à propos du film "L"ordre et la morale"
Joëlle RONDREUX de COLLORS
Chers amis, de métropole ou Calédoniens,
Comme vous le savez peut-être, même si vous n'êtes pas cinéphiles, un film de Mathieu Kassovitz au titre incompréhensible de L'Ordre et la Morale fondé sur les dires et la vision personnelle de M. Legorjus est sorti, avec une publicité fracassante, concernant ce qu'il est coutume d'appeler "l'Affaire d'Ouvéa" (1988).
mensonges et inventions
Malgré un devoir de réserve que j'ai toujours respecté, malgré le secret de l'instruction que j'ai toujours pratiqué au plus haut point et que je pratique encore, malgré toutes les pressions ou menaces ou sanctions que j'ai subies, singulièrement de la part du ministère de la Justice, je tiens à m'exprimer brièvement et à m'associer aux critiques portées à ce film-fiction, qui n'est pas un documentaire. Les mensonges, les inventions, sont multiples et patents.

image du film
J'étais le juge d'instruction des évènements de 1988 en Nouvelle-Calédonie, dont, entre autres, le plus médiatisé, "l'Affaire d'Ouvéa". À ce titre, j'ai rencontré simplement ou interrogé nombre des personnes concernées, parlé avec d'autres, indépendantistes ou non, j'ai suivi pas à pas le déroulement des évènements, j'ai assisté aux autopsies nécessaires, etc ...
Certains des destinataires de mon mail, qui, à l'époque, appartenaient - ou appartiennent encore - à la hiérarchie militaire de l'armée de terre, de la gendarmerie, de la Royale, ou de la BAN de Tontouta, au commando Hubert, au GIGN, au milieu journalistique, médical, ou au milieu judiciaire, ce, en Nouvelle-Calédonie ou en métropole, ou au milieu politique local, du parti majoritaire ou du FLNKS, seront de mon avis, se reconnaîtront, et quelques uns d'entre eux se souviendront de mes sincères remerciements pour l'aide qu'ils m'ont apportée, dans un temps particulièrement troublé.
Quelques-uns de mes destinataires n'iront pas non plus voir ce film, tant leurs blessures d'avoir perdu un membre de leur famille sont encore béantes.
Je m'associe bien sûr à la demande du général Vidal de faire une contre publicité à ce film, au nom de la lutte envers toute désinformation, notamment alors que l'on parle de forger un destin commun en Calédonie, tout en conseillant à titre personnel la lecture de son livre concernant l"affaire d'Ouvéa", éclatant d'impartialité et de précisions fondamentales.
Joëlle Rondreux de Collors
juge d'instruction
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Parmi les cas suspects, celui de Wenceslas Lavelloi, surnommé « Rambo », retrouvé mort d’une balle dans la tête et dont plusieurs témoignages semblent confirmer qu’il était encore vivant après la fin de l’assaut ; le cas d’Alphonse Dianou, chef du commando, blessé d’une balle au genou11, laissé plusieurs heures sans soins et qui devait finalement décéder1 ; le cas de Patrick Amossa Waina, un « porteur de thé »12 de 18 ans qui ne faisait pas partie des preneurs d’otages, retrouvé mort d'une balle dans la tête alors qu'il était vivant à la fin de l’assaut1 ; de Martin Haiwe qui tentait de s’enfuir avant l’attaque et de Samuel Wamo13. Le légiste ayant pratiqué les autopsies constatera également un nombre anormalement élevé de victimes tuées d’une balle dans la tête14 : douze sur dix-neuf ont en plus de multiples blessures reçu une balle dans la tête1. Néanmoins, d'après certains participants de l'opération, « aucun coup de feu n'a été entendu sur zone après la fin de l'assaut et la libération des derniers otages15 ».
Selon Nidoïsh Naisseline, leader du mouvement indépendantiste Libération kanak socialiste : « Pons et Chirac se sont conduits comme de véritables assassins. Ceux que l'on appelle les ravisseurs avaient déjà libéré dix gendarmes et attendaient que la situation politique se clarifie le 10 mai, afin de négocier. MM. Pons et Chirac ont préféré les assassiner. Ils auraient pu éviter cette boucherie, mais ont préféré échanger du sang kanak contre des bulletins de vote des amis de J.-Marie Le Pen »16.
En 2008, Michel Rocard, qui a été le Premier ministre succédant à Jaques Chirac après les élections de 1988, déclare : « Ce que je savais moi — et que j’étais seul à savoir, je ne pouvais pas le dire aux autres délégations parce qu’il ne fallait pas que le secret sorte — c’est qu’il y avait aussi des officiers français… Enfin, au moins un et peut-être un sous-officier, on ne sait pas très bien… À la fin de l’épisode de la grotte d’Ouvéa, il y a eu des blessés kanaks et deux de ces blessés ont été achevés à coups de bottes par des militaires français, dont un officier. […] Il fallait prévoir que cela finisse par se savoir et il fallait donc prévoir que cela aussi soit garanti par l’amnistie »17.