un livre à éviter...
Maurice FAIVRE
Claire Mauss-Copeaux a publié en février 2011 un livre intitulé : Algérie 20 août 1955, Insurrection, Répression, Massacres, éd.Payot, 279 pages.
Cet ouvrage contient de grossières erreurs concernant le massacre d'El Halia :
- il surestime la population européenne du village (250 au lieu de 180).
- Il présente une situation calme du Constantinois, alors que le terrorisme a commencé en mai (huit bombes à Constantine).
- Il se réfère à la version de Brahim Ayachi, selon lequel tous les habitants d'El Halia étaient armés et se sont défendus :
- or un seul assaillant a été tué ;
- le dépôt d'explosifs n'a pas été visité, alors que le but était de récupérer de l'armement.
Ayachi, qui n'avait aucune responsabilité dans l'ALN de 1955, se réveille 50 ans après les faits.
- les ouvriers sétifiens de la mine n'étaient pas des rescapés de mai 1945, ils venaient de M'sila, localité qui n'avait pas connu de soulèvement en 1945.
D'autres erreurs concernent :
- les soi-disant vengeances familiales de la famille Mello à Ain Abid,
- l'ignorance des victimes du Khroubs,
- les cadavres écrasés par un half-track à Guelma,
- l'audition du général Faivre par Patrick Rotman (chronologie inexacte, faits incomplets, archives consultées, action sociale de l'armée ignorée).
Le livre à paraître de Roger Vétillard, préfacé par Guy Pervillé, fait un point précis de l'insurrection du 20 août 1955. Il s'appuie sur des archives inconnues, et sur près de 80 témoignages de Français et d'Algériens.
Maurice Faivre
le 18 mai 2011
le 18 mai 2011
enfants assassinés par le FLN à El-Halia en 1955,
dans sa "glorieuse guerre d'indépendance"
Le texte renouvelle la vision du 20 août 1955. Certaines des hypothèses qu’elle pose sont autant de présomptions convergentes, d’intimes convictions à même d’être approfondies par d’autres. Nous voulons parler de l’origine des massacres d’Européens.
Tout en critiquant ceux qui restent campés sur des positions que l’on peut comprendre (celles des Français exilés), mais qu’en historienne elle ne peut faire siennes, Claire MAUSS-COPEAUX élargit le champ des sources et donne dans un même récit la parole à une histoire bipartite : celle des anciens Français d’Algérie et celle des Algériens.
Le lecteur averti regrette que les témoignages soient moins nombreux qu’espérés. Pour autant, le chef de groupe du commando d’El ALIA, critiqué par les siens et les mémorialistes, et questionné par Claire MAUSS COPEAUX, figure dans l’organigramme A.L.N. local établi par le 2ème Bureau. Pour l’auteur l’insurrection est première, et les chapitres de tête sont là pour l’annoncer, analysant les causes qui s’enracinent dans le mythe des « trois départements français ».
Le « massacre » perpétré par l’A.L.N. stigmatise la violence aveugle, toujours idiote et insupportable mais si humaine car, on l’a vu, la cause en serait du domaine du "fait divers sanglant" et non de la "Guerre Sainte", même si le "djihadisme" a certainement joué un rôle. Cette violence a frappé majoritairement une première communauté, la communauté européenne. Claire MAUSS COPEAUX la décrit et l’assimile à un « crime de guerre ».
Enfin, la question des représailles, jusqu’alors restée dans le flou, est démontrée dans son intention. Pas de preuve écrite émanant du pouvoir civil. En revanche, une panoplie d’ordres déclinés en langage codé par la hiérarchie militaire. Dans ce cas, les archives ont parlé. Cette répression – ce deuxième massacre accompli "à froid" - a touché l’autre communauté, celle des Français musulmans d’Algérie. L’auteur rééquilibre le discours sur la violence, traditionnellement monopolisé par la mémoire des civils d’El-ALIA et d’AÏN ABID, au détriment de ceux des autres banlieues martyres de PHILIPPEVILLE, eux aussi victimes – dit-elle en conclusion – de « crimes de guerre ».
Les explications jusqu’à présent apportées sur les raisons de ce qui est considéré comme le véritable enracinement de la guerre ne seraient donc que des rationalisations a posteriori, reconstruites en fonction de ce que l’on sait depuis. C’est ce que l’on peut déduire du récit de Claire MAUSS-COPEAUX. L’historienne met à mal la principale des théories reprises jusqu’alors par les auteurs pour expliquer la sauvagerie des massacres de civils européens : Il ne s’agirait pas d’une préméditation stratégique devant entraîner, à coup sûr, des représailles gigantesques comme en 45, pour servir à la survie de la "Révolution". Il n’en serait rien. Remarquons que nul auteur Algérien n’avait d’ailleurs défendu cet argument, et on savait à partir des échos rapportés de la réunion F.L.N. du 20 août 1956, dite "Congrès de la SOUMMAM", que ces massacres de civils avaient été désavoués par d’autres chefs F.L.N. A ce titre d’ailleurs Ali KAFI, personnalité bien placée comme ancien bras droit de ZIGHOUT Youssef, n’en fait état dans la liste des objectifs livrée dans ses mémoires.
Les lecteurs curieux pardonneront à Claire MAUSS-COPEAUX de ne pas trouver dans son texte des réponses systématiques à toutes leurs questions, ni une énumération exhaustive de tous les événements ni tous les lieux touchés par l’insurrection. Un traité d’histoire est une démonstration, non pas une encyclopédie. Pour cela d’autres livres suivront sans doute, utilisant notamment d’autres sources disponibles. Les témoignages permettent à l’auteur de formuler des hypothèses et de les argumenter. Car ce livre devrait être l’instrument de discussions entre historiens, pour aider la connaissance historique de cette question emblématique de l’enracinement de la Guerre en Algérie. La discussion est utile, salutaire, non pas la polémique stérile. Il est important de regarder ce que ce livre apporte à l’Histoire, en dépit d’inexactitudes factuelles comme par exemple le nombre sous-estimé des civils tués depuis le 1er novembre, ou d’autres manques à relever, et à corriger éventuellement.
Cette question, il était temps d’enfin l’aborder avant que les derniers contemporains ne s’éteignent. Mais après avoir tourné la dernière page du dernier chapitre, on est frappé par la violence qui s’exprime en début de conclusion, de l’attaque à l’égard des « activistes de la mémoire ». Il faut croire que dans l’esprit de Claire MAUSS-COPEAUX, nombreux ont dû pécher contre l’Histoire pour avoir rendu son propos à tel point incisif. Souhaitons que d’autres auteurs viennent nourrir cette discussion dans un esprit de construction historique. Ce texte parait humain. Est-ce le fait d’une femme ? Le fait divers y surpasse la politique, et les morts tous les morts – y redeviennent égaux entre eux.
Dans un livre d’Histoire, regardons avant tout ce qu’il apporte à l’Histoire.