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études-coloniales
26 avril 2007

Les colonies maltraitées (Éric Roussel)

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Les colonies maltraitées

Éric ROUSSEL

 

12197318_pVoulant être une référence, l'ouvrage multiplie erreurs, lacunes et approximations. Dommage.

REPENTANCE : loi entravant toute discussion historique sur tel ou tel aspect du passé. A priori, le climat ambiant n'est guère favorable à l'étude de la colonisation. Réunie autour de l'universitaire Claude Liauzu, une équipe vient pourtant de relever le défi. Entre ceux qui exaltent les côtés les plus positifs de l'épopée coloniale et d'autres, selon lesquels la France a mené une entreprise calamiteuse, voire criminelle, le parti pris des auteurs est celui d'un juste milieu. Dans une certaine mesure, le pari est tenu.

Signée par Frédéric Turpin, auquel on doit d'excellents travaux sur l'Indochine, la notice relative à François Mitterrand, ministre de la France d'Outre-Mer sous la IVe République, est notamment un modèle d'équilibre : si les tendances réformatrices et libérales du futur chef de l'État sont bien soulignées, son attachement aux structures coloniales ne l'est pas moins. Dans les grandes lignes, les développements d'ordre événementiel (guerre d'Indochine, guerre d'Algérie) apparaissent également honnêtes et de bonne facture.

D'où vient donc le sentiment d'insatisfaction suscité par cette entreprise ? Passons sur certaines erreurs. Fort sévère pour les militaires et les colons dans son roman La Rose de sable, Henry de Montherlant n'était nullement officier : tout au contraire, il avait refusé de le devenir avec obstination. Quant à Pierre Boisson, nommé gouverneur général à Dakar en juin 1940 par le socialiste Albert Rivière, ministre des Colonies du premier gouvernement Pétain, il devait sa carrière brillante à son loyalisme républicain : on voit donc mal en quoi il pouvait être tenu pour sûr par le régime de Vichy - qui d'ailleurs n'existait pas encore.

Passons aussi sur certaines lacunes. Pourquoi, par exemple, consacrer des développements au Parti communiste indochinois ou de la région de Madagascar et passer sous silence le Parti communiste français ? Il n'aurait pas été inutile de revenir sur le fait qu'en 1940, au lendemain de l'entrée en guerre de l'Union soviétique, le PCF refusa toute idée d'autonomie des départements algériens, qu'en 1945 il couvrit la répression des émeutes de Sétif, qu'en 1955, après les tragiques événements de la Toussaint 1954, il condamna une «rébellion irresponsable» et enfin, qu'un an plus tard, sous le gouvernement Guy Mollet, il vota les pouvoirs spéciaux demandés par le ministre résident, Robert Lacoste ?

Plus graves sont des interprétations erronées. Prétendre ainsi que l'indépendance de la Tunisie fut ressentie par Pierre Mendès France (PMF) comme une trahison de sa politique est pour le moins discutable. S'il est exact que le processus d'autonomie interne, enclenché par le discours de Carthage en juillet 1954, ne débouchait pas directement sur une émancipation complète du protectorat, il reste qu'en fait il aboutit à ce résultat et que PMF ne s'en indigna pas. Les Tunisiens, du reste, saluèrent toujours son initiative. Encore plus contestables sont les passages décrivant la politique du général de Gaulle en Algérie : trop succincts, ils ne rendent compte ni de la complexité de sa position ni de l'évolution de sa pensée.

Éric Roussel, Le Figaro, 26 avril 2007

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