un livre publié chez La Découverte
un livre publié chez La Découverte
Histoire de l’Algérie à la période coloniale
Daniel LEFEUVRE
Publié sous la direction d’A. Bouchène, de J.-P. Peyroulou, d’O. S. Tengour et de S. Thénault (La Découverte-Barzakh, 2012), ce gros ouvrage (717 pages) ambitionne de présenter «une vaste fresque synthétique» de l’histoire de l’Algérie, de 1830 à 1962, «rendant compte notamment des travaux les plus récents». Pour y parvenir, 81 auteurs ont été mis à contribution.
Le pari a-t-il été réussi ? De façon brutale, la réponse est «non» !
Cet échec relève d’abord de la conception même de l’ouvrage : plus qu’une vaste fresque, on a affaire à un patchwork de communications (99 auxquelles il faut ajouter une post-face signée de T. Khalfounet et G. Meynier), de longueurs inégales, souvent superficielles, peu et mal reliées entre elles par un découpage en quatre grandes séquences chronologiques : 1830-1880, la prise de possession du pays ; 1881-1918, deux Algérie ; 1919-1944, à l’heure des initiatives algériennes ; 1945-1962, vers l’indépendance…
Certes, le lecteur glanera, au fil des pages, d’intéressantes mises au point. Mais comment prétendre faire œuvre de référence lorsque sont passés sous silence des épisodes sans doute jugés «incorrects» par rapport à la doxa qui domine l’ouvrage, dont l’expression, incessamment reprise de «guerre d’indépendance algérienne» - formule téléologique préférée à guerre d’Algérie - est le reflet ?
De très nombreuses contributions multiplient les contre-vérités. On n'en trouvera, ci-dessous, que quelques exemples, parmi beaucoup d’autres.
Contrairement à l’affirmation de Mme Tengour, ce n’est pas en réponse à l’attentat de la rue de Thèbes (10 août 1956), perpétré par des contre-terroristes, que le FLN s’engage à son tour dans la voie du terrorisme urbain. La décision a été prise antérieurement, comme le note G. Meynier, dans son Histoire intérieure du FLN (Fayard, 2002, p. 322) «le terrorisme urbain algérien se manifesta dès 1955». Mme Tengour connaît évidemment le livre de G. Meynier. Pourquoi, dès lors, se complaire dans le mensonge, sinon pour dédouaner le FLN de ses responsabilités ?
Il est inexact de présenter le pétrole saharien comme la solution à la dépendance énergétique de la France et comme le facteur de prolongation de la guerre. L’auteur aurait trouvé des arguments contredisant sa thèse dans le témoignage de Roger Goetze et dans mes propres travaux, qu’il préfère passer sous silence.
J.-P. Peyroulou ignore, dans son texte sur le 8 mai 1945, l’ouvrage de Roger Vétillard (Sétif, mai 1945, Massacres en Algérie, Ed. Riveneuve), incontestablement la meilleure mise au point sur les origines, le déroulement et le bilan du soulèvement de Sétif.
Comment peut-on évoquer la manifestation du 17 octobre, sans mentionner le travail essentiel de J.-P. Brunet, comme le fait Jim House, ou prétendre que la répression de cette manifestation «provoqua la mort de plusieurs centaines d’innocents» comme ne craint pas de l’affirmer Linda Amiri qui, elle aussi, omet de citer Brunet ?
Comment écrire l’histoire de la guerre d’Algérie sans faire mention de l’enlèvement par le FLN et la disparition de centaines de Français, avant et après le 19 mars 1962, qui a donné au conflit la dimension d’une guerre d’épuration ethnique ? L’ouvrage de Jean-Jacques Jordi, Un silence d’État, éd. Soteca, 2011, n’est même pas signalé...!
Compte tenu de l’orientation idéologique d’ensemble de ce livre, il n’est guère étonnant que la colonisation ne soit présentée qu’à travers ses aspects les plus sombres, souvent noircis de surcroît, et qu’aucun état des lieux de l’Algérie ne soit établi, sans doute pour ne pas suggérer que la présence française ait pu avoir, aussi, des côtés positifs.
Daniel Lefeuvre
Professeur d’histoire contemporaine, Université Paris 8 Saint-Denis.
Sylvie Thénault Jean-Pierre Peyroulou
Abderrahmane Bouchène Ouanassa Siari Tengour
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