compte rendu de lecture : Jean Monneret, "Dissidence – Dissonance", par Roger Vétillard
Jean Monneret, Dissidence – Dissonance,
Contre la désinformation sur la guerre d'Algérie
compte rendu par Roger Vétillard
Une fois n’est pas coutume, Jean Monneret historien bien connu, nous propose un véritable pamphlet. Certes, l’historien n’est pas loin derrière ses lignes, car le livre ne peut qu’avoir été écrit que par un spécialiste de la guerre d’Algérie. Monneret ne s’embarrasse pas de fioritures, ne dissimule pas son agacement devant des propos erronés, des fautes devant l’histoire ou des interprétations hasardeuses. C’est ainsi que de nombreuse affirmations incertaines de plusieurs historiens bien en cour, sont passées au moulin de la vérité.
Les démonstrations sont convaincantes et répondent fidèlement carnet de route exprimé dès les premières pages : "Durant les années 1990, la recherche historique concernant la guerre d'Algérie fut touchée par un mal insidieux et malheureusement profond. On vit monter au créneau une génération d'historiens jeunes et prétendument ''désinhibés'' mais n'ayant rien connu du conflit et n'ayant surtout qu'une idée très faible des passions et des déchirements qu'il causa. Encensés par les médias auxquels ils facilitèrent l'étrange travail de repentance qui a transformé notre pays et qui se poursuit de façon plus feutrée aujourd'hui, ils acquirent vite le monopole de la parole publique".
correction des historiens «désinhibés»
Ils sont ainsi plusieurs à être «corrigés» par Jean Monneret :
Benjamin Stora, le premier - pour sa préface au livre Ni valise, ni cercueil de Pierre Daum - à qui il reproche également «d’avoir le monopole des interventions télévisées sur le sujet. Aucun échange contradictoire n’est possible avec lui et tous nos présidents récents se sont crus obligés de le consulter». Et puis, Benjamin Stora heurte la sensibilité de Jean Monneret quand il déclare : «Je n’approuve pas la position de Camus sur le refus de la violence anticoloniale. Je crois malheureusement…que, pour les Algériens, il n’y avait pas d’autre issue.», dans la revue Philosophie Magazine n° 06296, page 61.
Raphaëlle Branche, à propos de l'embuscade de Palestro, sujet d’un de ses ouvrages, qui s’est «donc s’efforcé, tout au long du livre, de nous expliquer que ledit évènement se situe en un lieu historiquement particulier et que la violence des indigènes, membres de l’armée rebelle ou simples villageois, auxquels elle attribue, contrairement aux habitudes de l’époque, une nationalité algérienne putative (qu’ils n’avaient pas et dont sont déjà exclus les Européens et, accessoirement, les Juifs locaux) est, en somme, le produit d’une lourde histoire renvoyant à d’autres violences,
Sylvie Thénault à propos de l'OAS et des disparus ("On pouvait s'attendre à une analyse plus approfondie. Elle nous a paru sommaire, parcellaire").
Il s'intéresse ensuite au film Hors-la-loi de Rachid Bouchareb qui n’est qu’une "apologie de la rébellion dirigée par le FLN [...] Sur le plan strictement historique, le film en question est complètement caricatural et forme un tissu d'erreurs affligeantes".
Quelques mots sur Pierre Daum, dont le livre sur les pieds-noirs restés en Algérie, n’est que l’œuvre d’un journaliste engagé qui ignore dans ses développements partisans tous les faits qui le dérangent.
Le dernier chapitre est consacré à "l'affaire Maurice Audin", dont il remet en cause les témoignages en soulignant l'engagement idéologique des soutiens qui mettent finalement en porte-à-faux la parole présidentielle, donc celle de la France.
Au bilan, nous dit-il «Tout ceci n'a d'autre but que d'entretenir une culture de la repentance ... L'Université, que l'on pouvait espérer à l'abri des passions partisanes est largement dominée par l'anticolonialisme de principe... Nous sommes confrontés à une dictature intellectuelle qui ne prend pas la peine de se cacher.
C’est un livre engagé, les rappels à l’ordre sont sévères. L’auteur argumente et base ses démonstrations sur des chiffres, des documents ce que ne font pas toujours ses confrères. Ce livre permet de revenir, avec des arguments parfois décisifs, sur ce qui est souvent présenté comme des lieux communs et des vérités historiques qui seraient consensuels. À lire pour se faire une opinion !
Roger Vétillard
Jean Monneret, Dissidence – Dissonance. Contre la désinformation sur la guerre d'Algérie
Fauves éditions, Paris, 2020, 195 pages, 19 euros. ISBN : 979-10-302-0335-6.
une "apologie de la rébellion dirigée par le FLN