore le cas avec l’Algérie qui, cinquante-huit ans après son indépendance, vit dans une ambivalence totale avec la France. Une ambivalence qui trouve son reflet de l’autre côté de la Méditerranée.

La relation est un jeu d’ombres dont les seules lumières sont des propos antagonistes violement assénés ou des retrouvailles circonstancielles sans lendemain véritable. Du moins dans la sphère étatique qui a connu plusieurs nouveaux départs aussi décevants qu’ils s‘avéraient prometteurs : 1962, 1978, 1981, 2000, 2003, d’autres encore. Dans cette pénombre chacun veille sur des intérêts précis parfaitement catalogués depuis 1962.

L’économie, l’immigration, quelques coopérations spécifiques qui peuvent varier et parfois même toucher des sujets sensibles. C’est un pacte tacite qui permet l’expression libre de tout le reste. Les avantages en sont évidents en particulier pour l’Algérie, celui du rappel permanent de la légitimité issue de la guerre d’indépendance, ce qui est normal, assorti de la désignation tout aussi permanente d’une France adverse et coupable, ce qui est destructeur.

La seconde est que le dialogue mémoriel entre nations libres ne se développe que dans le respect de l’esprit et de la lettre de leurs souverainetés respectivesDans la relation mémorielle franco-algérienne, deux éléments sont préoccupants. D’abord la violence du langage algérien incompatible avec une relation apaisée, en tout cas le meilleur moyen d’en retarder l’émergence. D’autre part la gestion algérienne du curseur historique qui au fur et à mesure que les années passent remonte dans le temps.

Le paroxysme de 1954-1962, même celui de 1945-1962 si l’on débute par le 8 mai 1945 à Sétif, se décale peu à peu au profit d’une lecture qui incrimine 132 ans d’histoire et qui tend à ramener l’action de la France dans une veine génocidaire aussi infamante que fausse. Accessoirement à donner à un levier politique unilatéral le confort d’une condamnation morale et l’appui de nouvelles argumentations idéologiques. Dans cet esprit toute construction est condamnée d’avance, toute négociation même, avec un préalable pénitentiel d’une telle envergure.

Reste que la vie continue et que la période qui vient de s’ouvrir offre plusieurs opportunités.

D’abord un calendrier spécifique avec en ligne de mire 2022, date du soixantième anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie. C’est aussi la fin progressive d’un cycle générationnel où les mémoires qui s’estompent n’en deviennent que plus acharnées à conserver intact voire à sublimer un passé douloureux. Ces mémoires doivent être servies par des gestes concrets qui ont l’avantage de réduire l’intensité du conflit en multipliant les occasions d’exercer des choix de simple bon sens et de justice rétrospective. Les sujets ne manquent pas : réparations, essais nucléaires, disparus civils et militaires, archives, statut des personnes, symboles historiques. Un champ étendu et complexe.

Ensuite la mise en place d’une méthode de concertation équilibrée. La encore l’esprit dans lequel s’exercerait un dialogue mémoriel est déterminant. Les conclusions du rapport Stora en préparation apporteront ou non la démonstration d’un regard objectif et d’une procédure adéquate pour progresser. Les pétitions de principe ne suffiront plus face à des demandes reconventionnelles ou des préalables pénalisants. Il faut échapper au piège d’une relation condamnée à une sorte de discrétion obligatoire en raison du blocage mémoriel ou, pire encore, qui ne pourrait s’établir dans sa plénitude qu’après une pénitence française.

Sur ce moment spécifique pèse un enjeu puissant, celui de l’avenir de la relation de la France avec l’Afrique du Nord dans son ensemble, avec d’autres pays du Maghreb concernés au premier chef par cet avenir. La mémoire impacte le présent, notamment dans les jeunes générations issues de l’immigration, notamment sur la toile de fond de l’intégrisme et du terrorisme islamique qui y cherche des arguments supplémentaires pour accomplir sa sinistre besogne.

La Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie des combats du Maroc et de Tunisie conformément à la mission que lui a confié le législateur et fidèle à l’héritage d’Hamlaoui Mekachera garde en permanence la perspective de mémoires apaisées./.

 

La Fondation pour la Mémoire de la guerre d’Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie
Le 26 octobre 2020 - source

 

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Capture d’écran 2020-10-27 à 11

 

 

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26 septembre 2020

un héros du 5 juillet 1962 à Oran : Ramdane BECHOUCHE, par Jean Monneret

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un officier de la Force locale et ses soldats, 1962

 

 

un héros du 5 juillet 1962 à Oran :

Ramdane BECHOUCHE

par Jean Monneret

 

Fait inhabituel, j’ai connu Ramdane Bechouche par les archives militaires. Un colonel y signalait l’action positive d’un jeune lieutenant, dans les rues d’Oran en ce funeste 5 juillet 1962. (Dossier 1H 3206 consultable à Vincennes).

À différentes reprises, j’eus l’occasion de citer ce miltaire dans des livres ou des articles. Je citais aussi naturellement son ami, Rabah Khellif qui sauva héroïquement de nombreux pieds-noirs à l’ancienne Préfecture. Or, je constatais que ce dernier était connu de tous, ce qui n’était pas le cas de Ramdane Bechouche. Lequel avait pourtant, lui aussi, sauvé nombre de nos compatriotes. Je rappelais donc ses mérites en toute occasion.

J’eus il y a quelques années une surprise de taille. Un appel téléphonique tout simple me parvint un beau matin : «Je suis Ramdane Bechouche» entendis-je au bout du fil. Depuis, mon interlocuteur et moi sommes devenus d’excellents amis. Il m’a raconté en détail sa journée du 5 juillet 1962 à Oran.

Maître Ramdane Bechouche, aujourd’hui retraité, fut avocat à Paris durant de nombreuses années. En juillet 1962, il vivait une autre vie. Officier dans l’armée française, il fut versé dans une unité de la Force Locale, la 502e UFO (unité de la Force de l'Ordre locale, appelée communément Force localel. On l’envoya à Oran. Il y fut accueilli et installé avec ses hommes au Groupe Scolaire de Médioni par Rabah Khellif lui-même. (Lequel appartenait à la 430e UFO).

Le 5 juillet au matin, Ramdane Bechouche se trouvait avec plusieurs sections de sa compagnie à l’entrecroisement de la rue de Tlemçen et du boulevard de Mascara.

arrêter des voitures pour en libérer des Européens

À maintes reprises, il dut arrêter des voitures pour en libérer des Européens que leurs ravisseurs, souvent des ATO (auxilaires temporaires occasionnels), conduisaient en Ville Nouvelle où un sort peu amène les attendait. Le lieutenant abrita les Européens libérés dans des couloirs d’immeubles et sous des portes-cochères.

Toutefois, en début d’après-midi, un événement l’inquiéta. Une foule de Musulmans surexcités et armés de couteaux et de machettes se dirigeait droit sur lui et ses hommes. Leur intention était de prendre le Boulevard Joffre afin de gagner le Centre-Ville. Un second massacre eût alors succédé à celui du matin.

Ramdane Bechouche se demandait si sa troupe suffirait à contenir le flot qui avançait. Une main se posa alors sur son épaule : des gens du FLN, porteurs de treillis usagés et équipés de fusils et de mitraillettes se placèrent spontanément à ses côtés. Il leur procura un haut-parleur et les invita à se rapprocher de la foule menaçante pour les inciter à retourner en Ville Nouvelle. Faute de quoi, le lieutenant Bechouche n’avait pas caché qu’il ferait ouvrir le feu. La détermination de la Force Locale comme celle des gens qui l’assistaient dissuadèrent les manifestants d’avancer. Ils finirent par rebrousser chemin, ce qui évita très certainement une nouvelle tuerie.

Les pieds-noirs libérés furent protégés jusqu’au bout. Le courage et l’énergie de Ramdane Bechouche avaient permis d’éviter le pire. Rabah Khellif autre héros du 5 juillet n’est plus de ce monde mais Maître Bechouche est toujours parmi nous et il mérite, ô combien, notre reconnaissance.

Jean Monneret

 

Oran, rue de Tlemcen
Oran, la rue de Tlemcen

 

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16 septembre 2020

compte rendu de lecture : Jean Monneret, "Dissidence – Dissonance", par Roger Vétillard

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Jean Monneret, Dissidence – Dissonance,

Contre la désinformation sur la guerre d'Algérie

compte rendu par Roger Vétillard

 

Une fois n’est pas coutume, Jean Monneret historien bien connu, nous propose un véritable pamphlet. Certes, l’historien n’est pas loin derrière ses lignes, car le livre ne peut qu’avoir été écrit que par un spécialiste de la guerre d’Algérie. Monneret ne s’embarrasse pas de fioritures, ne dissimule pas son agacement devant des propos erronés, des fautes devant l’histoire ou des interprétations hasardeuses. C’est ainsi que de nombreuse affirmations incertaines de plusieurs historiens bien en cour, sont passées au moulin de la vérité.

Les démonstrations sont convaincantes et répondent fidèlement carnet de route exprimé dès les premières pages : "Durant les années 1990, la recherche historique concernant la guerre d'Algérie fut touchée par un mal insidieux et malheureusement profond. On vit monter au créneau une génération d'historiens jeunes et prétendument ''désinhibés'' mais n'ayant rien connu du conflit et n'ayant surtout qu'une idée très faible des passions et des déchirements qu'il causa. Encensés par les médias auxquels ils facilitèrent l'étrange travail de repentance qui a transformé notre pays et qui se poursuit de façon plus feutrée aujourd'hui, ils acquirent vite le monopole de la parole publique".

 

correction des historiens «désinhibés»

Ils sont ainsi plusieurs à être «corrigés» par Jean Monneret :

Benjamin Stora, le premier - pour sa préface au livre Ni valise, ni cercueil de Pierre Daum - à qui il reproche également «d’avoir le monopole des interventions télévisées sur le sujet. Aucun échange contradictoire n’est possible avec lui et tous nos présidents récents se sont crus obligés de le consulter». Et puis, Benjamin Stora heurte la sensibilité de Jean Monneret quand il déclare : «Je n’approuve pas la position de Camus sur le refus de la violence anticoloniale. Je crois malheureusement…que, pour les Algériens, il n’y avait pas d’autre issue.», dans la revue Philosophie Magazine n° 06296, page 61.

Raphaëlle Branche, à propos de l'embuscade de Palestro, sujet d’un de ses ouvrages, qui s’est «donc s’efforcé, tout au long du livre, de nous expliquer que ledit évènement se situe en un lieu historiquement particulier et que la violence des indigènes, membres de l’armée rebelle ou simples villageois, auxquels elle attribue, contrairement aux habitudes de l’époque, une nationalité algérienne putative (qu’ils n’avaient pas et dont sont déjà exclus les Européens et, accessoirement, les Juifs locaux) est, en somme, le produit d’une lourde histoire renvoyant à d’autres violences,

Sylvie Thénault à propos de l'OAS et des disparus ("On pouvait s'attendre à une analyse plus approfondie. Elle nous a paru sommaire, parcellaire").

Il s'intéresse ensuite au film Hors-la-loi de Rachid Bouchareb qui n’est qu’une "apologie de la rébellion dirigée par le FLN [...] Sur le plan strictement historique, le film en question est complètement caricatural et forme un tissu d'erreurs affligeantes".

Quelques mots sur Pierre Daum, dont le livre sur les pieds-noirs restés en Algérie, n’est que l’œuvre d’un journaliste engagé qui ignore dans ses développements partisans tous les faits qui le dérangent.

Le dernier chapitre est consacré à "l'affaire Maurice Audin", dont il remet en cause les témoignages en soulignant l'engagement idéologique des soutiens qui mettent finalement en porte-à-faux la parole présidentielle, donc celle de la France.

 Au bilan, nous dit-il «Tout ceci n'a d'autre but que d'entretenir une culture de la repentance ... L'Université, que l'on pouvait espérer à l'abri des passions partisanes est largement dominée par l'anticolonialisme de principe... Nous sommes confrontés à une dictature intellectuelle qui ne prend pas la peine de se cacher.

C’est un livre engagé, les rappels à l’ordre sont sévères. L’auteur argumente et base ses démonstrations sur des chiffres, des documents ce que ne font pas toujours ses confrères. Ce livre permet de revenir, avec des arguments parfois décisifs, sur ce qui est souvent présenté comme des lieux communs et des vérités historiques qui seraient consensuels. À lire pour se faire une opinion !

Roger Vétillard

 

Jean Monneret, Dissidence – Dissonance. Contre la désinformation sur la guerre d'Algérie
Fauves éditions, Paris, 2020, 195 pages, 19 euros. ISBN : 979-10-302-0335-6.

 

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une "apologie de la rébellion dirigée par le FLN

 

 

 

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4 août 2020

Emmanuel Macron en marche vers la repentance, Thierry Rolando

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Emmanuel Macron

en marche vers la repentance

 

Le chef de l’État, Emmanuel Macron a confirmé son grand dessein : réconcilier les mémoires françaises et algériennes. 

Deux historiens ont été, dans cette perspective, désignés par la France et l’Algérie pour bâtir ce socle mémoriel ; pour l’Algérie, Abdelmadjid Chikki, ancien combattant du FLN aux propos toujours revanchards ; pour la France, Benjamin Stora, historien idéologue militant, dont la proximité avec le pouvoir algérien a été constante. Cet entre-soi mémoriel en dit long sur la conception d’Emmanuel Macron en matière de pluralité des mémoires et des souffrances.

Le chemin semble donc tracé, c’est celui peu courageux de la repentance, qu’a choisi le chef de l’État, lui qui avait tenu, à Alger, avant son élection, des propos indignes assimilant la présence française en Algérie à un «crime contre l’humanité».

À l’heure même où les mouvements extrémistes racialistes déversent leur haine de la France et de son histoire, Emmanuel Macron a choisi de poursuivre la voie mortifère de la repentance qui ne connaît jamais de limites.

 

l'équité des mémoires

Le Cercle algérianiste rappelle que le chemin de la paix entre la France et l’Algérie exige l’équité des mémoires et que chacun reconnaisse sa part d’ombre.

Comment accepter une nouvelle auto-flagellation de notre pays alors même que l’Algérie n’entend ni reconnaître les pratiques esclavagistes de ceux qui occupaient le pouvoir à Alger avant la France, ni les crimes commis par le FLN contre des dizaines de milliers de Pieds-Noirs et de Harkis, drame politiquement incorrect sur lequel Emmanuel Macron préfère jeter un voile d’ombre ?

Le Cercle algérianiste, principale association de Français d’Algérie, condamne avec vigueur la voie choisie par Emmanuel Macron et s’opposera à toute vision hémiplégique de l’histoire car la guerre d’Algérie, comme la présence française en Algérie, ne peuvent s’écrire en noir et blanc.

4 août 2020
Thierry ROLANDO
Président national du Cercle algérianiste

 

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une école arabe, carte postale d'avant 1914

 

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Algérie, école arabe-française

 

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27 juillet 2020

Honteux ! la réaction de Jean Monneret sur les rapports franco-algériens

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Honteux !

par Jean MONNERET

Ce qui se trame dans les rapports franco-algériens n’augure rien de bon. Emmanuel Macron a confié à l’historien d’extrême-gauche Benjamin Stora une mission «sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie » Il s’agirait ni plus ni moins que de formuler des «recommandations pour la réconciliation entre les peuples français et algériens». Selon M. Macron cité par l’AFP, il s’agirait de créer la «possibilité pour notre jeunesse de sortir des conflits mémoriels». Pas moins !

De fait, Stora est considéré comme le «meilleur spécialiste de l’Algérie» Considéré par qui ? Par les media évidemment lesquels, depuis longtemps, lui donnent exclusivement la parole. Ses thèses, pourtant hautement biaisées, ne sont donc jamais contestées. Facile ainsi d’être le meilleur quand la concurrence est interdite.

Stora est connu pour avoir multiplié les écrits et les déclarations sur l’histoire de la France en Algérie. Il n’est pas excessif d’estimer qu’il se livre à un procès permanent et exclusivement à charge contre la colonisation, l’Armée Française et les Pieds-Noirs. Pour reprendre une expression de Jean Sévillia, «ses travaux ont épousé la relecture de la présence française par les mouvements indépendantistes. (Figarovox du 27/7/2020).

Stora, en opposition à Camus

Qu’on en juge : Stora a déclaré, en opposition à Camus, qu’il « n’y avait pas d’autre voie pour les Algériens (comprendre le FLN) que la violence révolutionnaire » (comprendre le terrorisme) Philosophie Magazine, Hors-Série N°) 06296. Quand on connait les méthodes du FLN, il y a de quoi s’indigner. Il a aussi affirmé à Bordeaux que la France avait perdu la guerre d’Algérie militairement. Et pour finir, il a dit aussi «qu’il ne fallait pas instrumentaliser (sic) les massacres d’Européens du 5/7/62 à Oran». Quand on sait la répugnante instrumentalisation qui est faite des morts du 17 octobre 61 à Paris, on ne peut que déplorer ce deux poids, deux mesures.

Bref, en matière de rapports franco-algériens, on voit mal ce qui oppose Stora au FLN au pouvoir à Alger, mis à part quelques légères nuances. Il est en fait, un des plus sonores hérauts de la repentance française envers l’Algérie. Cette repentance que Nicolas Sarkozy, un jour de grande inspiration, définissait justement comme « la haine de soi ».

Et du côté algérien ? Aurait-on choisi pour rencontrer Stora un interlocuteur point trop hostile à la France et capable de points de vue équilibrés ? Pensez donc! Il s’agit d’Abdelmajid Chikhi, responsable des Archives et de la Mémoire, personnage connu pour son intransigeance islamiste et sa hargne antifrançaise. Nommé le 29 avril, il a violemment attaqué la France 9 jours plus tard. Il a accusé Paris, je cite, de «livrer une lutte acharnée contre les composantes de l’identité nationale (algérienne)». Et depréciser : «la langue arabe, l’Islam et les coutumes ancestrales (sic)».

Dans ces conditions, craignons que les rencontres de cet individu avec Stora n’aboutissent à un nouvel aplatissement de la partie française, tandis que l’atmosphère expiatoire qui caractérise les échanges franco-algériens s’épaissirait encore. Comment ne pas être d’accord avec l’opinion de Jean Sévillia sur Benjamin Stora : «Il n’est pas le meilleur choix».

Jean Monneret.

 

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Abdelmajid Chikhi

 

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22 juillet 2020

une commission mixte entre l'Algérie et la France pour écrire l'histoire ?

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une commission mixte entre l'Algérie et la France

pour écrire l'histoire ou annonce unilérale de l'Algérie ?

 par Jean-François PAYA

 

L’historien Benjamin Stora, désigné par le président Macron coprésidera la commission chargée d’effectuer un «travail mémoriel», comme annoncé par le président Algérien Tebboune lors de l’entretien qu’il a accordé au journal français L’Opinion,voù il avait appelé le président français, à «aller vers plus de vérité» dans la reconnaissance" des crimes commis par la France coloniale en Algérie".

Puisque le président Algérien émet un avis préalable et unilatéral avant toute réunion et débat  de cette commission, celle ci devient sans objet et dévalorisante pour tout historien digne de ce nom participant : à moins de pouvoir faire de même en parallèle.

rappel historique

Pour notre part, invité (peu probable) ou pas, voici notre préambule qui sera un simple rappel historique élémentaire.

Dans l'historique des colonisations nous suggérons que celle de l'Algérie fut l'une des rares à être provoquée à l'origine, non pas sur un prétexte dérisoire, mais par nécessitée d'une position défensive.

Il s'agit en l'occurrence des agressions continues de la piraterie dite "barbaresque" sur la navigation en Méditerranée comme le prouvent certains précédents de tentatives de neutralisation depuis le début du XVIe siècle :

- Espagnols en 1516-1518 ;

- Charles Quint en 1541 ;

- Philippe III (zones de gardes Espagnoles comme Ceuta et Melilla et aussi Oran depuis 1505 avant le séisme jusqu'en 1790) en 1601 ;

- puis en 1775, 1783 et 1784 par les Américains jusqu'en 1815 ;

- et les Anglais avec 1816 : bombardements de représailles maritimes (tout ceci est consigné dans les archives turques de la Présidence du Conseil à Istanbul sources liens cités) avec des commentaires qui montrent bien que la régence d'Alger n'était pas autonome et donnent des éclaircissements sur l'administration coloniale Turque exclusive du pays.

 

un concours de circonstances

À origine cette occupation Française fut spécifique et non pas une vocation coloniale comme ailleurs dans le monde! Cela tient plus du concours de circonstances que du projet pleinement mûri et planifié ; et le statut auquel sont soumises les populations autochtones du pays est resté longtemps incertain.

Mais indubitablement c'est La colonisation Française avec ses abus ; ses déboires ; voir "ces crimes" (à débattre par la commission) mais aussi ses enseignements et ses colons qui ont façonné et donné son nom à l'Algérie et ses frontières. Aussi on peut présumer que si la France n'avait pas occupé ce Maghreb central en effet Alger et quelques ports auraient pu devenir des enclaves Françaises comme Mèlilla et Ceuta Espagnoles qui le sont restées aujourd'hui et le reste répartis entre les Tribus rivales de l'est et de l"ouest et certainement pas unifié comme aujourd'hui ; et le Sahara réparti entre pays limitrophes.

 

Alger désigne son champion

Dernières nouvelles : l’Algérie aurait communiqué à la France le nom du spécialiste Algérien chargé de travailler, conjointement avec l’historien français Benjamin Stora, sur les questions mémorielles entre les deux pays, a annoncé dimanche soir le président algérien(toujours bizarre!).

La personnalité désignée est le docteur Abdelmadjid Chikhi, directeur général du centre national des archives algériennes, a précisé Abdelmadjid Tebboune, lors d’une rencontre avec des médias locaux. Ancien combattant de la guerre d’indépendance (1954-1962), Abdelmadjid Chikhi avait été nommé le 29 avril dernier conseiller auprès du président Tebboune, chargé des archives nationales et de la mémoire nationale.

«On s’est entendu avec le président français Emmanuel Macron en matière mémorielle pour travailler normalement», a expliqué le président algérien. «Pour faciliter les choses, ils (ndlr : Paris) ont nommé un historien connu et son vis-à-vis est le Dr Abdelmadjid Chikhi  responsable des archives nationales et un spécialiste (historien militant responsable politique). Nous leur avons communiqué son nom», a-t-il précisé.

Abdelmadjid Chikhi, conseiller auprès de la présidence, chargé des archives et de la mémoire nationale, s’était attaqué violemment à la France le jeudi 7 mai. Le conseiller de Tebboune accusait ce pays de vouloir livrer un combat acharné contre les “composantes de l’identité algérienne”(selon la presse).

En effet, invité à la chaîne I de la radio nationale, Abdelmadjid Chikhi n’a pas été tendre avec la France qu’il accuse de livrer une lutte acharnée «ontre les composantes de l’identité nationale». Pour lui, ces composantes sont la langue arabe, l’islam et les coutumes et traditions ancestrales. Abdelmadjid Chikhi estimait que la France avais déjà lutté contre ces «composantes» du temps de la colonisation et elle continue à le faire aujourd’hui encore. Le conseiller de la présidence épingle aussi les «historiens Algériens laïques». Selon lui, ces derniers ont écarté de l’histoire les éléments qui constituent l’identité algérienne. «Nous savons tous que ces composantes ont permis au peuple Algérien la sauvegarde de sa personnalité», estime-t-il.

 Jean-François Paya
ancien combattant, classe 54/2

 

 

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un fond d'image du début du XXe siècle utilisé en 2016

 

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26 juin 2020

Alain Jund, L’empreinte de la terre

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Alain Jund, L’empreinte de la terre

Roger Vétillard

 

Alain Jund reproduit l’essentiel des mémoires de Paul Barthez, surnommé Bled, mémoires familiales qui débutent en 1850 dans les monts du Tarn et se termine à la fin du XXe siècle dans le Lot-et-Garonne. Entre temps, ses ancêtres ont émigré en Algérie où trois générations sont nées avant de revenir en France métropolitaine.

Est-ce par hasard qu’Alain Jund a retrouvé ces textes grâce à la complicité des filles de Paul qui les ont retrouvés, «accrochées au bord de l’oubli» ?

Le récit nous emmène au-delà de la Méditerranée dans un endroit perdu, un bled, dans l’ouest algérien. Il nous fait découvrir les difficultés qui ont émaillé la vie de ces pionniers qui par un hasard sémantique sont devenus des pieds-noirs à leur arrivée en métropole. Difficultés liées aux problèmes sanitaires (choléra, paludisme, typhus, variole, trachome…), aux bêtes sauvages (lions, panthères, chacals dont la capture était récompensée par l’administration…), à la pauvreté des sols, au contact d’une autre culture et de populations bien différentes.

Nous assistons à la découverte des coutumes locales telle la fantasia, de la gastronomie magrébine qui va du couscous à la chorba, du méchoui à la farine d’orge, au thé à la menthe, au petit lait et au beurre rance…, aux particularités du droit foncier local qui sera source de conflits avec les autochtones.

Les relations avec la population musulmane difficiles au début s’améliorent peu à peu, en particulier au cours de la Première Guerre mondiale où sous l’influence des zaouias, plutôt favorables à une collaboration avec les autorités françaises, la mobilisation des indigènes se fera sans difficultés (sauf dans les Aurès). Il y a même parfois une réelle connivence entre les communautés.

Mais après la Seconde Guerre mondiale, dès le printemps 1945, concomitamment au soulèvement de l’Est algérien qui a débuté à Sétif et à Guelma, ces rapports tendent parfois à se dégrader. Des appels au djihad sont entendus, des émissaires égyptiens sillonnent la région et prêchent la révolte.

Et après 1962, avec les décrets de mars 1963, avec l’échec de l’autogestion, bien des édifices et des terres abandonnés ou non par les anciens propriétaires européens, menacent de s’écrouler notamment les coopératives viticoles, les fermes, et la famille Barthez est bientôt réduire à devoir quitter le pays et revenir dans le midi toulousain.

C’est un livre dont la lecture est attachante. Il a le mérite de mettre en lumière le vécu de ces agriculteurs enracinés sur une terre qui les a vus naitre, terre qu’ils ont dû abandonner, le cœur déchiré. Plus que des mémoires, c’est aussi un roman historique qui apprend beaucoup sur la vie de ces « colons » qui ont aimé le pays où ils se sont installés et qui malgré les distances, continuent à penser à lui comme à un fruit arraché, mais désormais défendu.

Roger Vétillard

 

Alain Jund, L’empreinte de la terre, Atelier Fol’Fer, la chaussée d’Ivry, 2018, 188 p., 20 €.

 

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25 juin 2020

Mohammed Harbi : «Il y a une régression culturelle immense en Algérie, on n’imagine pas l’ampleur du désastre»

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Mohammed Harbi :

«Il y a une régression culturelle immense en Algérie,

on n’imagine pas l’ampleur du désastre»

 

Mohammed Harbi, considéré comme le plus grand historien algérien, livre au journal Le Monde son analyse sur la situation politique de son pays.

Propos recueillis par Christophe Ayad
Publié le 06 décembre 2019

 

86 ans, Mohammed Harbi est le plus célèbre historien algérien. Né près de Skikda dans une famille de propriétaires terriens, il vit à Paris depuis 1973, où il publie Aux origines du FLN. Le populisme révolutionnaire en Algérie  (Christian Bourgois, 1975), premier ouvrage critique décrivant de l’intérieur le fonctionnement du parti-État. Un livre nourri par ses années de militantisme pendant la guerre (1954-1962) puis sous la présidence Ben Bella (1963-1965), lors desquelles il a exercé de hautes responsabilités avant d’être emprisonné puis assigné à résidence pendant près de huit ans.

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De nombreux autres ouvrages traitant de divers aspects de la révolution algérienne ont suivi. En 2001, Mohammed Harbi, qui se présente comme «non-croyant, non-pratiquant et marxiste libertaire», a publié le premier tome de ses Mémoires, Une vie debout (La Découverte). Ses difficultés à lire, dues à une maladie des yeux, ont retardé la rédaction de la suite. Mais il continue à suivre attentivement l’actualité algérienne et à recevoir collègues et amis. «Je suis moralement au service de l’Algérie, dit-il. Mais je l’ai perdue et j’ai perdu son peuple. Ce ne sont plus les mêmes.»

 

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  • Dans quelles conditions rejoignez-vous le FLN avant le déclenchement de la guerre d’Algérie le 1er novembre 1954 ?

Je m’étais engagé avec le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) de Messali Hadj dès 1948. Presque toute ma famille, qui avait fait le choix de « l’accommodement » [avec les autorités coloniales], était contre moi, et mon grand-oncle était vice-président de l’Assemblée algérienne. J’ai entraîné mes deux frères dans la politique. Quand j’ai échoué au baccalauréat – à cause de mes activités politiques, d’après mon père –, on m’a envoyé à Paris. J’y ai rencontré des Marocains, des Tunisiens.
J’ai été très vite absorbé par l’activisme avec l’Association des étudiants musulmans d’Afrique du Nord, dont j’ai rejoint le bureau. Le grand problème de l’époque, c’était la scission au sein du MTLD entre le comité central et le président du parti, Messali Hadj. Ce dernier accusait le comité central de dérive réformiste. La crise a éclaté en France en décembre 1953, puis s’est étendue en Algérie. Messali a demandé les pleins pouvoirs. Ensuite, les messalistes ont envoyé aux étudiants un commando violent. Enfin, ils ont commencé à lancer des slogans religieux. Pleins pouvoirs, islam et bagarres ? Pas question pour moi. Le comité central, pour essayer de doublerMessali, a créé un «comité révolutionnaire pour l’unité et l’action», dont l’idée était de refaire l’unité dans la lutte. C’est de là qu’est sortie l’équipe dirigeante du FLN. Moi aussi, j’étais pour la lutte armée.

  • Y avait-il un consensus sur le déclenchement de la guerre ?

Les messalistes n’étaient pas d’accord pour lancer la lutte armée dans ces conditions. Messali avait trois objectifs : mobiliser le peuple, internationaliser la question algérienne et former des cadres militaires qui reviendraient en Algérie sous l’autorité des politiques. Pour lui, il fallait s’appuyer sur le peuple plutôt que donner le pouvoir à ceux qui avaient les armes.
La conséquence a été la guerre civile entre messalistes et FLN. Le FLN a gagné. Mais toute la guerre n’a été qu’une interminable lutte de factions. Je n’ai jamais pensé que le FLN tiendrait jusqu’au bout et ne se diviserait pas. C’est la France qui nous a tenus ensemble, jusqu’à l’indépendance. Ces guerres intestines ont causé des dégâts incommensurables et donné le pouvoir à ceux qui avaient les armes.
Le FLN n’a jamais été un parti, c’était une organisation armée. Les dirigeants emprisonnés ont été pris dans les luttes intestines du dehors. Et ceux qui étaient dehors étaient des militaires. On a eu l’indépendance, mais on est sorti d’une crise pour entrer dans une autre. La militarisation de la société s’est faite à travers ces crises. Et la crise qui a lieu en ce moment n’est qu’une étape de plus. Si on était restés unis, les choses se seraient peut-être passées autrement.

  • De quand date votre divorce avec le FLN ?

Dès 1956, j’ai réalisé qu’il n’avait pas de stratégie de longue durée. Mais j’ai d’abord rompu sur la question du messalisme et de l’attitude à l’égard de la gauche. J’étais contre la guerre civile entre Algériens. C’est quelque chose que je n’ai pas admis. Ensuite, il y avait la question de la lutte armée en France : j’y étais opposé. On a caché aux militants que tous les responsables emprisonnés à la Santé et à Fresnes étaient contre, eux aussi. Ils disaient : «Attention ! ça peut être très grave pour l’immigration et pour nous.» Enfin, je m’opposais aux attentats à l’extérieur de la France, dans les pays où nous avions des amis, l’Allemagne, la Belgique, l’Italie, la Suisse. Enfermer la lutte dans un cadre purement militaire, c’est tout ce qu’on veut sauf une révolution.

  • Quelle est la conséquence à long terme de la guerre avec les messalistes ?

Les messalistes et les communistes étaient les deux seules forces capables de générer une gauche. La bataille à gauche, nous l’avons perdue avant l’indépendance. Le bon grain a été lessivé pendant la guerre.

  • Pendant la guerre, avez-vous senti l’opinion française basculer en faveur de l’indépendance ou de l’arrêt de la guerre ?

Il y a eu un moment très bref, à l’occasion des élections de janvier 1956, qui ont amené Pierre Mendès France et Guy Mollet à s’allier et à gagner, pendant lequel la France a infléchi sa politique. Mais le parti colonial était très fort, il a repris la main. Les partisans de la guerre ont utilisé les oppositions internes, la guerre entre le FLN et le MNA [successeur du MTLD après 1954], etc. Ils ne voulaient pas discuter de quoi que ce soit. À partir du moment où on était en guerre, le pouvoir a été pris par les forces nationalistes. Et la principale force nationaliste en France, c’est l’armée.

  • On dit souvent que l’indépendance a été volée à l’été 1962 par l’«armée de l’extérieur» aux groupes armés de l’intérieur. Partagez-vous cette analyse ?

Ce n’est pas sérieux, ça n’a pas de sens. L’intérieur n’était pas ce qu’on voulait dire, et l’extérieur n’était pas seulement l’extérieur, c’était aussi les forces de l’intérieur bloquées hors du pays. Ils venaient du même milieu social et avaient la même vision des choses. Ceux qui avaient les armes, à l’intérieur comme à l’extérieur, estimaient que l’Algérie était à eux. Ils la voyaient comme un butin. Le vol de l’indépendance, ce n’est pas le fait de l’armée de l’extérieur, mais celui des hommes en armes qui dérobent le pays à ses habitants. Ils ont enlevé l’indépendance et la souveraineté au peuple algérien.
Dès le début, Ben Bella marchait sur des œufs. J’ai assisté à la composition du comité central par Ben Bella et Boumediene. À un moment donné, Boumediene a pris le stylo et rayé deux noms pour les remplacer par des proches. J’ai tiqué, mais je n’ai pas osé parler. Ben Bella n’a pas dit un mot. Boumediene s’est tourné vers moi, et il m’a dit : «Mohammed, ne t’occupe pas des choses des grandes personnes !» Ben Bella a laissé faire les militaires. En plus, l’opposition [de l’intérieur du FLN, dont Aït Ahmed] y a contribué en allumant des incendies qui ont donné la possibilité à l’armée de prendre les choses en main. Enfin, tous les intellectuels qui attendaient un poste ou une position ont rallié Boumediene.

 

Harbi

  • Pourquoi les jeunes manifestants du Hirak, le mouvement social en cours en Algérie, parlent aujourd’hui d’une nouvelle indépendance ?

Parce qu’on la leur a prise. Ils n’ont pas été indépendants. Ils pensent qu’à la domination française s’est substituée une domination de l’armée algérienne. Cela a débuté dès 1962. Quand les gens ont vu que les promesses du FLN n’étaient pas tenues, ils ont commencé à dire : «Comme si la France n’était pas partie.» Même s’il ne correspond pas à ma vision des choses, le «hirak» fait preuve d’une créativité, d’un dynamisme – y compris dans la destruction – que j’admire, ainsi qu’une intelligence populaire vis-à-vis de celui qui a le pouvoir. Même si les choses ne tournent pas comme ils le souhaitent, il y a dans cette vitalité les germes d’une recomposition.

  • Dans quel état était le pays à l’indépendance ? A-t-on fait table rase du legs colonial, y compris de ce qui fonctionnait ?

Cela a été mal géré, mal utilisé. En 1962, notre potentiel était faible. Une partie de ceux qui avaient fait l’apprentissage d’une société civile sont partis. Une autre partie s’est démarquée du «benbellisme» (Ferhat Abbas, Aït Ahmed, Boudiaf, Benkhedda) et s’est mise en retrait. En fait, tout était détraqué. Le monde rural était désaxé. Il n’avait plus de véritable rapport à la terre. Le principal problème, pour moi, était l’autogestion et la reconstitution de la paysannerie.

  • Vous avez passé trois années, de 1962 à 1965, dans le cœur du pouvoir. Que retirez-vous de cette expérience ? Pensiez-vous pouvoir changer les choses de l’intérieur ?

Le FLN occupait tout le terrain. S’y opposer, ce n’était pas aller en prison, mais risquer sa peau. Il était possible d’acquérir des positions productrices d’autres situations. Parfois, on gagnait du terrain, avec l’illusion que ça pouvait s’étendre. Mais ça ne s’est jamais étendu. À partir de décembre 1964, je n’y ai plu cru. J’en retire un sentiment d’échec. On n’avait pas de prise sur les décisions. Sur l’autogestion, tous les projets qu’on a présentés ont été rejetés ou pas appliqués. Je l’ai dit à Ben Bella. Il y avait deux manières d’envisager le pouvoir : soit essayer de le reconstruire par le bas, et alors il fallait être sérieux et prendre des gens convaincus ; soit continuer à rafistoler l’État colonial, comme c’était le cas, et gérer la substitution. Mais la substitution, évidemment, ne touchait pas les travailleurs.

  • Vous décrivez Ahmed Ben Bella comme un homme religieux et conservateur.

Conservateur et religieux, c’est sûr. Un jour, il m’a dit : «Si ça ne tenait qu’à moi, j’ajouterais un “m”, pour “musulmans”, à l’UGTA [Union générale des travailleurs algériens].» Mais Nasser, qui était en guerre contre les Frères musulmans, s’y opposait. Le nationalisme arabo-islamique de Ben Bella ne tenait pas compte du peuplement de l’Algérie, ni des Européens, ni des juifs non français du Sahara. Agir de la sorte, c’était mettre les autres au pied du mur. Et, en définitive, les pousser à partir.

  • Et Houari Boumediene, comment le définir ?

C’est un étatiste avec des emprunts au modèle stalinien. Mais il n’est pas religieux à la manière de Ben Bella. Il a cru dans l’expérience économique [socialiste] de l’Algérie. Je n’ai pas de respect pour lui, mais je pense qu’il était beaucoup plus lucide que ses successeurs sur les difficultés qui attendaient le pays.

  • De 1965 à 1973, vous êtes en prison puis en résidence surveillée. Comment avez-vous vécu cette période ?

Quand j’ai été arrêté, le 9 août 1965, ce n’est pas moi que l’on cherchait. Mais les putschistes ont essayé de m’enrôler à plusieurs reprises. Boumediene [devenu président de la République suite à un coup d’État en juin] a demandé à me voir. J’ai refusé. On m’a proposé une ambassade, un ministère. J’ai répondu : «Je n’ai rien à faire avec vous, vous avez pris le pouvoir, vous avez un programme, je n’y ai pas participé.» Ils ont torturé atrocement certains camarades, mais pas moi. Au début, on a souvent été déplacés, au pénitencier de Lambèse, à l’hôpital d’Annaba, dans un ancien centre de torture des Français, à la Villa Bengana à Alger, dont on a dû partir pour céder la place à Moïse Tshombé [ancien président du Katanga], puis au centre de police de Châteauneuf. En 1969, ils ont décidé de nous placer en résidence surveillée libre. J’ai été envoyé à Adrar, puis à Timimoun, dans le Sahara. À partir de 1971, j’ai pu être à Skikda, pas loin de chez moi.

  • Racontez-nous votre évasion en avril 1973...

Tout était organisé depuis la France. Des copains sont venus avec des voitures louées en Tunisie. Nous sommes sortis avec des passeports turcs récupérés dans les camps palestiniens de Beyrouth. Nous avons rejoint Tunis, puis Genève. Annette Roger – de son vrai nom Anne Beaumanoir – nous a fait traverser la frontière vers la France.

  • Comment avez-vous été accueillis par les autorités françaises ?

On nous a dit : vous avez l’asile mais pas politique, voici des cartes de travail mais tenez-vous tranquilles. Je dois reconnaître qu’on ne nous a jamais appelés pour nous reprocher quoi que ce soit. Nos communiqués étaient sourcés de Rome ou de Bruxelles [pour ne pas embarrasser Paris]. J’ai vite abandonné l’idée de créer une organisation quand il m’est apparu que la Sécurité algérienne avait envahi l’espace français. Je n’ai pas renoncé à la politique pour autant. Est-ce qu’avoir été militant, cela a été un atout ou un handicap pour l’historien que vous êtes devenu ? Pour la compréhension des choses, incontestablement un atout. Le marxisme m’a donné les outils pour appréhender mon expérience militante avec recul. Mais je ne lui reconnaissais aucun privilège exclusif dans l’approche du politique.

  • Parmi les auteurs français, qui a le mieux compris l’Algérie ? Bourdieu, Camus, d’autres ?

Bourdieu, son livre sur les travailleurs algériens est une référence, même s’il a bénéficié pour le faire de l’aide des services spéciaux. Mais il n’était pas à leur service. Ceux qui ont bien compris l’Algérie, parce qu’ils se situaient dans une perspective de changement total, ce sont les gens de Socialisme ou barbarie, avec Claude Lefort, Cornelius Castoriadis, Jean-François Lyotard et Pierre Souyri. Les africanistes m’ont aussi beaucoup aidé à comprendre la complexité du politique. Le pouvoir algérien a longtemps instrumentalisé l’histoire pour se légitimer.

  • Est-ce qu’une historiographie débarrassée de l’idéologie est possible aujourd’hui en Algérie ?

Ce pouvoir n’a jamais cessé d’invoquer ses blessures sans jamais considérer celles des autres, y compris celles des victimes de la guerre civile ou des purges. Aujourd’hui, personne, parmi les candidats au pouvoir, n’en parle pour n’avoir aucun compte à rendre sur le saccage et la prédation qui ont régné depuis l’indépendance.

Il y a une régression culturelle immense en Algérie, on n’imagine pas l’ampleur du désastre. On a tué l’intelligentsia. Il n’y a pas de débat intellectuel possible. Par exemple, dans la presse, les «intellectuels» tirent leur position de la «révolution». Ils n’osent pas la mettre en cause d’une manière critique. À l’université, c’est pire encore. Et l’islamisme a aggravé les choses. Dans la jeune génération d’historiens, il y a une dizaine d’universitaires de grande classe, mais ils sont surtout à l’étranger.

  • La diaspora peut-elle jouer un rôle moteur dans l’avenir de l’Algérie ?

Oui, mais cela prendra du temps. Au Canada et aux États-Unis, il y a des jeunes qui s’engagent. En France, c’est moins le cas, car il y a toujours une peur de trahir son pays. Ceux qui ont émigré se voient reprocher d’avoir fui. L’autochtonie est devenue une condition sine qua non pour parler du pays. Les émigrés, lorsqu’ils critiquent l’Algérie, sont disqualifiés comme Algériens.

  • Est-ce que la société algérienne est aussi obsédée par la colonisation et la guerre que ses dirigeants ?

Non, je ne crois pas. Les gens rejettent ce discours officiel, mais l’idéologie nationaliste imprègne toujours leur comportement : ils ressortent un tas d’effigies de la bataille d’Alger.

  • La révolution algérienne était-elle laïque ?

Pas du tout, c’est une révolution religieuse par beaucoup d’aspects. Et les éléments venant de la gauche y ont contribué. Qui a remplacé le titre du journal Résistance par El-Mouhjahid ? C’est Abane Ramdane [l’un des principaux dirigeants politiques du FLN], qui croyait que ça donnerait plus de combativité aux gens. Il ne se rendait pas compte. Mais ce qui est en jeu, ce n’est pas tant la religion que le patriarcat. Nous ne sommes pas sortis du patriarcat. Même en Kabylie, il est plus facile de brandir le mot d’ordre de la laïcité que de l’assumer dans la lutte contre le patriarcat et pour l’égalité des femmes.

  • Comment expliquez-vous la force de la popularité soudaine du Front islamique du salut (FIS) au tournant des années 1980-1990 et la persistance de l’islamisme ?

Le fond de l’islam algérien, c’était une certaine piété, une aménité des rapports sociaux. L’islam politique a été importé en Algérie. Il a tiré sa force du rejet du FLN. Je suis allé voir les élections en 1991. Cela m’a fait penser au surgissement brutal du MTLD en 1946-1948. La présence des Français, à l’époque, a empêché les contradictions internes de dégénérer en guerre civile. Le jour des élections, en décembre 1991, j’étais à Annaba : les gens allaient se purifier au bain maure avant de voter. J’ai vu des gens pleurer. Ce caractère émotionnel, le FIS l’avait arraché au FLN.

  • Et si on avait laissé le FIS gagner ?

Ça aurait été une défaite de la démocratie et de la pensée. Mais je ne suis pas sûr que la voie suivie était la meilleure parce que, quand on sort de la politique, on transforme les gens en activistes : il n’y a plus que le fusil qui parle. En tout cas, ceux qui ont géré la crise sont responsables de la suite. Les militaires voulaient y aller de toute façon, ils avaient choisi la confrontation. Ils s’étaient déjà débarrassés de ce qui restait d’un peu socialiste en forçant Chadli [président de 1979 à 1992] à démissionner. Une fois la guerre contre le FIS gagnée, ils ont pu acheter les islamistes. Mais, pour cela, ils ont saccagé le pays, démantelé l’État et ouvert la porte à tous les appétits.

 

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9 juin 2020

Cyrulnick et Sansal sur les mémoires France-Algérie (François-Guillaume Lorrain)

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Cyrulnick et Sansal

sur les mémoires France/Algérie

François-Guillaume Lorrain et extraits

 

Il est difficile de partager, dans les extraits qui sont ici proposés, le jugement de Boualem Sansal : "jamais au cours de l'histoire humaine, colonisateur ne fut plus mauvais maître et plus piètre gouverneur que la France coloniale".

On souhaiterait que cette affirmation fût étayée d'une démonstration plus développée.

Michel Renard

 

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Cyrulnick et Sansal, juin 2020 (2)

 

 

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11 mai 2020

la guerre d'Algérie a-t-elle été une guerre de religion ? Charles-Robert Ageron (1988)

El Moudjahid, 8 juin 1959

 

 

la guerre d'Algérie a-t-elle été une

guerre de religion ?

Charles-Robert Ageron (1988)

 

Je voudrais pour ma part m'interroger sur une question fondamentale pour notre propos et que je formulerai ainsi : les chrétiens, les juifs et les musulmans d'Algérie ont-ils ressenti – ou non – la guerre comme ayant une dimension religieuse ?

Aujourd'hui il est, je crois, de bon ton de répondre par la négative. Mais le fait n'est pas aussi évident qu'on le dit. Une approche vécue et une étude historique posent le problème.

Du côté algérien il est affirmé que cette guerre de libération nationale n'eut aucune conno­tation religieuse et que le FLN, créé par quelques révolutionnaires nationalistes très laïci­sés, se prononçait "pour une démocratie ouverte à tous sur la base de l'égalité entre Algé­riens, sans distinction de race ou de religion". Cette phrase est une citation de l'éditorial du n° 1 du journal El Moudjâhid rédigé par Abbane Ramdane.

Pourquoi El Moudjahid (djihad) et non Al Mokâfih (combattant) ?

Mais précisément l'auteur dut s'expliquer devant l'opinion internationale sur le titre choisi pour le journal du FLN. Pour­quoi El Moudjâhid, le combattant de la guerre sainte, du djihâd ? Abbane Ramdane affirmait contre l'évidence que la notion de djihâd c'est "la quintessence du patriotisme libéral et ouvert" et, avec plus de vraisemblance, que "le nom glorieux de moudjâhid" est celui-là même que le peuple a attribué "avec bon sens" aux patriotes. À quoi l'historien peut objec­ter que si le FLN a retenu ce titre et non pas celui d'Al Mokâfih (le combattant au sens laïc du terme) – titre qui sera repris plus tard par un journal communiste marocain –, ce choix est déjà en soi hautement significatif. Il confortait d'ailleurs l'appel du 1er novembre 1954 qui parlait de restaurer "un État algérien démocratique et social dans le cadre des principes islamiques".

Abbane Ramdane entendait bien en réalité retrouver et réaf­firmer l'identité musulmane de son peuple et il n'ignorait pas que les fellahs luttaient pour leur foi en se battant pour la liberté. La preuve en est que, réserve faite pour les chrétiens "frères" (engagés dans le FLN), il s'opposait au maintien de la minorité chrétienne en Algérie ; ce qu'il avoua sans fard à quelques émissaires français dont Jean-Marie Dome­nach.

Pourquoi cette intransi­geance, sinon pour des mobiles religieux ? Faut-il rappeler que l'Islam fait devoir à ses fidèles de se soustraire à la sujétion des chrétiens fût-ce par l'exil et que pour lui la seule cohabitation tolérable est celle de chrétiens ou de juifs "sujets" (dhimmi) d'un pouvoir musulman ?

Autre exemple : on se leurre souvent en France sur la signification des expressions "nation algérienne", "Peuple algérien" dans les années 193O à 1960. En fait la Nation algé­rienne se définissait en [pages 27//28] termes de religion : elle s'arrêtait pour les gens du PPA-MTLD aux frontières de la communauté arabo-musulmane. Le premier journal natio­naliste ne s'appelait-il pas Al Umma (la communauté musulmane) avant d'être retraduit en fran­çais par "nation".

 

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membres du FLN en prière

 

l'intransigeance de Ben Bella et de Bentobbal

Mieux vaudrait aussi ne pas cacher qu'un leader comme Ben Bella, pré­senté comme un militant très laïcisé, a toujours insisté pendant la guerre d'Algérie sur le caractère islamique des futures institutions politiques, ce qui sous-entendait, pour tous les Musulmans, le refus d'y faire une place aux minorités chrétienne et juive. Aussi bien con­naît-on le discours tenu aux cadres du FLN et de l'ALN en mars 1960 par un autre leader, Lakhdar Bentobbal, alors ministre du GPRA : "le peuple algérien n'acceptera jamais de pla­cer un Européen ou un Juif au sein du gouvernement ou à un poste de responsabilité".

Vis-à-vis des Juifs d'Algérie, dira-t-on que le FLN, malgré les lettres qu'il adressa "à ses chers compatriotes algériens", les ait tenus pour des concitoyens à part entière ? Il apparaît bien plutôt qu'il espérait seulement désolidariser une partie de la communauté juive de la nation française. Pour lui, le décret Crémieux de naturalisation collective des juifs algériens en 1870 n'existait pas ; cette citoyenneté octroyée par la France était de nul effet.

Dans sa perspective, les Juifs demeuraient une communauté religieuse et raciale et une minorité au même titre que les étrangers d'origine européenne (400.000 disait-il) et que les Français d'origine (également au nombre de 400.000) le Moujâhid ne reconnaissait comme juifs "algériens" que ceux qui n'avaient jamais renié leur origine algérienne en se proclamant Français ou sionistes. Tous les autres étaient des "traîtres".

Bien entendu ce langage impolitique et menaçant n'eut pas les résultats escomptés. Les Juifs d'Algérie ne renièrent pas la France et lorsque l'heure de vérité sonna aux accords d'Évian, le FLN ne parla plus des droits éventuels de ses "compatriotes juifs". II ne fut ques­tion que de la minorité française".

Quant aux Européens d'Algérie, réserve faite pour les groupes de chrétiens "engagés", leurs réactions d'ensemble pendant la guerre vis-à-vis des Musulmans (ou des "Arabes") furent en grande partie celles du rejet d'une communauté tenue pour ennemie du nom chrétien. Les prétendues "fraternités franco-musulmanes" furent une trouvaille de l'Ac­tion psychologique, non une réalité. De vieux Français d'Algérie expli­quaient aux "Francaouis" ("métropolitains naïfs") que ces soi-disants Algériens nationalistes défilaient depuis la fin des années 1930 l'index (châhad) levé comme dans la profession de foi islamique (cha­hâda) et que dans les douârs, ils allaient voter en groupe en psalmodiant des versets cora­niques. [pages 28//29]

À leurs yeux ne pouvaient être tenus pour Français que les convertis au christianisme et les naturalisés volontaires, c'est-à-dire ceux qui avaient renoncé au statut musulman.

Pour la plupart des Français d'Algérie, la guerre d'indépendan­ce et la Révolution algé­rienne n'existaient pas : il y avait seulement des "terroristes téléguidés par la Ligue arabe ou les leaders du panarabisme et des moudjahidines fanatiques qui chargeaient en criant "Allah Akbar".

 

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membres du FLN en prière

 

le sentiment que la guerre était une guerre de religion

Bien sûr, je ne dis pas qu'ils avaient raison de croire que cette guerre était essentielle­ment une guerre de religion, mais tel était leur sentiment au plus profond d'eux-mêmes. D'où leurs réactions indignées lorsqu'ils entendaient dire que des Chrétiens, voire même des évêques, pouvaient pactiser avec les fellaga et les panislamistes.

Chrétiens traditionalistes, peu informés de la position de l'Église vis-à-vis de la décoloni­sation, ils croyaient que les buts du FLN, c'étaient la destruction totale de tout ce qui était européen, la conversion forcée à l'Islam des survivants, l'instauration d'un État théocra­tique et raciste, d'un "totalitarisme médiéval", comme le leur affirmait le gouver­neur géné­ral Jacques Soustelle.

Ainsi s'explique sans doute la peur immense qui s'empara, en 1960, des Chrétiens et des Juifs auxquels le FLN proposait certes en 1961 de devenir Algériens, mais seulement "sur la base d'un patriotisme homogène et unificateur". Comment auraient-ils pu accepter de communier dans ce patriotisme fondé sur la personnalité arabo-musul­mane, dès lors surtout que leur était obstinément refusée la garantie de sauvegarde d'une double nationalité française et algérienne ?

Faut-il s'étonner que la conscience populaire des masses algériennes ait confondu natio­nalité et appartenance religieuse dès lors qu'inconsciemment peut-être la même identifica­tion inspirait à l'époque la grande majorité des Juifs et des Chrétiens d'Algérie ? Certes la Révolu­tion algérienne n'a pas été d'abord un jihâd, ni la guerre des Français une croisade.

Cela dit, la connotation religieuse de la guerre d'Algérie ne peut pas être évacuée par l'historien. Elle explique en partie l'exode massif des Juifs (les premiers à partir, dès 1961) et des Chrétiens. Elle explique aussi les débats de l'Algérie en 1963 sur le code de la natio­nalité et vingt ans après l'adoption d'un code du statut personnel qui interdit par exemple le mariage d'une Algérienne avec un non-musulman. Bref les idéologies meurent alors que les religions demeurent.

 

Charles-Robert Ageron : Une guerre religieuse ?
in : La guerre d'Algérie et les chré­tiens, sous la direction de François Bédarida et Étienne Fouilloux,
Cahier de l'Institut d'Histoire du Temps présent, n° 9 (octobre 1988), p. 27-29.
Merci à Jean-Jacques Jordi de nous avoir transmis ce texte.

 

 

sur cette question

 

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Une deuxième édition, augmentée et enrichie, du livre de Roger Vétillard va bientôt paraître.

 

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