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études-coloniales
29 juin 2008

Figures coloniales et anti-coloniales - sommaire

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A
merci
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C
ISABELLE EBERHARDT.<br /> <br /> Quand il a tapé sa dépression nerveuse due aux problèmes et peut-être à la torture qu’il a connus à Alger en 1970, Ali Abdelhamid CHAMI allait tous les jours comme téléguidé vers la tombe d’Isabelle Eberhardt et y restait jusqu’à ce que sa mère notre chère TATA HAMID vienne le chercher le soir. Isabelle Eberhardt, cette aventurière dont le nom seul évoque comme un film étrange d’un extraterrestre, est venue comme un avertissement, indéchiffrable à l’époque, annonçant que le colonialisme n’est pas à son apogée mais à sa fin et qu’il ne peut réussir que dans le respect total de la culture des autochtones, c’est à dire que seule une intégration totale dans la culture indigène peut donner longue vie à la colonisation qui n’en serait alors plus une, une culture ne pouvant pas coloniser une culture ancestrale. Elle perd l’un après l’autre une famille d’intellectuels ( chacun parlant au moins trois langues), elle les perd en cascade en l’espace de quelques années, suicide, asphyxie, disparition tel est le lot qu’elle a eu avec ses frères et sa nièce. Elle peut se vanter d’être originaire de toutes les races, slave, juive, français, russe, arménienne, allemande, italienne, turque, arabe, suisse. Grandie dans un milieu très évolué, elle a eu le destin de ceux qui dépassent leur temps. On ne sait pas de quel père elle est issue, Rimbaud, Trophimowsky ou le médecin turc de la famille, ni quand et comment elle a embrassé l’Islam, à la naissance ou à la maturité. Elle s’habillait en homme parce qu’elle ne voulait être entretenue par quiconque et parce qu’elle refusait l’esclavage sous toutes ses formes. Elle était à la recherche d’elle-même et tout le monde se demandait qui est cette femme dans cette tenue masculine. Elle demeure et demeurera une éternelle énigme. En décrivant la misère, elle dénonçait la pacification, alors vantée par tous, et elle participait aux enquêtes sur les exactions de l’armée coloniale. Elle a aimé l’Algérie quand elle en a entendu parler pour la première fois ne cessant de correspondre avec son frère Augustin et avec ses amis pour en savoir toujours plus sur notre pays. En Algérie, elle est du côté des étudiants à Annaba et du côté des paysans à Ténés, elle pardonne et demande pardon à son agresseur pour lequel elle ne trouve ni mépris ni haine. Victor Barrucand disait d’elle qu’elle était imbibée comme une éponge des souffrances d’autrui et se posait en défenseur de ses frères les musulmans d’Algérie, partout ou elle passait des lettres anonymes la dénonçait à l’administration coloniale. La police la suivit déjà à Genéve et partout il y avait un œil sur elle. Elle n’aime pas Alger qui ressemble à l’Europe et qui pollue l’environnement spirituel et Historique, elle aurait souhaité qu’on demande leur avis aux indigènes sur l’architecture de leur pays, elle voulait une étude d’impact poussée à fond, une assimilation à l’envers selon le terme de Jaqueline Arnaud. Cette éternelle indésirable ne peut être comprise et aimée que par des hommes libres. On ne peut écrire sur la liberté, le voyage ou la femme sans citer Isabelle Eberhardt. Sa soif de liberté se résume dans son mot célèbre : « Je n’ai pas trouvé la liberté chez les libertaires ». Pour cette femme, rien ne comptait si ce n’est ce que lui dicte sa conscience. Son écriture n’a qu’un seul qualificatif : la liberté. Elle représente le meilleur exemple du journaliste libre donnant une leçon au monde entier. A la différence de Camus, elle axe son écriture sur les autochtones algériens plutôt que sur les colons. Elle écrit normalement dans trois langues, le français, le russe et l’arabe, et parle couramment plus de six langues. Elle discutait avec les légionnaires a Ain-Séfra chacun dans sa propre langue. Elle aide son frère à Marseille malgré la misère et elle palpe de ses propres mains les luttes de classes en contactant les dockers du début du 20 siècle. En tant que reporter de guerre, elle donne au quatrième pouvoir un magnifique exemple de courage et de vérité. Elle n’a pas suivi les anarchistes et les nihilistes, peut-être a-t-elle trouvé un nihilisme plus fort dans le nomadisme à l’image des pas qui s’effacent automatiquement dans le désert et l’anarchisme dans l’organisation des zaouïa de l’islam soufie qui était encore pur au début du 20iem siècle. Pour elle le but de l’anarchie c’est l’homme. Elle s’était complètement engloutie dans notre société et elle disait : « j’ai voulu posséder ce pays et ce pays m’a possédait ». Elle est le meilleur exemple du contact entre l’orient et l’occident, un contact d’où le superficiel est banni. Elle s’est imposée au général Lyautey, l’homme qui voyait loin et qui ne pouvait que respecter cette femme hors du commun. Elle se demandait pourquoi, alors que les indigènes n’ont rien, leur refuse-t-on jusqu’à la tranquillité de ce rien. L’œuvre d’Isabelle Eberhardt représente pour nous des documents historiques sur nos habitudes, nos us et coutumes du début du 20 siècle, nos mariages, nos amours, nos fêtes, le marché, l’adolescence, la misère, les problèmes, la sorcellerie, la naissance, la mort, la joie, tout est décrit avec un regard juste et profond, un regard qui reste encore à définir. Elle a prévu dans ses textes le « ALLAHOU AKBAR » du premier novembre 1954. A part les textes officiels des administrateurs et les rapports des généraux, il n’y a que Isabelle Eberhardt qui a parle de nous. Pour tout cela nous avons une dette envers elle et nous lui devons une immense reconnaissance : Elle n’est pas seulement un écrivain maghrébin, c’est, pour nous, un écrivain de Ain-Séfra. Notre tâche consiste à la comprendre et à être, pour la dédommager, à la hauteur du premier centenaire qui doit donner un plus à l’étude de cet être étrange qui a balaye d’un coup toute son éducation occidentale, toujours en crise, et qui a aimé notre façon d’être et notre religion. Cet écrivain qui est l’unique au monde à avoir écrit sur Hadjrat Lemguil, a touché presque toute notre région, Ain-Séfra, Figuif, Djnan Dar, Mograr, Kenadza sur presque tous les journaux et périodiques de l’époque. Avec le maréchal Lyautey elle parlait de la vie de nos parents qu’ elle nous a transmise au jour le jour avec un talent remarquable et un style réaliste parce que tout venait du plus profond du cœur. Elle fait partie de notre patrimoine culturel et artistique, qu’on le veille ou non, et c’est pour cela que Ain-Séfra ne pardonnera jamais à ceux qui l’ont assassinée pour la deuxième fois en interdisant les journées sur Isabelle qui devaient être organisées le 21 et 22 octobre 1987 en préparation du 2004 ( le premier assassinat étant commis un certain 6 mai 1984, passant ce jour-là de la HOGRA des hommes à la HOGRA des villes). L’avortement de ces journées durant lesquelles des personnalités étaient invitées de tous les coins du monde était pour l’écrivain BENAMARA Khelifa une perte immense causée par l’ennemie public numéro 1 de l’Humanité : L’ignorance. La fin d’une Nation commence quand on ne laisse pas ses enfants chercher leur Histoire et s’exprimer en toute liberté. Si nous ne nous occupons pas de la culture nous devenons insensibles et avec l’insensibilité et l’indifférence, tout peut nous arriver. Comme ALLA ELFONDOU était vivant et censuré chez lui, MAHMOUDA était morte et censurée dans sa tombe. Nous avons perdu 17 années de réflexion et de préparation, qui peut nous aider à les rattraper?<br /> On est quand même heureux que la question du centenaire et son importance ne se pose plus, ce qu’il faut maintenant c’est être digne de l’évènement, qu’on ne parle plus d’espionnage pour saboter le centenaire, mais pour expliquer le personnage. De toute façon, pour nous, espionne au service du colonialisme français, Isabelle Eberhardt ne l’était pas pour la simple raison que Sidi Bouamama n’a jamais mis personne en garde contre elle et qu’il ne s’était pas opposé à son enterrement parmi les musulmans ; Si elle était espionne, elle aurait rejoint Sidi Bouamama tout en évitant de se montrer avec Lyautey devant le monde entier, et Sidi Bouamama aurait eu de très grandes difficultés avec elle, il se serait même fait arrêter par Lyautey. Isabelle Eberhardt n’appartient pas au patrimoine de la France et encore moins à son patrimoine colonial. Elle a posé un problème de civilisation, elle aurait rejoint Frantz Fanon si elle avait assisté à la guerre d’Algérie, Isabelle Eberhardt voulait une autre solution au colonialisme ou au moins son humanisation si ça existe. Il ne s’agit pas non plus de forger à Isabelle une personnalité qui nous arrange et arrange tout le monde, il ne s’agit pas de faire d’elle une arabo-musulmane nationaliste et révolutionnaire coûte que coûte. Non, il faut la prendre telle qu’elle fût et essayer de comprendre, sinon ce n’est pas la peine de se poser des questions. Le travail colossal fait par Edmonde CHARLES ROUX et la critique mondiale qui l’a suivi ne suffiront pas à localiser le personnage. Ce sera le deuxième centenaire, en 2104, que nos enfants et petits enfants auront une idée exacte de ce que fût SEID MAHMOUD qui a continue un peu l’écriture des milles et une nuits en Algérie. Notre travail n’est pas de sinécure, la compilation des archives des régions qu’elle a connues, la lecture et l’analyse des textes et livres d’ISABELLE en faisant attention aux retouches de Victor Barrucand, parce que ce juste, ce social, ce libertaire a censuré notre grand écrivain et peut-être que monsieur lyautey n’a pas remis tous les documents manuscrits, la traduction en arabe de Farhat BAROUNI de « NOMADE, J’ETAIS », la vision et la critique des films, le rassemblement de tous les textes des colloques et journées faits sur ISABELLE EBERHARDT et surtout celui fait à Paris à l’institut du monde arabe le 06/02/2003, la lecture « musicalisée » de ces textes et les pièces de théâtre, tous les articles de presse qu’elle a faites et qu’on a faits sur elle dans toutes les langues, tout doit être disponible, étudié et critiqué. On n’écrit pas sur la liberté, la femme ou le voyage sans citer ISABELLE EBERHARDT, alors tous les écrivains l’ont citée au moins une fois dans leur œuvre. L’étude de cette énigme des deux siècles demande beaucoup de temps, de patience, beaucoup de travail et de réflexion d’autant plus que l’écrivaine donne envie d’être connue tout en demeurant voilée pour tous. Ce qui est obscur dans cette personnalité l’est resté tout au long du siècle dernier, les écrits récents sur elle posent les mêmes problèmes que 1904. Elle est cachée même à ceux qui l’ont étudiée dans la langue qu’elle utilisait le plus, c’est pour cela que tous les intellectuels arabes qui l’ont connue ont demandé la traduction de ses œuvres, chose qui ne s’est pas encore bien fait parce qu’elle rencontre des difficultés de part la liberté de l’écriture, la recherche de la vérité, la transcription du sentiment et l’autocensure. Les journaux de l’époque ont consacré de nombreux articles sur elle, « ce qui est écrit sur elle est inépuisable » a dit Jaqueline ARNAUD. Le personnage que nous étudions n’est pas un être comme les autres. La lettre qu’elle écrit à son mari à l’hôpital de Batna nous montre qu’elle insistait sur l’Islam plus que lui. Elle choisit de rentrer dans le monde soufie à la Quadiria. Entre-temps, elle boit, elle fume le hachisch, elle fait tout ce qui est interdit par l’Islam, On dit qu’elle a eu des relations incestueuses avec son frère Augustin. Elle a aimé sa liberté plus que sa religion. Son mari la présente sous sa double personnalité, sa femme Isabelle et son compagnon Mahmoud. Sa personnalité est représentée dans tous ses personnages hommes et femmes qui sont réels comme vivants avec nous. Son comportement donne une leçon de liberté au monde entier. Elle disait « la chose la plus difficile, la seule difficile peut-être est de s’affranchir et encore bien plus de vivre libre ». Elle est émerveillée par les milles et une coupoles de Oued Souf et elle fait une déclaration d’amour à Ain-Séfra quand elle la revoit pour la deuxième fois. Lors de la commémoration du 99ieme anniversaire célébré à Ain-séfra par l’association BALAGH au foyer d’animation de la jeunesse de boumreifeg, un intervenant a posé un problème nouveau, il s’est demandé si Isabelle ne s’est pas suicidée le 21 octobre 1904. Bien qu’elle parlait trop de la mort la voyant venir, je ne crois pas qu’Isabelle Eberhardt soit du genre à se suicider et encore moins en profitant de l’occasion de l’oued, on ne se suicide pas devant la mort. Maintenant elle gît éternellement à coté et un peu au-dessus de l’oued qui l’a emportée, elle doit l’écouter chaque fois qu’il explose. Presque tout le tourisme mondial utilise son nom dans ses publicités, elle fera oublier l’oubli de Ain-Séfra et de son Histoire. Malheureusement il ne reste maintenant de « BLED EL KHAOUF » que la peur de l’oued qui l’a emportée. Tous les morts enterrés à SIDI BOUDJEMAA méritent le respect total. Rien dans la commémoration du centenaire ne doit gêner le sommeil des voisins d’Isabelle EBERHARDT. Les ministres ou autres visiteurs doivent marcher comme tout le monde en faisant attention aux tombes. Le couloir de dalles de pierres qui mène à ISABELLE en passant sur d’autres tombes, en plus que c’est un sacrilège, casse tout le sens que nous avons de cette commémoration. <br /> <br /> AIN-SEFRA LE 11/11/2003.<br /> CHAMI Mohammed Elhabib.
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