Algérie: qui était Ahmed Ben Bella?

 

décès de Ahmed Ben Bella

 

Ahmed Ben Bella, militant indépendantiste de la première heure, est décédé. Il a été président de l'Algérie entre 1963 et 1965.

AFP

Ahmed Ben Bella est décédé à l'âge de 95 ans ce mercredi. Retour sur le parcours de ce militant indépendantiste devenu le premier président de l'Algérie et qui rêvait d'incarner le Tiers-Monde émergent. 

Ahmed Ben Bella est décédé ce mercredi [11 avril 2012] à l'âge de 95 ans. Lui qui fut le premier président de l'Algérie indépendante de 1962 à 1965, il fut l'un des pionniers du déclenchement de la guerre d'indépendance contre la France, Il a payé son engagement politique de 24 ans de prison, après quoi il s'est voulu l'incarnation du Tiers-Monde émergent. Cet homme, "courageux et bagarreur" selon ses proches, aura combattu toute sa vie. Et même jusqu'à la fin quand les problèmes dus à son âge avancé se sont succédés. 

C'est à la frontière marocaine, à Maghnia, qu'il est né le 25 décembre 1916. Ses parents, paysans pauvres du sud marocain, s'y étaient installés. Après des études secondaires à Tlemcen (ouest), Ahmed Ben Bella part en France pour y faire son service militaire. Il adhère en 1937 au Parti du peuple algérien (PPA) du "père" du nationalisme algérien Messali Hadj.  

En 1944, il est cité quatre fois à la bataille de Monte Cassino (Italie), où il faisait partie d'une unité d'élite, le 5e régiment de tirailleurs marocains (RTM). Il y a perdu deux de ses frères. Il a été décoré de la Médaille militaire par le général de Gaulle, chef de la France Libre. Il raconte cet épisode dans les colonnes de L'Express en 1995.  

 

Retour en Algérie

Ce sous-officier de l'armée française est bouleversé à son retour en Algérie en 1945 par l'ampleur de la répression française des manifestations d'"indigènes". Il rejoint alors le Parti du peuple algérien, rebaptisé Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) et devient membre de sa troupe de choc, l'Organisation spéciale (OS).  

Ahmed Ben Bella se distingue alors en organisant le hold-up de la poste d'Oran pour remplir les caisses de son parti. Arrêté en 1950 et condamné à 7 ans de prison, il s'évade de la prison de Blida en 1952 et rejoint un premier noyau de dirigeants nationalistes algériens installés au Caire.

Dans la capitale égyptienne, il se lie d'amitié avec le président Gamal Abdel Nasser, patron des "officiers libres", qui deviendra son mentor politique et apportera un soutien multiforme à sa demande au soulèvement algérien. En novembre 1954, il est l'un des 22 chefs historiques initiateurs du Front de Libération Nationale (FLN) contre la France coloniale.

 

Ben Bella et De Gaulle...

La guerre d'Algérie pour toile de fond, il retrouve son "adversaire", le général de Gaulle. "J'ai une immense estime pour de Gaulle. Adversaires, nous l'avons été, et l'affrontement a forgé le respect mutuel. Quand il est revenu au pouvoir, en 1958, je savais qu'il serait redoutable, mais la stature historique du personnage me donnait confiance sur le long terme. Chef militaire, c'est lui qui nous a porté les coups les plus durs. (...) De Gaulle n'était pas un politicien. Il avait cette dimension universelle qui fait trop souvent défaut aux dirigeants actuels", disait-il dans cet article datant de 1995. 

En octobre 1956, son avion est intercepté par l'armée française au dessus d'Alger. Il est emprisonné en France jusqu'à la fin de la guerre d'Algérie, en 1962. Il s'allie alors avec le chef d'Etat major de l'Armée de libération nationale (ALN), le colonel Houari Boumediene, et se fait élire, en 1963, premier président de la République algérienne indépendante.

 

Une courte présidence

Charismatique et populaire, il tente d'implanter le "socialisme autogestionnaire" après son arrivée au pouvoir en septembre 1962. Il rêve d'incarner aux côtés du Cubain Fidel Castro, de l'Egyptien Gamal Abdel Nasser, de l'Indien Nehru et du Chinois Mao Tsé-Toung la lutte "anti-impérialiste" et le "non-alignement" du Tiers-Monde émergent. 

Il rêve d'incarner aux côtés du Cubain Fidel Castro la lutte

Il rêve d'incarner aux côtés du Cubain Fidel Castro la lutte "anti-impérialiste" et le "non-alignement" du Tiers-Monde émergent.

AFP

Mais il n'est pas resté longtemps à la tête du pays bien que confirmé par les urnes comme chef de l'Etat le 16 septembre 1963. Son compagnon, ministre de la Défense et vice-président, feu Houari Boumediene, dont l'actuel président Abdelaziz Bouteflika avait toujours été proche, l'a renversé en le 19 juin 1965 puis emprisonné."Il ne s'attendait pas à être trahi par Boumediène", selon son biographe Mohammed Benelhadj. 

En 1981, gracié et libéré par le successeur de Boumediene, Chadli Bendjedid, Ben Bella s'exile pour un temps à l'étranger, notamment en France, et fonde le Mouvement pour la démocratie en Algérie (MDA) sans parvenir à mobiliser. Rentré à Alger en septembre 1990, il se retire de la vie politique nationale et se consacre à des dossiers internationaux (Palestine, Irak) et rejoint les "altermondialistes" dans leur lutte contre "la mondialisation capitaliste".  

Revenu en Algérie après l'élection en 1999 de Bouteflika, il soutient sa politique de réconciliation nationale avec les islamistes et endosse en 2007 sa dernière fonction officielle: président des Sages de l'Union africaine, chargés de la prévention et de la résolution des conflits. 

Avec

source

SIPA_00492462_000022

___________________________________

 

 

Ben Bella, premier chef d’État algérien, est mort

Hassan ZERROUKY

 

Dirigeant historique du Front de libération national, Ahmed Ben Bella, qui s’est éteint hier à Alger, à l’âge de 96 ans, fut le premier président d’une Algérie indépendante et socialiste.

En avril 1944, quand le général de Gaulle décore de la médaille militaire l’adjudant Ahmed Ben Bella du 5e régiment des tirailleurs marocains, il ne savait pas qu’il avait devant lui le futur président de la République algérienne.

Ahmed Ben Bella, né le 25 décembre 1918 à Maghnia dans une famille de petits paysans, est décédé hier à Alger, à l’âge de 96 ans. Le premier président de l’Algérie indépendante, hospitalisé le 22 février à l’hôpital militaire d’Aïn Naadja, avait été donné pour mort par la presse algérienne avant que l’une de ses filles ne démente l’information. Il en est ressorti très affaibli au point où des sources proches du pouvoir algérien affirmaient qu’il n’en avait pas pour longtemps et qu’il était maintenu artificiellement en vie.

C’est au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, après avoir été démobilisé, qu’il s’est lancé résolument dans la lutte politique. «C’est à Oujda que me parvint l’écho des événements du 8 mai 1945 (…) La répression de Sétif avait creusé un infranchissable fossé entre les deux communautés (algérienne et européenne). Je me devais à la mienne», raconte-t-il dans un livre écrit par Robert Merle, Ahmed Ben Bella. De retour à Maghnia, il adhère au MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques) issu du PPA (Parti populaire algérien), fondé par Messali Hadj.

Aux élections municipales de 1947, il est élu conseiller général. Mais après des démêlés avec l’administration coloniale, il plonge dans la clandestinité. Il fait partie de l’OS (Organisation spéciale) sous les ordres d’Hocine Aït Ahmed (futur dirigeant du FLN), une organisation créée par le MTLD pour préparer l’insurrection armée. Après l’attaque de la poste d’Oran à laquelle il prit part, l’OS est démantelée, Ben Bella est arrêté en 1950 et condamné à sept ans de prison. Incarcéré à Blida, près d’Alger, il s’évade en 1952 et se réfugie au Caire où se trouvent Aït Ahmed et Mohamed Khider.

C’est au Caire qu’il apprend la création, en mars 1954, du Crua (Comité révolutionnaire d’unité et d’action) dont il n’est pas membre, dont sera issu le FLN. Avec Ait Ahmed, Ben Bella est alors chargé de diriger la délégation extérieure du FLN basée au Caire.

En 1956, il est arrêté une deuxième fois lorsque l’avion qui le conduisait du Maroc en Tunisie en compagnie d’Aït Ahmed, Mohamed Boudiaf et Mohamed Khider est détourné. Incarcéré sur l’île d’Aix, il ne retrouvera la liberté qu’en mars 1962. Lors de la crise du FLN de l’été 1962, il prend le parti des militaires opposés au GPRA (gouvernement provisoire) dont il contestait la légitimité. C’est ainsi qu’il s’impose comme chef du FLN, écarte ses adversaires et prend le pouvoir en septembre 1962. Élu en septembre 1963 président de la République, Ben Bella opte pour le socialisme autogestionnaire. Le 19 juin 1965, il est renversé par un coup d’État et ne retrouvera la liberté qu’en 1980.

Hassan Zerrouky
L'Humanité, 12 avril 2012

 

- retour à l'accueil