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études-coloniales
14 novembre 2006

Colonisation : Sarkozy rejette la faute

Ferrandez_Explosion
Jacques Ferrandez (source)

 

Colonisation : Sarkozy rejette la faute

"On ne peut pas demander aux fils de s'excuser des fautes

de leurs pères" a affirmé, à Alger, le ministre

 

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Nicolas Sarkozy et son homologue algérien
Noureddine Yazid Zerhouni

Le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy, en visite en Algérie, a qualifié de système colonial français d'"injuste" tout en excluant de présenter des excuses.

Le ministre de l'Intérieur avait entamé sa visite par un lieu hautement symbolique, le Monument des Martyrs, dédié aux victimes de la guerre d'Algérie, sur les hauteurs d'Alger : "C'est une façon d'exprimer mon amitié aux Algériens que de me recueillir devant un monument qui relate beaucoup de souffrances".

"Le système colonial est injuste. Des femmes et des hommes des deux côtés de la Méditerranée ont eu des souffrances", a-t-il répondu, interrogé sur cette repentance exigée. Avant de souligner que "la France se veut tournée vers l'avenir commun" et d'appeler au nécessaire "effort de compréhension réciproque".

Pas d'excuses
Toutefois, dans la soirée, alors qu'il s'exprimait lors d'un cocktail donné à l'ambassade de France devant un parterre de ressortissants français, Nicolas Sarkozy s'est montré réticent à l'idée d'excuses officielles réclamées par Alger.
"J'ai dit au Premier ministre Abdelaziz Belkhadem qu'on ne peut pas demander aux fils de s'excuser des fautes de leurs pères"
, a révélé le ministre devant les Français d'Algérie qu'il a rencontrés lundi soir à la résidence de France d'Alger.
Un an après le vote d'une loi, en 2005, dont l'article 4, abrogé depuis, célébrait les "aspects positifs" de la colonisation française, "le contexte est extrêmement difficile, entre l'Algérie et la France", a relevé Nicolas Sarkozy en s'exprimant devant des journalistes français. "C'est même ce qui justifie ce voyage", a-t-il estimé, voyage "qui a été préparé en plein accord avec le président de la République", a-t-il réitéré pour la cinquième fois de la journée.

 

"C'est lui qui m'a demandé de venir, le président essaye qu'on apaise les choses entre les deux pays, cette première journée a permis de le faire", a jugé Nicolas Sarkozy, y voyant la preuve dans le fait qu'il avait, l'après-midi même, déposé des gerbes au cimetière chrétien et au carré juif "avec le ministre (algérien) délégué aux Collectivités locales", Dahou Ould Kablia. Dans ce contexte "extrêmement difficile", il "faut du temps (et) il y a eu assez d'humiliations pour chacun des deux pays", a estimé le numéro 2 du gouvernement français.

Pas de traité d'amitié
Si Nicolas Sarkozy est venu "pour apaiser", il ne l'a pas fait "pour signer un traité d'amitié". Un tel acte, a-t-il poursuivi, "c'est une histoire entre le président de la République et M. Bouteflika, c'est entre les deux chefs d'Etat, je ne suis pas là pour signer un traité d'amitié", a-t-il répété.

Le ministre algérien de l'Intérieur Noureddine Yazid Zerhouni a affirmé de son côté lundi à Alger que le moment n'était pas favorable pour signer le traité d'amitié entre l'Algérie et la France.

"Je crois, et c'est mon avis personnel, que, compte tenu des contingences actuelles, le moment n'est pas favorable pour signer le traité d'amitié entre l'Algérie et la France", a-t-il déclaré à la presse à l'issue de ses entretiens avec Nicolas Sarkozy.

"Il y a encore des efforts à faire pour créer un consensus le plus large possible", a souligné le ministre algérien, en ajoutant qu'il partageait l'avis de Nicolas Sarkozy "lorsqu'il dit qu'il vaut mieux encore construire parce que l'amitié ne se décrète pas".

"Il vaut mieux encore construire cette amitié et la construire par la réalité quotidienne", a insisté Noureddine Yazid Zerhouni en soulignant que "le traité d'amitié pourrait venir à ce moment-là pour couronner et confirmer une situation".

(avec AP)
source : Nouvelobs.com
14 novembre 2006 - 12 h 20



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10 novembre 2006

Réponse à la lecture de Benjamin Stora (Daniel Lefeuvre)

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je ne crois malheureusement pas

qu’on puisse combler cette demande
de reconnaissance de la souffrance par des faits
et des chiffres
(Benjamin Stora)

 

Réponse à la lecture de Benjamin Stora

Daniel LEFEUVRE

couv_Daniel_newLa lecture que Benjamin Stora propose de Pour en finir avec la repentance coloniale, dans le numéro 493 (du 30 septembre au 6 octobre 2006, p. 69) de Marianne me semble ouvrir un débat sur trois points.

Le premier point touche à la question, toujours pendante, du rapport entre l’historien et ses sources. Quelle critique Benjamin Stora m’adresse-t-il sur ce plan ? De travailler à partir des archives de l’État et donc, inéluctablement, de restituer la parole de celui-ci. Travail certes utile mais unilatéral puisque écrivant l’histoire d’un seul versant et qui ignore la “parole des colonisés”, contrairement à la démarche originale mise en oeuvre naguère par Charles-Robert Ageron, Annie Rey-Goldzeiguer et, actuellement, par B. Stora lui-même.

Ce postulat de Benjamin Stora selon lequel les archives ne permettent de restituer que la parole de celui qui les a constituées n’est guère soutenable. Les exemples qu’il donne contredisent d’ailleurs cette affirmation. Sur quoi, en effet, repose l’œuvre magistrale de Ch.-R. Ageron, Les Algériens musulmans et la France, 1871-1919 (PUF, 1968, 2 vol.) sinon, pour l’essentiel, sur les archives publiques françaises ! Il en va de même pour Le Royaume arabe. La politique algérienne de Napoléon IIII, 1861-1870, (SNED, Alger, 1977) d’Annie Rey-Goldzeiger. Et c’est en puisant dans ces mêmes fonds, qu’André Nouschi a pu mener à bien son Enquête sur le niveau de vie des populations rurales constantinoises, de la conquête jusqu’en 1919 (PUF, 1961).

Plus près de nous, Raphaëlle Branche reconnaît (p. 441 de son livre) “la prépondérance des archives militaires” consultées au Service historique de l’Armée de Terre (SHAT) dans l’élaboration de sa thèse publiée sous le titre La torture et l’armée française pendant la guerre d’Algérie (Gallimard, 2001) qui, c’est le moins qu’on puisse dire, ne restitue pas le point de vue de l’armée.

Enfin, comment Gilbert Meynier aurait-il pu écrire sa monumentale Histoire intérieure du FLN, 1954-1962 (Fayard, 2002) sans disposer, lui-aussi des fonds du SHAT, auquel il paie sa dette (p. 26), à la fois parce que “les services français étaient souvent remarquablement informés” sur les activités et les militants du FLN/ANL, mais aussi parce qu’on trouve à Vincennes “des centaines de cartons renfermant des documents du FLN/ALN” dont la consultation est, aujourd’hui, toujours impossible en Algérie.

D’autres exemples venus d’autres “territoires” de l’historien pourraient, presque à l’infini, être convoqués pour prouver que le travail à partir des archives publiques ne conduit pas nécessairement à se faire le porte-parole de l’Etat, ce qu’au demeurant je n’ai pas le sentiment d’avoir fait.

Le second point porte sur l’affirmation selon laquelle je m’inscrirais dans “une querelle plus idéologique qu’historique”.

Certes, la “querelle” sur le passé colonial de la France et sur les prolongements contemporains de celui-ci est bien d’ordre idéologique et politique. Mais l’objet de mon livre est justement de rappeler que l’historien est dans son rôle lorsqu’il dénonce, avec les outils qui sont les siens, les falsifications qui se présentent comme étant des ouvrages d’histoire. Il faut bien alors, pour appuyer sa démonstration, en passer par les chiffres, les dates, les données économiques, militaires, sociales,… les plus précis possibles sans lesquels aucune interprétation scientifique, aucune compréhension ne sont possibles. Il est également dans son rôle lorsque, soixante ans après Lucien Febvre, il rappelle que l’historien n’est ni le juge, “pas même un juge d’instruction”, ni le procureur des acteurs ou des comparses du passé.

Le troisième point de désaccord avec Benjamin Stora, peut-être le plus important, touche à la fonction même de notre discipline. “Contrairement à Daniel Lefeuvre, je ne crois malheureusement pas, écrit B. Stora,  qu’on puisse combler cette demande de reconnaissance de la souffrance par des faits et des chiffres. Les arguments rationnels ne viennent pas à bout de l’affect. Du moins cette réponse rationnelle, si elle est indispensable, n’est pas suffisante.”

La question qui est ici posée est celle de la fonction de l’histoire. Certes, B. Stora admet la nécessité des “arguments rationnels” et il ne nie pas totalement la fonction de connaissance du passé. Mais cette fonction semble secondaire dans ce qu’elle ne permettrait pas “de reconnaître la souffrance” des victimes de l’histoire et donc de panser les plaies encore ouvertes.

J’avoue ne pas suivre B. Stora dans cette voie qui tend à construire une histoire compassionnelle. Connaître, comprendre, expliquer le passé pour permettre aux hommes de mieux se situer dans le présent, voilà l’objet et l’ambition de notre discipline, ce qui n’est pas peu. La souffrance des victimes n’est pas de son ressort, sauf à en faire un objet d’histoire.

Reste, et bien des drames collectifs du vingtième siècle le montrent,  la vérité est bien souvent la première exigence des victimes - ou de leurs proches - qui veulent savoir et comprendre. C’est donc en faisant leur métier que les historiens peuvent contribuer aux apaisements nécessaires, et non en se donnant comme mission d’apporter du réconfort.

Daniel Lefeuvre

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Charles-Robert Ageron, Annie Rey-Goldzeiguer, André Nouschi,

Gilbert Meynier... les grandes thèses d'histoire algérienne

ont été faites à partir des archives d'État françaises, Daniel Lefeuvre

 

 

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7 novembre 2006

Colonies : ni tabou ni repentance (Georgette Elgey)

force_noire_couv    couv_Daniel_new   herodetunisie_cov

Trois ouvrages apportent un nouvel éclairage

sur l'histoire infiniment complexe des relations de la France

avec son empire colonial

 

  Colonies :

ni tabou ni repentance

Georgette ELGEY

 

Les deux premiers essais concernent les «soldats indigènes», leur place, leur rôle et leur importance dans l'armée française. Héros de Tunisie, un récit événementiel classique qui retrace plus d'un siècle d'histoire tunisienne et française, commence en 1837, bien avant que la France ait établi son protectorat sur ce pays, et se termine en 1957 quand celui-ci recouvre son indépendance. La Force noire a une autre ambition. Il se présente sous la forme de près d'une centaine de notes brèves, sur les sujets les plus variés : loin de se limiter aux questions militaires, elles traitent aussi bien la genèse du célèbre slogan publicitaire de l'entre-deux-guerres «Y'a bon Banania», que du mythe du barbare guidé par la mère patrie vers le progrès. Ainsi, à travers cette évocation qui justifie pleinement le sous-titre du livre Gloire et infortunes d'une légende coloniale, c'est tout un tableau de l'évolution des mentalités françaises qui nous est offert. Une iconographie très riche, le plus souvent inédite, contribue à l'importance de ces deux publications.

Le troisième ouvrage est d'une tout autre nature. Son auteur, Daniel Lefeuvre, spécialiste reconnu de l'Algérie coloniale, est un universitaire - il enseigne à Paris VIII - qui, en aucun cas, ne peut être classé parmi les défenseurs du colonialisme ou les nostalgiques de «l'Algérie française». Comment définir son dernier livre ? Bien que son titre Pour en finir avec la repentance coloniale indique nettement que l'auteur n'est pas neutre, ce n'est en rien un pamphlet. On pourrait plutôt l'apparenter à une mise au point, extraordinairement vivante et précise. En 230 pages, aussi passionnées qu'étayées par des faits indiscutables, Daniel Lefeuvre met à mal les «informations» qu'au nom d'une soi-disant vérité historique et dans le souci supposé de dévoiler notre passé «honteux», certains chantres de l'anticolonialisme répandent aujourd'hui avec la complaisance de bien des médias. Ceux-là même qui n'osent les contredire, par ignorance ou par crainte d'apparaître comme les défenseurs des crimes français. L'exaspération ressentie par Daniel Lefeuvre devant l'imputation à la France de tous les péchés ne le conduit par pour autant à la moindre complaisance envers notre pays. S'il lui paraît incontestable que l'armée française, même dans ses pires excès envers les Algériens, n'est pas mue par le racisme, c'est tout simplement qu'elle a eu des comportements tout aussi scandaleux dans des conflits européens, que ce soit au Palatinat, en Espagne, ou même dans son propre pays lors de la guerre de Vendée.

Que la France ait commis des atrocités en Algérie, c'est certain - ne s'est-on pas indigné à la Chambre dessaint_arnaud pairs en 1845 contre l'effroyable enfumade des grottes de Kabylie, qui se solda par plus de cinq cents victimes ? Mais voir dans ces horreurs une sorte de préfiguration des crimes nazis, établir une filiation entre la conquête de l'Algérie et la Shoah, constitue «un parallèle ignominieux, qui ne repose sur un aucun fondement...». L'objectif de la conquête n'était pas l'anéantissement des populations, mais leur domination, vérité «qu'il faut répéter inlassablement tant la confusion est entretenue». À juste titre, l'auteur souligne les conséquences perverses que peuvent avoir sur l'esprit public les déformations historiques assenées comme la révélation d'une vérité cachée : «Il y a quelque chose de profondément malsain, dans cet acharnement à faire de la conquête coloniale un laboratoire du nazisme, contre toute vérité historique. Il y a aussi quelque chose de dangereux, pour les fondements mêmes de la République, à poser ainsi les bases artificielles d'une guerre des mémoires...»

Chacun des chapitres apporte un éclairage, souvent nouveau, toujours scientifique et difficilement contestable, sur des sujets d'actualité. Par exemple, les rapports de la France avec l'immigration, ou l'islamophobie, dont l'auteur note qu'elle n'est en rien une survivance d'une culture coloniale plutôt islamophile : «Sa construction est récente. Elle est d'abord le produit de l'ignorance. Elle est, surtout, une réaction de crainte - pas totalement injustifiée au demeurant - alimentée par la violence des fondamentalistes et autres talibans et jihadistes.» Une lecture indispensable pour tous ceux que l'histoire de notre pays intéresse.

Georgette Elgey

 

* illustration : Saint-Arnaud. Au XIXe siècle, les militaires furent les premiers à revendiquer les horreurs de la guerre qu'ils menaient en Algérie. Faire croire aujourd'hui que cette histoire a été occultée, c'est de l'ignorance... ou de la manipulation.

 


source :
Historia    

 

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6 novembre 2006

journée d'études "les administrations coloniales" (Samya El Mechat)


journée d'études

"les administrations coloniales"

Samya EL MECHAT



Institut d’Histoire du Temps présent
Groupe de recherche : « Les administrations coloniales»

Le 6 novembre 2006

Cher(e) Collègue,

Dans le cadre du groupe de recherche «Les administrations coloniales», l’Institut d’Histoire du Temps présent organise le 3o mars 2007 une journée d’études sur le thème des administrations coloniales.

Vous trouverez ci-joint une présentation du projet de recherche ainsi que les axes d’études qui ont été retenus pour cette journée.

Si ce sujet vous intéresse, nous vous prions de bien vouloir nous envoyer avant le 20 novembre 2006, une proposition de contribution sous la forme d’un titre et d’un bref résumé.   

Nous vous remercions de votre collaboration et vous adressons nos cordiales salutations.

Samya El MECHAT
Anne-Marie PATHE
Malika RAHAL

s.mechat@wanadoo.fr
anne-marie.pathe@ihtp.cnrs.fr
rahal@ihtp.cnrs.fr

Les administrations coloniales


Objectifs du groupe

Le groupe réunira un certain nombre d’enseignants-chercheurs, de chercheurs, de chercheurs associés et de doctorants qui souhaitent travailler ensemble sur un thème en histoire coloniale à l’époque contemporaine, le thème choisi se limitant au Maghreb et à la Méditerranée orientale. Les échanges au sein du groupe permettront d’améliorer les résultats du travail de recherche individuel en créant un cadre propice à la comparaison et à la confrontation sereine des différentes approches.

Le choix du thème - les administrations coloniales - est né des premières discussions entre les initiateurs de cette démarche. Celle-ci est largement ouverte à d’autres collaborations scientifiques de chercheurs désireux de mettre en commun leurs travaux.

L’approche historique constituera l’instrument privilégié pour comprendre et développer la problématique retenue. Mais la réflexion s’appuiera sur l’apport d’autres disciplines comme la sociologie, le droit, la science politique, etc.


Présentation du projet de recherche

Historiens du droit, juristes, sociologues, philosophes et anthropologues ont pensé et repensé le concept de l’Etat. Les uns et les autres ont explicitement construit des théories de l’Etat, défini la notion même d’Etat et la signification que le concept peut revêtir en fonction des contextes, des champs théoriques, voire des idéologies.

C’est sans doute la relative absence de travaux historiques qui nous conduisent à vouloir aborder l’administration coloniale et ses pratiques avec les outils de l’historien. Sans exclure les apports des autres disciplines dont la contribution aide à poser la problématique d’ensemble, l’approche qui est proposée laisse de côté la vision théorique et abstraite de l’Etat pour s’attacher à l’étude de l’administration coloniale.

Dans le champ de réflexion qui est le nôtre, nous retiendrons surtout que l’Etat n’est pas seulement une entité abstraite, mais qu’il fonctionne aussi comme un lieu de pouvoir et de commandement, tant stratégique qu’opérationnel. Cette ambivalence est fondamentale. Un Etat ne peut exister véritablement sans l’intervention d’un élément central dans l’affirmation de la puissance étatique : l’administration, ensemble complexe, ordonné autour d’un principe d’efficience, s’étendant à tous les domaines de la vie collective et de celle des individus. L’administration est au cœur de l’Etat, c’est elle qui assoit son pouvoir et lui fournit en temps de paix les moyens de sa puissance, comparable à celle que l’armée lui assure en période de guerre ou de tension. Selon l’expression de Jacques Ellul, elle donne à l’Etat « une ubiquité impressionnante ». Au sens complet du terme, il n’y a d’Etat que lorsque le système d’encadrement de la nation, d’organisation et de coordination des grandes fonctions de l’Etat est assuré par un corps ordonné et obéissant aux ordres de l’Etat. 

Cependant cette vision de l’administration omnipotente et centralisée correspond sans doute davantage à un idéal-type qu’à une formation sociale observable. En effet, l’étude des pratiques administratives montre que, si cette forme d’organisation est bien repérable, à l’époque contemporaine, la construction administrative reste un processus singulièrement lent, dont le développement est rarement linéaire. Certes l’administration transmet et fait exécuter les ordres de l’Etat, mais elle sait aussi les adapter aux nécessités des populations concernées, voire parfois prendre quelque liberté avec les orientations et les directives données pour suivre des objectifs qu’elle-même se donne. Au-delà des limites humaines et structurelles, les administrations doivent compter avec des comportements culturels et des inclinations sociales et politiques solidement ancrés dans les sociétés qu’elles ont pour mission d’encadrer. Ces limites sont une dimension importante pour la compréhension de l’action de l’administration.
   
Pour approfondir la réflexion, notre démarche combinera, dans une perspective comparée, des travaux portant sur le rôle de l’administration dans les processus constitutifs de l’hégémonie impériale (France, Angleterre, Espagne, Italie). Elle fera place à l’étude de divergences, voire d’oppositions dans les conceptions et les pratiques administratives mises en œuvre par les puissances coloniales.

Une analyse comparative des structures et des pratiques administratives des puissances coloniales européennes permettra d’aborder la nature des liens entre les métropoles et les territoires qui leur sont rattachés. Les pratiques britanniques tenues pour «libérales» s’opposent-elles vraiment au «tout-Etat colonial» français ?

L’étude de l’administration coloniale française est particulièrement significative, car elle repose sur une illusion, une fiction. Hors de ses frontières, la France répète l’expérience intérieure par la diffusion des mêmes principes d’organisation, et elle impose partout le même moule français (Pierre Legendre). L’objectif est en effet de souder fortement à la métropole les territoires situés hors des frontières nationales, et d’en faire des éléments d’un même ensemble.

Cette volonté d’instaurer la suprématie de la métropole fait surgir une situation paradoxale et conflictuelle qui, au total, dessert l’entreprise de domination plus qu’elle ne vient la servir. La réflexion de Chailley-Bert, député de 1906 à 1914, patron de l’Union coloniale et rapporteur du budget des Colonies, «c’est une chose très singulière que nos colonies, qui ont tant de rouages administratifs, manquent d’institutions», illustre parfaitement les contradictions du système. A la différence des structures administratives ou des rouages, dont elles sont largement pourvues, les colonies manquent d’institutions, c’est-à-dire d’instances de «médiation» (Pierre Legendre), de lieux de représentation. Bien évidemment, cette lacune fondamentale n’a rien de fortuit : l’existence d’institutions impliquerait une pluralité d’acteurs, qui est jugée incompatible avec la domination coloniale. La formule de Chailley-Bert amène aussi à s’interroger sur la nature véritable et la capacité de l’administration coloniale à prévenir les risques et à promouvoir l’émergence d’une société égalitaire.

Quatre thèmes sont proposés pour guider la réflexion :

1. La centralisation, pierre angulaire de tout l’édifice administratif. Est-ce la métropole qui fait la loi, gouverne et administre ou s’agit-il plutôt d’un Etat centralisé aux pratiques administratives multiples ?  L’étude des différentes formes de la puissance étatique et les conditions de leur réception au niveau des sociétés colonisées offrent sur ce plan de nouvelles perspectives de réflexion. 

2. L’assimilation et/ou la subordination. Seront abordées la substitution d’un mode de penser à un autre (organisation administrative, justice, régime foncier…), la formation et la prépondérance des élites administratives et des fonctionnaires coloniaux (l’école coloniale), l’intégration des structures locales traditionnelles ou préexistantes et leur conversion en appareils subalternes de contrôle des populations soumises (protectorats tunisien et marocain).

3. L’évocation des dérives et des paradoxes du «tout-Etat colonial» ne permet pas seulement de rendre compte, toujours dans une démarche comparative, de l’entreprise de domination, mais aussi de mettre en perspective les objectifs contradictoires du système colonial. Ce thème traitera notamment du rôle et de l’action des institutions et des structures administratives de la métropole, du statut des personnes, et des législations spécifiques aux territoires sous tutelle.

4. Le rôle de l’administration coloniale dans le transfert des structures de l’Etat moderne (délimitation de frontières, système juridique calqué sur les concepts métropolitains, fonctionnariat). L’apport de l’histoire coloniale comparée à la connaissance générale des formations des «nouveaux Etats» sera privilégié. Dans cette perspective, l’étude des interactions entre pouvoir colonial et organisation politique et administrative des Etats post-coloniaux nous paraît intéressante.


Programme d’activités

Une première journée d’études sera organisée le 30 mars 2007. Deux axes ont été définis pour cette journée :
- L’état de l’historiographie
- Les structures et les acteurs de l’administration coloniale


Une deuxième journée d’études est prévue à l’automne 2007 ainsi que la préparation d’un ouvrage sur les administrations coloniales.

Samya El MECHAT
Professeur des universités-UNSA
Chercheur associé-IHTP


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Le siège de l'administration coloniale
Ensemble architectural construit à la fin du XIXe siècle
par Victor Ballot, premier gouverneur de la colonie du Dahomey,
au coeur du palais pour marquer sa domination sur le royaume fon.
La résidence et le bloc administratif de cet édifice colonial
servent aujourd'hui de cadre d'exposition des bas-reliefs découpés et restaurés.
(source : Musée historique d'Abomey)


 

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3 novembre 2006

Cahiers d'histoire. Revue d'histoire critique n° 99

Diapositive1
photo de droite, le port de Dzaoudzi à l'époque coloniale, Mayotte.
© Archives La Documentation française. Photo Gouverneur Coudert/ R. Legrand.

 

Cahiers d'histoire.

Revue d'histoire critique n° 99

Relectures de l'histoire coloniale




JAHAN

Sommaire

 

* Le mot de la rédaction

 

* Dossier

Introduction

 

Trous de mémoire, silences et relectures apologétiques :
un négationnisme en histoire coloniale ?

Sébastien Jahan (photo ci-contre)

Autour d'un anniversaire : Dien Bien Phu en 2004,
Alain Ruscio

Le rétablissement de l'esclavage en Guadeloupe :
mémoire, histoire et "révisionnisme" 1802-2002,

Frédéric Régent

Le négationnisme colonial, de l'Université à la
littérature de gare,

Francis Arzalier

Guerre coloniale française et génocide rwandais : la
responsabilité, l'implication de l'État français et sa négation,

Catherine Coquio

Colonisation et décolonisation dans les manuels
scolaires de collège en France,

Raphaël Granvaud

* Chantiers

"Années de plomb" : bataille des mémoires sur la
dictature civile-militaire au Brésil (1964-1984),
Benito Bisso Schmidt

Usages coloniaux des représentations raciales, 1880-1930,
Carole Reynaud-Paligot

* Débats

Enjeux actuels et temps coloniaux,
Daniel Hémery

* Livres lus

Pour achat :

Je souhaite recevoir  X exemplaires du numéro 99 des
Cahiers d'histoire. Revue d'histoire critique  au prix
de 12 euros l'exemplaire

Nom
Prénom
Adresse postale
Mail (si souhaitée pour être informé des activités des
Cahiers)
Je règle X euros
A adresser avant le 30 septembre à Claude Saligny
Cahiers d'histoire. Revue d'histoire critique
8, avenue Mathurin Moreau
75167 Paris Cedex 19

 




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2 novembre 2006

Se repentir de la repentance (Jean Dubois, Les Échos)

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Pour en finir avec la repentance coloniale

Se repentir de la repentance

Jean DUBOIS (Les Échos)

 

Les appels à la repentance se multiplient aujourd'hui au point que l'on finit par ne plus savoir à quoi ils riment. On vient ainsi de demander à la SNCF de se repentir d'avoir laissé rouler les trains qui, lors de la dernière guerre, emportaient les résistants vers les camps de concentration. Il faudra bientôt que tous les parents dont les enfants n'auront pas réussi dans la vie fassent acte de repentance pour ne pas leur avoir donné l'éducation adéquate. On comprend qu'un Pascal Bruckner ou un Daniel Lefeuvre puissent être exaspérés par cette tyrannie de la pénitence», mais cela justifie-t-il, pour autant, qu'il faille se repentir de la repentance ?

En prenant pour cible les militants de la repentance coloniale, l'historien Daniel Lefeuvre avait beau jeu de montrer à quel point ceux-ci, pour nourrir nos sentiments de culpabilité, ont pu travestir sans scrupules l'histoire de la colonisation. Accumulant chiffres, documents et témoignages, il s'attaque à quelques idées reçues. Non, les conquérants de l'Algérie n'ont pas commis de génocide et n'ont jamais cherché à exterminer la population indigène. Non, la métropole ne s'est pas honteusement enrichie en exploitant les colonies jusqu'à les rendre exsangues. Elle n'a pas davantage réussi sa reconstruction après-guerre grâce à l'apport d'une main-d'oeuvre qu'elle serait allée chercher en Afrique pour la rejeter ensuite. Sur tous ces points, l'historien constitue des dossiers suffisamment solides pour nous convaincre. Mais, aussi utile qu'il soit d'avoir corrigé les exagérations et restitué la complexité de l'histoire, cela permet-il d'«en finir avec la repentance coloniale» et d'absoudre définitivement les colonisateurs ?

Masochisme permanent
La visée de Pascal Bruckner est beaucoup plus radicale. Il s'intéresse moins à rétablir la vérité historique qu'à analyser et dénoncer ce qu'il considère comme une déviation majeure de l'Occident : un masochisme permanent qui l'amène à se vouloir coupable de tous les malheurs du monde. Avec une verve cruelle, il nous livre un tableau impitoyable de l'Occidental torturé par le remords des atrocités commises par ses pères ou par lui-même. Il nous le montre comme impuissant à condamner les fanatiques qui ne feraient que retourner contre lui les armes qu'il a été le premier à utiliser, paralysé par sa mauvaise conscience pour réprimer des comportements qu'il pense avoir lui-même provoqués par les humiliations infligées aux autres, etc. Le résultat dramatique de cette auto-flagellation est que les Occidentaux en viennent à renoncer à toute action qui ne pourrait être que la réplique de leurs crimes antérieurs. «La pénitence est en définitive un choix politique : celui de l'abdication.» Seule l'Amérique trouve grâce à ses yeux dans la mesure où, ne se laissant pas entamer par le doute, elle continue à avoir foi dans sa mission universelle et ne craint pas d'affronter les ambiguités de l'action : «L'Amérique est un projet, l'Europe est un chagrin.»

Même si les critiques de Pascal Bruckner tombent souvent juste, on ne peut manquer de trouver excessive - et même, à son tour, masochiste - sa peinture d'une Europe vautrée dans l'autodénigrement. Reste qu'il oblige le lecteur à affronter une question difficile : jusqu'où être fidèle au devoir de mémoire ? La crainte de l'auteur est que se complaire dans la mémoire du passé ne soit qu'«une macération narcissique» et que «déterrer tous les cadavres, c'est déterrer toutes les haines». Il préférerait que l'on s'inspire de la formule de Renan : «Celui qui doit faire l'histoire doit oublier l'histoire.» Cela ne l'empêche pourtant pas de reconnaître que le génie propre de l'Europe est cette capacité d'autoréflexion qui lui permet de « n'être pas dupe de ses zones d'ombre » et de percevoir «la fragilité des barrières qui la séparent de ses propres ignominies». Pratiquer devoir de mémoire et repentance, c'est finalement rappeler au monde qu'«aucun peuple ne peut échapper au devoir de penser contre soi».

Jean Dubois, Les Échos, 2 novembre 2006

 

"Quand j'ai pénétré dans ce pays nos couleurs étaient connues. On savait qu'elles étaient celles de la liberté. Les premiers habitants de Franceville ont été des esclaves libérés. La question de l'esclavage est une question complexe… Au début j'ai dû acheter des hommes à prix d'argent et fort cher, selon le cours, trois ou quatre cents francs. Je leur disais quand ils étaient à moi, bûche aux pieds et fourche au cou : "Toi, de quel pays es-tu? -Je suis de l'intérieur.- Veux-tu rester avec moi ou retourner dans ton pays?" Je leur faisais toucher le drapeau français que j'avais hissé. Je leur disais : "Va ; maintenant tu es libre." … L'Afrique rend la guerre à qui sème la guerre ; mais comme tous les autres pays, elle rend la paix à qui sème la paix. Ma réputation allait devant moi, m'ouvrant les routes et les cœurs. On me donnait, à mon insu, le beau nom de Père des Esclaves." (Brazza) - source

 

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  • Ce site édite une revue en ligne qui encourage les savoirs et les recherches consacrées à l’histoire coloniale et post-coloniale, à l'histoire des constructions mémorielles et des immigrations d’origines coloniales
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